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La construction de l’interdépendance entre l’Espagne et le Maroc (1995-2009)
Paix et Sécurité Internationales – Journal of International Law and International Relations, n° 1, 2013
Universidad de Cádiz

Estudios

Paix et Sécurité Internationales – Journal of International Law and International Relations
Universidad de Cádiz, España
ISSN-e: 2341-0868
Périodicité: Anual
n° 1, 2013


Ce travail est sous une licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDeriv 4.0 International License.

Résumé: .

Resumen: Les relations hispano-marocaines se caractérisent depuis 1956 par une instabilité cyclique liée en grande partie au processus de décolonisation par étapes et à l’existence de revendications territoriales marocaines. Profitant du processus de diversification qui s’est produit dans les relations bilatérales suite à l’adhésion de l’Espagne à la Communauté européenne en 1986, la diplomatie espagnole a promu la théorie du « matelas d’intérêts communs » comme un instrument permettant d’y insuffler de la stabilité. Cet article tente d’évaluer les résultats de cette politique par l’analyse de l’évolution des indicateurs d’interdépendances construits entre les deux pays entre 1995 et 2009. Pour cela il se base sur la base de données intégrée de politique étrangère (BDPEX) élaborée par le GRESAM dans le cadre du projet « Acteurs et intérêts dans les relations extérieures de l’Espagne avec le monde arabe et musulman » (CSO2008-06232-C03-03/ CPOL) MOTS CLEFS: Espagne, Maroc, Politique Étrangère, relations extérieures. LA CONSTRUCCIÓN DE LA INTERDEPENDENCIA ENTRE ESPAÑA Y MARRUECOS (1995- 2009)

Palabras clave: España, Marruecos, Política Exterior, Relaciones Exteriores.

Resumen: Las relaciones hispano-marroquíes se caracterizan desde 1956 por una inestabilidad cíclica vinculada en gran parte a un proceso de descolonización por etapas y a la existencia de reivindicaciones territoriales marroquíes. Aprovechando el proceso de diversificación experimentado en las relaciones bilaterales tras la adhesión de España a la Comunidad Europea en 1986, la diplomacia española impulsó la teoría del “colchón de intereses” como instrumento con el que inyectar estabilidad a las mismas. Este artículo trata de valorar los resultados de esa política analizando la evolución de los indicadores de interdependencia construidos entre ambos países entre 1995 y 2009. Para ello utiliza la Base de Datos Integrada de Política Exterior (BDPEX) elaborada por el GRESAM en el 1 Cet article s’inscrit dans le cadre des résultats des projets de recherche du Groupe d’Étude sur les Sociétés Arabes et Musulmanes (GRESAM): «Acteurs et intérêts dans les relations extérieures de l’Espagne avec le Monde arabe et musulman» (CSO2008-06232-C03-03/CPOL) et «Nouveaux espaces, acteurs et instruments dans les relations extérieures de l’Espagne avec le monde arabe et musulman» (CSO2011-29438-C05-02). Une version préliminaire a fait l’objet d’une communication présentée lors du VIII Colloque International Hispano-Russe «Alliance de civilisations: La Russie et l’Espagne et leurs défis de voisinage». Les auteurs souhaitent remercier le Professeur Aurelia Mañé Estrada pour les commentaires réalisés sur ce travail. 2 Irene Fernández Molina, College of Europe; Miguel Hernando de Larramendi est professeur d´Histoire du monde arabe, Université de Castilla-La Mancha. Paix et Sécurité Internationales 91 Num. 1, janvier-décembre 2013 DOI: http://dx.doi.org/10.25267/Paix_secur_ int.2013.i1.06 marco del proyecto “Acteurs et intérêts dans les relations extérieures de l’Espagne avec le Monde arabe et musulman” (CSO2008-06232-C03-03/CPOL).

Palabras clave: España, Marruecos, Política Exterior, Relaciones Exteriores.

Abstract: Relations between Spain and Morocco are characterised since 1956 by a pattern of cyclical instability, which is largely linked to the latter’s stepwise decolonisation process and the persistence of Moroccan territorial claims. Taking advantage of the diversification in bilateral relations witnessed as of Spain’s accession to the European Community in 1986, the Spanish diplomacy promoted the doctrine of the “colchón de intereses” (buffer of interests) as a way to inject stability into them. This article aims at assessing the results of that policy by analysing the evolution of indicators of interdependence between both countries between 1995 and 2009.

Keywords: Spain, Morocco, Foreign Policy, International Relations.

I. UN VOISINAGE AUX MULTIPLES FACETTES

Au-delà de la proximité géographique, les relations de l’Espagne avec le nord-ouest de l’Afrique ont été marquées depuis l’indépendance des États maghrébins par l’expérience de la décolonisation et les revendications territoriales marocaines. Après l’indépendance algérienne, en 1962, L’Espagne est le seul pays européen à avoir conservé une présence territoriale dans cette zone (Sidi Ifni jusqu’en 1969, le Sahara Occidental jusqu’en 1976 et Ceuta et Melilla). Durant le franquisme, l’objectif principal fut de retarder la décolonisation du Sahara Occidental, demandée par l’ONU depuis 1965. C’est dans cet élément différentiel par rapport aux autres pays européens que réside l’origine de la conflictualité cyclique qui caractérise les relations hispano-maghrébines jusqu’à nos jours. C’était le moment où on considérait aussi qu’un Maghreb désuni et en confrontation constituait la meilleure garantie pour la défense des intérêts espagnols, essentiellement compris en termes territoriaux et pour y parvenir on n’hésitait pas à exploiter la rivalité entre le Maroc et l’Algérie, les deux aspirants au leadership régional.

Le début de la transition démocratique en Espagne coïncida chronologiquement avec la signature des Accords Tripartites de Madrid, par lesquels L’Espagne cédait l’administration du Sahara Occidental au Maroc et à la Mauritanie (novembre 1975), dans un climat d’intensification des pressions de Rabat et d’incertitude face à la succession imminente à la tête de l’État. Depuis son retrait du territoire, la position officielle espagnole consistait à considérer qu’il s’agissait d’un problème de décolonisation inachevé, et dépendant de l’organisation d’un référendum d’autodétermination consultant la population concernée. Cependant, le refus de dénoncer ces accords entachait d’une grande ambigüité l’action espagnole sur un sujet particulièrement sensible pour l’opinion publique nationale et utilisé comme une arme contre les gouvernements espagnols successifs.

Les relations avec le Maghreb, fortement politisées, ont été marquées lors des premières années de la démocratie par de nombreuses tensions liées aux aléas de ce conflit. Les différents acteurs impliqués voulaient obtenir de l’ancienne métropole le soutien à leurs thèses et les

tentatives de Madrid de maintenir une position équidistante entre toutes les parties prenantes ont été infructueuses. En conséquence de quoi, les premiers gouvernements post-franquistes appliquèrent des politiques réactives, à la remorque des pressions exercées par le Maroc, le Front Polisario ou l’Algérie, et ils prolongèrent la vieille stratégie des équilibres alternatifs. Les tiraillements au sujet de la présence des bateaux de pêche espagnols dans les eaux marocaines (et celles du Sahara Occidental), les revendications de Rabat sur Ceuta et Melilla ou l’invitation faite au Comité de décolonisation de l’Organisation pour l’Unité Africaine à étudier l’africanité des Îles Canaries sont les questions qui ont généré les plus fortes tensions.

L’arrivée du PSOE au gouvernement en 1982 n’a pas modifié les grandes lignes sur lesquelles se fondent ces relations. Au nom de la politique d’État, les nouveaux dirigeants socialistes abandonnèrent leurs positions précédentes en faveur de l’indépendance du Sahara Occidental, ce qui permis de reconduire les relations avec le Maroc- choisi par Felipe González pour la réalisation de son premier voyage à l’étranger après sa prise de fonction à la tête du gouvernement- . La principale nouveauté de ces premières années, tout du moins en ce qui concerne le discours diplomatique, a été de miser sur la substitution de la stratégie d’équilibre ou de compensation, héritée des dernières années du franquisme, et reposant sur la rivalité entre le Maroc et l’Algérie, par une stratégie globale qui romprait ce jeu à somme nulle en promouvant l’intégration régionale, le développement et la stabilité de la zone dans son ensemble (et en élargissant le concept de sécurité au-delà de sa stricte dimension militaire).

C’est en 1986 que se produit le véritable tournant avec l’entrée de l’Espagne dans la Communauté Économique Européenne (CEE) et la conséquente européanisation de sa politique méditerranéenne. Une fois atteint le grand objectif partagé par tous les acteurs politiques depuis le début de la transition démocratique, la politique étrangère espagnole a fait l’objet d’une réévaluation de ses objectifs et ses priorités. C’est à ce moment-là que les bases conceptuelles et instrumentales de la politique maghrébine et méditerranéenne ont été définies et qui perdurent encore jusqu’à nos jours. Il s’agissait alors principalement de mettre l’accent sur la dimension européenne des relations avec cette région, en dessinant un triangle Espagne- Europe-Méditerranée, qui permettrait aux trois pôles de se renforcer mutuellement.

D’une part, l’intégration à la CEE a été perçue comme une opportunité pour renforcer les positions espagnoles sur certains dossiers bilatéraux conflictuels comme la pêche dans les eaux marocaines, dès lors communautarisés et gérés directement par Bruxelles. D’autre part, l’expérience historique et la relative spécialisation de Madrid en Méditerranée constituaient un atout pour multiplier son influence internationale et élever ses propres priorités et préoccupations à l’échelle européenne. Dans cette tentative d’exporter les intérêts nationaux à Bruxelles, le Gouvernement espagnol s’est distingué par le rôle de premier plan joué dans le lancement d’initiatives successives de coopération multilatérale entre la CEE/Union Européenne (UE) et les pays du sud de la Méditerranée et, en particulier, dans la gestation de

l’Association Euro-méditerranéenne, fondée en 1995 au sommet de Barcelone.

Au rythme de tous ces changements, l’agenda des relations hispano-maghrébines s’est élargi et de nouvelles questions économiques y ont été incorporées- les accords agricoles entre l’UE et le Maroc – ou sociaux- l’immigration de cette région vers l’Espagne-, et l’éventail d’acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux qui y sont impliqués. Du point de vue bilatéral et en ce qui concerne plus particulièrement le Maroc, la diplomatie espagnole a élaboré et diffusé durant ces années-là la doctrine du « matelas d’intérêts ». Elle repose sur la théorie selon laquelle la création d’un réseau d’intérêts communs, à partir d’un dialogue politique institutionnalisé et de coopération dans tous les domaines amortirait les conflits cycliques des relations bilatérales liés aux disputes territoriales. Une idée dont les prémisses correspondent dans une large mesure aux théories de l’interdépendance diffusées en Relations Internationales à partir de la fin des années 70: la création d’un tissu complexe d’interaction entre un large éventail d’acteurs internationaux au-delà des gouvernements centraux des États et l’existence de nombreux flux transfrontaliers économiques, technologiques, de communication ou humains qui ne peuvent pas être contrôlés par les États devaient favoriser le jeu coopératif et réduire les risques de glissement des contentieux sur le terrain politique et militaire5.

II. INDICATEURS DE L’INTERDEPENDANCE AVEC LE MAROC

Dans quelle mesure la construction de cette interdépendance complexe a-t-elle progressé? L’instabilité structurelle des relations bilatérales entre l’Espagne et les pays du Maghreb a-t-elle été bien limitée ? Les indicateurs de la base de données Intégrée de Politique étrangère envers le Monde Arabe et Musulman (BDPEX), un instrument intégré pour l’analyse des relations extérieures de l’Espagne élaboré à partir d’une sélection de sources documentaires publiques6, permettent d’extraire quelques conclusions provisoires sur le cas particulier du Maroc durant la période 1995-2009.

Le premier axe d’action favorisé par l’Espagne afin de consolider l’interdépendance avec ses voisins nord-africains fut d’institutionnaliser un dialogue politique régulier. L’objectif était de maintenir ouvertes des voies de communication stables, à même de prévenir ou de

limiter la portée des crises qui ébranlaient périodiquement les relations bilatérales. Cette ligne d’intervention fut l’un des principaux éléments des traités d’amitié, bon voisinage et coopération souscrits avec le Maroc en 1991 et la Tunisie en 1995. La guerre civile algérienne des années 90 a retardé la signature d’un accord similaire avec l’Algérie jusqu’en 2002. Celui de la Mauritanie verra le jour en 2008 au moment où l’intensification de la pression migratoire provenant de ce pays vers les Iles Canaries obligeait à relancer les relations bilatérales.

La signature de traités, accords et conventions bilatérales est un autre indicateur de l’institutionnalisation des relations d’un point de vue juridique. Dans le cas du Maroc, leur classification temporaire et thématique permet d’apprécier les variations en intensité des relations politiques bilatérales à différentes périodes et l’introduction progressive de nouvelles thématiques, preuve de la diversification des domaines de coopération (en tenant cependant compte du caractère accumulatif de ce montage juridique). Si dans les années qui suivirent l’indépendance du Protectorat espagnol, prédominèrent les traités relatifs au propre processus de décolonisation et la réorganisation technique des relations en matière de transports et de communication, avec le temps les traités concernant la coopération économique dans les domaines les plus divers occupèrent une place plus importante. Par ailleurs, il est à noter l’irruption dans l’agenda des affaires de l’intérieur et de la justice, la circulation de personnes et les migrations observées durant la deuxième moitié des années 90.


Figure 1. Traités, accords et conventions entre l’Espagne et le Maroc (1956-2009)
Traités, accords et conventions entre l’Espagne et le Maroc (1956-2009)
Sources: Torrejón Rodríguez (2006), MAEC (2010)7. Elaboration propre

’institutionnalisation politique et juridique des relations bilatérales fut accompagnée d’une intensification des échanges économiques, rendue possible en principe par les accords cadre de coopération financière souscrits avec le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, et les protocoles successifs de coopération financière destinés à les compléter. Les exportations espagnoles vers les trois pays du Maghreb central ont enregistré entre 1995 et 2002 des taux de croissance accumulés supérieurs à 15%- multipliés par deux dans le cas du Maroc et de la Tunisie et stable dans le cas de l’Algérie—, ce qui ne faisait que confirmer l’importance de ce marché naturel de L’Espagne en raison de sa proximité géographique. Á la fin de la décennie des années 2000, les trois pays du Maghreb central importaient de l’Espagne plus que les 13 pays sud-américains réunis.

Dans le cas du Maroc, les exportations espagnoles ont été multipliées par sept entre 1995 et 2008, alors que les importations augmentaient à un rythme similaire. Le Maroc a absorbé entre 2000 et 2008 50% des exportations totales de l’Espagne destinées au Nord de l’Afrique, et l’Espagne devenait en même temps le second partenaire commercial. L’année 2009 a interrompu conjoncturellement cette tendance à la croissance qui depuis 2011 n’avait cessé de gagner en intensité. En 2012 l’Espagne est devenue pour la première fois depuis l’indépendance le premier fournisseur du Maroc devant la France.


Figure 2 : Exportations et importations de l’Espagne vers le Maroc (1995-2009)

DataComex (Ministerio de Industria, Turismo y Comercio), BDPEX. Elaboration propre.

Outre le développement des échanges commerciaux, la création de nouveaux instruments financiers a favorisé l’installation de plus d’une centaine d’entreprises espagnoles dans ce pays- pour la plupart des petites et moyennes entreprises- et l’augmentation de l’investissement direct qui en résulte. Le volume d’investissements accumulé entre 1995 et 2009 se monte à un peu moins de 3.500 millions d’euros, une quantité conséquente du point de vue marocain, même si elle ne représente qu’un pourcentage réduit du total de l’investissement direct de l’Espagne à l’extérieur (près de 0,5%).


Figure 3. Investissements directs de l’Espagne au Maroc (1993-2009)

DataInvex (Ministerio de Industria, Turismo y Comercio), BDPEX. Elaboration propre.


Figure 4. Aide Publique au Développement bilatérale nette de l’Espagne au Maroc (2000-2009)

Parallèlement, l’Aide Publique au Développement a sensiblement augmenté. Le volume des fonds destinés à l’ensemble du Maghreb a été multiplié par six entre 1997 et 2009. Le Maroc en a toujours été le premier pays récepteur, bénéficiaire en 2009 d’un montant de 136,9 millions d’euros, devant la Tunisie (89,1 millions) l’Algérie (39 millions), la Mauritanie (32,1) et les camps de réfugiés sahraouis (20,8).

Suivi du Plan Annuel de Coopération Internationale (AECID), BDPEX. Elaboration propre.


Figure 5. Évolution du nombre d’immigrants marocains régularisés en Espagne (1992-2009)

Par ailleurs, la transformation de l’Espagne en pays récepteur d’immigration et l’implantation sur son territoire d’un important collectif de ressortissants marocains- le plus nombreux par nationalité (750.000 en 2009) — a permis une mise en contact directe entre les

deux sociétés qui avaient toujours vécu dos à dos. Le développement des contacts entre les sociétés civiles et la lutte contre les préjugés et les stéréotypes motivés par la méconnaissance mutuelle sont devenus des axes prioritaires sur lesquels devait reposer la construction du voisinage.

Instituto Nacional de Estadística.

Au vu de tous ces indicateurs, la création d’un tissu d’intérêts partagés et l’augmentation de l’interdépendance hispano-marocaine dans divers domaines tout au long des dernières décennies n’ont rien de chimérique. Comme le souligne de façon insistante le discours du Ministère des Affaires Étrangères et de Coopération espagnol : « L’Espagne et le Maroc entretiennent une relation de partenariat stratégique global, qui se caractérise par sa maturité et la densité de son contenu (…) Les relations hispano-marocaines se distinguent par l’intensité des contacts maintenus au niveau de la société civile, le rôle essentiel joué par les entreprises espagnoles sur le marché marocain et une coopération en pleine expansion dans des domaines de plus en plus variés. Ces dernières années, l’Espagne et le Maroc ont accompli des progrès considérables en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, une plus importante coopération judiciaire et policière contre le crime organisé et en matière de lutte contre le terrorisme »8.

Cependant, cette croissante interdépendance n’est pas reflétée dans les débats internes portant sur les relations hispano-marocaines. La répartition thématique des initiatives parlementaires concernant le Maroc présentées devant la chambre des députés durant la 8ème législature (avril 2004-mars 2008), près d’un millier en tout, en est la preuve. Cette période concrète est intéressante dans la mesure où il s’agit d’une phase normale des relations

bilatérales et dont l’agenda politique devrait en principe être plus large et ne devrait pas subir

les distorsions des conflits conjoncturels.

Mais il ressort de l’analyse des initiatives parlementaires des conclusions très différentes: l’intérêt pour le Maroc est d’une manière générale centré sur les affaires intérieures et de justice (y compris la gestion des frontières) et les migrations: le phénomène de l’immigration y apparaît surdimensionné surtout en ce qui concerne l’immigration irrégulière ; l’interdépendance économique y est au contraire sous-représentée ; une attention prioritaire est accordée au conflit du Sahara Occidental ; la société civile et les droits humains sont pratiquement absents

des débats ; et la visibilité de la coopération espagnole au développement y est aussi assez rare.


Thèmes généraux des initiatives relatives au Maroc, présentés à la chambre des députés (VIIIª législature, 2004-2008)

Moteur de recherche des initiatives de la Chambre des députés, BDPEX. Elaboration propre

III. CONCLUSIONS

L’analyse des indicateurs présentés ici, met en lumière l’augmentation significative de l’interdépendance entre les deux voisins qui jusqu’à il y a à peine deux décennies vivaient éloignés l’un de l’autre. Ce que les faits ne confirment pas tout à fait, cependant, c’est la seconde partie de l’hypothèse selon laquelle ce « matelas d’intérêt » toujours plus important

devait favoriser le jeu coopératif et réduire les risques que tout litige dérive finalement en différend politique ou militaire. La crise bilatérale 2001-2003, dont le point culminant fut l’occupation marocaine de l’îlot du Persil en juillet 2002, a clairement montré les limites de cette interdépendance comme la panacée pour gérer les tensions entre les deux pays dont le cadre bilatéral comprend des sujets tabous comme la revendication marocaine sur Ceuta et Melilla. Bien que provoquée par le refus marocain de renouveler l’accord de pêche avec l’UE, cette crise a fini par polluer l’ensemble des relations bilatérales et remit sur la table les désaccords relatifs à la question du Sahara Occidental ou la lutte contre l’immigration clandestine. Les contentieux ont de nouveau dominé l’agenda bilatéral.

Face à cette réalité contradictoire, deux agendas discordants coexistent actuellement dans le débat politique interne espagnol. D’une part, le discours plus ou moins volontariste du gouvernement et du Ministère des Affaires Étrangères et de Coopération tient à mettre l’accent sur les progrès réalisés dans la création d’un réseau plus dense de connexions dans divers domaines (commerce, investissements, immigration, coopération au développement), mais élude les aspects les plus controversés ou épineux des relations bilatérales. D’autre part, l’activité parlementaire – et plus particulièrement l’exercice du contrôle de l’exécutif que réalisent les différents groupes politiques à la Chambre des députés- dessine une carte mentale des relations avec le Maroc plutôt dominée par une interdépendance négative. Ce sont les problèmes liés à la contiguïté territoriale et à la sécurité qui y sont soulignés plutôt que des intérêts communs et les multiples domaines de coopération existants, ce qui confirme d’une certaine manière la persistance d’une vision de voisinage assez classique, assez géopolitique. Bien que depuis des décennies on ne cesse de parler du besoin de surmonter cette conception territoriale et stato-centrée prétendument obsolète1, il n’en demeure pas moins que ce sont en priorité les pays voisins qui continuent à être touchés par les processus de sécurisation2. Le problème de ce discours pessimiste, et même fataliste, vient du fait que les thèmes surdimensionnés de façon récurrente agissent comme des miroirs déformants et conditionnent la perception de l’ensemble des relations bilatérales. Une bonne compréhension de l’interdépendance complexe existante aujourd’hui entre l’Espagne et le Maroc ne peut qu’emprunter une voie médiane.

Les références

«España y el Magreb: Una vía posible de política regional»

La política exterior y de cooperación de España en el Magreb (1982-1995)

«Las relaciones de España con los Estados del Magreb 1975-1986»

La política exterior de España en el siglo XX, UNED, Madrid, 2000, pp. 511-546

Cette base de données, élaborée dans le cadre des projets de recherche du GRESAM comprend, entre autres, des informations relatives à l’évolution de l’organigramme du Ministère des Affaires Étrangères et de Coopération ainsi que les parcours des personnes clé, les visites des autorités, la signature de conventions et traités, les flux commerciaux, la distribution de la coopération au développement ou les initiatives parlementaires concernant certains pays. Voir . Pour une exploitation de cette base de données appliquée à l’analyse de la politique étrangère de l’Espagne voir le dossier coordonné par HERNANDO DE LARRAMENDI, M., MAÑE, A., SANCHEZ, E., “La política exterior española hacia el mundo árabe y musulmán: instrumentos de análisis y estudios de caso”

On entend par securisation : «le processus discursif par lequel une compréhension intersubjective est construite au sein d’une communauté politique pour traiter quelque chose comme une menace existentielle à un objet référent estimé, et pour permettre la demande des mesures urgentes et exceptionnelle pour faire face à la menace»



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