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MODIFICATION EN ESPAGNE DES JUGEMENTS RENDUS AU MAROC EN MATIÈRE D’ALIMENTS
Paix et Sécurité Internationales – Journal of International Law and International Relations, n° 4, 2016
Universidad de Cádiz

Dossier: Droit International Privé: Droit de Famille au Maroc

Paix et Sécurité Internationales – Journal of International Law and International Relations
Universidad de Cádiz, España
ISSN-e: 2341-0868
Périodicité: Anual
n° 4, 2016

Résumé: Les demandes de modification des décisions de justice marocaines en matière d’aliments présentées auprès des autorités judiciaires espagnoles par des ressortissants du Maroc résidant en Espagne ou à l´étranger posent une série de problèmes de Droit international privé (compétence judiciaire internationale, loi applicable, reconnaissance et exécution des décisions et coopération entre les autorités centrales) auxquels il est nécessaire d´apporter une solution adéquate.

Mots clés: Décisions en matière d´aliments, modification, compétence, loi applicable, reconnaissance et exécution, coopération des autorités, relations hispano-marocaines.

Resumen: Las demandas de modificación de resoluciones marroquíes sobre alimentos planteadas ante las autoridades judiciales españolas por parte de ciudadanos de aquel país residentes en España o en el extranjero suscitan un conjunto de problemas de Derecho internacional privado (competencia 1 Maître de Conférences (Profesor Titular) de Droit International Privé à l’Université de Grenade, Espagne. Cet article est partie intégrante du projet de recherche d’excellence de la Junta de Andalucía SEJ-4738 intitulé Análisis transversal de la integración de mujeres y menores extranjeros nacionales de terceros Estados en la sociedad andaluza. Problemas en el ámbito familiar (Analyse transversale de l’intégration des femmes et des mineurs, ressortissants d’Etats tiers, dans la société andalouse. Problèmes dans le domaine familial). Directrice: Mercedes Moya Escudero, Professeur de droit international privé à l’Université de Grenade, Espagne. Traduction: Naima Nilhami, spécialiste en traduction juridique. Paix et Securité Internationales ISSN 2341-0868, Num. 4, janvier-décembre 2016, pp. 231-281 DOI: http://dx.doi.org/10.25267/Paix_secur_ int.2016.i4.10 231 judicial internacional, ley aplicable, reconocimiento y ejecución de decisiones y cooperación de autoridades centrales) a los que es preciso dar una correcta solución.

Palabras clave: Resoluciones sobre alimentos, modificación, competencia, ley aplicable, reconocimiento y ejecución, cooperación de autoridades, relaciones hispano-marroquíes.

Abstract: The proceedings to modify Moroccan decisions on maintenance obligations brought before the Spanish judicial authorities by citizens of that countryresiding in Spain or abroad raises a set of Private International Law problems of (jurisdiction, applicable law, recognition and enforcement of decisions and cooperation of central authorities) that shouldreceive a correct solution.

Keywords: Decisions on maintenance obligations, modification, jurisdiction, applicable law, recognition and enforcement, cooperation between authorities, Spanish-Moroccan relationships.

I. INTRODUCTION

La grave crise économique que l’Espagne traverse depuis 2008,a obligé un certain nombre d’étrangers vivant en Espagne à rentrer dans leurs pays d’origine, ou à migrer vers des pays tiers à la recherche de nouvelles opportunités. Les immigrants marocains se sont bien évidemment vus affectés par cette réalité. Cependant cette communauté continue à représenter le deuxième groupe le plus important d’étrangers en Espagne, derrière les roumains2.

De nombreux ressortissants marocains qui, à une certaine époque, avaient choisi l’Espagne pour leur projet d’immigration, ont réussi à faire venir leur famille –au sens strict ou élargi– sur le territoire espagnol par le biais du regroupement familial, ce qui a contribué à faire grossir les chiffres de l’immigration marocaine. D’autres immigrés, par contre, ont choisi de poursuivre seuls leur projet migratoire, en laissant les membres de leur famille

au Maroc. Dans ces deux cas de figure, nombre d’entre eux sont débiteurs ou créanciers d’une pension alimentaire en vertu d’un jugement rendu par un tribunal marocain. Cette décision judiciaire peut être antérieure ou postérieure à leur arrivée en Espagne. Il est effet assez courant que les citoyens marocains, résidant sur le territoire espagnol, profitent de leurs visites estivales au pays d´origine pour résoudre auprès des autorités marocaines leurs litiges en matière de famille. De telles décisions judiciaires exigent souvent une modification soit pour s’adapter à l’augmentation des besoins du créancier, soit pour faire face à la baisse des revenus du débiteur. Cette dernière est sans doute plus fréquente dernièrement en raison de la crise économique dans laquelle l’Espagne se trouve enlisée depuis plusieurs années. Par conséquent, il existe de plus en plus de cas dans lesquels des citoyens marocains (soit en qualité de débiteurs ou de créanciers d’aliments suite à un jugement marocain) finissent par saisir les autorités judiciaires espagnoles. Ils y recourent (concrètement lorsqu´ils sont débiteurs) afin d’obtenir l‘extinction de l’obligation d’aliments sur laquelle les autorités judiciaires marocaines avaient statué auparavant par décision judiciaire.

Notre principal objectif dans cet article est précisément d’analyser

la réglementation en droit international privé permettant aux autorités espagnoles de modifier les jugements rendus par les autorités judiciaires marocaines en matière d’aliments, ainsi que les moyens de reconnaissance de ces décisions par les autorités espagnoles, en dehors de leur territoire. Nous commencerons par présenter une brève approche de la règlementation marocaine en matière d’aliments, tout en la comparant à la législation espagnole en la matière. Cette approche nous permettra de connaître quelles sont les éventuels jugements marocains rendus en la matière dont la modification peut être demandée auprès des autorités judiciaires espagnoles. Nous pourrons ainsi identifier les éventuelles difficultés que les différences existant entre les deux systèmes juridiques peuvent susciter, dans le contexte de la modification, par les autorités espagnoles, des décisions provenant du Maroc. Par la suite, nous examinerons les critères de compétence internationale sur lesquels les juridictions espagnoles peuvent se baser pour connaitre les actions en modification dont elles sont saisies. Puis, nous identifierons quelles sont les conditions préalables pour que les autorités espagnoles compétentes puissent procéder à la modification. Il faudra donc prendre en compte, d’une

part, la modificabilité du jugement et les conditions de modifications, et d’autre part, la reconnaissance du jugement marocain dont la modification est sollicitée, tout en abordant également la question de la loi applicable à la modification. Nous continuerons notre étude par l’analyse de tout ce qui concerne la reconnaissance à l’étranger du jugement espagnol modificateur, reconnaissance qui sera essentielle aussi bien dans les cas où son exécution matérielle sera prétendue hors des frontières espagnoles, que dans ceux où décision espagnole entrée en force sera invoquée à l’étranger dans le but de paralyser les éventuelles procédures d’exécution du jugement marocain modifié. Ces deux derniers points, à savoir la modification en Espagne du jugement marocain et la reconnaissance à l’étranger de la décision espagnole ayant modifié le premier jugement, seront sans aucun doute facilités par le recours aux mécanismes de coopération internationale existant en la matière, mécanismes auxquels nous porterons une attention particulière. Nous achèverons ce chapitre finalement par une brève analyse de l’incidence que sur l’objet de notre étude pourrait avoir, après l´entrée en vigueur pour l´Espagne de la Convention de la Haye du 23 novembre 2007 en matière de recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille, une éventuelle ratification de ce dernier instrument par le Royaume du Maroc.

Dans tous les cas, et avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous semble

opportun de préciser deux choses. En premier lieu, il faut signaler que nous allons utiliser improprement le terme «modification de jugements», puisqu’il n’existe, ni en Espagne, ni dans la plupart des pays environnants action permettant la modification des jugements3. Lorsque, dans le cas d’un changement substantiel des circonstances, le créancier ou le débiteur d’une pension alimentaire fixée par un jugement rendu auparavant par un tribunal marocain, saisit la justice espagnole dans le but de modifier ledit prononcé, ce qu’il envisage en réalité c’est d’intenter une nouvelle action d’aliments, avec un nouvel objectif. Ceci est dû à la limitation temporelle que présente la chose jugée dans le prononcé d’aliments en tant que condamnation de futur. Par conséquent, la modification qu’une autorité judiciaire espagnole peut accorder à un jugement en matière d’aliments dicté par un tribunal marocain, ne constitue en aucun cas une atteinte à la souveraineté juridictionnelle de ce

pays. Il ne devrait donc pas y avoir non plus d’empêchement -au regard des nouvelles circonstances- pour que la nouvelle décision en matière d’aliments rendue par les autorités espagnoles soit reconnue ultérieurement par les autorités marocaines.

D’autre part, il faut signaler que, même si nous partons d’une conception large de la notion «aliments», dans laquelle seraient incluses les obligations d’aliments entre les membres de la famille, y compris entre les conjoints, tout comme les prestations compensatoires dont le versement est imputé à un conjoint en faveur de l’autre dans les décisions rendues en cas de crises conjugale, le présent travail aborde uniquement la modification des jugements prononcés par les autorités marocaines en matière d’aliments en faveur des membres de la famille (enfants, parents et conjoints). La prestation compensatoire que la loi marocaine reconnaît en faveur de l’épouse dans la plupart des modalités de divorce (Mout’â ou don de consolation), ne sera pas abordée, parce qu’il s‘agit, de plus, d‘une quantité d’argent que l’époux doit verser, initialement, auprès de l’organe judiciaire compétent afin que celui-ci autorise le divorce (Talaq ou divorce sous contrôle judiciaire), ou qu’il prononce un jugement de divorce (Tatliq ou divorce judiciaire). Ladite prestation devant être réglée entièrement en une seule fois, sans possibilité d’échelonnement. Il ne sera donc pas possible de parler, à la différence du cas des prononcés d’aliments accordées aux membres de la famille -dont le versement est au contraire susceptible d’être échelonné- d’une modification desdites prestations suite à un changement substantiel de circonstances.

Finalement, en tant qu’étape également préalable à notre étude, il nous

parait nécessaire d’identifier les différents scénarios auxquels l’autorité espagnole peut être confrontée lorsque son intervention est requise pour modifier un jugement dicté par les autorités marocaines en matière d’aliments. Ces scénarios varient fondamentalement en fonction de deux variables: d’un côté, le lieu de résidence du créancier et du débiteur, et de l’autre, le statut du demandeur (à savoir s’il c’est le créancier ou le débiteur qui va réclamer la modification correspondante aux autorités espagnoles). Ces distinctions s’avèrent fondamentales, puisque en fonction du cas d’espèce, il sera possible ou non de réclamer la compétence judiciaire internationale des organes juridictionnels espagnols pour connaitre de l’action de modification engagée, changeant ainsi la loi que les autorités espagnoles, si elles s’avèrent compétentes,

devront appliquer. La distinction entre ces situations est également utile pour l’analyse de deux autres points: la reconnaissance à l’étranger des décisions judiciaires espagnoles en modification, et la possibilité d’avoir recours aux mécanismes de coopération internationale des autorités existants pour faciliter aussi bien la modification en Espagne des prononcés marocains en matière d’aliments, que l’utilisation ultérieure du jugement modificateur espagnol en dehors des frontières de ce pays.

Plus précisément, en tenant compte des variantes susmentionnées, nous allons pouvoir distinguer jusqu’à dix scénarios ou situations différentes, à savoir:

Situation nº 1: le créancier a sa résidence au Maroc et le débiteur en Espagne; le créancier saisit les autorités espagnoles en vue de la modification du jugement marocain.

Situation nº 2: le créancier a sa résidence au Maroc et le débiteur en Espagne; le débiteur saisit les autorités espagnoles en vue de la modification du jugement marocain.

Situation nº 3: le débiteur a sa résidence au Maroc et le créancier en Espagne; le créancier saisit les autorités espagnoles en vue de la modification du jugement marocain.

Situation nº 4: le débiteur a sa résidence au Maroc et le créancier en Espagne; le débiteur saisit les autorités espagnoles en vue de la modification du jugement marocain.

Situation nº 5: le créancier ainsi que le débiteur ont leur résidence en Espagne; le créancier saisit les autorités espagnoles en vue de la modification du jugement marocain.

Situation nº 6: le créancier ainsi que le débiteur ont leurs résidences en Espagne; le débiteur saisit les autorités espagnoles en vue de la modification du jugement marocain.

Situation nº 7: le débiteur a sa résidence en Espagne alors que le créancier a sa résidence dans un pays tiers; le créancier saisit les autorités espagnoles en vue de la modification du jugement marocain.

Situation nº 8: le débiteur a sa résidence en Espagne alors que le créancier a sa résidence dans un pays tiers; le débiteur saisit les autorités espagnoles en vue de la modification du jugement marocain.

Situation nº 9: le créancier a sa résidence en Espagne alors que le débiteur a sa résidence dans un pays tiers; le créancier saisit les autorités espagnoles en vue de la modification du jugement marocain.

Situation nº 10: le créancier a sa résidence en Espagne alors que le débiteur a sa résidence dans un pays tiers; le débiteur saisit les autorités espagnoles en vue de la modification du jugement marocain.

Aussi faut-il garder à l’esprit que la décision judicaire marocaine dont la modification est sollicitée en Espagne peut être, soit une décision se référant exclusivement à une question d’aliments, soit à un jugement de divorce ou de séparation des époux (principalement divorce) qui contient un prononcé sur une obligation d‘aliments.

II. APPROCHE DE LA RÈGLEMENTATION MAROCAINE EN MATIÈRE D’ALIMENTS

Si nous partons de la constatation d’une réalité, à savoir que l’application de la part des autorités judicaires marocaines du droit de leur pays, dans tous les cas où leur intervention est requise pour statuer sur une réclamation d’aliments

-qu’elle soit interne ou internationale- et qui se base sur ce qui est stipulé à l’art. 2 du Code de la famille marocain de 2004 ou nouvelle Moudawana (dorénavant, CFM)4, il est indispensable de revoir brièvement la réglementation sur les aliments qu’offre ledit système juridique, et concrètement le CFM5. L’étude de ces règles nous permettra de comprendre la teneur des jugements marocains en lamatière, que les autorités espagnoles seront amenés à modifier, ainsi que d’identifier les dispositions du droit marocain pouvant susciter certaines

difficultés dans le contexte de la modification par les autorités espagnoles, des décisions provenant du Maroc.

Dans le CFM, le Titre III du Livre III est la source première consacrée à la règlementation des aliments (Nafaqa) (arts. 187-205), quoiqu’il existe également une disposition isolée en la matière dans une autre partie du Code (concrètement dans son art. 84, où une allusion est faite aux aliments dus à l’épouse durant l’Idda ou la période de continence légale).

Pour commencer, nous devons définir ce que l’on entend par «aliments» en droit marocain et en droit espagnol, car ce terme n’a pas le même champ d’application dans ces deux pays6. Conformément aux dispositions du 1er paragraphe de l’art. 189 CFM, ce terme comprend l’alimentation, l’habillement, les soins médicaux, l’instruction des enfants, et tout ce qui est habituellement considéré comme indispensable. Les frais se rapportant au logement ne sont cependant pas inclus, ceux-ci devront impérativement être versés à part (arts. 84 et 168 CFM). En droit espagnol, par contre, le terme «aliments» inclut les frais de logement ainsi que, le cas échéant, ceux de la grossesse et de l’accouchement (art. 142 Code civil espagnol –dorénavant CC–).

Selon les termes du CFM, le droit aux aliments est un droit reconnu pour l’épouse (arts. 194 s.), les enfants (arts. 198 s.), et les parents (arts. 203 s.), mais pas pour les frères et sœurs, contrairement à ce qui est prévu par le droit espagnol (art. 143 CC). Soulignons cependant que cette dernière différence ne devrait pas poser de problème en principe. Toutefois, il nous faut mettre l’accent sur deux aspects essentiels concernant le droit aux aliments reconnu aux enfants dans le CFM: en premier lieu, la reconnaissance de ce droit (imposé au père, comme nous le verrons) se limite exclusivement aux enfants légitimes, les enfants illégitimes étant exclus de ce droit (art. 148 CFM)7. Cette limitationqui, outre le fait qu’elle est inconnue du droit espagnol –ne fait aucune différence entre les enfants quant à leur droit aux aliments–, se

heurte de manière flagrante à l’un des principes essentiels du système juridique espagnol, à savoir le principe de non-discrimination à raison de la naissance (art. 14 Constitution espagnole -dorénavant, Cst.ES-). D’autre part, il ne faut pas oublier que le droit aux aliments que le CFM reconnait aux enfants est maintenu, pour les garçons, jusqu’à leur majorité, ou jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge de 25 ans pour ceux qui poursuivent leurs études. Pour les filles, en revanche, le CFM prévoit qu’elles y ont droit jusqu’à ce qu’elles disposent de ressources propres pour s’assumer, ou qu’elles se marient (l’entretien est alors un devoir de l’époux). Dans tous les cas, ledit droit se maintient de manière illimitée quand il s’agit d’enfants handicapés ou incapables de se procurer des ressources. Nous observons dans ce cas une importantediscrimination entre l’homme et la femme en droit marocain. Cette discrimination va ouvertement à l’encontre de l’un des principes fondamentaux du système juridique espagnol, à savoir celui de non-discrimination à raison du sexe (art. 14 Cst.ES). C´est également contre ce principe que se heurte le CFM quand il reconnaît le droit à l’entretien seulement à l’épouse et non pas à l’époux.

Le principe de non-discrimination à raison du sexe est également violé en droit marocain en ce qui concerne les personnes obligées de fournir les aliments, car c’est à l’époux et au père que le CFM impose, dans tous les cas, le paiement des aliments à l’épouse et aux enfants (arts. 194 et 198)8. Le principe mentionné sera respecté uniquement quand il s’agit des aliments des parents, puisque leur paiement est imposé pour tous enfants, indépendamment de leur sexe (art. 203).

Finalement, la règle que le CFM prévoit en cas de pluralité de créanciers présente aussi une discrimination flagrante à raison du sexe. Le CFM établit en effet dans son art. 193 que dans les cas où le débiteur ne dispose pas de moyens suffisants pour s’acquitter de son obligation, il devra fournir des aliments selon un ordre de priorité: à l’épouse en premier lieu; puis aux enfants indépendamment de leur sexe quand ils sont mineurs; puis aux filles majeures; puis aux fils; viennent ensuite la mère et, enfin, le père. Cette différence de traitement à raison du sexe n’existe pas dans la règlementation

espagnole (arts. 144 et 145 CC) dans des situations identiques ou en cas de pluralité de débiteurs.

Une fois constatée l’existence de dispositions qui portant clairement atteinte à certains principes essentiels du système juridique espagnol en ce qui concerne la règlementation en matière de créanciers et débiteurs des aliments dans le droit marocain, nous pouvons en déduire que l’intervention de l’ordre public international espagnol s’avère indispensable face à de telles dispositions. Le respect de cet ordre public international conduira les autorités espagnoles, soit à exclure l’application du droit marocain en cas de conflits concernant une pension alimentaire, lorsque celui-ci porte atteinte à l’ordre public, soit à refuser la reconnaissance en Espagne d’une décision marocaine comportant une solution impliquant une discrimination à raison de la naissance ou du sexe.

En ce qui concerne le montant de la pension alimentaire, les critères fixés conformément à l’art. 189 CFM sont assez similaires à ceux prévus par le droit espagnol (art. 146 CC). Plus précisément, le 2d paragraphe de l’art. 189 CFM fait référence aux revenus du débiteur, à la situation du créancier, au coût de la vie, et aux us et coutumes dans le milieu social où vit le créancier, critères auxquels, en cas de divorce -et en ce qui concerne les enfants-, il faut ajouter, conformément à l’art. 85 CFM -auquel fait référence l’art. 90-, la situation scolaire des enfants avant la dissolution du mariage. Toutefois, nous ne devons pas perdre de vue ce qui est prévu à l’art. 188 CFM. D’après ledit précepte, nul n’est obligé de subvenir aux besoins d’autrui que dans la mesure où il peut subvenir à ses propres besoins, Cela signifie que jusqu’à preuve du contraire, une personne ne sera soumise à une obligation d’entretien que si elle est solvable. Puisqu’aucune réserve n’est faite à ce sujet dans le cadre légal, rien n’empêche que cette règlementation puisse être appliquée également lorsqu’il s’agit d’enfants mineurs. Un père de famille pourra donc être exempté de verser des aliments à ses enfants mineurs si sa situation économique ne le lui permet pas. Toutefois, cette possibilité est rejetée d’emblée par le système juridique espagnol qui, conformément au mandat constitutionnel de l’art. 39.3 Cst.ES, impose aux parents (mère et père) l’obligation de fournir assistance en tout genre à leurs enfants mineurs, et les contraint à entretenir ces derniers, quelle que soit leur situation économique. La situation financière

des parents est uniquement prise en considération pour le cas des enfants majeurs et autres proches ayant droit aux aliments.

En dernier lieu, nous devons traiter de l’exigibilité des aliments, et notamment de la possibilité de réclamer leur versement rétroactivement. À ce sujet, le droit marocain établit un régime différent selon que les aliments sont dus à l’épouse ou aux enfants (arts. 195 et 200 CFM), ou encore lorsqu’il s’agit d’aliments pour les parents (art. 204 CFM). Ainsi, pour les épouses ou les enfants, la Moudawana prévoit que les aliments, une fois fixés par un jugement, devront être payés à partir du moment où l’époux, ou le père a cessé de pourvoir à l’obligation d’entretien qui lui incombe envers sa famille. Pour les parents, en revanche, les aliments devront être payés à partir de la date de l’introduction de la demande en justice. Nous apprécions donc une différence importante par rapport au droit espagnol dans lequel, bien qu’il soit établi que les aliments soient exigibles depuis le moment où l’obligation de les fournir est créée indépendamment du statut du créancier, leur paiement est dû à partir du moment où l’action est introduite en justice (art. 144 CC). Toutefois, malgré les différences observées sur ce point entre les deux systèmes juridiques, celles-ci ne font en aucun cas obstacle à l’application par les autorités espagnoles -quand cela est exigé par la réglementation de droit international privé- de ce qui est établi en droit marocain. Il n’y a pas non plus de difficultés à ce qu’une décision judicaire marocaine prononcée selon les termes prévus par le droit marocain produise tous ses effets en Espagne.

III. COMPÉTENCE DES TRIBUNAUX ESPAGNOLS POUR MODIFIER LES DÉCISIONS JUDICIAIRES MAROCAINES RENDUES EN MATIÈRE D’ALIMENTS

La réglementation espagnole concernant la compétence judiciaire internationale en matière d’aliments, applicable pour fonder la compétence des tribunaux espagnols visant à connaître des actions en modification de jugements étrangers en matière d’aliments, est contenue dans le chapitre II du Règlement (CE) nº 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et à la coopération en matière d’obligations alimentaires9, connue aussi sous le nom de Règlement de Bruxelles III (ci-après dénommé RB-III).

Conformément aux dispositions de l’art. 3 dudit Règlement, les tribunaux espagnols sont compétents pour statuer sur les demandes en matière d’aliments quand apparaît en Espagne l´une des circonstances suivantes: a) le défendeur y a sa résidence habituelle; b) la résidence habituelle du créancier d’aliments s’y trouve; c) la demande des aliments est accessoire à une action concernant l’état des personnes, les tribunaux espagnols étant compétents pour traiter d’affaires relatives à l’état civil d’une personne ou d) la demande des aliments est accessoire à une action relative à la responsabilité parentale, les tribunaux espagnols étant compétents pour connaître des actions en matière de responsabilité parentale. Toutefois, des quatre critères mentionnés, seuls les deux premiers pourront servir de base pour que les tribunaux puissent traiter d’une éventuelle demande en modification d’un jugement étranger en matière de pension alimentaire, qu’il s’agisse d’un jugement portant exclusivement sur une affaire d’aliments ou portant sur l’état civil, ou surresponsabilité parentale, lorsque ces décisions contiennent également une partie sur les aliments.

Il peut aussi arriver que la juridiction espagnole soit compétente sur la base d’un éventuel accord entre le créancier et le débiteur d’aliments. Cette possibilité trouve sa source à l’art. 4 RB-III.

À la lumière de cette disposition, l’accord désignant expressément la compétence des tribunaux espagnols doit nécessairement être effectué en la forme écrite -sans oublier que toute transmission par voie électronique permettant de consigner durablement la convention sera considérée comme respectant cette exigence-et peut être conclu à tout moment avant l’introduction de la demande, ou au moment même de l’introduction de celle- ci.

En outre, les parties peuvent décider de la compétence exclusive des

tribunaux espagnols qui connaissent d’une demande d’aliments dans la mesure où l’une des conditions suivantes a lieu en Espagne: a) l’une des parties litigantes y a sa résidence habituelle (créancier ou débiteur); b) l’une des parties au litige possède la nationalité espagnole. Par ailleurs, les parties pourront également saisir les tribunaux espagnols, dans des cas particuliers de demandes d’aliments entre époux tout comme entre ex-époux, si les tribunaux espagnols sont compétents pour connaitre des différends en matière matrimoniale, ou si l’Espagne a été le pays de la dernière résidence habituelle commune des deux époux pendant au moins un an.

La compétence attribuée aux tribunaux espagnols par convention entre les parties, selon la forme mentionnée aura un caractère exclusif et, par conséquent, dérogera la compétence qu’un autre tribunal étatique pourrait avoir, sauf si les parties en disposent autrement.

Dans tous les cas, il convient de garder à l’esprit que la recevabilité des clauses d’élection de for n’est pas applicable dans les cas où l’obligation alimentaire objet de la demande, concerne un enfant de moins de 18 ans.

Outre la soumission expresse, le RB-III met sur un même pied d’égalité, dans son art. 5, la soumission tacite des parties en matière d’élection de for. Ce critère permettra aux tribunaux espagnols de connaitre d’une demande d’aliments dans tous les cas où, une fois que ladite demande est introduite devant ces tribunaux, le défendeur comparait et conteste.

En plus des critères de compétence exposés ci-dessus, le RB-III en ajoute deux autres qui élargissent la gamme déjà large des situations dans lesquelles les autorités judiciaires espagnoles pourront connaitre des demandes portant sur les obligations alimentaires. Cependant, nous ne devons pas oublier qu’il s’agit de critères résiduels, puisqu’ils permettent aux autorités espagnoles de connaitre des litiges uniquement lorsqu’aucun des critères antérieurs n’attribuerait la compétence aux tribunaux d’un autre État membre du RB-III, et qu’il n’y ait pas non plus lieu à attribuer cette compétence aux tribunaux d’un autre État membre de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 relative à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires en matière civile et commerciale10 (ci-après dénommée CL), qui n’est pas partie au RB-III11.

Le premier critère permet aux tribunaux espagnols de connaitre d’une réclamation d’aliments dans les cas où le créancier et le débiteur possèdent la nationalité espagnole (art. 6). Le deuxième critère, quant à lui, ne s’applique qu’en l’absence du critère antérieur, et permet donc aux tribunaux espagnols, à titre exceptionnel, de connaître d’un litige en matière d’aliments dans les cas où la procédure d’aliments dont il s’agit ne peut raisonnablement être

introduite, ou s’avère impossible à conduire dans un État tiers avec lequel le litige a un lien étroit, si le litige en question a un lien quelconque avec l’Espagne -forum necessitatis- (art. 7).

Il est nécessaire de souligner que les critères énoncés aux arts. 3 à 7 RB- III ne sont pas seulement appelés à agir en tant que critères de compétence judiciaire internationale, mais aussi en tant que critères de compétence territoriale interne, se substituant ainsi -dans les cas où la réclamation d’aliments introduite devant les tribunaux espagnols aurait un caractère international- aux critères de compétence territoriale prévus aux arts. 769 et 775de la Loi 1/2000, du 7 janvier, de procédure civile12 (dénommée ci-après LPCE).

Centrons-nous à présent sur le sujet de notre travail, à savoir la modification, en Espagne, des jugements marocains en matière d’aliments. Si l’on tient compte de la diversité des situations que nous pouvons rencontrer, nous devons tout d’abord identifier le ou les critères de compétence qui serviront, dans chaque cas d´espèce, de base aux autorités judiciaires espagnoles pour connaître d’une éventuelle demande en modification d’un jugement marocain. Cette analyse nous permettra de déterminer dans quelles situations la compétence des autorités espagnoles n’est pas suffisamment garantie.

Situations nº 1 et 7

La compétence des tribunaux espagnols est assurée par le lieu de la résidence habituelle du défendeur [art. 3 a) RB-III]. En outre, il est possible que les parties (le créancier et le débiteur) aient convenu -sauf dans le cas où le jugement dont la modification est demandée concerne un enfant de moins de 18 ans- en vertu de l’art. 4 RB-III, que ce soit les tribunaux espagnols qui s’occupent de la modification en tant que tribunaux de l’État dans lequel l’une des parties (dans les deux cas, le débiteur) a sa résidence habituelle.

Situations nº 2 et 8

Une fois que la compétence des tribunaux espagnols est rejetée sur la base des deux critères énoncés à l’art. 3 RB-III, puisque ni la résidence habituelle du défendeur, ni celle du créancier de l’obligation ne se trouvent en Espagne, il sera uniquement possible de fonder leur compétence sur un éventuel accord de soumission entre les parties en vertu de l’art. 4 RB-III (soumission possible si la résidence habituelle de l’une des parties au litige –le débiteur–

se trouve en Espagne, quoique seulement dans la mesure où le jugement à modifier ne concerne pas un enfant de moins de 18 ans) ou sur une possible soumission tacite (art. 5 RB-III). Ce n›est qu›exceptionnellement, dans le cas où le créancier et le débiteur auraient acquis la nationalité espagnole, qu’il serait possible de fonder la compétence des tribunaux espagnols, en l›absence des critères exposés ci-dessus, sur le for de la nationalité commune des parties. Le forum necessitatis de l’art. 7 sera inapplicable dans la mesure où les autorités judiciaires marocaines, en vertu des dispositions de l’art. 28 du Code de procédure civile marocain13 (dorénavant, CPCM), seront compétentes pour connaitre d’une éventuelle modification d›une décision rendue par un tribunal marocain.

Situations nº 3 et 9

La compétence des tribunaux espagnols est également assurée dans ce troisième cas à raison du for de la résidence habituelle du créancier des aliments [art. 3 b) RB-III]. De plus, dans ce cas, les parties gardent la possibilité de convenir, en vertu de l’art. 4 RB-III -tant que le jugement en matière d’aliments dont la modification est demandée ne concerne pas des enfants de moins de 18 ans- que les tribunaux espagnols soient compétents pour connaître de ladite modification, ceux-ci étant les tribunaux de l’État où l’une des parties (dans ces deux cas, le créancier) a sa résidence habituelle.

Situations nº 4, 5, 6 et 10

Les tribunaux espagnols sont compétents dans ce cas à la fois à raison du for de la résidence habituelle du défendeur [art. 3 a)], ainsi que du for de la résidence habituelle du créancier d’aliments [art. 3 b)]. Les parties, en vertu de l’art. 4 RB-III, auront également la possibilité de convenir -tant que le jugement en matière d’aliments dont la modification est demandée ne concerne pas des enfants de moins de 18 ans- que les tribunaux espagnols soient compétents pour connaitre ladite modification, ceux-ci étant les tribunaux de l’État où l’une des parties au litige (ou bien le créancier ou le débiteur) a sa résidence habituelle.

La conclusion à tirer de cette analyse est claire: si la réglementation en vigueur en Espagne relative à la compétence judiciaire internationale en matière d’aliments garantit, dans la plupart des cas, la compétence des tribunaux espagnols pour connaitre des demandes en modification des décisions

judiciaires marocaines en la matière, cela pose cependant des problèmes pour fonder la compétence des tribunaux espagnols dans certaines situations: celles où le débiteur saisit les tribunaux espagnols pour solliciter la modification de la décision judiciaire marocaine, quand il a sa résidence habituelle en Espagne et que le créancier réside à l’étranger (soit au Maroc ou dans un pays tiers). Dans de tels cas, comme nous l’avons expliqué antérieurement, aucun des fors prévus à l’art. 3 RB-III (for de la résidence habituelle du défendeur et de la résidence habituelle du créancier), ne pourront être opérationnels. Le RB-III, il est vrai, prévoit également d’autres fors qui pourraient, dans ces cas d’espèce, servir de fondement à la compétence des tribunaux espagnols, tels que la soumission expresse des parties (art. 4) –exclue uniquement dans le cas où le jugement en question se réfèrerait à un enfant de moins de 18 ans– et la soumission tacite (art. 5). Il pourrait arriver de même que, en cas de non concours d’aucun des fors prévus dans les arts. 3-5, aucun tribunal appartenant à un État membre au RB-III ou du CL ne soit désigné compétent. Dans ce cas, si les deux parties au litige possèdent la nationalité espagnole, cela permettra d’invoquer le for subsidiaire de la nationalité commune. Toutefois, que se passerait-il dans les cas où il n’y aurait ni soumission expresse ni soumission tacite en faveur des tribunaux espagnols et qu’il ne soit pas non plus possible d’invoquer le for de la nationalité commune? Le problème, à notre avis, pourrait se résoudre facilement en remplaçant, dans la première catégorie de fors prévus par l’art. 3, le terme «défendeur» par «débiteur», ou bien en changeant, dans la seconde catégorie, le terme «créancier» par

«demandeur». De cette façon, la compétence des tribunaux serait garantie

d’une manière définitive pour connaître des actions de modifications aussi dans ce genre de situations, sans que pour autant celle-ci soit subordonnée à l’existence d’un accord, explicite ou tacite, entre les parties au litige, ou à une plus qu’improbable nationalité commune espagnole des deux parties.

IV. MODIFICABILITÉ ET CONDITIONS DE MODIFICABILITÉ

Une fois que la compétence des autorités espagnoles pour connaitre d’une éventuelle action en modification d’un jugement marocain en matière d’aliments est établie, il faut souligner que ces autorités devront commencer par vérifier deux éléments: d’une part, la modificabilité dans l’abstrait des

jugements de cette nature, et d’autre part, le respect, dans ce cas, de ce que nous pouvons qualifier comme conditions de modificabilité.

Étant donné que la quasi-totalité des systèmes juridiques nationaux –dont le droit espagnol (art. 147 CC) et marocain (art. 191.2 CFM)– reconnaissent la possibilité de modifier, pour leur condition de condamnation de futur, les prononcés judiciaires en matière d’aliments, nous pouvons ainsi affirmer que la détermination du droit national applicable à cette modificabilité devient insignifiante. De plus, tout droit étranger prohibant hypothétiquement une telle possibilité, violerait l’ordre public international espagnol et son application serait par conséquent exclue. Pour ce cas de figure, c’estle droit espagnol, où les demandes de modifications des jugements en matière d’aliments sont recevables, qui devra être appliqué.

La question relative aux conditions nécessaires pour qu’un jugement en matière d’aliments puisse être modifié est bien différente, puisqu’il est inévitable d’avoir recours à deux lois distinctes.Premièrement, il faut tenir compte des dispositions de la loi du for, ou ce qui revient au même, du droit espagnol, qui prévoit que la modification d’un prononcé en matière d’aliments est recevable uniquement lorsque des faits nouveaux provoquant une altération substantielle des circonstances décisives pour la fixation du montant de la prestation surviennent14. Pour déterminer le caractère nouveau des événements juridiques pertinents qui seront allégués dans la nouvelle procédure conduite en Espagne et, par conséquent, le changement substantiel des circonstances par rapport à celles qui avaient été prises en considération par les autorités marocaines pour établir le montant de la pension alimentaire fixé dans son jugement, il s’avère nécessaire de déterminer un moment temporel précis. La fixation dudit momentcorrespond évidemment au droit marocain, en tant que loi de l’État de provenance du jugement à modifier. Selon le droit marocain (comme on peut le déduire de l’art. 3 CPCM), ce moment n’est autre que la date où le tribunal a été saisi.

Une fois cette date fixée selon le droit marocain, tous les faits ultérieurs allégués au cours de la procédure initiée feront l’objet d’une autre procédure, étant donné que l’objet est différent de celui de la procédure engagée au Maroc et conclue par le jugement dont la modification est demandée en Espagne. Ce changement de circonstancesfacilitera, en plus, la limitation de l’autorité de la chose jugée du jugement marocain, puisque celui-ci exclut l’effet le plus important de celle-ci -à savoir l’impossibilité d’introduire une nouvelle procédure- et ouvre la voie à un nouveau prononcé relatif aux éléments affectés par le changement de circonstances, à savoir le montant de la pension alimentaire, ou la continuité ou non du droit à la percevoir. En tout cas, n’oublions pas qu’un autre effet important de la chose jugée sera maintenu: l’effet contraignant du jugement, ce qui empêchera les parties de prétendre réviser dans la nouvelle procédure, ce qui a déjà été statué dans la procédure antérieure.

Tenant compte de ce qui vient d’être exposé, nous pouvons en conclure que l’autorité judiciaire espagnole ne pourra en aucun cas accepter, sur demande du créancier, de revoir à la hausse la pension fixée dans une décision rendue par la justice marocaine pour la simple raison que le montant de cette pension pourra sembler trop bas par rapport aux standards espagnols. Cette situation sera maintenue jusqu’à ce qu’un changement substantiel des circonstances prises en considération par les autorités marocaines pour fixer la pension justifie cette modification. Par conséquent, face à une éventuelle demande de ce genre, l’autorité judicaire espagnole, à condition que le jugement marocain dont la modification est sollicitée soit susceptible d’être reconnu (une reconnaissance qui, soit à la demande du débiteur -quand il y a opposition à la hausse de la pension de la part de ce dernier-, soit d›office, devra être menée telle que nous le verrons dans le prochain paragraphe), n’aura d’autre alternative que de rejeter les prétentions du demandeur. Ce rejet devra obligatoirement être fondé sur la force de la chose jugée que la décision marocaine en question va déployer en Espagne après avoir été reconnue.

Il en va autrement si le créancier, dans le cas d’une décision marocaine fixant une pension alimentaire qui est, d’un point de vue espagnol, considérée dérisoire, engage une nouvelle procédure dans le but d’obtenir une hausse de cette pensiondevant les autorités espagnoles sans faire référence aucune à l’existence de la décision marocaine précédente. Cependant, il ne faut

pas oublier que, dans ce cas, il revient au débiteur défendeur de contrer la prétention du créancier demandeur, en prouvant l’autorité de la chose jugée de la décision judiciaire marocaine préexistante. La demande du créancier ne saurait prospérer que dans le cas où la décision marocaine en question ne pourrait être reconnue, comme c’est le cas -comme nous le verrons dans la section suivante- lorsque, soit le prononcé en matière d’aliments, soit la décision englobant le prononcé en question, porte atteinte à l’un des principes fondamentaux du droit espagnol et, par conséquent, la reconnaissance doit être rejetée par l’ordre publicespagnol. Dans tous les cas, gardons à l’esprit que, lorsque cette situation se produit, la décision que les autorités judicaires espagnoles finiront par rendre dans la nouvelle procédure en matière d’aliments formulée devant elles ne produira ses effets qu’en Espagne, et pas au Maroc où, en raison de l’existence d’une décision préalable portant sur le même sujet, la reconnaissance de la nouvelle décision judiciaire espagnole sera impossible. Par conséquent, la situation décrite ci-dessus par le créancier n’a réellement de sens que dans les cas où le débiteur possède des biens en Espagne lui permettant de faire face au paiement de la nouvelle pension alimentaire que le jugement rendu par les autorités judiciaires espagnoles finira par fixer.

V. RECONNAISSANCE DU JUGEMENT MAROCAIN EN TANT QUE PRÉSUPPOSÉ POUR SA MODIFICATION

Pour que les autorités judiciaires espagnoles puissent décider de la modification d’un jugement marocain en matière d’aliments, il s’avère nécessaire que celles-ci aient au préalable reconnu ce jugement. Cette reconnaissance devra être faite conformément aux dispositions de la Convention de coopération judiciaire en matière civile, commerciale et administrative entre le Royaume de l’Espagne et le Royaume du Maroc, signée à Madrid le 30 mai 1997 (dorénavant, CHM)15, et plus spécifiquement le Titre III, consacré à la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires, décisions arbitrales et des actes authentiques.

Si nous prenons en considération que l’effet dérivant de la décision marocaine, dans les situations qui nous concernent ici, n’est autre que la

chose jugée, et qu’à la lumière de l’art. 24 CHM pour l’obtention dudit effet, il n’est pas nécessaire de mettre en marche une procédure d’exequatur –celle- ci étant uniquement nécessaire pour l’exécution du jugement, ainsi que pour l’inscription de celui-ci dans un Registre public–, la reconnaissance du jugement marocain concernant les aliments, dont la modification est demandée, devra être faite de manière incidente par le même tribunal espagnol devant lequel l’action judiciaire en modification a été introduite.

Une fois que le tribunal concerné a constaté la présentation de la documentation requise selon l’art. 28 CHM16, celui-ci devra contrôler que les conditions requises par l’art. 23 du texte conventionnel sont réunies. Ces conditions sont les suivantes:

  1. 1. a. Que la décision ait été rendue par un tribunal en accord avec la règlementation marocaine en matière de compétence judiciaire.

    Ladite règlementation devrait être différente selon que le cas sur lequel l’autorité marocaine s’est prononcée –dans le jugement dont la reconnaissance est demandée– soit un cas purement interne ou un cas à caractère international. Dans le premier cas, il s’avère nécessaire de consulter la règlementation en matière de compétence territoriale interne et, dans le deuxième, de contrôler ce qui est établi dans la règlementation en matière de compétence judiciaire internationale. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’au Maroc la première et la deuxième règlementation coïncident, puisque, faute d’une réglementation spécifique en matière de compétence judiciaire internationale, les critères de compétence qui s’appliquent sont ceux établis dans le CPCM en matière de compétence territoriale interne. Concrètement, en vertu de l’art. 28 CPCM, le tribunal appartenant à la juridiction du domicile ou de la résidence du défendeur, aussi bien que celui du domicile ou de la résidence du demandeur, seront compétents pour connaître de la réclamation en matière d’aliments, selon le choix du demandeur en tout cas.

    b. Que les parties aient été légalement citées à comparaître, représentées

    ou déclarées défaillantes. Le contrôle de cette dernière circonstance doit être mené conformément aux dispositions de la législation marocaine. Plus précisément, en ce qui concerne le contrôle de la légalité de la comparution et la déclaration de défaillance des parties, il faudra suivre, selon que la notification est interne ou internationale, les dispositions du CPCM, ou bien ce qui est établi dans la Convention internationale qui aurait éventuellement été appliquée. Lorsque la notification internationale est faite entre le Maroc et l’Espagne, ladite règlementation conventionnelle peut être constituée aussi bien par le CHM même, que par la Convention de la Haye du 1er novembre 1965 relative à la signification et la notification à l´étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, à laquelle les deux pays sont parties17 .

    c. Que la décision ait acquis l’autorité de la chose jugée, et qu’elle est soit exécutoire conformément au droit marocain.

    d. Que la décision marocaine ne contienne pas de dispositions contraires à l’ordre public espagnol, ce dernier étant entendu comme ordre public international qui, de ce fait, est limité aux principes et valeurs essentielles du système juridique espagnol. C’est précisément sur ce point-là qu’il faut souligner la difficulté à laquelle l’autorité judiciaire espagnole –devant laquelle l’action de modification est introduite– fera face dans les cas où le prononcé concernant les aliments dont la modification est sollicitée a été rendu en vertu d’une disposition du CFM qui, comme nous l’avons vu dans le point consacré à la règlementation en matière d’aliments en droit marocain, porte atteinte à l’un des principes de la Constitution espagnole. En effet, dans ces cas d´espèce, la décision marocaine ne pourra être reconnue et, par conséquent, il ne pourra y avoir lieu à modification. De prime abord, on pourrait penser que c’est également la situation qui se poserait dans tous les cas où le prononcé sur les aliments dont la modification est demandée, est contenu dans un jugement marocain relatif à un divorce sur requête de l’époux, qui devrait être considéré comme contraire à l’ordre public international. C’est le cas du divorce dénommé divorce sous contrôle judiciaire, ou «Talaq» (arts. 78- 93 CFM), qui constitue une prérogative de l’homme, puisque son exercice est réservé à celui-ci (sauf dans les cas où, en vertu du contrat de mariage, l’exercice de ce droit a été conféré par l’époux à son épouse), ceci impliquant une violation évidente du principe de non- discrimination à raison de sexe. Il est vrai que lesdites modalités de divorce, traditionnellement désignées par le terme «répudiation», ont subi des modifications importantes dans le CFM. Citons, entre autres, la mise en place de certaines garanties en faveur de la femme répudiée, assorties d’un contrôle judiciaire, en exigeant, outre l’autorisation préalable par le juge de la formalisation de l’acte de répudiation par deux adouls, l’homologation de l’acte de répudiation par le juge notarial et le prononcé du jugement correspondant.Toutefois, cela n›empêche pas l›autorité judiciaire espagnole, qui doit reconnaître la décision marocaine de divorce comprenant le prononcé portant sur les aliments dont la modification est sollicitée, de considérer que la reconnaissance de ladite décision judiciaire heurte l’ordre public

    espagnol, en particulier en tenant compte du fait que le droit de révocation prévu dans les cas desdites modalités de divorce continue à être réservé exclusivement aux hommes18. Rappelons également la possibilité que, dans de telles occasions, l’ordre public peut arriver à en être atténué. C’est précisément ce qui se passe si c’est la femme répudiée elle-même qui sollicite la reconnaissance de la décision marocaine de divorce. Au demeurant, nous ne pouvons ignorer que le prononcé sur des aliments en faveur des enfants contenu dans une décision de divorce constitue en soi un prononcé indépendant du prononcé principal, et qu’il peut parfaitement exister en marge de ce dernier. Il ne devrait donc pas y avoir de problème à ce que celui-ci puisse faire l’objet d’une reconnaissance (si les conditions requises sont réunies), même si ce n’est pas le cas pour le prononcé principal relatif à la cause matrimoniale (divorce), considéré comme contraire à l’ordre public.

    e. Que la décision marocaine ne soit contraire à aucune décision espagnole ayant acquis l’autorité de la chose jugée.

    f. Qu’il n’y ait pas eu de procédure pendante entre les mêmes parties et sur le même objet devant un autre tribunal espagnol avant l’introduction au Maroc de l’action ayant donné lieu à la décision dont la reconnaissance est sollicitée19.

Une fois que les conditions détaillées auparavant sont réunies, l’autorité judiciaire espagnole reconnaitra la décision judiciaire marocaine en lui attribuant l’effet désiré, qui n’est autre que –comme il a été déjà signalé– l’effet de la chose jugée matérielle. Et ce, bien que cela puisse paraitre paradoxal –comme nous l’avons déjà signalé dans le paragraphe antérieur–, c’est précisément pour limiter l’effet le plus significatif de la chose jugée, consistant en l’impossibilité d’introduire une nouvelle procédure, tout en maintenant, toutefois, l’efficacité contraignante de la décision. Cette efficacité contraignante évitera que l’une des parties prétende que ce qui a déjà été objet de litige dans la procédure antérieure au Maroc puisse être débattu de nouveau dans la procédure qui est initiée en Espagne.

Dans le cas où la décision marocaine ne remplirait pas l’une des conditions exposées auparavant, la reconnaissance serait refusée, et par conséquent le juge ne pourrait pas donner suite à la modification sollicitée par la partie demanderesse. Dans de telles situations, il est vrai que rien n’empêcherait que la prétention initiale en modification puisse faire l’objet d’une nouvelle procédure, ignorant l’existence de la décision marocaine. La décision n’ayant pas été reconnue, celle-ci ne produit aucun effet contraignant, et par conséquent, les autorités judiciaires espagnoles se verraient obligées de traiter de nouveau les différentes questions sur lesquelles les autorités marocaines auraient déjà statuédans de la procédure engagée dans leur pays. Ce qui est évident c’est que, si le demandeur choisit cette voie, la décision judiciaire que les autorités espagnoles pourraient finalement rendre dans la nouvelle procédure engagée devant elles, trouverait des obstacles sérieux pour sa reconnaissance au Maroc. L’une des conditions requises à cet effet par l’art. 23 CHM, telle que l’inexistence dans le for d’une décision ayant autorité de chose jugée, ne sera pas remplie. Et cela sans oublier que l’autorité marocaine reconnaitra difficilement une décision espagnole rendue précisément à partir du rejet de la reconnaissance d’une décision marocaine.

VI. LOI APPLICABLE À LA MODIFICATION PAR LES TRIBUNAUX ESPAGNOLS

La détermination de la loi applicable à la modification d’une décision étrangère en matière d’aliments constitue un problème sur lequel la doctrine espagnole est divisée. Une partie de la doctrine20 considère que la loi

applicable ne peut être autre que celle qui aurait été appliquée par le juge ayant dicté la décision à modifier, faisant valoir à ce sujet le principe d’harmonie internationale des solutions. Une autre partie de la doctrine21, dont nous partageons le point de vue, défend l’application pour la modification de la loi désignée à cet effet par les règles de conflits espagnoles en matière d’aliments, justifiant une telle approche par le fait que la modification consiste en une nouvelle procédure ayant une nouvelle prétention.

Une fois que le changement substantiel de circonstances, exigé par la loi espagnole -loi du for- comme condition de modificabilité, est démontré par le requérant -qui l’aurait allégué en tant que fondement pour sa prétention de modification-, les autorités judiciaires espagnoles devront identifier la loi qui, dans ce cas d’espèce, devra être appliquée à la modification. Elles se baseront sur la règlementation conflictuelle espagnole en matière d’aliments, constituée par le Protocole de la Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires22 (dorénavant, PLH 2007), auquel l’art. 15 RB-III renvoie. Il serait fondamental à cet effet de savoir, en outre, qui est reconnu comme créancier des aliments par la décision marocaine dont la modification est sollicitée en Espagne, puisque la norme de conflit concrète dont il faut tenir compte pour déterminer la loi applicable à la modification dépendra en dernier lieu de cette circonstance. Plus précisément, en tenant compte des prononcés éventuels d’aliments que, en appliquant le droit marocain, les autorités de cet État pourraient rendre et dont la modification pourrait être réclamée devant les autorités espagnoles, trois situations peuvent se présenter:

a) le prononcé sur les aliments fait référence aux enfants du débiteur; b) le prononcé sur les aliments fait référence à l’épouse du débiteur et c) le prononcé sur les aliments fait référence aux parents du débiteurs.

Dans le premier cas, aussi bien que dans le dernier, la loi applicable est déterminée conformément aux dispositions de l’art. 4 PLH 2007. Selon cet article, la loi qui doit, en principe, être appliquée, c’est la loi de l’Etat où le créancier a sa résidence habituelle (celle-là étant la solution générale prévue

dans l’art. 3 PLH 2007). Dans les cas où le créancier ne peut pas obtenir d’aliments du débiteur en vertu de la loi mentionnée, c’est la loi du for qui doit être appliquée (art. 4.2). Dans le cas où ladite loi ne fournit pas d’aliments au créancier, ce sont les dispositions de la loi nationale commune du créancier et du débiteur (art. 4.4), si elle existe, qui seront appliquées. Or, il faut garder à l’esprit que, dans le cas où les autorités judiciaires espagnoles seraient saisies puisque ce sont les autorités de l’État où le débiteur a sa résidence habituelle, l’ordre des critères de rattachement dont il faut tenir compte pour la détermination de la loi applicable sera modifié. Ainsi, la loi applicable sera celle du for. La loi de l’État de la résidence habituelle du créancier sera appliquée uniquement dans les cas où la loi du for n’accorde pas d’aliments au créancier (art. 4.3). De même, dans ce genre de situations, et en dernier recours, il est possible d’appliquer la loi nationale commune -si elle existe- du créancier et du débiteur (art. 4.4).

Si la pension imposée par la décision judiciaire marocaine dont la modification est sollicitée, est une pension alimentaire en faveur de l’épouse, la détermination de la loi qu’il faut appliquer à la modification doit être faite en tenant compte des dispositions des arts. 3 et 5. Plus précisément, selon l’art. 3, les obligations alimentaires entre époux sont régies, en principe, par la loi de l’État de résidence habituelle du créancier, même si l’art. 5 laisse la possibilité au débiteur de s’opposer à l’application de la ladite loi en invoquant l’existence d’une autre loi ayant un lien plus étroit avec les époux, telle que, par exemple, la loi de l’État de leur dernière résidence habituelle commune. Dans ces cas-là, cette dernière loi sera applicable et non pas celle de l’État de résidence habituelle du créancier.

Il ne faut pas oublier la possibilité que le PLH 2007 reconnaît aux parties de désigner la loi applicable aux obligations alimentaires, en rappelant toutefois que la liberté de choix de la règlementation applicable que le Protocole consacre, présente un champ d’application différent selon que la procédure en question concerne seulement les aliments, ou qu’il s’agisse d’une demande d’aliments au sein d’une procédure d’une autre nature. Ainsi, alors que dans le premier cas les parties au litige (créancier et débiteur) peuvent uniquement éviter l’application de la loi objectivement applicable par le biais de la désignation de la loi du for (dans notre cas, la loi espagnole) (art. 7.1), dans le deuxième, la liberté de désignation de la loi est plus étendue,

puisque l’on reconnait aux parties la possibilité de choisir entre plusieurs lois applicables: a) la loi nationale de l’une des deux parties au moment du choix;

b) la loi de l’État de résidence habituelle de l’une des deux parties au moment de l’élection, et c) la loi régissant les relations patrimoniales s’il s’agit d’une demande d’entretien entre époux(art. 8.1). Dans un cas comme dans l’autre, le Protocole exige que ladite désignation doit faire l’objet d’un accord par écrit ou soit consigné sur un support dont le contenu est accessible pour pouvoir être consulté ultérieurement, et doit en plus être signé par les deux parties (arts. 7.2 et 8.2). Quant au premier cas, le Protocole exige, en plus, que la désignation soit effectuée avant l’introduction de l’instance.

La désignation de la loi applicable est cependant exclue dans les cas d’obligation alimentaire concernant une personne âgée de moins de 18 ans ou un adulte qui, en raison d’une altération ou d’une insuffisance de ses facultés personnelles, n’est pas en mesure de protéger ses intérêts. Il est vrai que le PLH 2007 prévoit cette exclusion uniquement quand il fait référence aux cas où la demande d’aliments fait partie d’une procédure particulière (art. 8), et non pas dans les cas où la demande d’aliments constitue l’objet d’une procédure exclusive (art. 7). Toutefois, compte tenu du motif d’exclusion (protection des intérêts du mineur ou de celui dont les facultés personnelles sont diminuées), cette éviction doit également être maintenue dans ces derniers cas.

Les parties ayant la possibilité de choisir la loi applicable à l’obligation alimentaire, peu importe que celle-ci fasse l’objet d’une procédure spécifique ou soit réclamée dans le cadre d’une procédure d’une autre nature, nous pouvons certainement nous demander dans quelle mesure une telle possibilité peut s’avérer aussi défendable dans les cas où l’action introduite serait une action en modification d’un jugement portant sur des aliments. Et la réponse est claire: l’admissibilité dans ces cas d´une désignation éventuelle de la loi applicable s’avère également incontestable et ce, car le PLH 2007 ne fait pas de distinction entre les actions en réclamation d’aliments et les actions en modification. Toutefois, il faut garder à l´esprit que, étant donné que la modification fait l’objet d’une procédure spécifique-même dans les cas où le prononcé concernant les aliments visé par la modification aurait été adopté au sein d’une procédure d’une autre nature, faisant par conséquent partie d’un jugement ayant d’autres prononcés, ilfaudra nécessairement respecter

les dispositions de l’art. 7 PLH 2007, qui, comme nous l’avons déjà indiqué, reconnait aux parties du litige la possibilité de convenir uniquement de l’application de la loi du for.

L’application du régime conflictuel prévu au PLH 2007 pour les différentes situations, qui, comme nous l’avons déjà souligné dans l’introduction, peuvent se présenter en matière de modification en Espagne de prononcés marocains d’aliments, conduira l’autorité espagnole, selon les circonstances spécifiques réunies dans chaque cas, à assujettir la modification de la décision judiciaire marocaine à des lois différentes:

Situation nº 1.

Si le prononcé marocain en matière d’aliments dont la modification est sollicitée concerne l’obligation d’un père à l’égard de son enfant, ou d’un enfant à l’égard de son père, il faut s’en tenir, en principe, à ce qui est établi dans la loi espagnole, conformément à ce qui est prévu à l’art. 4.3 PLH 2007. Cependant, si le prononcé sur les aliments concerne des époux, on s’en remettra à la loi marocaine, en application des dispositions de l’art. 3 PLH 2007, même si la possibilité reste ouverte pour que le débiteur puisse s’opposer à l’application de ladite loi en invoquant l’existence d’une autre loi ayant un lien plus étroit avec les époux, telle que, par exemple, la loi de l’État de leur dernière résidence habituelle commune. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, dans ce dernier cas, tout comme dans celui dans lequel la décision dont la modification est sollicitée fait référence aux obligations alimentaires d’un père à l’égard de son enfant, ou d’un enfant de plus de 18 ans à l’égard de son père, les parties au litige ont la possibilité de convenir de l’application de la loi espagnole pour la modification, conformément à l’art. 7 PLH 2007.

Situation nº 2.

Dans ce deuxième cas, la modification du prononcé marocain en matière d’aliments, indépendamment du fait qu’il fait référence à une obligation entre parents et enfants, ou à une obligation entre époux, sera régie par le droit marocain, en application des dispositions de l’art. 3 PLH 2007. Toutefois, dans le cas où il s’agit d’un prononcé d’aliments entre époux, la possibilité reste ouverte pour le débiteur, puisse s’opposer à l’application de ladite loi en invoquant l’existence d’une règlementation ayant un lien plus étroit avec les époux, telle que, par exemple, la loi de l’État de leur dernière résidence habituelle commune. Ceci dit, il ne faut pas oublier que, sauf si le prononcé

à modifier fait référence à une obligation d’aliments d’un père à l’égard d’un enfant de moins de 18 ans, cette possibilité reste aussi ouverte pour que les parties au litige puissent s’accorder sur l’application de la loi espagnole à ladite modification, selon ce qui est disposé à l’art. 7 PLH 2007.

Situations nº 3, 4, 5, 6, 7 et 8.

La modification des prononcés marocains concernant les aliments entre parents et enfants sera régie dans ces situations par la loi espagnole, bien que fondée sur les dispositions de l’art. 3 PLH 2007 (dans le cas nº 5, en outre, conformément à ce qui est établi à l’art. 4.3). De même, ce sera la loi espagnole, conformément à l’art. 3 PLH 2007, qui sera appliquée à la modification des prononcés en matière d’aliments entre époux, laissant ouverte dans ces cas, la possibilité pour le débiteur de s’opposer à l’application de cette loi en invoquant l’existence d’une autre loi ayant un lien plus étroit avec les époux, telle que la loi de l’État de leur dernière résidence commune, par exemple. La voie que l’art. 7 PLH 2007 laisse ouverte aux parties au litige quant à la possibilité de désignation de la loi applicable perd son sens dans ces cas, puisque seule la loi du for est permise, celle-ci étant en espèce la loi espagnole.

Situation nº 9

La modification du prononcé marocain en matière d’obligations alimentaires quand, celui-ci fait référence à l’obligation d´un parent à l’égard d’un enfant, ou d’un enfant à l’égard d’un parent, devra être régie dans ce cas par la loi espagnole en vertu de l’art. 4.3 PLH 2007. Toutefois, si le prononcé d’aliments fait référence aux époux, ce sera la loi de l’État tiers où le créancier a sa résidence habituelle qui devra être appliquée pour la modification, tel qu’il est disposé à l’art. 3 PLH 2007. Mais cette possibilité reste aussi ouverte pour le débiteur qui désire s’opposer à l’application de ladite loi en invoquant l’existence d’une autre règlementation ayant un lien plus étroit avec les époux, telle que, par exemple, la loi de l’État de leur dernière résidence commune. Dans ce dernier cas, en outre, et en application de ce qui est prévu à l’art. 7 PLH 2007, la possibilité s’étendra également pour les parties au litige souhaitant s’accorder sur l’application de la loi espagnole, en tant que loi du for.

Situation nº 10

La modification du prononcé marocain en matière d’aliments, qu’il s’agisse d’une obligation entre parents et enfants, ou d’une obligation entre

époux, devra être effectuée, conformément à l’art. 3 PLH 2007, en appliquant ce qui est établi par la loi du pays tiers où le créancier a sa résidence habituelle. Toutefois, dans le premier cas, si la loi de ce pays tiers ne concède pas d’aliments, la possibilité d’avoir recours à la loi espagnole, en tant que loi du for (art. 4.2), reste ouverte. Dans le deuxième cas, la possibilité de s’opposer à l’application de la loi du pays tiers est reconnue au débiteur, en invoquant pour cela l’existence d’une autre loi ayant un lien plus étroit avec les époux, telle que la loi de l’État de leur dernière résidence habituelle commune, par exemple (art. 5). De plus, il ne faut pas oublier que, aussi bien dans un cas que dans l’autre -sauf dans les cas où le prononcé judiciaire marocain concerne une obligation d’aliments d’un parent à l’égard d’un enfant de moins de 18 ans-, les parties auront la possibilité de convenir de l’application pour la modification d’une loi différente de celle réclamée en principe, si bien que ladite loi, conformément à l’art. 7 PLH 2007, ne pourra être autre que la loi espagnole.

La loi applicable à la modificationque nous venons d‘évoquer sera chargée de déterminer:

  1. 1. a) la recevabilité ou non de la modification sollicitée, après avoir évalué à la lumière de ladite loi la substantialité du changement de circonstances exigée par la loi du for comme conditionde modificabilité. Concrètement, si la loi espagnole s’avère applicable, il faut avoir recours à ce qui est stipulé dans les arts. 147 du CC et 775.1 LPCE, même s’il est vrai que ces préceptes se limitent sans plus à conditionner la modification de la pension accordée initialement à l’existence d’un changement substantiel de circonstances. Par conséquent, il faut prendre en considération ce que la jurisprudence établit pour décider quand un changement de circonstances est suffisamment substantiel. Il en va de même dans les cas où c’est la loi marocaine qui devrait être appliquée. Dans de tels cas, l’application des dispositions de l’art. 192 CFM s’impose. Ledit article, après avoir stipulé la non-recevabilité d’une demande relative à l’augmentation ou à la diminution de la pension alimentaire convenue ou décidée judiciairement avant l’écoulement du délai d’un an, déclare que ledit délai ne pourra pas être retenu lorsque des circonstances exceptionnelles sont survenues, considérant parmi celles-ci la modification significative de certaines

    circonstances. Afin de déterminer si l’on est en présence d’une modification significative, il est, par conséquent, nécessaire d’avoir recours à ce qui est établi dans la jurisprudence marocaine;

    b) le nouveau montant de la pension alimentaire auquel le créancier aurait droit, et auquel le débiteur serait astreint, lorsqu’il est demandé une modification destinée à augmenter ou baisser le montant de la pension fixée par la décision marocaine;

    c) le champ d’application dans le temps de la modification, à savoir son caractère rétroactif ou non-rétroactif. Il faut de même garder à l’esprit que, si la loi s’avérant applicable établit la rétroactivité de la modification, cette rétroactivité ne pourra pas s’étendre au-delà du moment où le changement de circonstances justifiant la modification s’est produit. En ce point, comme nous l’avions déjà signalé dans la rubrique consacrée à la règlementation sur les aliments en droit marocain, il convient de noter l’existence de différences significatives entre le droit espagnol et le droit marocain. Concrètement, en droit espagnol, l’art. 148 CC établit que, même si l’obligation alimentaire est exigible dès le moment où le besoin s’est produit, les aliments ne seront versés qu’à compter de la date de l’introduction de la demande en justice. Toutefois, les critères établis en droit marocain sont différents. En ce qui concerne les aliments accordés à l’épouse et aux enfants, les arts. 195 et 200 CFM disposent que, une fois la pension alimentaire fixée par jugement, celle-ci prend effet à partir de la date où le père, ou époux, a cessé de pourvoir à l’obligation d’entretien qui lui incombe. Par contre, quant aux aliments dus aux parents, l’art. 204 CFM dispose que la pension fixée par jugement devra être versée à compter de la date d’introduction de la demande en justice.

VII.RECONNAISSANCE À L’ÉTRANGER DU JUGEMENT MODIFICATEUR ESPAGNOL

Une fois que le jugement statuant sur la modification du prononcé en matière d’aliments (adopté auparavant par les autorités marocaines) est rendu en Espagne, celui-ci est susceptible d’être utilisé en dehors des frontières espagnoles.

Plus précisément, il est possible de penser que, si le jugement espagnol n’est pas exécuté de manière volontaire par le débiteur des aliments, ledit

jugement peut être déclaré exécutoire dans le pays où le recouvrement de ladite pension doit être réalisé, qu’il s’agisse du pays où le débiteur a sa résidence, ou simplement de celui où il dispose de biens, ce pays pouvant être le Maroc même ou un autre État. La personne intéressée par ladite exécution sera normalement le créancier de la prestation alimentaire fixée par le jugement espagnol. Cependant, il faut garder à l’esprit qu’il est possible que ce soit un organisme public –concrètement, «El Fondo Español de Garantía del Pago de Alimentos» (Fonds espagnol d’assurance du recouvrement des aliments)– qui soit l’instigateur de l’exécution du jugement espagnol en dehors des frontières du pays. C’est ce qui arrivera, par exemple, dans les cas où les circonstances exigées à cet effet par l’art. 4 du Décret Royal espagnol 1618/2007, du 7 décembre, sur l’organisation et fonctionnement du Fonds espagnol d’assurance du recouvrement des aliments23, seraient réunies, et que le créancier de la prestation alimentaire fixée dans le jugement espagnol aurait obtenu une avance dudit Fonds, et que ce dernier demande le remboursement de la prestation fournie au créancier en sollicitant l’exécution du prononcé d’aliments inclus dans le jugement espagnol en faveur du créancier.

Il faut également envisager la possibilité que le jugement espagnol puisse,

sur demande du débiteur, être effectivement invoqué au Maroc –pays de provenance du prononcé en matière d’aliments modifié– ainsi que dans tout autre pays, afin de suspendre la procédure d’exécution ayant pu être suscitée dans ledit pays par le créancier du prononcé marocain modifié, ou dans le but d’exclure, définitivement, toute possibilité que ladite procédure d’exécution puisse être sollicitée dans le futur.

De ce fait, il est nécessaire de distinguer deux scénarios possibles: 1) la reconnaissance du jugement espagnol au Maroc et 2) la reconnaissance du jugement espagnol dans un pays tiers, la règlementation applicable dans un cas ou dans l’autre étant différente.

1. RECONNAISSANCE DU JUGEMENT ESPAGNOL AU MAROC

La règlementation applicable dans ce cas sera le CHM mentionné auparavant et, concrètement, ce qui est établi dans son Titre III. Toutefois, il est nécessaire, à ce niveau-là, de savoir si la prétention est l’exécution du jugement espagnol ou simplement la reconnaissance de l’autorité de la chose jugée, puisque les démarches à suivre sont différentes.

Dans le premier cas, conformément à ce qui est établi dans l’art. 24 CHM, il est obligatoire de suivre une procédure d’exéquatur devant les autorités judicaires marocaines. Cette procédure, en vertu de ce qui est stipulé à l’art. 25 CHM, relèvera de la compétence du tribunal de première instance. L´art.

340.1 CPCM attribue, plus précisément, cette compétence au tribunal de première instance du lieu où le défendeur a son domicile ou sa résidence ou, à défaut, le lieu d’exécution du jugement.

La procédure à suivre par l’autorité judiciaire marocaine sera, conformément à l’art. 25.2 CHM, celle qui est établie dans la législation procédurale de ce pays (arts. 430 et 431 CPCM). Dans cette procédure, ladite autorité judiciaire devra vérifier si le jugement espagnol en question réunit les conditions de reconnaissance prévues à l’art. 23 et auxquelles nous avons déjà fait allusion antérieurement.

Par contre, dans le deuxième cas (le débiteur prétend la reconnaissance au Maroc de l’autorité de chose jugée du jugement espagnol), la procédure d’exéquatur n’est pas toujours nécessaire. En effet, l’exéquatur n’est pas obligatoire dans les cas où le jugement espagnol modificateur est invoqué devant les autorités judiciaires marocaines saisies par le créancier pour exécuter le prononcé marocain d’aliments modifié. Dans de telles occasions, l’autorité judiciaire marocaine effectuera une reconnaissance incidente du jugement espagnol, se limitant à contrôler le respect par ce dernier des conditions établies à l’art. 23 CHM. Cependant, dans les cas où la prétention du débiteur serait la reconnaissance définitive au Maroc du jugement espagnol afin d’éviter que le créancier puisse, dans l’avenir, demander l’exécution du prononcé marocain d’aliments modifié en Espagne, il est nécessaire de présenter une procédure d’exéquatur selon les conditions mentionnées antérieurement.

2. RECONNAISSANCE DU JUGEMENT ESPAGNOL DANS UN PAYS TIERS

Dans ce cas, la règlementation applicable à la reconnaissance du jugement espagnol dépendra du pays où l’on prétend l’utiliser. De plus, afin de déterminer le régime applicable, il sera nécessaire de préciser quel est l’effet prétendu dudit jugement.

Compte tenu de la large gamme de textes réglementaires en vigueur en Espagne susceptibles d’être appliqués pour la reconnaissance des jugements relatifs aux aliments, ainsi que leurs différents domaines d’application matérielle, il faut distinguer les situations suivantes:

a) Reconnaissance du jugement espagnol dans un Etat membre de l’UE Lorsque la décision espagnole est invoquée dans l’un des 27 États

membres de l’UE restants, il faut s’en tenir à ce qui est établi dans la Section 1ere du Chapitre IV du RB-III24. Conformément à l’art. 17 RB-III, le jugement espagnol sera reconnu dans les autres pays membres de l’UE sans qu’il soit pour autant nécessaire d’avoir recours à une procédure, et sans qu’il y ait possibilité de s’opposer à sa reconnaissance. Ledit jugement pourra aussi être exécuté sans avoir à recourir à une procédure d´exequatur pour l´attribution de la force exécutoire.

Toutefois, le RB-III reconnait au défendeur, dans certains cas de non comparution, le droit à solliciter de l’organe juridictionnel espagnol qui a rendu le jugement, que celui-ci soit réexaminé. Il s’agit, en particulier, des cas suivants: 1) lorsque la non-comparution du défendeur est due au fait que l’acte introductif d’instance, ou un acte équivalent ne lui ait pas été signifié ou notifié en temps utile et de telle manière qu’il ait pu se défendre, ou 2) lorsqu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de contester la créance alimentaire pour des cas de force majeure ou en raison de circonstances extraordinaires, sans qu’il y ait eu faute de sa part. Cela ne sera cependant pas le cas si le défendeur pouvait exercer un recours contre la décision et qu’il ne l’ait pas fait. Ce nouvel examen devra en tout cas être sollicité dans un délai de 45 jours –sans possibilité de prorogation– à compter de la date où le défendeur a eu connaissance du contenu du jugement et qu’il aurait été à même d’agir et, au plus tard, à compter du jour de la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre ses biens indisponibles en tout ou en partie (art. 19).

Quant aux cas visant l’exécution totale ou partielle de la décision judicaire espagnole, le RB-III, après avoir fait référence aux documents que le défendeur devra fournir à l’autorité compétente chargée de l’exécution (art.20), prévoit la possibilité que cette autorité refuse ou suspende l’exécution sollicitée. Le refus, en particulier, aura lieu, à la demande du débiteur: 1) lorsque le droit d’obtenir l’exécution de la décision espagnole de modification serait prescrite, soit en vertu du droit espagnol –en tant que droit de l’État membre de provenance–, soit conformément au droit de l’État membre d’exécution, si celui-ci établit un délai d’exécution plus long, ou 2) lorsque la décision judiciaire espagnole serait incompatible avec une décision rendue dans l’État membre de l’exécution ou dans tout autre État, quand cette dernière décision réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l’État membre d’exécution. Il faut cependant retenir qu’une telle incompatibilité ne pourra en aucun cas être alléguée en ce qui concerne la décision marocaine modifiée (art. 21.1). Par ailleurs, la suspension intégrale ou partielle de l’exécution est recevable, à la demande également du débiteur: a) si la juridiction espagnole est saisie d’une demande de réexamen de la décision espagnole de modification conformément à l’art. 19, ou b) si la force exécutoire de la décision est suspendue en Espagne (art. 21.3).

b) Reconnaissance du jugement espagnol en Islande, en Norvège ou en

Suisse

La règlementation qui, dans ce cas, régit la reconnaissance de la décision judiciaire espagnole en modification est constituée par la CL et, en particulier, par les dispositions de son Titre III. Lesdites dispositions nous mèneront nécessairement à déterminer l’effet prétendu de la décision espagnole (exécutif ou de chose jugée). Plus précisément dans les cas où il est demandé l’exécution de la décision judiciaire, la CL exige l’exequatur (Section 2), en confiant au tribunal indiqué dans la liste figurant dans l’Annexe II de la Convention le déroulement d’une telle procédure. Le tribunal à saisir est celui qui correspond au lieu du domicile de la partie contre laquelle l’exécution est sollicitée ou, à défaut, au lieu d’exécution (art. 39).

Une fois que la demande d’exequatur -accompagnée des documents visé à l’art. 53- est présentée, le tribunal compétent rendra immédiatement la déclaration constatant le caractère exécutoire de la décision espagnole, sans effectuer de contrôle des conditions, et sans que la partie contre laquelle

l’exécution est demandée puisse formuler aucun type d’observations (art. 41). Si la partie contre laquelle l´exécution a été sollicitée n’est pas d’accord avec la décision adoptée, elle aura la possibilité de former un recours contre la décision devant le tribunal compétent selon l’Annexe III CL, dans un délai d’un mois ou deux au plus -selon si sa résidence se trouve ou non dans l’État d’exécution- à compter de la date de signification de la décision. Ledit recours devra suivre son cours selon les règles de la procédure contradictoire (art. 43). La décision résultant du recours pourra, à son tour, faire l’objet dans l’État d’exécution des recours prévus dans l’Annexe IV (art. 44). Dans tous les cas, et tel qu’il est disposé à l’art. 45 CL, le tribunal compétent pour connaître desdits recours devra se prononcer en tenant compte de l’existence ou non d’une des causes de refus de la reconnaissance prévues à l’art. 34, à savoir: a) que la décision porte manifestement atteinte à l’ordre public de l’État requis;

b) que la décision n´ait pas été signifiée ou notifiée au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse organiser sa défense, et que le défendeur n’ait pas pu présenter de recours contre la décision le déclarant défaillant; c) que la décision s’avère inconciliable avec une autre décision rendue dans un litige entre les mêmes parties dans l’État requis et d) que la décision s´avère inconciliable avec une décision rendue auparavant dans un autre État membre de la CL ou dans un État tiers entre les mêmes parties à un litige portant sur le même objet et la même cause, quand ladite décision remplit les conditions nécessaires pour sa reconnaissance dans l’État requis.

Dès lors que l’effet prétendu de la décision espagnole est acquiert l’autorité de chose la jugée, et à la lumière de ce que dispose l’art. 33 CL, l’exéquatur n’est pas exigé, sauf s’il y a opposition. Il suffira que le tribunal devant lequel la décision est invoquée à cet effet procède à la reconnaissance incidente suite au contrôle des conditions prévues à l’art. 34.

Il est de notoriété que la Norvège, ainsi que la Suisse, sont liées à l’Espagne par la Convention de la Haye du 2 octobre 1973concernant la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires portant sur les obligations alimentaires25 (ci-après, CLH 1973). Par ailleurs, il est également impossible d’ignorer l’existence du Traité bilatéral entre l´Espagne et la Suisse concernant l’exécution des décisions judicaires en matière civile du

19 novembre 189626. Toutefois, si nous prenons en considération les règles de concours des conventions prévues dans les instruments susmentionnés, ainsi que dans le CL lui-même, nous pouvons en déduire que, dès lors qu’il s’agit de reconnaître une décision judiciaire espagnole en matière d‘aliments, les autorités norvégiennes et suisses finissent par appliquer, intégralement ou partiellement, les préceptes de la CL. Plus précisément, l’application de la CL au lieu du Traité bilatérale est fondée sur les dispositions de l’art. 65 CL. En revanche, en ce qui concerne la relation entre la CL et la CLH 1973, et à la lumière des dispositions de l’art. 67.1 et art. 5 CL, d’une part, et de l’art. 23 CLH 1973, d’autre part, deux possibilités se présentent: 1) soit que l’autorité judiciaire norvégienne ou suisse applique en totalité (la procédure à suivre aussi bien que les conditions à contrôler) ce qui est établi dans la CL; 2) soit qu´elle applique la CL pour ce qui relève de la procédure et le CLH 1973 en ce qui concerne les conditions (ces dernières seront abordées plus loin).

c) Reconnaissance du jugement espagnol en Albanie, à Andorre, en Australie, en Turquie ou en Ukraine

La reconnaissance dans ces cas de la décision espagnole en modification reste soumise aux dispositions de la CLH 1973 sur la reconnaissance et l’exécution des résolutions portant sur les obligations alimentaires, convention qui fait dépendre l’efficacité de la décision, quel que soit l’effet prétendu de celle-ci, de la conduite préalable d’une procédure d’exequatur dans l’État requis. Dans la procédure, qui devra être suscitée en fournissant les documents prévus à l’art. 17, le tribunal compétent à la lumière de la législation de l’État requis doit procéder au contrôle des conditions de reconnaissance prévues dans les arts. 4-8, à savoir: a) la compétence des autorités espagnoles selon les critères prévus dans les articles 7 et 8; b) le caractère définitif de la décision espagnole; c) l’incompatibilité manifeste de la reconnaissance de la décision espagnole avec l’ordre public de l’État requis; d) l’obtention d’une décision qui ne résulte pas d´une fraude commise dans la procédure; e) l’inexistence dans l’État requis d’une procédure -entre les mêmes parties et portant sur le même objet- introduite à une date antérieure à celle qui aurait donné lieu à la décision dont la reconnaissance est demandée; f) l’inexistence d’une décision judiciaire entre les mêmes parties portant sur le même objet incompatible avec la décision qu’il faut reconnaitre, soit dans l’État requis ou dans un État tiers,

mais susceptible dans ce dernier cas d’être reconnue dans l’État requis, et g) que, dans le cas où la décision aurait été rendue par défaut, l´acte introductif d´instance contenant les éléments essentiels de la demande ait été notifié ou signifié à la partie défaillante selon le droit de l´Etat d´origine et que cette partie ait disposé d´un délai suffisant pour présenter sa défense.

d) Reconnaissance du jugement espagnol dans les territoires qui formaient les Antilles néerlandaises (Aruba, Bonaire, Curaçao, Saba, Saint-Eustache et Saint-Martin), dans les Départements et Territoire d’outre-mer français où le RB-III n’est pas applicable (la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, le Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint- Barthélemy)27, au Liechtenstein ou au Suriname.

Dans ces cas, selon la personne qui est bénéficaire dela pension alimentaire modifiée par la décision judiciaire espagnole, la reconnaissance de cette dernière sera régie soit par les dispositions de la Convention de La Haye du 15 avril 1958 concernant la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière d’obligations alimentaires envers les enfants28, soit par les règles sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers prévues dans le droit interne de l’État requis. La Convention de La Haye de 1958 sera concrètement applicable si l’obligation alimentaire modifiée concerne un enfant légitime, illégitime ou adopté, qui n’est pas marié et qui est âgé de moins de 21 ans. Dans tous les autres cas, les règles étatiques devront être appliquées.

Si nous portons notre attention sur la règlementation conventionnelle, celle-ci subordonne l’obtention de tout effet du jugement espagnol à la conduite, dans l’État requis, d’une procédure d’exequatur. Dans ladite procédure –qui doit être intentée en fournissant les documents prévus dans l’art. 4, devant le tribunal qui, au regard de la législation de l’État requis, s’avère compétent, et qui doit être conduite conformément aux dispositions de ladite législation (art. 6)–, il faut procéder au contrôle des conditions de reconnaissance prévues dans les arts. 2-3, à savoir: a) la compétence des autorités espagnoles à la lumière des critères prévus à l’art. 3; b) que la partie défenderesse ait été régulièrement citée ou représentée conformément à la loi espagnole, en tant que loi de l’État de provenance de la décision

de modification, même s’il est prévu que, en cas de jugement par défaut, la reconnaissance et l’exécution pourront être refusées si, au vu des circonstances, l’autorité d’exécution estime que la partie défaillante n’est pas responsable de l’absence de connaissance de l’existence d’une procédure, ou qu’elle n´a pas pu se défendre; c) que la décision espagnole ait acquit en Espagne l’autorité de la chose jugée, même s’il est prévu que les décisions exécutoires par provision et les mesures provisionnelles, quoique susceptibles de recours, pourront être déclarées exécutoires par l´autorité d´exécution si pareilles décisions peuvent être rendues et exécutées dans l´Etat dont relève cette autorité; d) que la décision espagnole ne soit pas contraire à une décision rendue sur le même objet et entre les mêmes parties dans l’État requis. La reconnaissance et l’exécution pouvant toutefois être refusées si, avant le prononcé de la décision espagnole, il y a eu exception de litispendance dans ce dernier État, et e) que la décision espagnole ne soit pas manifestement incompatible avec l’ordre public de l’État requis.

e) Reconnaissance du jugement espagnol en Algérie, au Brésil, en Colombie, en Chine, en Israël, en Mauritanie, au Salvador, dans la Fédération Russe, en Tunisie ou en Uruguay

Dans ces cas, la reconnaissance du jugement espagnol devra s’en tenir aux dispositions des conventions bilatérales de reconnaissance signées par l’Espagne avec lesdits pays, à savoir : Convention entre l’Espagne et l’Algérie du 24 février 200729; Convention entre l’Espagne et le Brésil du 13 avril 198930; Convention entre l’Espagne et la Colombie du 30 mai 190831; Convention entre l’Espagne et la République Populaire de Chine du 2 mai 199232; Convention entre l’Espagne et LeSalvador du 7 novembre 200033; Convention entre l’Espagne et Israël du 30 mai 198934; Convention entre l’Espagne et la Mauritanie du 12 septembre 200635; Convention entre l’Espagne et la Tunisie du 24 septembre 2001; Convention entre l’Espagne et l›URSS du 26 octobre

199036 et Conventions entre l’Espagne et la République de l’Uruguay du 4 novembre 1987 en matière de coopération juridique37 et sur les conflits des lois en matière d’aliments pour les mineurs et reconnaissance et exécution des décisions et transactions judiciaires relatives aux aliments38.

Néanmoins, il faut retenir que, parmi les instruments décrits, la Convention entre l’Espagne et le Brésil est applicable uniquement à la reconnaissance des décisions espagnoles portant sur les aliments, à condition que ceux-ci ne concernent pas des mineurs (art. 16 b). La reconnaissance des décisions espagnoles concernant des mineurs sera soumise, à ce qui est établi dans la règlementation brésilienne en matière de reconnaissance de décisions judiciaires étrangères. En outre, il faut délimiter le champ d’application des deux instruments conventionnels susceptibles d’être appliqués à la reconnaissance des décisions espagnoles en Uruguay. De fait, alors que la Convention bilatérale en matière d´aliments est applicable uniquement dans les cas où la décision judiciaire espagnole fait référence aux aliments qui sont dus aux enfants mineurs, dans le reste des cas, l’instrument à appliquer est la Convention bilatérale générale (sans oublier, en tout cas, que l’art. 9 du premier instrument contient un renvoi aux règles portant sur la reconnaissance prévue dans la Convention générale).

Les instruments conventionnels mentionnés, hormis trois d’entre eux (Conventions entre l’Espagne et la République du Salvador, la Fédération Russe et la Tunisie), conditionnent, en tout cas, l’efficacité de la décision espagnole -que la prétention vise son exécution dans l’État requis ou l’obtention de l’effet de chose jugée sans plus-à la conduite d’une procédure d’exequatur. Ledit exequatur doit être formulé -à la demande de l’intéressé et sur présentation des documents prévus dans chaque convention- devant l’autorité judiciaire compétente du pays destinataire (autorité qui, sauf dans les cas où la désignation est spécifiée dans la convention, est celle que désigne la loi de l’Etat requis). Ladite autorité doit effectuer, dans le cadre de la procédure fixée par la législation procédurale de l’État requis -à laquelle

renvoi la règle conventionnelle dans ce cas-, le contrôle des conditions de reconnaissance prévues dans la convention applicable.

L’exception, comme nous l’avons signalé, se trouve dans les conventions bilatérales souscrites par l’Espagne avec la République du Salvador, la Fédération Russe et la Tunisie. En effet, d’après ce que nous pouvons déduire de la lecture de ces préceptes portant sur la reconnaissance, la conduite d’une procédure d’exequatur sera exigible uniquement dans les cas où la décision espagnole en matière d’aliments est invoquée sur le territoire de tels États pour son exécution (art. 10 Convention avec Le Salvador; art. 24 Convention avec la Fédération Russe; art. 20 Convention avec la Tunisie). Cependant, il n’en va pas de même quand celle-ci est invoquée dans ces pays en tant qu’autorité de la chose jugée dans le cadre d’une nouvelle procédure introduite sur les aliments. Dans ces cas d’espèce, la possibilité d’une reconnaissance incidente est admise, l’autorité judiciaire connaissant de la nouvelle procédure judiciaire devant simplement effectuer un contrôle des conditions de reconnaissance prévues dans la Convention (art. 11 Convention avec Le Salvador; arts. 18-20 Convention avec la Fédération Russe; arts. 17-19 Convention avec la Tunisie). Dans ces cas, le demandeur devra toujours fournir la même documentation avec sa demande (art. 19 Convention avec Le Salvador; art. 23 Convention avec la Fédération Russe; art. 24 Convention avec la Tunisie).

f) Reconnaissance du jugement espagnol dans tout autre pays

Lorsque le jugement espagnol est invoqué dans un pays autre que ceux déjà mentionnés, la reconnaissance dudit jugement doit être réalisée au regard de la règlementation étatique portant sur la reconnaissance et l’exécution des décisions étrangères en vigueur dans ledit pays. Bien souvent, cette règlementation conditionne l’efficacité du jugement espagnol à la conduite préalable d’une procédure d’exequatur devant les autorités judiciaires qui sont compétentes dans le pays en question. Toutefois, il est possible que la législation de l’État requis exempte le défendeur de cette exigence dès lors que l’effet prétendu du jugement est un effet d’autorité de la chose jugée. Elle prévoit à sa place une reconnaissance incidente, tel qu’il est prévu, comme nous l’avons vu, dans certains des instruments conventionnels multilatéraux ou bilatéraux en vigueur en Espagne.

VIII. RECOURS À LA COOPÉRATION DES AUTORITÉS DANS LE CONTEXTE DE LA MODIFICATION EN ESPAGNE DES JUGEMENTS MAROCAINS

Le recours aux mécanismes de coopération internationale des autorités qui existent actuellement en matière d’aliments, tels que ceux prévus dans la Convention de New York du 20 juin 1956 sur le recouvrement des aliments à l’étranger (dorénavant, CNY 1956), d’une part, et dans le Chapitre VII du RB-III, d’autre part, s’avèrent sans aucun doute, extrêmement utiles dans le contexte de la problématique de notre étude. En effet, ce recours contribue à faciliter, tant l’exercice en Espagne des actions en modifications des décisions judiciaires marocaines portant sur les aliments, que la reconnaissance à l’étranger des décisions judiciaires espagnoles en modification. Cependant, l’utilisation de ces mécanismes ne sera pas toujours possible. Et ce, non seulement parce que l’application de ces instruments exige que la demande de coopération vienne de, ou soit orientée vers un État membre, mais aussi parce que la possibilité d’avoir recours au système de coopération qu´y est établi n’est pas envisagé avec la même ampleur dans les deux instruments. Le but des pages qui suivent est justement d’identifier les cas dans lesquels le recours à la coopération internationale des autorités -dans le contexte particulier de la modification en Espagne des jugements marocains concernant les obligations en matière d’aliments- est réalisable. La possibilité d’utiliser ce recours, comme nous aurons l’occasion de le constater, dépendra en fin de compte de l’instrument qui, en fonction du pays de provenance et du pays destinataire de la demande de coopération, sera applicable.

La coopération internationale des autorités centrales dans ce contexte,

d’un point de vue théorique, pourrait certainement être envisagée dans plusieurs situations. Elle pourrait effectivement être utile afin de faciliter l’exercice en Espagne des actions en modification portant sur des décisions marocaines en matière d’aliments. Il pourrait arriver que lesdites actions soient engagées sur demande du créancier ou du débiteur, et que ceux-ci, quand ils sollicitent la coopération internationale, se trouvent au Maroc ou dans un pays tiers. Le recours à la coopération internationale des autorités pourrait également être envisagé dans le but de faciliter la reconnaissance ou la reconnaissance et l´exécution des jugements espagnols en modification en dehors de ce pays. Dans ce dernier cas, il faudrait distinguer les situations de recours selon qu’ils proviennent du débiteur ou du créancier (ou du Fonds

espagnol d’assurance du recouvrement des aliments, dans le cas où ce dernier aurait fourni une avance au créancier), et aussi selon le pays où l’efficacité de la décision espagnole est demandée, que ce soit le Maroc ou un pays tiers.

Dans les cas où la demande de coopération des autorités est dirigée depuis le Maroc vers l’Espagne afin de faciliter l’exercice devant les autorités judiciaires espagnoles d’une action en modification concernant une décision marocaine portant sur desaliments, comme dans ceux où la demande de coopération est dirigée de l’Espagne vers le Maroc afin de faciliter la reconnaissance ou la reconnaissance et l’exécution par les autorités marocaines de la décision de modification du jugement espagnol, il faut nécessairement s’en tenir aux règles prévues dans la CNY 1956, dont les deux pays font partie39. Cependant, ne perdons pas de vue que le recours au mécanisme de coopération énoncé dans cet instrument, d’après ce que nous pouvons déduire de la lecture de ses arts. 1 et 8, ne sera pas toujours envisageable. Celui-ci sera en effet applicable uniquement dans les cas où les actions seraient formulées dans l’intérêt du créancier, tout en excluant son utilisation dans les cas où il s’agirait de sauvegarder l’intérêt du débiteur. En d’autres termes, le mécanisme conventionnel de coopération pourra être mis en place uniquement sur requête du créancier et jamais sur celle du débiteur. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que le système de coopération des autorités prévu dans la Convention pourra être utilisé uniquement dans le but de faciliter l’introduction en Espagne d’une action en modification se référant à une décision judiciaire marocaine, ou dans le but d’obtenir au Maroc la reconnaissance et l´exécution d’une décision judicaire espagnole en modification. Son utilisation est exclue dans les cas où la prétention porte sur la reconnaissance au Maroc d’une décision judicaire espagnole en modification à des fins autres que celle de son exécution, comme par exemple l’autorité de la chose jugée. Finalement, il faut relever que, même si la CNY 1956 ne précise rien de spécifique à ce sujet, il n’y a en principe aucune objection à ce que le mécanisme conventionnel de coopération des autorités puisse être invoqué, vu qu’il est inclus dans le terme «créancier», par le Fonds espagnol d´assurance du recouvrement des aliments dans les cas où, conformément aux préceptes de l’art. 4 Décret royal 1618/2007, et après que la décision judiciaire espagnole en modification a été rendue, celui-ci aurait accordé au

39 BOE nº 281, du 24.11.1966. La Convention a été publiée au Maroc dans le Dahir nº 1-59- 338, du 3.10.1959 (BO nº 2467, du 05.02.1960).

créancier des aliments une avance et chercherait à se faire rembourser par le biais de la reconnaissance et l´exécution au Maroc de ladite décision.

La situation est cependant différente dès lors que la demande de coopération, visant la modification en Espagne d’un jugement marocain, provient d’un pays tiers, ou que la demande de coopération visant à faciliter l’attribution d’effets dans un pays tiers à une décision espagnole de modification parte de l’Espagne vers ledit pays tiers. Dans ces cas, il est effectivement nécessaire de distinguer la demande en fonction du pays tiers de provenance ou de destination de celle-ci.Ainsi donc, s’il s’agit d’un État membre de l’UE (à l’exception du Danemark), il faudra appliquer le RB-III et le mécanisme de coopération des autorités qu´il prévoit (Chapitre VII). Par contre, s’il s’agit d’un autre État, la coopération des autorités sera uniquement possible dans la mesure où le pays en question fait partie, tout comme l’Espagne, de la CNY 1956, et la coopération devra dans ce cas s’en tenir aux dispositions visées dans cet instrument.

Dans le premier cas (une demande de coopération provient de, ou est adressée à un État membre de l’UE –à l’exception du Danemark-), et conformément aux dispositions de l’art. 56 RB-III [plus précisément dans les lettres a), b) et f) du paragraphe 1, aussi bien que dans les lettres a) et c) du paragraphe 2], la possibilité d’avoir recours au mécanisme de coopération des autorités reste ouverte autant pour les sollicitudes introduites par le créancier que pour celles du débiteur. À ceci il faut ajouter le fait que la coopération des autorités pourra aussi être demandée non seulement pour la modification en Espagne d’une décision judiciaire marocaine40, mais encore pour l’obtention, dans tout autre pays de l’UE, de tout effet de la décision judicaire espagnole en modification, y compris l’autorité de la chose jugée. Ce dernier effet sera précisément celui que le débiteur prétendra obtenir de la décision espagnole en modification qu’il aura obtenu quand il l’aura fait valoir dans un autre État membre de l’UE dans le but d’obtenir la suspension ou la limitation de l’exécution du jugement marocain de modification dans l’État membre requis. Cet effet est expressément prévu dans l’art. 56.2 a) RB-III. D’autre part, il convient de retenir que, pour l´obtention de l’effet exécutif de la décision en modification espagnole dans tout autre pays du RB-III, ce dernier instrument reconnaît d’une manière expresse la possibilité d’avoir recours au

mécanisme institutionnel de coopération des autorités, à l’organisme public espagnol (Fonds espagnol d’assurance du recouvrement des aliments), en tant que créancier, auquel est dû le remboursement pour prestations fournies à titre d’aliments (art. 64.1 y 3 b).

Dans le deuxième cas la demande de coopération provient de, ou est dirigée vers un État ne faisant pas partie de l’UE -y compris le Danemark, qui n’est pas lié par le Chapitre IV RB-III-, et dans la mesure où l´État requérant ou requis est un État faisant partie de la CNY 1956 (condition que le Danemark précisément possède), celle-ci devra donner effet au régime de coopération des autorités prévu dans ce dernier instrument, avec les limitations que, comme il a déjà été exposé, celui-ci présente.

IX. INCIDENCE D’UNE ÉVENTUELLE RATIFICATION PAR LE MAROC DE LA CONVENTION DE LA HAYE DU 23 NOVEMBRE 2007 SUR LE RECOUVREMENT INTERNATIONAL DES ALIMENTS DESTINÉS AUX ENFANTS ET À D’AUTRES MEMBRES DE LA FAMILLE

La Convention de la Haye sur le recouvrement des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille, conclue le 23 novembre 2007 (CLH 2007), est entrée en vigueur le 1er janvier 2013. A partir de cette date, cette convention est devenue opérationnelledans quatre États: l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Norvège et l’Ukraine. Conformément aux dispositions de l’art. 59 du texte conventionnel, l’UE, en tant qu’Organisation régionale d’intégration économique constituée par des États souverains, est compétente pour les matières qui sont régulées dans ledit texte. Elle a procédé à la signature dudit instrument le 6 avril 2011 et à son approbation le 9 avril 201441. Par conséquent, ces règles, sur la base de ce que les articles 59.3 et

60.2.a) de la Convention même disposent, sont également en vigueur depuis le 1er août 2014 dans tous les États membres de l’UE qui ont transféré à cette dernière leurs compétences en matière d´aliments (c’est-à-dire, dans tous les pays -y compris l’Espagne-, à l’exception du Danemark). Notre objectif dans cette section, n’est autre que d’évaluer l’impact qu’aurait, dans le cadre de notre étude (à savoir la modification en Espagne des jugements marocains en matière d´aliments), le fait que ledit instrument conventionnel finisse par engager, en plus de l’Espagne, le Royaume du Maroc (Etat également partie

à la Conférence de la Haye du droit international privé), si celui-ci décide d’adhérer à la Convention, malgré les difficultés existantes.

Le CLH 2007, outre le fait de concevoir un système de coopération des autorités (Chapitres II et III), limite la compétence pour l’engagement d’une procédure en modification des décisions portant sur les aliments (Chapitre IV), régit la reconnaissance et l’exécution des décisions en la matière (Chapitre

V), et établit un ensemble de dispositions visant à faciliter l’exécution dans l’État requis (Chapitre VI). Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un instrument ayant un domaine d’application subjectif très restreint. En effet, selon l’art. 2, ladite Convention est appelée à être appliquée aux obligations alimentaires en faveur des enfants âgés de moins de 21 ans42, tout comme aux obligations alimentaires entre conjoints et ex-conjoints, quoique le champ d’application ne couvre pas la totalité de ces dernières obligations. Plus précisément, ces obligations alimentaires ne seront pas soumises à l’application des dispositions sur la coopération des autorités prévues dans les Chapitres II et III, sauf dans un cas: quand le recours au système de coopération des autorités vise à faciliter la reconnaissance et l’exécution ou l’exécution d’une décision portant sur les obligations alimentaires entre époux et ex-époux, et que ladite demande est présentée conjointement avec une autre portant sur les aliments en faveur des enfants de moins de 21 ans. L’application de la CLH 2007 à toute autre forme d’obligations alimentaires reste en principe exclue, mais il faut garder en mémoire la possibilité que l’art. 2.3 du texte conventionnel offre aux États contractants d’étendre, par le biais d’une déclaration -conformément à ce qui est prévu dans l’art. 63- l’application de la totalité ou d’une partie de la Convention à d’autres obligations alimentaires découlant d’une relation familiale, tel qu’un lien de filiation, matrimoniale ou d’alliance43. L’UE a fait usage de cette possibilité lors de l’approbation de la CLH 2007, en étendant l’application de toutes

ses normes, y compris celle de coopération des autorités, aux obligations alimentaires entre époux et ex-époux44.

En partant de cette précision initiale, nous pouvons affirmer qu’une ratification éventuelle de la CLH 2007 par le Maroc pourrait considérablement élargir les situations où, dans ce contexte (la modification en Espagne des jugements marocains en matière d´aliments), il serait possible d’avoir recours à la coopération des autorités entre les deux pays en ce qui concerne les situations pour lesquelles (comme nous l’avons vu) ladite coopération est actuellement admise dans le cadre de la CNY 1956 -même si nous ne devons pas oublier que cela se réfèrerait uniquement aux situations incluses dans le domaine d’application des deux instruments, qui, comme l’art. 49 CLH 2007 le déclare, sont les seules où cette dernière convention remplace la CNY 1956-. Et ce, parce que le mécanisme de coopération des autorités prévu dans la CLH 2007 reste ouvert, tout comme celui établi dans le RB-III, aussi bien aux demandes formulées par le créancier que par le débiteur. Le créancier, en particulier, pourrait avoir recours au nouveau système conventionnel de coopération pour solliciter la modification en Espagne des décisions portant sur les pensions alimentaires rendues au Maroc [art. 10.1 f)], pour obtenir la reconnaissance au Maroc ou la reconnaissance et l’exécution des décisions en modification adoptées en Espagne [art. 10.1 a)], tout comme pour demander l’exécution de la décision de modification rendue ou reconnue dans l’État requis [art. 10.1 b)]. Ceci, sans oublier que, pour ces deux derniers effets, la CLH 2007, de même que le fait le RB-III, inclut dans le terme «créancier», l’organisme public qui réclame le remboursement des avances fournies à titre d’aliments [art. 36.1 et 3 b)].

De son côté, le débiteur pourra faire usage du mécanisme de coopération,

aussi bien pour demander aux autorités espagnoles la modification d’une décision judiciaire marocaine portant sur les aliments [art. 10.2 c)], que pour obtenir au Maroc la reconnaissance (où procédure équivalente) de la décision en modification espagnole visant à suspendre ou à limiter l’exécution par les

autorités de ce pays de la décision rendue initialement au Maroc et modifiée en Espagne [art. 10.2 a)].

La ratification par le Maroc de la CLH 2007 introduirait, par ailleurs, une limitation significative pour les cas où l’intervention des autorités espagnoles pour modifier une décision judiciaire marocaine en matière d’aliments est actuellement admise. Et ce conformément à ce qui est établi dans le Chapitre IV, et plus précisément dans sa disposition unique (art. 18), où il est déclaré que lorsqu´une décision a été rendue dans un Etat contractant où le créancier a sa résidence habituelle, des procédures pour modifier la décision, ou obtenir une nouvelle décision ne pourront être introduites par le débiteur dans un autre Etat contractant, tant que le créancier continue à résider habituellement dans l´Etat où la décision a été rendue. En tout état de cause, rappelons que, selon le précepte cité, une telle limitation ne sera pas applicable: a) lorsque, dans un litige portant sur une obligation alimentaire envers une personne autre qu’un enfant, les parties ont accordé par écrit la compétence de cet autre État contractant; b) lorsque le créancier se soumet à la compétence de cet autre État contractant, soit expressément, soit en se défendant sur le fond de l’affaire sans contester la compétence lorsque l’occasion lui en est offerte pour la première fois; c) lorsque l’autorité compétente de l’État d’origine ne peut ou refuse d’exercer sa compétence pour modifier la décision ou rendre une nouvelle décision, ou d) lorsque la décision rendue dans l’État d’origine ne peut être reconnue ou déclarée exécutoire dans l’État contractant dans lequel des procédures tendant à la modification de la décision ou à l’obtention d’une nouvelle décision sont envisagées.

Finalement, il convient d’insister sur l’impact que l’application du nouveau

règlement conventionnel pourrait avoir quant à l’efficacité au Maroc des décisions judiciaires espagnoles en modification et, concrètement, quant à leur efficacité exécutoire. Ceci sans oublier l’impact que la nouvelle règlementation aurait également sur la possibilité de faire exécuter les décisions espagnoles en modification dans le reste des pays (non membres de l’UE)45 qui sont actuellement liés par ledit instrument, tout comme dans ceux qui pourraient l’être dans l’avenir, même dans les cas où l’Espagne se trouve déjà liée à ces pays par d’autres instruments conventionnels. Ces conventions pourraient finir par céder face aunouvel instrument, soit sur la base des dispositions

visées dans leurs clauses de concurrence respectives46, soit en application de la règle de l’efficacité maximale prévue à l’art. 52 CLH 2007.

En régulant, dans son Chapitre V, la procédure d’exéquatur qui doit être introduite à cet effet, la CLH 2007 penche dans son art. 23 pour une procédure non contradictoire en effectué aucun contrôle des conditions de reconnaissance n’est effectué (conditions dont le texte conventionnel fait état dans ses arts. 20 et 22 sous les titres «Bases de reconnaissance et exécution» et «Motifs de refus de reconnaissance et d’exécution»47). Ledit contrôle est reporté à une seconde instance (dans cette instance, la partie requérante pourra

aussi déployer l’argument de la satisfaction de la dette si la reconnaissance et l’exécution font référence à des paiements dus). Par ailleurs, il faut garder en mémoire que le paragraphe 11 dudit précepte finit par imposer à l’autorité qui est compétente dans l’État requis l’obligation d’agir rapidement pour adopter une décision concernant la reconnaissance et l’exécution, y compris tout type de recours. Ainsi donc, nous pouvons conclure que l’application dudit régime à la modification en Espagne des jugements marocains concernant la pension alimentaire pourrait simplifier considérablement l’obtention au Maroc de l’effet exécutoire des décisions espagnoles de modification, puisque cela permettrait l’obtention dudit effet par le biais de l’engagement d’une procédure d’exequatur plus rapide que celle qui doit actuellement être suivie conformément aux dispositions de la législation marocaine, dont l’application est impérative en vertu de l’article 25 CLH 2007, et qui prévoit l’engagement d’une procédure d’exéquatur contradictoire, avec un contrôle des conditions en première instance.Il est vrai que l’entrée en vigueur de la CLH 2007 pour l´Espagne et le Maroc pourrait générer un conflit évident entre conventions, puisqu’elle serait en concours avec la CHM déjà en vigueur. Cependant, il ne semble pas y avoir de doute que ledit conflit, eut égard au silence que la CHM garde face à d’éventuelles situations de concours de conventions, et en tenant compte des règles de concours prévues dans la CLH 2007 (art. 51.1, et en particulier, l’art. 52.1, où la règle de l’efficacité maximale est proclamée), devra, en tout cas, être réglé en faveur de l’application de ce dernier instrument.

Dans tous les cas, nous ne devons pas perdre de vue la possibilité que la

CLH 2007 reconnaît aux États qui le désirent, d’opter, par déclaration, pour une procédure d’exequatur alternative (art. 24). Cette procédure se caractérise précisément par sa nature contradictoire, et par le fait qu’elle implique un contrôle des conditions en première instance. C’est la procédure que les États, ayant effectué une telle déclaration, doivent finir par appliquer aux décisions portant sur les aliments provenant de tout autre État partie à la Convention, que ce dernier ait effectué ladite déclaration ou non. Evidemment, si le Maroc optait pour cette procédure alternative d’exequatur, l’entrée en vigueur de la CLH 2007 cesserait d’avoir un quelconque intérêt au niveau de la reconnaissance et l’exécution des décisions, puisque cela n’apporteraitpratiquement aucun changement par rapport au régime existant actuellement.

Après avoir constaté l’utilité d’une ratification par le Maroc de la CLH 2007, nous aimerions profiter de l’occasion pour plaider-sur la base de ce document- en faveur de la ratification dudit instrument par les autorités marocaines, comme elles l’ont fait dans le cas d’autres instruments de la Conférence de la Haye de droit international privé, tels que la Convention de la Haye du 10 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants48. Cependant, il nous faut êtreréalistes, et nous devons admettre que, tant que la législation interne marocaine continuera de distinguer entre enfants légitimes et illégitimes, limitant ainsi le droit aux aliments fournis par le père seulement aux premiers, la ratification par le Maroc de la CLH 2007 n’aura pas lieu. La raison est claire: l’art. 2.4 dudit instrument établit que les dispositions de la Convention sont applicables aux enfants indépendamment de la situation conjugale de leurs parents, rejetant par conséquent toute discrimination en raison de la naissance.

Les références

selon les recensements du ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale espagnol, le 30/6/2008 il y avait un total de 672.864 ressortissants marocains résidant en Espagne. Il est vrai que ce chiffre a continué d’augmenter au cours des années suivantes (748.953 le 30.06.2009; 758.900 le 30.06.2010; 822.997 le 30.06.2011; 854.501 le 30.06.2012), jusqu’à atteindre, au 30.06.2013, un total de 888.937 résidents. Cependant, en 2014 nous avons assisté à une baisse importante du nombre de la population immigrante marocaine (au 30.06.2014, les ressortissants marocains résidant en Espagne étaient de 774.395). Cette baisse a continué tout au long de l’année 2015 (au 30.06.2015 le nombre n’était plus que de 763.775 résidents). En revanche, il nous faut souligner qu’au 31.12.2015 -date des dernières données publiées- une légère hausse commençait à se faire sentir (766.622).

Approuvé par le Dahir nº 1-04-22 du 03.02.2004 [Bulletin officiel marocain (BO) nº 5358, du 06.10.2005). Selon ledit précepte, «Les dispositions du présent Code s’appliquent: 1) à tous les marocains, même ceux possédant une autre nationalité; 2) aux réfugiés, y compris les apatrides conformément à la convention de Genève du 28.07.1951 relative au statut des réfugiés; 3) à toute relation entre deux personnes lorsque l’une d’elles est marocaine ; 4) à toute relation entre deux personnes de nationalités marocaines lorsque l’une d’elles est musulmane. Les marocains de confession juive sont soumis aux règles du statut personnel hébraïque marocain». Il ne faut pas oublier non plus que le Dahir en vigueur du 12.08.1913, portant sur la condition civile des français et des étrangers (BO nº 77, du 12.09.1913), ne contient aucune disposition concernant la loi applicable aux aliments.

Faisons abstraction de ce qui est régi dans le Statut personnel des juifs marocains, puisque selon l’art. 2 CFM, ledit statut est applicable uniquement aux relations entre juifs marocains. Ce groupe est minoritaire au sein de la population marocaine, majoritairement de confession musulmane.

Il ne faut pas oublier que dans le droit espagnol il n’existe pas de règlementation unique concernant les aliments entre les membres de la famille. En effet, outre le Code civil (arts. 142

et arts. 93, 110 et 154), que nous allons étudier ci-après, nous trouvons une règlementation en matière d’aliments dans certaines législations «forales» espagnoles

Les références

Pour en savoir plus sur la distinction entre enfants légitimes et enfants illégitimes dans le droit marocain, consulter dans ce même volume le travail réalisé par RUIZ SUTIL, C.,Les effets « pervers » de la paternité légitime marocaine en Espagne: une question à résoudre.

Il ne faut pas oublier, toutefois, ce qui est prévu par l’art. 199 qui dispose, quant aux aliments destinés aux enfants, que «Lorsque le père est, totalement ou partiellement, incapable de subvenir à l’entretien de ses enfants et que la mère est aisée, celle-ci doit assumer la pension alimentaire au prorata du montant que le père est dans l’incapacité d’assurer».

il convient de souligner que la CL est toujours applicable après l’entrée en vigueur du RB- III, même si cette application est limitée aux cas où le créancier et le débiteur s’accordent sur la désignation de compétence d’un tribunal d’un pays partie à la Convention mais non pas au RB-III. L’accord n’est pas applicable quand la réclamation des aliments fait référence à des enfants de moins de 18 ans (art. 4.4 RB-III).

Code approuvé par le Dahir n° 1-74-447 du 28.09.1974 (BO nº 3230 bis, du 30.09.1974) et modifié par le Dahir nº 1-91-225 du 10.09.1993 (BO n° 4227, du 03.11.1993).

En vertu de l’art. 147 CC, «Les aliments seront réduits ou augmentés d’une manière proportionnelle à l’augmentation ou la diminution des besoins de celui qui les reçoit et à la fortune de celui qui les fournit». En ce qui concerne les jugements rendus dans le cadre des procédures portant sur les affaires matrimoniales et les mineurs, l’art. 775.1 LPCE établit de son côté que: «Le ministère public, dans le cas où il y a des enfants mineurs ou incapables et, dans tous les cas, les époux pourront solliciter du tribunal la modification des mesures convenues par les époux où celles adoptées en l’absence d’accord, si les circonstances prises en considération pour les approuver ou les accorder ont substantiellement changé».

BOE nº 151, du 25.06.1997. La Convention a été approuvée au Maroc par le Dahir nº 1-98- 150, du 13.05.1999 (BO nº 4700, du 17.06.1999).

Les références

BOE nº 203, du 25.08.1987. Corr.err. BOE nº 88, du 13.04.1989. La Convention a été publiée au Maroc par le Dahir nº 1-04-34, du 02.08.2011 (BO n° 5988, du 20.10.2011).

«Las decisiones de divorcio y separación matrimonial en el tráfico jurídico entre España y Marruecos»

«El exequátur de las decisiones dictadas por los Tribunales de Marruecos»

Les références

«Competencia judicial internacional y modificación de prestaciones de ejecución continuada: más allá de la STC 61/2000»,

Les États parties au RB-III restent également liés par la CL, même si cette dernière n’est pas applicable aux relations entre lesdits États, conformément aux dispositions de l’art. 64.1 et 2 c) CL. Rappelons également que certains des États parties au RB-III sont, comme c’est le cas de l’Espagne, membres d’autres instruments conventionnels multilatéraux, tels que la Convention de la Haye du 15.04.1958 concernant la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires en matière d’obligations alimentaires destinées aux enfants (Autriche, Belgique et Hongrie) ou la Convention de la Haye du 02.10.1973 concernant la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires en matière d’obligations alimentaires destinées aux enfants (Allemagne, Danemark, Slovaquie, Slovénie, Estonie, Finlande, France, Grèce, Italie, Lituanie, Luxembourg, Pays Bas, Pologne, Portugal, Royaume Uni, République Tchèque et Suède). L’application de ces textes est exclue, conformément à ce qui est prévu dans l’art. 69.2 RB-III, quant aux relations entre les États qui sont des Etats parties au RB-III.

En tant que régions ultrapériphériques de l’UE, en Guadeloupe, Guyane française, Martinique, à Mayotte et à la Réunion, le RB-III est applicable.

Soulignons que le RB III ne limite en aucun cas l’utilisation du mécanisme de coopération des autorités qui y est prévu à la modification de jugements dictés dans un Etat membre.

Il ne faut pas oublier que l’art. 2.2 CLH 2007 prévoit la possibilité que les États se réservent, conformément aux dispositions de l’art. 62, le droit de limiter l’application de la Convention aux personnes qui n’ont pas encore atteint l’âge de 18 ans. L’État contractant qui fait une telle réserve ne sera pas fondé à demander l’application de la Convention aux personnes exclues par sa réserve du fait de leur âge.

Une telle déclaration, il faut le souligner, pourra créer des obligations uniquement entre deux États contractants dans la mesure où leurs déclarations incluent les mêmes obligations alimentaires et les mêmes parties à la Convention.

Dans sa déclaration, l’UE va même plus loin, quand elle indique que dans un délai de 7 ans, et à la lumière de l’expérience acquise et des déclarations possibles d’extension effectuées par d’autres États contractants, elle examinera la possibilité d’étendre l’application de la Convention entière à toutes les obligations alimentaires découlant d’un lien de famille, de parenté, matrimonial ou d’alliance.

Conformément aux dispositions de l’art. 69.2 RB-III, ainsi que l’art. 51.4 CLH 2007, les États membres de l’UE devront appliquer entre eux les dispositions du Chapitre IV RB-III.

Quant aux conflits entre la CLH 2007 et les autres instruments sur la reconnaissance des jugements concernant les aliments de la Conférence de la Haye (tel que ce sera le cas du conflit qui pourra être suscité, à partir du 01.08.2014, avec la CLH 1973, à laquelle l’Albanie, la Norvège et l’Ukraine sont parties tout comme l’Espagne), la prééminence de la première est claire, puisque, selon les dispositions de l’art. 48, celle-là va se substituer au reste des instruments de la Conférence de la Haye en ce qui concerne les relations entre les États contractants et pour les situations où leurs domaines d’application respectifs coïncident. Un autre conflit apparaîtra entre la CLH 2007 et la CL (conflit qui naîtra dans les relations avec la Norvège, pays partie comme l’Espagne à ce dernier instrument), qu´il faudra résoudre en s’appuyant sur les dispositions des arts. 51.1 CLH 2007 et 67.1 et 4 CL. À la lumière desdits préceptes, il sera possible de parler d’une application conjointe des deux instruments. Il correspondra à la CL de régir tout ce qui relève de la procédure, et à la CLH 2007 d’établir les bases ou conditions de reconnaissance.

L’art. 20, spécifiquement, impose le contrôle de la compétence du tribunal de provenance tout en fixant les cas où ce dernier sera estimé compétent. De son côté, l’art. 22 énonce les raisons pour lesquelles il serait possible de refuser la reconnaissance et l’exécution d’une décision étrangère, et les établit comme suit: a) que la reconnaissance et l’exécution de la décision soient manifestement incompatibles avec l’ordre public de l’État requis; b) que la décision ait résulté d´une fraude commise dans la procédure; c) qu’un litige entre les mêmes parties et ayant le même objet se trouve pendant devant une autorité de l’Etat requis et que ledit litige ait été initié en premier; d) que la décision soit incompatible avec une décision rendue entre les mêmes parties et ayant le même objet, soit dans l’État requis, soit dans un autre État lorsque la dernière décision réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance et à son exécution dans l’État requis; e) dans le cas où le défendeur n’ait ni comparu, ni ait été représenté dans les procédures dans l’État d’origine: i) lorsque la loi de l’État d’origine prévoit une notification de la procédure, que le défendeur n’ait pas été dûment assigné et n’ait pas eu l’opportunité d’être entendu, ou ii) quand la loi de l’État d’origine ne prévoit pas de notification de la procédure, si la décision n’a pas été dûment signifiée au défendeur et qu’il n’a eu la possibilité de la contester ou de former un appel en fait et en droit, ou f) si la décision a été rendue en enfreignant la limite de compétence prévue à l’art. 18 de la Convention.



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