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La COVID-19: Exigences de la sécurité sanitaire, crise du multilatéralisme et implications géopolitiques
Najib BA MOHAMED
Najib BA MOHAMED
La COVID-19: Exigences de la sécurité sanitaire, crise du multilatéralisme et implications géopolitiques
Paix et Sécurité Internationales – Journal of International Law and International Relations, n° 8, pp. 365-379, 2020
Universidad de Cádiz
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Résumé: .

Mots clés: COVID-19,sécurité sanitaire,responsabilité de protection,multilatéralisme,géopolitique,mondialisation.

Resumen: La pandemia de coronavirus (COVID-19) constituye una amenaza real para el mundo, sus efectos están alterando el orden mundial, brutalmente situado ante una realidad con múltiples problemáticas. Al mismo tiempo, la crisis es una ventana de oportunidades para la comunidad internacional para consolidar el multilateralismo, estableciendo una estrategia común de urgencia sanitaria. Sin embargo, las tensiones entre Estados Unidos y China, así como la guerra económica de Estados Unidos contra la Unión Europea son factores que obstaculizan los esfuerzos establecidos en

1 Professeur d’enseignement supérieur (Full Professor) à la Faculté de Droit de l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès. Chargé d’encadrement et de recherche (Reseach Fellow) au Collège Royal de l’Enseignement Militaire Supérieur (CREMS), Kénitra et à l’Académie des Études Diplomatiques (AMED) Rabat.

La COVID-19: Exigences de la sécurité sanitaire, crise du multilatéralisme et implications géopolitiques

este sentido. Este artículo pone de relieve la correlación dinámica entre el concepto de la « seguridad sanitaria » y los diversos desafíos geopolíticos y económicos.

Palabras clave: COVID-19, seguridad sanitaria, responsabilidad de proteger, multilateralismo, geopolítica, mundialización.

Abstract: : The coronavirus pandemic (COVID-19) constitutes a real threat to the world, its consequences are disrupting the world order, brutally placed in against a reality with multiple problems. The crisis is at the same time a window of opportunity for the international community to reinforce multilateralism by establishing a common strategy for the health emergency. However, the tensions between the United States and China and the American economic war against the European Union are factors, which hamper the efforts established in this way. This article will highlight the dynamic correlation between the concept of « health security » and the geopolitical and economic challenges.

Keywords: COVID-19, health security, responsibility to protect, multilateralism, geopolitics, globalization.

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Notas

La COVID-19: Exigences de la sécurité sanitaire, crise du multilatéralisme et implications géopolitiques

Najib BA MOHAMED
rabat, Marruecos
Paix et Sécurité Internationales – Journal of International Law and International Relations
Universidad de Cádiz, España
ISSN-e: 2341-0868
Périodicité: Anual
n° 8, 2020


I. INTRODUCTION

Sur fond de relations internationales tourmentées, exaspérées par les tensions entre les États-Unis du Président Donald Trump et la Chine du Président Xi Jumping, voire la guerre économique de l’administration américaine contre l’Union Européenne sujet aux difficultés récurrentes à définir une stratégie commune, la pandémie du coronavirus bouleverse l’ordre mondial, brutalement placé face à une réalité à multiples problématiques.

Le coronavirus, officiellement appelé « COVID-19 » constitue selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) « une menace pour le monde », une fenêtre d’opportunité cependant, conditionnée par la stratégie de l’urgence sanitaire perçue comme une chance réaliste de stopper cette épidémie2. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a même voté à l’unanimité une résolution appelant à une trêve mondiale afin de permettre la livraison d’aides3.

L’ordre mondial est désormais marqué par les diverses temporalités -l’anté, le présent et le post – qui caractérisent une pandémie inédite.

En vue de décrypter pareille réalité au carrefour du politique de l’économique, du social, du culturel et du géopolitique, l’observateur doit puiser dans sa banque à données, d’ordre conceptuel, méthodologique et analytique, en vue d’apporter un éclairage lucide.

Dans cette optique l’approche globale s’impose pour tenter de cerner cette « phénoménologie » à dimension apocalyptique par la rapidité de sa propagation, l’incertitude de son évolution, révélatrice de l’affrontement de la science et de la politique, la sécurité sanitaire et l’urgence économique, les systèmes politiques et les sociétés, les puissances et les pays dépendants, quand bien même la mondialisation se nourrit de paradoxes, interdépendances et aggravation des inégalités4.

C’est pourquoi, notre contribution tentera de livrer une lecture de l’ordre mondial, soumis brutalement aux défis d’une pandémie à dimension planétaire. Pour ce faire notre analyse duale – par ses objets et approches – mettra en exergue la corrélation dynamique d’un concept, « la sécurité sanitaire » et d’une

pandémie, dont l’équation « cause/effet » recèle divers enjeux géopolitiques.

II. LA SÉCURITÉ SANITAIRE, CONCEPT ET RÉALITÉ

En adoptant à l’unanimité le 2 Juillet 2020, de sa première résolution directement liée à la pandémie appelant « toutes les parties prenantes à des conflits armés à débuter immédiatement, une pause humanitaire durable pendant au moins 90 jours consécutifs, « afin de permettre la livraison d’aides »5, le Conseil de Sécurité, prend acte politiquement du concept « sécurité sanitaire » que nous approcherons sous un triple angle.

1. Une nouvelle logique de la sécurité internationale

Dans un monde apolaire, en quête d’alternatives6 transformé par les Nouvelles Technologie de l’Information et de la Communication (NTIC), foncièrement reconfiguré par les attentats du Tween Center à New-York le 11 Septembre 2001, la montée des risques et menaces –optimisés par le dérèglement climatique– a canalisé la réflexion autour d’une trilogie vertueuse : sécurité - défense et stratégies7.

L’ordre international soumis constamment aux aléas de la peur, est en phase de repenser la sécurité dans le dilemme des stratégies de défense stato- centrique (renforcement de l’ordre westphalien), l’ingérence humanitaire et la nécessaire coopération multilatérale.

Le COVID-19 invite donc à redéfinir la sécurité internationale appelée à être réévaluée et réadaptée. Le nouveau concept de sécurité sanitaire soulève toutefois de nombreuses question corrélatives et essentielles, le postulat étant que la circonstance pandémique nous met en dehors du registre classique de la guerre et recours à la force armée.8

A-Qui est le sujet de la sécurité ?

Dès lors que la pandémie s’observe par l’ampleur de la menace et risque sanitaire, le sujet de la sécurité est constitué par un bloc d’individualités ; la planète, la communauté humaine, les individus, les Etats, les populations, les territoires et les économies.

B- Quel est l’objet de la sécurité ?

De toute évidence, le concept de sécurité reflète une dimension objective

qui n’exclut point une interprétation subjective.

Objectivement, le COVID-19 constitue une menace exponentielle réelle à la santé mondiale à partir du cadre de vie des populations et territoires, donc des Etats.

La part de « subjectivité » tient dans la souveraineté attribut majeur de l’Etat

– enclin à le faire prévaloir, opportunément au regard de diverses variables : la puissance, le développement, la nature du régime politique et les tendances culturelles.

L’approche des présidents Trump, Jinping, Poutine, Erdogane ou Modi, et celle des États de l’Union Européenne (U.E), en l’occurrence est, à ce propos édifiant : stratégie de confinement et retour à l’Etat Providence ou bien priorité à l’urgence économique.

C- Quels sont les enjeux de la sécurité ?

La sécurité sanitaire place la survie de l’humanité comme enjeux transcendantal, d’autant plus qu’il dépend de la recherche d’une médication préventive ou curative appropriée. D’autres enjeux, plus nouveaux, comme le dérèglement climatique, le développement durable, la persistance des contentieux territoriaux et conflits armés, les droits humains, l’épuisement des ressources en eau, les interventions de paix, ne sont guère limités aux territoires nationaux et exigent des solutions régionales ou internationales.

Enjeux planétaire, la problématique de la sécurité sanitaire appelle une stratégie collective de lutte urgente contre la propagation de la pandémie par delà les égoïsmes et intérêts des gouvernants et communautés. Ce qui induit un double questionnement se rapportant d’une part à la « responsabilité de protéger » et d’autre part à la coopération internationale dans l’optique du multilatéralisme.

2. La Responsabilité internationale au prisme du principe de responsabilité de protéger

Par référence aussi bien à la résolution du Conseil de Sécurité initiée par Koffi Annan en 1999-2000, à la création en 2001 à l’initiative du Canada de la Commission Internationale de l’Intervention de la Souveraineté des états (C.I.I.S.E) et notamment les conclusions y afférentes du sommet du millénaire de 2005, sans préjudice de la réaction à la catastrophe en Birmanie en 2008, le principe de responsabilité de protéger, est remis à l’ordre du jour de la pandémie coronavirus.

A l’aube du XXIes, tout le monde s’accorde à dire que l’on ne doit plus tolérer des violations flagrantes et massives des droits de l’homme. Les Nations- Unies préoccupées par le maintien de la paix et la sécurité internationale, ont

sans doute consacré le principe de responsabilité de protéger aux fins de prévenir mais de réagir collectivement contre toutes menaces ou exactions qualifiées de crimes contre l’humanité. En affirmant cependant, que les cas de catastrophes naturelles n’entrent pas dans le cadre des situations envisagées par la responsabilité de protéger et ne donnent pas lieu à son application, l’ONU pêche par manque de vision prospective et d’interprétation exclusive des missions liées au maintien de la paix et sécurité internationale.

Les cas tragique de la Birmanie de 2008 est à cet égard, fort révélateur. En effet, le cyclone Nargis en provenance du Golfe de Bengale, dévasta les provinces birmanes du Sud –Ouest, causant ainsi des milliers de victimes. Pourtant malgré l’ampleur extraordinaire de la catastrophe et le nombre de personnes affectées, la junte militaire au pouvoir refusa d’ouvrir ses frontières à l’assistance internationale, condamnant ainsi sa population à une mort certaine, faute de nourriture d’eau potable et de soins appropriés. La junte birmane, soucieuse de se préserver de l’intervention des médias étrangers, opposa le sacro-saint principe de souveraineté de l’État, barrière à toute ingérence non consentie.

Par dépit ou incapacité, le Conseil de Sécurité, s’est retrouvé « complice » ou otage de la situation birmane, puisque, il aurait pu décider d’intervenir en vertu du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies, pour imposer l’accès de l’assistance humanitaire à la population souffrante comme cela à été fait par le passé ou nom du « devoir d’ingérence »9.

Faut-il le rappeler, parallèlement aux conflits qui ont marqués le XXes, la course entre épidémies et santé publique se poursuit de nos jours avec un certain avantage pour cette dernière10.

La globalisation, le formidable essor des moyens de transport, l’explosion du tourisme et des migrations, ont favorisé la propagation des épidémies, mais la connaissance médicale est, « bon an mal an », parvenue à organiser la prévention et une rapide réaction face au déclenchement des épidémies. Toutefois, le drame du SIDA marquera les limites de l’action internationale sur ce terrain et la crise du SRAS, voire d’EBOLA à souligné les lacunes du système de protection.

Le COVID-19, par sa vitesse de propagation, a dévoilé la corrélation entre désordre sanitaire, effondrement des Etats pauvres et conséquences négatives pour les pays riches et la crise de gouvernance mondiale interpellant au plus haut degré l’OMS. Aussi, la responsabilité de protéger devrait être aujourd’hui impérativement considérée comme un continum de protection endogène et exogène, la pandémie défiant irrévocablement territoires et frontières. Sous réserves des variables stratégiques interne ou internationale, la lutte contre le COVID-19, sans préjudice de la recherche des traitement et vaccin, exige un système de protection à trois caractères, ainsi que le suggère Myrial Massouri11:

« le devoir de prévenir », compte tenu des catastrophes humanitaire encourues (en Asie, Amérique Latine et Afrique), ensuite celui de « réagir » à celle–ci et enfin celui de « reconstruire » un système international sanitaire, intimement lié aux effets collatéraux en terme de crise économique mondiale. Dans ce sillage, le continuum de protection, trahit sur divers plans, la crise du multilatéralisme.

3. La crise du multilatéralisme

« C’est le plus souvent, des expériences les plus souvent, des expériences les plus amères, que les hommes tirent leurs leçons » notait Norbert Elias.12 Les traumatismes des deux guerres mondiales ont eu de ce point de vue, leurs effets incitant au déploiement intense de la coopération internationale désormais sous tendues par un réseau toujours plu dense de relations politiques, économiques et sociales. Le développement du multilatéralisme après la 2ème Guerre Mondiale doit se lire dans cette continuité.13

L’engagement pour le multilatéralisme –qui selon Badie Bertrand avait fait autrefois bon ménage avec l’idéalisme wilsonien14, doit beaucoup aux États- Unis qui impulsent le mouvement consacrant même le mot : une méthode de coordination de l’action internationale entre plusieurs Etats égaux en droit, mais dont certains se voient reconnaître un statut privilégié (membres permanent du Conseil de Sécurité, pays riches et influents au sein des I.F.I, l’OMS, le G8 ou G20). Cette approche aujourd’hui dépassée, laisse place à la

mondialisation qui crée des conditions inédites d’interdépendance, conduisant ainsi, de nombreux États à miser délibérément sur le multilatéralisme, soit parce qu’ils anticipent sur des gains individuels qui dériveraient d’une amélioration collective des conditions de survie de la planète, soit parce que leur statut de puissance moyenne leur laisse espérer des positions avantageuses dans la réalisation d’un jeu multilatéral.15

La circonstance pandémique COVID-19, qui emprunte beaucoup à la mondialisation16 pour se propager activement a bouleversé tous les paramètres des relations internationales. Elle édifia une fracture tous azimuts, entre « la fin d’un modèle et une nouvelle donne ».17

L’analyse factuelle stratégique, médiatique et fondamentalement culturelle, trahit diverses fatalités à vaincre où la sécurité sanitaire est face à ses dilemmes : la coopération multilatérale corrélative des dynamiques d’interdépendance, les tendances à l’hégémon (sino-américain)18 et enfin la consécration du souverainisme incarnant la résurgence des États-Nations.

Tel qu’il a été observé, les grandes organisations qui ont portée le

« multilatéralisme et le multiculturalisme » ont disparu des écrans. Les plates formes intergouvernementales ont été inefficientes et inaudibles, qu’il s’agisse du G7 du G20 de l’Union Européenne, ou étrangement absente comme l’OMS. Tout ce qui faisait illusion sur les débats climatiques ou énergétiques s’est évaporé au fil des semaines. Les procédures édictées par des armées de bureaucrates pour normaliser les relations internationales ont été contournées pour rallier des postures adaptées à chaque territoire19.

Dans le tumulte de la pandémie, un requiem contre l’OMS fut déclaré, avec comme point d’orgue le retrait des États-Unis un des principaux contributeurs de la dite organisation intergouvernementale.

Il est pourtant facile de fustiger l’OMS, qui a les défauts de nombreuses organisations internationales : « sa parole confine à la langue de bois dès qu’on s’écarte des balises » selon la formule de M. Thierry de Montbrial.21

Arbitre sanitaire mondial, incarnation d’un multilatéralisme étiolé, l’OMS n’a qu’une action normative sans nul pouvoir direct sur les États membres. Démuni du droit d’accès direct aux données, l’OMS ne dispose d’aucune structure préventive lui permettant d’agir en cas d’urgence.

Il ne reste pas moins que les organisations internationales à mission sanitaire, qui plus est, sont indispensables pour donner consistance à la coopération internationale. La diplomatie marocaine à fait sien cet objectif à l’occasion d’une réunion ministérielle virtuelle de l’Alliance pour le multilatéralisme axé sur le thème « Renforcer, l’architecture multilatérale de santé ». Dans ce cadre, le Ministre des Affaires Étrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l’Étranger, M. Nasser Bourita avait déclaré le 26 Juin 2020 : « Le Maroc s’est pleinement inscrit dans toutes les initiatives visant à adapter le système multilatéral à la complexité des défis du monde contemporain, défendant l’idée d’un multilatéralisme solidaire, pragmatique, décomplexé, flexible et fondé sur la connaissance des faits… ».22

A ce titre, M. Bourita a rappelé que conformément à la vision de S.M le Roi Mohammed VI, le Maroc à toujours défendu un « multilatéralisme avant tout solidaire » et appelé à une attention particulière aux défis particuliers de l’Afrique, précisant que le souverain a lancé une initiative au niveau des chefs d’Etat destinée à établir un cadre opérationnel pour accompagner les Etats africains dans les différentes phases de la gestion de la pandémie. Dans cette même optique, le Maroc avait annoncé l’organisation à Marrakech avec le Rwanda, l’OMS et la Banque Mondiale de la 1ère réunion de haut niveau sur la diplomatie pour la sécurité sanitaire et la préparation aux urgences, sous le haut patronage de SM le Roi et du Président Paul Kagane, Président du Rwanda.

III. COVID-19 ET SÉCURITÉ SANITAIRE : UN ENJEU GÉOPOLITIQUE ECONOMIQUE ET STRATEGIQUE GLOBAL

La mondialisation se révèle être comme la décrit Michel Nazet : « un chaudron qui brûle les ressources rares, encourage les politiques d’accaparement et accélère le réchauffement de la planète ».24

A ces menaces que doit affronter la communauté internationale, on adjoindra le risque de prolifération épidémiologiques qui tel le COVID-19, constitue un fléau planétaire qu’une approche géopolitique devrait rendre autrement intelligible.

Si la santé a depuis longtemps constitué un enjeu international, avec le COVID-19, elle implique stratégiquement la sécurité sanitaire. C’est dire à quel point, un simple virus, né en décembre 2019 à Wuhan en Chine, au demeurant connu, très contagieux, a réussi à mettre le monde en quelques mois, dans une situation sans précédent : 4 millions de personnes, 150 pays en logique de confinement total au partiel, plus de 600.000 morts25 mais 95 % du PIB mondial, une économie mondiale à l’arrêt et une communauté26 internationale face à son incapacité à agir collectivement.

De cette complexité du réel, il est cependant possible d’établir une grille de lecture géopolitique à partir d’indicateurs sélectifs : la géo-économie, la mondialisation en question et la conflictualité reconfigurée.

1. La géo-économie de la crise pandémique

La circonstance COVID-19 devrait entrainer un renforcement de la

« repolitisation de l’économie internationale ». Autrement dit, une accentuation de la corrélation entre géopolitique, géostratégie et géo-économie. Le tout formant une sorte de « géo » à la puissance trois.

Le choc économique mondial lié au COVID-19 est inédit et la crise actuelle est unique, et sans équivalent par référence aux précédentes de 1929-1997 en

Asie ou 2008 aux États-Unis et en Europe, son originalité étant quelle vient ni

de l’économie réelle, ni de la sphère financière27.

Les dernières grandes crises venaient de chocs exogènes (éclatement de bulles spéculatives, boursières et immobilières), la crise du COVID-19 vient d’un choc totalement exogène (sanitaire). Ainsi que l’affirme Michel Ruimy28, le choc économique provoqué par la pandémie transite par trois différents canaux : « l’offre » ( par le biais des fermetures d’usines et d’une pénurie de travailleurs confinés ou astreint au chômage « la demande » ( les mesures de confinement prises dans différents pays et la fermeture de nombreux commerces contraignant mécaniquement la consommation des ménages), le canal de l’incertitude qui concerne en particulier, l’efficacité des politiques de soutien à l’activité.29

A la mi- juillet 2020, le FMI prévoit une contraction du PIB mondial de 5% en 2020. Des États-Unis (-8 %) à la zone euro (-10 %) en passant par le R.U (-10,2%), ces chiffres traduisent la pire récession mondiale depuis la grande crise de 1929.30

L’institution évalue à plus de 12.000 Milliard de dollars la perte cumulée pour l’économie mondiale pour 2020 et 2021 pour compter que la crise économique risque de frapper plus durablement les pays en développement dont l’économie est fragile ; des millions de personnes perdront leurs moyens de subsistance y compris ceux qui travaillent dans l’économie informelle.

Au demeurant, le coronavirus n’est évidemment pas à l’origine de la crise mondiale, il est néanmoins par rapport aux précédents historiques, un révélateur de dysfonctionnements qui existaient auparavant. Tout dépend aujourd’hui de la prise de conscience par les états, et les populations de la nécessité de changer les comportements face à la pandémie, ce qui induit d’autres conséquences géopolitiques s’articulant autour du référentiel idéologique de la conflictualité.

2. Le Covid-19 : la mondialisation néolibérale en question

L’ordre mondial post-bipolaire a impulsé une mondialisation, une globalisation de l’économie reconstruite autour du crédo néolibéral de libre échange, de la démocratie, l’État de droit et le développement du Droit international et des Droits humains. Ce processus entraina une remise en question du modèle État/Nation et les principes y afférents à savoir, la souveraineté de l’État, l’intérêt national, la territorialité etc. Rien de durable n’était garanti au vu des grandes crises depuis le 11 Février 2001 (terrorisme, réveil du religieux, repli identitaire, choc des civilisations, crise financière de 2008), mais dans le contexte de la pandémie COVID-19, les vertus des prémisses néolibérales, qui sont les prescriptions de la mondialisation, ont été éclipsées par l’émergence de l’État, principal acteur détenant le monopole du leadership au niveau national et international reléguant les organismes supranationaux, ONU et institution spécialisées en l’occurrence l’OMS.

Bien que les mécanismes de l’État/Nation aient quelque peu désamorcé le processus de mondialisation, il n’en reste pas moins que la pandémie ne constitue qu’une seule variable qui tente de déconstruire l’organisation économique mondiale instaurée par l’ordre libéral. De nombreux facteurs pèsent lourdement sur l’équation ne serait ce que la montée du populisme.31Trump aux États-Unis, Urban en Hongrie, Conté en Italie, Erdogane en Turquie, Bolonsaro au Brésil, Poutine en Russie, tous constituent une belle illustration. Quelle qu’en fut l’ampleur de la crise générée, le COVID-19 reste soluble dans l’irrécusable mondialisation et les exigences du néolibéralisme continuent

à structurer les rapports internationaux.

En dépit du verrouillage des frontières lié à la crise, le flux migratoire moteur de la mondialisation, ne décroit guère. La question concluante, étant bien de savoir si les États et groupements régionaux32 réussiront-ils à concilier entre la prospérité économique et les impératifs de la sécurité sanitaire.

Le débat n’est plus que stimulé, dégageant même une réflexion sur

une alternative à la mondialisation comme projet de reconstruction de

« l’internationalisme ».

Ainsi que le suggère Thomas Piketty économiste : « l’internationalisme, indique de tourner le dos à l’idéologie du libre échange absolu qui a jusqu’ici guidé la mondialisation, et d’adopter un nouveau modèle de développement fondé sur des principes explicites de justice économique et climatique ».33 Ce modèle doit être internationaliste dans ses objectifs ultimes, mais souverainiste dans ses modalités pratiques au sens où chaque pays, chaque communauté politique doit pouvoir fixer des conditions à la poursuite des échanges avec le reste du monde, sans attendre l’accord unanime de ses partenaires.

3. Les nouvelles conflictualités dans une nouvelle ordre mondial en gestation

Le contexte pandémique a hérité de Relations internationales minées par des guerres ou crises constitutives de menaces et risques pour la paix et la sécurité internationales au Moyen Orient (conflit israélo-palestinien, guerres civiles en Irak, en Syrie, en Libye, au Yemen, la crise du nucléaire iranien etc.), en Extrême–Orient ( la crise du programme nucléaire de la Corée du Nord, la dispute en Mer de Chine, les conflits indo-pakistanais et Afghan, voire la rivalité sino-indien etc ; en Afrique, (le narco-terrorisme au Sahel ; religieux par référence, Alqaida, ou Boko Haram, etc.).

La crise de la COVID-19 surgit alors que la scène géopolitique mondiale est très tendue. Elle intervient donc comme « enjeu d’une dynamique déjà établie et entretenue par la logique de la solution optimale (coût minima, bénéfice maximal) ».34

Pour rappel, le « nouvel » ordre mondial qui pourrait se profiler est tributaire des structures préexistantes : un monde uni-multipolaire dans lequel les Etats-Unis sont contraints de composer avec les puissances émergentes, surtout la Chine. A vrai dire, une absence latente du leadership américain et une Amérique en perte de vitesse combinée à la montée en puissance de la

Chine constituent les marqueurs les plus structurants de l’ordre mondial actuel. Cela crée un vide en termes de puissance esquissant un système international dépourvu d’un réel mécanisme fonctionnel de gouvernance.35

Agissant comme accélérateur tragique de l’histoire précisément, amplificateur des tendances préexistantes (clivages Nord/Sud, Occident/ Orient) le COVID-19 est en passe d’imprimer à « la conflictualité » mondiale une autre configuration.

Les observateurs sont nombreux à craindre que « la sortie de crise » de cette pandémie mondiale soit le prétexte de l’ouverture d’un nouveau grand jeu international où fort de tous les effets dominos générés par ces événements. Les puissants de ce monde soient tentés de réactualiser les postures en termes de rapport de force : impérialité chinoise symbolisée par la mythique « Route de la soie », stratégiquement investie dans l’assistance à divers pays dans la lutte contre le COVID-19, les États-Unis encensés par le slogan « Trumpien »,

« America First and Great Again », s’acharne à éviter le déclassement, l’Union Européenne de la transition vers « l’État fédéral ».

La nouvelle géographie politique de la conflictualité en gestation dans un

contexte pandémique qui perdure, replace l’ordre mondial face à ses dilemmes.

La transformation inéluctable du système international dépend hypothétiquement de trois scénarios.

Le 1er renvoie à la disposition des États-Unis d’accepter de négocier un

new-deal avec la Chine, sorte de soft power.

Le 2ème amènerait les protagonistes au bord d’une néo-guerre froide si Trump, réélu, persiste à refuser de voir son statut remis en cause par Pékin.

Le 3ème dépend de la nécessaire réforme des Nations Unies et surtout celle de l’OMS pour réussir à reconstruire, au bénéfice de l’humanité un nouvel ordre sanitaire corrélatif d’un nouvel ordre environnemental.

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Matériel supplémentaire
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Les références
13 Février 2020, plus tard, et pour parer à toute compagne médiatique hostile, l’OMS a lancé un processus d’évaluation de la gestion de la pandémie COVID-19, voir le Monde 9 juillet 2020.
On évoquera à ce propos, l’intervention de l’euro-députée, Mme Dominique Bilde, au sein de la commission Développement du Parlement européen, dénonçant la poursuite du détournement de l’aide alimentaire européenne par le Polisario et l’Algérie, le black out dans la communication autour du nombre de personnes, atteintes ou décédées du COVID, dans ces camps où la situation sanitaire est scandaleusement déplorable. Voir Le Monde 2 Juillet 2020 et le Bulletin de l’Observatoire d’Études Géopolitiques n° 68. Juil. Aout 2020, éditoriale de son directeur Charles St
Un Monde en quête d’alternatives,
La défense à l’heure des adaptations nécessaires
nous empruntons cette grille d’analyse à CHARleS, P.D., La guerre et la paix, Approches et enjeux de la stratégie
La responsabilité de protéger
Un seul monde. L’évolution de la coopération internationale
Fin du leadership, américain
La géopolitique mondiale au temps de la grande crise sanitaire (Covid-19)
Les conséquences économiques de la crise sanitaire
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