Dossier: Droit International Privé: Droit de Famille au Maroc

PROBLÈMES ACTUELS DE RECONNAISSANCE DE LA KAFALA MAROCAINE AUPRÈS DES AUTORITÉS ESPAGNOLES

Nuria MARCHAL ESCALONA
Université de Grenade., España

Paix et Sécurité Internationales – Journal of International Law and International Relations

Universidad de Cádiz, España

ISSN-e: 2341-0868

Périodicité: Anual

n° 4, 2016

domingo.torrejon@uca.es



DOI: https://doi.org/10.25267/Paixsecurint.2016.i4.09

Résumé: La kafala est une institution qui possède un fort caractère religieux. Il ne s’agit pas seu- lement de maintenir et de prendre soin d’un mineur, mais aussi de l’élever dans la foi musulmane. L’inaccomplissement de cette obligation a provoqué la réaction du gouvernement marocain qui s’est opposé à ce que puisse être attribuée une kafala aux étrangers non-résidents au Maroc. Cepen- dant, malgré cette interdiction, la kafala marocaine continue de poser des problèmes aux autorités espagnoles. L’objet du présent travail est d’analyser les difficultés suscitées.

Mots clés: Kafala, Droit de famille internationale, reconnaissance, mesures de protection du mineur.

Resumen: La kafala es una institución que posee un fuerte carácter religioso. No solo se trata de cuidar y manterner a un menor sino de educarlo y criarlo en la fe musulmana.De hecho, el in- cumplimiento de esta obligación ha producido la reacción del Gobierno marroquí y ha dictado una Circular en la que se prohibe constituir kafalas a favor de extranjeros no residentes en Marruecos. No obstante, a pesar de esta prohibición la kafala marroquí todavía continua planteando problemas de reconocimiento a las autoridades españolas. El objeto del presente trabajo es analizar las difi- cultades suscitadas.

Palabras clave: Kafala, Derecho de familia internacional, reconocimiento, medidas de pro- tección del menor.

Abstract: Kafala is an institution with a significant religious component. This is not only a matter of care and maintenance a child, but also to educating him/her in the Muslim Religion. Failure to comply with this requirement has motivated the Moroccan Government reaction vetoing to foreign non resident in Morocco the possibility of setting a kafala. Despite this prohibition, the Moroccan kafala still poses problems to the Spanish authorities. The object of the present work is, so, to analyze such problems.

Keywords: Kafala, International family Law, recognition, protection measures for minors.

I. INTRODUCTION

Les mineurs marocains sous le régime de la kafala continuent à affluer vers l‘Espagne. Cette situation n’a en rien changé pour ces ressortissants, même après la signature de la Circulaire nº 40 S/2 du ministère de la Justice marocain, en vertu de laquelle il était instamment demandé aux autorités marocaines de refuser désormais la concession de kafalas aux demandeurs étrangers ayant une résidence habituelle située en dehors du territoire marocain2. Avant d’exposer et de pouvoir comprendre les raisons qui ont mené à la promulgation de cette circulaire, il est opportun de préciser que la kafala, reconnue à l’art. 20.3 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant, élaborée dans le cadre des Nations Unies, le 20 novembre 1989, constitue la mesure de protection maximale dont peut bénéficier un mineur au Maroc et dans les pays islamiques, où l’adoption est interdite3. Il s’agit d’une mesure qui a un fort caractère religieux et dont la typologie et les caractéristiques différent selon les Etats qui la pratiquent4. En dépit de cette diversité, la kafala peut être définie comme une institution en vertu de laquelle le kafil (titulaire de la

kafala) s’engage volontairement à prendre en charge l’entretien, l’éducation et la protection du mineur (makful) de la même manière qu’un père le ferait pour son propre enfant.Toutefois le kafil ne s’engage pas uniquement à entretenir et à prendre en charge financièrement ce mineur mais aussi à l’éduquer dans la religion musulmane. Cette institution n’a donc pas seulement pour objectif de protéger le mineur mais également de garantir le respect de ses origines, son identité personnelle, sa nationalité, –et par conséquent son appartenance à ce qui est établi dans le Statut personnel marocain– ainsi que son éducation dans la religion musulmane. Le refus de la constitution d’une kafala, suite à une demande de la part de personnes résidant hors du Maroc, apparaît étroitement lié à la difficulté d’un suivi adéquat de la situation du mineur une fois que celui-ci aura traversé la frontière espagnole ou celle d‘un autre Etat5. Dans les faits, quand le mineur sous le régime de la kafala arrive en Espagne, on essaie habituellement de régulariser cette « présumée adoption » auprès des tribunaux espagnol.

Suite à la promulgation de cette circulaire, le nombre de mineurs marocains qui sont venus en Espagne sous le régime de cette mesure de protection à considérablement diminué, mais ce n’est pas pour autant qu’ils aient cessé de traverser la frontière espagnole s, et ceci est dû à divers facteurs.Tout d’abord, il faut souligner que le Maroc ne connaît pas qu’un

seule de kafala. Il en existe deux. Il y a, d’une part, la kafala intrafamiliale/ notariale”, appelée ainsi en raison du fait que l’entretien du mineur est confié directement par les parents biologiques à un membre de la famille ou à une tierce personne n’appartenant pas au cercle familial7, quoique, à certaines occasions, la kafala soit octroyée entre père et mère ou vice versa. D’un point de vue formel, il s’agit d’un simple accord privé entre les parties (parent/s- kafil/es) qui peut être passé pardevant notaire pour officialiser cet accord, bien qu’il y ait parfois également une ratification ultérieure par l’autorité judiciaire compétente. Il faut distinguer et différencier ce type de kafala de celle qui est accordée pour un mineur préalablement abandonné. Dans ce cas, la tutelle dative ou la représentation légale du mineur est habituellement confiée au kafil8. Ceci dit, l’interdiction établie par la circulaire mentionnée ne porte que sur ce dernier type de cas d’espèce. ceci explique que des mineurs marocains sous le régime d’une kafala intrafamiliale/notariale continuent d’affluer, particulièrement à Melilla et Ceuta. Deuxièmement, il faut reconnaitre les efforts de la diplomatie espagnole ont porté leurs fruits et ont permis de débloquer certaines procédures judiciaires de kafala, initiées par des familles espagnoles il y a déjà un certain temps9. D’après nos sources, cela s’est avéré possible car le gouvernement espagnol s’est engagé à ne pas convertir en adoptions les kafalas de mineurs arrivés sur notre territoire10, ainsi qu’à assurer le suivi de ceux-ci en Espagne11. Puis, le troisième et dernier

point à prendre en compte, c’est l’importante immigration marocaine qui existe sur le territoire espagnol. De fait, la population marocaine représente le plus grand volume de population étrangère résidant en Espagne. Il est donc possible que des ressortissants marocains qui aient constitué une kafala pour un mineur marocain, au Maroc changent de résidence et s’établissent avec lui en Espagne. A cela, il faut ajouter que bien des citoyens espagnols d’origine marocaine, résidant à Melilla ou Ceuta, ont été exemptés par les autorités marocaines de remplir certaines conditions exigées aux espagnols résidant sur la péninsule (ad.ex:agrément12). En effet, d’après nos sources, l’interdiction établie dans la circulaire mentionnée ne les concernait pas, et de fait, les autorités marocaines ont continué à conférer des kafalas de mineurs marocains en faveur d’espagnols d’origine marocaine résidant à Melilla et Ceuta.

Quoique ce nombre ait baissé, la présence en Espagne de mineurs marocains venus sous le régime de la kafala et le besoin de donner un traitement adéquat à leur “status” est source de nombreux problèmes. A notre avis, ceux-ci sont dus en grande partie à la méfiance que certaines autorités espagnoles ont vis-à-vis de la kafala , ce qui se traduit notamment par des exigences précises concernant les documents légaux à présenter pour l’entrée de ces mineurs en Espagne, mais également à l’heure de procéder à la transcription de cette mesure de protection sur le registre de l’état civil, d’accorder la nationalité espagnole au mineur venu en Espagne ou même d’ouvrir des droits à une prestation sociale spécifique pour le mineur ou le kafil. Il existe donc diverses autorités espagnoles auprès desquelles l’efficacité d’une kafala marocaine peut être sollicitée en Espagne. L’objet du présent travail est, par conséquent, d’analyser concrètement la valeur et les effets que la kafala marocaine possède au sein de l’ordre juridique espagnol. Cette question, comme nous le verrons, dépend directement de l’autorité judiciaire ou administrative devant laquelle l’homologation de la kafala est demandée et de celle qui devra vérifier si les conditions exigées par le système espagnol de droit international privé (dorénavant, DIPr.) sont réunies. Ces conditions de reconnaissance dépendent du régime juridique qui est applicable. C’est

pourquoi, avant d’analyser les effets produits par une kafala en Espagne, il est nécessaire de présenter le régime juridique espagnol en vigueur dans ce domaine. Par ailleurs, en plus du régime de source interne, coexistent une pluralité de régimes conventionnels qui –outre les difficultés de délimitation– requièrent des interprétations particulières.

II. LA RECONNAISSANCE DE LA KAFALA PAR L’ORDRE JURIDIQUE ESPAGNOL

1. INTRODUCTION

Comment reconnait-on en Espagne une kafala marocaine établie au Maroc? Quelle est la procédure à suivre pour en obtenir la reconnaissance? Quels sont les effets de celle-ci? Quelles conditions sont requises pour que les effets d’une kafala marocaine aient une valeur en Espagne? Toutes ces réponses dépendent du régime applicable pour décider de l’efficacité en Espagne de la kalafa en provenance du Maroc.

Dans le systèmeespagnol, il existeune pluralité de sources –conventionnelles et étatiques– qui font de l’identification du régime de reconnaissance une question réellement complexe. Le régime juridique applicable à la reconnaissance d’une kafala marocaine dépend, à notre avis, de 5 facteurs: a) la date à laquelle la kafala a été accordée, étant donné qu’il faut toujours tenir compte du domaine d’application temporaire de la réglementation ; b) le type de kafala dont il s’agit, à savoir une kafala familiale/notariale ou une kafala extrafamiliale/judiciaire. Comme nous l’avons analysé, la kafala au Maroc est une institution qui présente plusieurs variantes. De même qu’il existe des classes de kafala (selon si le mineur est déclaré abandonné ou non), le mineur peut se trouver dans différentes situations. Tous les mineurs qui viennent en Espagne sous le régime de la kafala ne sont pas des mineurs abandonnés (kafala intra familiale/notariale), et les mineurs déclarés abandonnés et pour lesquels une kafala est accordée ne sont pas tous des mineurs sans famille. Il est par conséquent important de bien distinguer face à quel type de kafala nous nous trouvons ainsi que de savoir si la filiation du mineur est connue ou non, car, le régime d’efficacité et le traitement que l’institution reçoit en Espagne ne sont pas les mêmes; c) de l’autorité qui est intervenue pour sa constitution, qu’elle soit notariale ou judiciaire; d) de l’interprétation qui est donnée au terme «décision de justice» dans la Convention hispano-marocaine

et e) de l’effet que l’on prétend obtenir par la reconnaissance de la kafala en Espagne (effet probatoire, constitutif ou d’inscription au registre).

Il est fondamental de distinguer entre les règles conventionnelles et les règles de source interne dans l’ensemble de la réglementation de l’ordre juridique espagnol concernant la reconnaissance de la kafala constituée au Maroc. Au niveau des traités multilatéraux, nous trouvons la Convention de la Haye du 19 octobre 1996 relative à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants13. Au niveau bilatéral, il faut mentionner la Convention hispano-marocaine, relative à la coopération judiciaire en matière civile, commerciale et administrative, signée le 30 mai 1997 à Madrid14. La réglementation étatique est détaillée dans l’art. 34 de la loi 54/2007 relative à l’adoption internationale (dorénavant, L.A.15).

Cette pluralité de sources (conventionnelles et étatiques) oblige à identifier le régime applicable à la reconnaissance d’une kafala marocaine, question complexe, pour les raisons que nous verrons par la suite. En principe, vu le caractère préférentiel en Espagne des conventions internationales sur les réglementations étatiques (article 96.1º de la Constitution espagnole), l’art. 34

L.A. sera uniquement appliqué de façon résiduelle. Cependant il est important de tenir compte du champ d’application des réglementations conventionnelles qui, par exemple, n’envisagent pas les cas de kafalas délivrées par des documents publics notariés où ce sont les parents biologiques qui confient l’entretien du mineur au/x kafil/s. En effet, il nous faut rappeler que, d’après ce que considère le Rapport explicatif sur la Convention de la Haye de 1996, élaboré par P. LAGARDE16, ce texte fait uniquement référence à une kafala dictée

par une autorité judiciaire pour des mineurs en situation d’abandon17. Par ailleurs, la Convention hispano-marocaine, dans son domaine d’application, inclut seulement les décisions judiciaires (arts 22-29) et les documents publics exécutoires (art. 30) et n’inclut pas les documents publics qui n’ont pas de force exécutoire. Selon ces idées, on peut aisément conclure que le régime de l’Etat relatif à la reconnaissance de la kafala sera applicable lorsque l’on désire faire reconnaître en Espagne des kafalas délivrées au Maroc pardevant notaire et qui ont fait l’objet d’un document public.

Toutefois, la délimitation réglementaire est une tâche qui peut s’avérer compliquée quand il s’agit de reconnaître une kafala judiciaire concernant un mineur déclaré préalablement en situation d’abandon. Quel est l’instrument réglementaire applicable dans ce cas? La Convention de La Haye ou la Convention hispano-marocaine? Pouvons-nous parler de conflit de réglementation entre ces deux instruments? Avant de répondre à ces questions, il faut prendre en compte le fait que, d’un point de vue procédural, cette décision de justice constitue un acte de juridiction gracieuse18. Par conséquent, il est important de savoir si la Convention hispano-marocaine est applicable pour la reconnaissance des décisions judiciaires rendues dans le cadre de procédures de juridiction gracieuse19.

Il est vrai que, dans la Convention bilatérale hispano-marocaine, il existe une série de dispositions relatives à la reconnaissance et exécution des décisions judiciaires rendues par les organes juridictionnaux de l’un des deux Etats contractants, mais des doutes subsistent quant à l’interprétation que ladite Convention accorde au terme «décision». Il n’apparaît pas clairement si ce terme fait uniquement référence aux décisions judiciaires dictées dans le cadre de procédures contentieuses ou s’il comprend également celles prononcées

dans le cadre de procédures de juridiction gracieuse. La Convention hispano- marocaine, à la différence d’autres conventions bilatérales, n’énumère pas quelles sont les décisions judiciaires comprises dans son domaine d’application. Par conséquent, il est tout à fait loisible de penser qu’elle s’applique aux deux types de décisions, à savoir celles prononcées dans le cadre d’une procédure contentieuse, tout comme celles rendues dans le cadre d’une procédure gracieuse. Face à cette difficulté d’interprétation, il nous faut nous rappeler que ladite Convention établit, entre autres conditions de refus de reconnaissance des décisions étrangères, le contrôle des garanties procédurales du défendeur par défaut dans la procédure d’origine (article 23.2º). Ce précepte suppose, concrètement, que la reconnaissance de la décision soit refusée si “les parties n’ont pas été légalement appelées à comparaître”. L’inclusion de cette clause de refus de reconnaissance pourrait laisser croire que la Convention s’applique uniquement à des décisions dictées dans de cadre de procédures contentieuses. De ce fait, l’idée que cette condition de refus n’est applicable qu’à ce type de procédure est très répandue. Toutefois, la jurisprudence du Tribunal constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme a consolidé la doctrine par laquelle les garanties procédurales peuvent également ne pas être respectées en procédures de juridiction gracieuse, comme l’a souligné P. de Miguel Asensio20. Voilà pourquoi cet argument n’est pas suffisant pour exclure du champ d’application de la Convention les décisions adoptées dans des procédures de juridiction gracieuse.

N’est pas non plus déterminant le fait que la Convention conditionne

l’obtention de la reconnaissance au fait que la décision dont on prétend l’efficacité ait acquis autorité de la chose jugée conformément à ce qui est établi dans les lois de l‘Etat où elle a été rendue (art. 23.3). S’il y a effectivement un élement qui caractérise et définit les actes de juridiction gracieuse, c’est bien l‘absence de l’efficacité de chose jugée et de force exécutoire, vu que celles-ci peuvent être révocables ou modifiées dans une autre procédure. Précisons cependant que le fait qu’une décision de juridiction gracieuse puisse être révoquée ou modifiée n’est pas la conséquence d’un manque de caractère définitif mais de l’absence de chose jugée matérielle –caractéristique présente dans le domaine de la juridiction gracieuse–, c’est pourquoi cette condition devrait être considérée comme réunie, bien que la décision prononcée soit

20 Id. Eficacia de las resoluciones extranjeras de jurisdicción voluntaria, Madrid, Eurolex, 1997, paragraphes 117 s.

révisable ultérieurement. Il s’agit bien de décisions définitives, ledit concept doit tout simplement être interprété autrement, comme l’a souligné la doctrine majoritaire21. Conformément aux exigences de la Convention, seules seront susceptibles de reconnaissance les décisions de juridiction gracieuse qui sont définitives22. Cet argument n’a donc pas assez de poids pour exclure les actes de juridiction gracieuse du champ d’application de la Convention, de même qu’il est impossible fait que celui-ci prévoit l’exéquatur en tant que voie ordinaire d’attribution d’efficacité pour qu’une décision provenant du Maroc déploie des effets sur le territoire espagnol. En définitive, la procédure ainsi que les conditions de refus de reconnaissance incluses dans la convention sont pensées uniquement pour des décisions judiciaires rendues dans le cadre de procédures contentieuses, mais, est-ce un motif suffisant pour soutenir que la convention n‘est pas applicable aux actes de juridictions gracieuse, plus encore lorsque la convention ne les exclut pas de son champ d’application ? La question est loin d’être tranchée et peut donner lieu à des interprétations divergentes.

Néanmoins, si l’on maintenait une interprétation plus large de ce terme

« décision », il pourrait exister un conflit de réglementation entre ce que disposent la Convention de La Haye de 1996 et la Convention hispano- marocaine. Dans ce cas, il serait préférable d’appliquer la Convention de La Haye pour reconnaître une kafala accordée au Maroc. De fait, dans la mesure où la clause de compatibilité prévue dans la Convention de La Haye ne résout pas le problème de conflit de réglementation existant entre les deux instruments (art. 53) nous pourrions, pour le résoudre, nous en remettre au principe de favor recognitionis23 qu’envisage ce secteur du DIPr. Il est évident que la Convention de la Haye constitue, à juste titre, un instrument plus adapté et plus avantageux que la Convention bilatérale, étant donné qu’elle ne permet pas seulement d’obtenir la reconnaissance automatique de la kafala (art. 3)

mais elle comporte également des conditions plus spécifiques et concrètes pour que celle-ci soit reconnue24.

Ce contexte nous permet de conclure que le régime normatif applicable à la reconnaissance d’une kafala marocaine dépend, en partie, de l’interprétation que l’on donne au terme “décision” contenu dans la Convention hispano- marocaine. Si l’on adopte une interprétation large, les kafalas accordées avant l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye (article 5325) devraient être reconnues, en principe, selon ce qui est établi dans la Convention bilatéral. Par conséquent, la procédure d’exéquatur devrait être engagée si l’effet prétendu est un effet constitutif/d’inscription sur le registre tandis que si l’on prétend obtenir un effet constitutif ou de chose jugée, il serait possible de demander la reconnaissance automatique de la décision (art. 24 a sensu contrario26). Par contre, si ce terme était interprété au sens strict, l’art. 34 L.A. aurait une application pratique bien plus large que ce qui est reconnu actuellement. De fait, cela s’appliquerait à la reconnaissance des kafalas établies avant le 1er janvier 2011, date d’entrée en vigueur pour l’Espagne de la Convention de la Haye de 1996, mais après l’entrée en vigueur de la loi sur l‘adoption internationale. Au demeurant, si la kafala a été accordée ou rédigée avant cette date, le régime réglementaire dépendra du document judiciaire ou notarié qui est présenté pour la reconnaissance. S’il s’agit d’un document judiciaire, il faudra solliciter la procédure d’exéquatur prévue dans la Ley de Enjuiciamiento Civil de 1881 (arts 954 s.) [« Loi de procédure civile espagnole », dorénavant

citée LPCE 1881]27 sauf si l’effet prétendu est un effet probatoire car,dans ce cas, non seulement il ne sera pas obligatoire de solliciter cette procédure mais le contrôle d’une condition quelconque de reconnaissance ne sera pas non plus nécessaire. Il suffira que la décision judiciaire en question réunisse les conditions requises pour reconnaître son authenticité et que, de plus, celle-ci soit dûment traduite (arts 144 et 323.2º loi 1/2000, du 7 janvier, de procédure civile, dorénavant appelée LPCE 200028)29. En revanche, si le document présenté à l’autorité espagnole pour sa reconnaissance est un document passé pardevant un notaire marocain, il faudra alors distinguer si l’autorité “publique” ou l’adoul qui a rédigé la kafala a exercé des fonctions constitutives ou si cette autorité a simplement fait foi de ces dernières. Si l’adoul est intervenu dans cet acte en vérifiant des faits et des circonstances et en formulant des jugements de valeur, c’est-à-dire, en établissant la kafala, celle-ci devra obtenir l’exéquatur correspondant (reconnaissance procédurale), selon ce que dispose la LPCE 188130. Par contre, s’il intervient pour faire foi, accomplissant alors une fonction réceptive, il suffira que le document soit présenté accompagné de la traduction correspondante (art. 144 LPCE 2000) et qu’il soit légalisé (art.323 LPCE 2000) –reconnaissance conflictuelle–.

Déterminer le régime juridique applicable à la reconnaissance en Espagne

d’une kafala marocaine peut revêtir une difficulté supplémentaire dans ces cas d’espèce –qui ne sont pas si rares– lorsque la kafala notariale est ratifée, a posteriori, par une autorité judiciaire. Comme nous l’avons signalé précédemment, on ne sait pas exactement quelle fonction joue l’autorité judiciaire quand elle intervient et qu’elle ratifie ce type de kafalas. Il est évident, par contre, que lorsqu’elle le fait, le document où cette kafala est finalement accordée et que le kafil présente pour qu’elle soit reconnue en Espagne, est bien une décision judiciaire, en vertu de laquelle les parents biologiques confient la garde du mineur au kafil. Dans ces cas là, la Convention de La Haye de 1996 ne pourra être appliquée pour la reconnaissance, car elle ne prévoit que les reconnaissances des kafalas accordées pour des mineurs

préalablement abandonnés ; il n’y aurait par contre aucune raison pour ne pas appliquer la Convention bilatérale hispano-marocaine, si l’on s’en tient à une interprétation large du terme «décision de justice».

Après avoir résumé brièvement le cadre juridique espagnol relatif à l’efficacité des décisions judiciaires ou des documents publics marocains où sont accordées ou rédigées les kafalas, il faut se demander si la primauté du régime conventionnel dans ce domaine est compatible avec l’application de la réglementation interne, marginalisant ainsi la réglementation conventionnelle, dans les cas où l’une est plus favorable que l’autre à la reconnaissance. Cette possibilité n’est pas insensée et semble être en accord avec le critère de favor recognitionis, caractéristique dans ce secteur de l’ordre juridique. De toute façon, il ne faut pas perdre de vue que l’intérêt pour faciliter la reconnaissance doit aller de pair avec l’obtention d’un autre objectif présent dans ce domaine, à savoir «l’intérêt du mineur». De cette manière, la kafala marocaine pourrait être efficace en Espagne grâce à cette règle qui serait la plus favorable à «l’intérêt du mineur». Cette décision peut paraìtre complexe car elle requiert une analyse comparée exhaustive des instruments juridiques, et non seulement des voies d’attribution d’efficacité que ceux-ci établissent (exéquatur, reconnaissance automatique) mais également des conditions de refus de reconnaissance que ceux-ci prévoient. Par exemple, il ne serait pas avantageux d’appliquer la Convention de La Haye de 1996 à la reconnaissance d’une kafala pour laquelle l’obligation de communication entre les autorités compétentes n’aurait pas été respectée alors qu’elle est exigée par l’art. 33 de ladite Convention31.

En définitive, identifier le régime juridique applicable à la reconnaissance

d’une kafala accordée ou rédigée au Maroc est loin d’être une question facile à résoudre, quoique, de notre point de vue, en dernière instance, ce doit être le principe du favor minoris qui doit être appliqué et permet de déterminer ce choix. De plus, ce principe doit guider, chaque fois que cela s’avère possible, le choix des effets juridiques que la kafala marocaine doit produire en Espagne. Ainsi, si la norme applicable à la reconnaissance d’une kafala marocaine permettait, comme le fait la réglementation espagnole (art. 34 L.A.) que celle- ci soit reconnue avec des effets différents, soit comme accueil familial ou comme tutelle, l’application dudit principe impliquerait qu’elle soit reconnue

avec les effets les plus favorables à l’intérêt du mineur (tutelle ou accueil). Ceci dit, ce qui n’est pas acceptable, ni même en invoquant cet intérêt, c’est que la kafala marocaine soit reconnue en Espagne avec des effets qui nedécoulet pas directement de sa nature -tel que nous aurons l’occasion de l’analyser- en droit marocain, droit conformément auquel cette mesure de protection a été accordée ou rédigée.

2. COMMENT UNE KAFALA MAROCAINE EST-ELLE RECONNUE EN ESPAGNE ET QUELS SONT SES EFFETS?

Savoir comment est reconnue une kafala marocaine en Espagne, c’est- à-dire, quelles conditions doivent être réunies, ainsi que la voie d’attribution de l’efficacité qui doit être utilisée (exéquatur/reconnaissance automatique) et les effets que cela peut produire en Espagne dépendent de deux facteurs: d’une part, de la régle applicable à la reconnaissance, (qui est identifiée selon les paramètres exposés auparavant) et, d‘autre part, de l’effet désiré. Il n’est pas toujours nécessaire de solliciter une procédure d’exéquatur pour qu’une kafala marocaine produise des effets sur le territoire espagnol. Il est possible que celle-ci soit utilisée en Espagne avec une valeur simplement probatoire et, dans ce cas, elle sera traitée comme un simple document public. Il sera alors uniquement exigé qu’elle réunisse les conditions requises auxquelles les arts 144 et 323.2º LPCE 2000 conditionne l’efficacité probatoire d’un jugement rendu concernant des documents publics étrangers (concrètement, la traduction pour laquelle –conformément à l’art. 144 LPCE– il n’est pas exigé qu’il s’agisse d’un document assermenté, et la légalisation).

Quant à la procédure à suivre pour obtenir la reconnaissance en Espagne d’une kafala marocaine comprise dans le domaine d’application de la Convention de La Haye de 1996, il faut souligner que la reconnaissance automatique, de plein droit, sans qu’il y ait besoin de procédure spéciale est le critère général prévu (art. 23). Il convient de signaler que ladite reconnaissance n’équivaut pas à une efficacité ipso iure et inconditionnelle, car pour obtenir cette reconnaissance, il sera nécessaire de réunir toutes les conditions requises à l’art. 23.2º. Ceci dit, la Convention de La Haye de 1996 ne détermine aucunement les effets de reconnaissance d‘une kafala marocaine en Espagne. Le Rapport de la Convention, élaboré par P. Lagarde n’apporte d’ailleurs aucune lumière sur ce sujet. En effet, on ne sait pas si la convention suit la

théorie de l’extension, de l’équivalence des effets32 ou si cette question dépend de ce qui est établi dans la loi (ou lois) à laquelle renvoie le droit international privé de chaque pays. Il est évident que si le législateur conventionnel avait eu l’intention de faire dépendre cette question des règles du DIPr en vigueur dans chaque Etat, il l’aurait expressément prévu, comme l’a fait la Convention du 29 mai 1993, relative à la protection des mineurs et à la coopération en matière d’adoption internationale, à La Haye33. Au contraire, il n’en a pas été ainsi. Appliquer la règle de conflit en vigueur dans chaque Etat pourrait mettre en danger la cohérence internationale du statut juridique du mineur vu que ce statut pourrait varier en fonction de l’Etat où la reconnaissance de la kafala serait sollicitée. Faute de réponse précise, il faut considérer que la Convention de La Haye de 1996 suit la théorie de l’extension des effets. De sorte que, une fois que cette mesure de protection serait reconnue en Espagne, celle-ci en viendrait à produire l’effet sollicité (qu’il s’agisse d’un effet d’inscription au registre, constitutif ou de chose jugée) avec le contenu fixé par le droit marocain. L’applicabilité, dans ce contexte, de l’art. 15.3º de la Convention de La Haye de 1996 relatif aux conditions d’application desdites mesures de protection déclarées dans l’Etat d’origine –et qui subsistent dans l’Etat lorsqu’il existe un changement de résidence du mineur– mérite une mention toute spéciale. D’après ce précepte, ces conditions seront régies, à partir du changement de résidence, par la loi de l’état de la nouvelle résidence habituelle du mineur. C’est ainsi que si la kafala marocaine attribue la représentation du mineur au kafil, ce sera la loi espagnole, en tant que loi de la nouvelle résidence du mineur, qui fixera les limites et les conditions de son exercice.

De son côté, la Convention hispano-marocaine inclut la reconnaissance

automatique ainsi que l’exéquatur pour permettre à la kafala de déployer ses effets. Utiliser l’une ou l’autre des voies mentionnées dépend de l’effet qui est désiré par ladite reconnaissance. Si l’on souhaite un effet d’inscription au registre/constitutif, la décision judiciaire en vertu de laquelle la kafala a été constituée devra obtenir l’exéquatur correspondant (art. 25) alors que, si l’on aspire à un effet constitutif ou de chose jugée, on pourra l’obtenir

moyennant la reconnaissance automatique. De toutes façons, une fois que la kafala marocaine aura été reconnue en Espagne parce qu’elle réunit les conditions requises par la Convention, celle-ci produira, ou au moins devrait produire, en Espagne, les mêmes effets que ceux attribués par le droit marocain (théorie de l’extension des effets) étant donné qu’il en est établi ainsi dans la Convention elle-même34.

L’art. 34 L.A. réglemente non seulement les effets pour lesquels une kafala marocaine sera reconnue, mais il énumère de plus les conditions que celle-ci devra réunir pour qu’elle puisse être reconnue en Espagne. Concernant les effets, l’art. 34 L.A. dispose que « les institutions de protection des mineurs constituées par des autorités étrangères et qui, selon la loi de leur constitution, ne déterminent aucun lien de filiation [comme c’est le cas pour la kafala marocaine] auront une charge similaire à l’accueil familial ou, s’il y a lieu, à une tutelle, réglementés par le droit espagnol ». Deux aspects de ce précepte attirent l’attention. Le premier a un caractère négatif puisqu’il consacre légalement la doctrine créée par la Direction générale des Registres et du Notariat, (dorénavant nommée DGRN) sur la reconnaissance de la kafala en Espagne, qui a été recueillie par diverses résolutions et, fondamentalement, par la Résolution-Circulaire du 15 juillet 200635. Selon cette Résolution, la kafala doit être reconnue comme équivalente à l’accueil familial, tel que le considère le droit espagnol36. Cette pratique «nationnalisante» doit faire

l’objet de critiques. Tout d’abord parce que l’équivalence d’institutions n’est pas –et ne peut pas être– totale vu la difficulté d’apparenter cette mesure de protection à toute autre mesure de protection prévue par le droit espagnol. La kafala marocaine entraîne des effets qui ne correspondent pleinement ni à l’adoption ni à la tutelle, ni à l’accueil familial, ni à toute autre mesure de protection reconnue par le droit de la famille espagnol. En deuxième lieu, comme vu précédemment, il n’y a pas, au Maroc, un seul et unique type de kafala, ce qui, sans nul doute, complique encore plus l’assimilation de la kafala à des institutions propres au droit espagnol. Par conséquent, à notre avis, il serait souhaitable que la kafala marocaine soit reconnue en Espagne avec les effets qui lui sont propres en droit marocain comme cela se fait déjà dans notre législation pour les adoptions simples (art. 30.1º L.A.). Toute autre proposition dénaturalise l’institution étrangère, et ne respecterait donc pas ce que le droit marocain a établi.

Cependant, l’art. 34 L.A., à la différence de la Résolution mentionnée auparavant, va au-delà de la vision de la Dirección general de Registros y del Notariado (Direction générale des registres et du notariat, ci-après, DGRN) sur la kafala puisque ladite Résolution permet que la kafala soit reconnue en Espagne non seulement comme un accueil mais aussi comme une tutelle. Ces mesures, dans certains cas, peuvent être plus avantageuses pour le mineur que la kafala elle-même. De fait, le favor minoris qui, comme il a été souligné, doit guider et inspirer cette matière, conseille que la kafala soit reconnue en Espagne comme la tutelle – pourvu que celle– ci soit avantageuse pour le

mineur, et non comme l’accueil familial, car personne ne discute que la tutelle confère au tuteur «la représentation légale du mineur»37.

Néanmoins, pour qu’une kafala marocaine soit reconnue en Espagne en tant que “tutelle ou accueil familial”, les conditions établies à l’art. 34.

L.A. doivent être réunies38. Tout d’abord, pour qu’une kafala marocaine soit reconnue, il est nécessaire que les effets substantiels de cette mesure de protection soient équivalents à ceux de l’accueil familial ou, s’il y a lieu, à ceux d’une tutelle, prévue par la loi espagnole. Le contrôle que ce précepte impose quant aux effets que la kafala marocaine doit réunir ne répond pas à des paramètres « d’identité absolue », mais « d’équivalence ». Par conséquent pour que la reconnaissance se produise, il suffira que celle-ci ait substantiellement les mêmes effets, même s’ils ne sont pas identiques. Voila pourquoi, pour qu’une kafala marocaine soit reconnue en Espagne en tant que tutelle ou accueil familial, il n’est pas indispensable que la correspondance des effets soit absolue ou totale, mais qu’il y ait une équivalence entre les deux. Cette exigence est en parfait accord avec la doctrine appliquée– et requise depuis des années– par la DGRN.

Ensuite, un contrôle de la compétence de l’autorité étrangère (judiciaire ou administrative) est également requis; ceci garantissant une connexion raisonnable relative à l’origine, aux antécédents familiaux ou d’autre type, comme le signale le deuxième paragraphe de l’art. 34.1º de la loi. D’après cette condition, seules seront reconnues les kafalas accordées par des autorités marocaines compétentes, excluant ainsi toute reconnaissance lorsque les autorités précédentes ont outrepassé leurs conpétences. La règle est, à prime abord, raisonnable. Par contre, le contrôle imposé par les fors de compétence prévus dans la loi d’origine est criticable. Si la kafala est considérée comme valable et efficace au Maroc, l’existence dudit contrôle n’a aucun sens39. Au lieu d’effectuer ce double contrôle des normes de compétences, les autorités espagnoles devraient donc uniquement vérifier si la compétence des autorités marocaines pour constituer la kafala répond ou non à un for exhorbitant, d’après les critères de proximité du système juridique espagnol. Cette opération

pourrait mener à refuser la reconnaissance des kafalas accordées au Maroc, car, dans la plupart des cas, l’ombre de la fraude plane sur leur constitution, étant donné que les kafils utilisent cette mesure de protection pour obtenir l’objectif auquel ils désirent aboutir, à savoir, une adoption.

La question est de savoir jusqu’à quel point cette fraude peut être considérée légitime ou, pour être plus claire, quand, malgré l’existence de cette fraude, il existe un argument de poids suffisant pour pouvoir reconnaître la kafala marocaine, dans ces cas d’espèce. Plusieurs raisons permettent de justifier l’idée que, même dans les cas où la fraude est évidente, on devrait procéder à la reconnaissance de la kafala marocaine, pourvu que celle-ci ait été valablement accordée au Maroc. Ainsi, «l’intérêt du mineur», la crainte de laisser les mineurs dans un no mans land si la kafala n’est pas reconnue, l’idée de ne pas convertir les mineurs en victimes des divergences existant entre les différents droits nationaux, ainsi que l’existence d’un droit des particuliers à la reconnaissance d’un statut familial acquis conformément à un droit étranger, formulé dans l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 20 janvier 2007 (affaire Wagner et J.M.W.L c. Luxemburgo, C-76240/0140), semblent être des raisons plus que suffisantes. Selon nous, il s’agit d’une position peu convaincante. Le binôme droits fondamentaux + «intérêt du mineur» ne peut pas toujours être utilisé pour accepter toute relation ou acte constitué par des autorités étrangères comme valide au sein de nos frontières.

Nous sommes conscients que le fait de refuser la reconnaissance d’une kafala peut nuire au mineur et le placer dans des limbes juridiques, mais il ne faut pas oublier qu’une relation existe déjà au Maroc et que les mineurs continueront à vivre en Espagne avec leur/s kafils/s, même si la kafala n’est pas reconnue en Espagne. Selon nous, reconnaître toute kafala valablement accordée ou délivrée à l’étranger peut signifier un retour en arrière en matière de protection des mineurs. La clé et la difficulté résident, bien évidemment, à savoir où ces limites doivent être placées42.

Troisièmement, l’art. 34.1.3º L.A. requiert un contrôle de loi appliquée. Les autorités espagnoles, en application de ce précepte, devraient vérifier quelle a été la loi applicable à la kafala marocaine et, plus particulièrement, si celle-ci s’ajuste à la loi ou aux lois désignée(s) par les règles de conflit marocaines. Cette prévision, comme l’ont manifesté FERNANDEZ ROSAS & SANCHEZ LORENZO s’avère tout aussi criticable car elle établit un besoin de contrôler que la loi applicable à la constitution de la kafala a été respectée, non pas conformément aux règles de conflit espagnoles –qui représenterait un contrôle typique de la loi applicable–, mais conformément aux règles de conflit du système marocain43. A notre avis, il n’est pas de la compétence des autorités espagnoles d’évaluer si l’autorité marocaine a correctement appliqué ou non sa réglementation conflictuelle. De même qu’en matière de compétence, ce qui importe c’est que la kafala ait été validement et efficacement accordée au Maroc.

Finalement, il est également exigé que le document faisant état de l’établissement de la kafala réunisse les conditions requises quant à la régularité formelle. Autrement dit, ce document devra être dûment légalisé, étant donné que le Maroc ne fait pas partie de la Convention de la Haye supprimant l’obligation de la légalisation des documents publics étrangers du 5 octobre 196144 et de leur traduction (art. 34.1.4º). Dans tous les cas, la reconnaissance n’aura pas lieu si elle produit des effets manifestement

contraires à «l’ordre public espagnol» (art. 34.2º). Il est important de souligner que, la kalafa marocaine ne constitue en aucun cas une institution étrangère qui puisse susciter un problème d“ordre public international” en Espagne.

III. PRATIQUE ADMINISTRATIVE ET JUDICIAIRE ESPAGNOLE CONCERNANT LE TRAITEMENT DE LA KAFALA MAROCAINE

Outre ce que nous avons antérieurement souligné, l’analyse de la pratique administrative et judiciaire espagnole qui, en Espagne, doit reconnaître la validité de cette mesure de protection étrangère n’a pas permis, comme nous le verrons plus loin, de conclure, qu’en réalité la voie d’attribution de l’efficacité, les conditions de refus de reconnaissance ansi que les effets avec lesquels une Kafala marocaine est reconnue en Espagne n’est pas une question unanime, puiqu’elle dépend de l’autorité (administrative ou judiciaire) devant laquelle est sollicitée la reconnaissance de celle-ci, soit pour admettre l’entrée du mineur, soit pour obtenir la nationalité espagnole ou que soit concédée une prestation sociale déterminée. Voilà pourquoi nous exposerons ci-dessous comment les autorités espagnoles agissent dans les différents domaines de leurs interventions.

1. LE TRAITEMENT DE LA KAFALA MAROCAINE DANS LE DOMAINE DU DROIT RELATIF AUX ÉTRANGERS

Pour les autorités espagnoles, la kafala de mineurs marocains ne donne pas droit à l’attribution de la nationalité espagnole – d’origine–. La raison en est simple. La kafala, – qu’elle soit judiciaire ou notariale– ne peut être assimilée à une adoption et par conséquent, la situation du mineur ne peut être assimilée à celle du mineur adopté par un espagnol (art. 19 CC). Voilà pourquoi les questions relatives aux droits des étrangers ont un poids important en ce qui concerne la kafala marocaine.

Dans le Derecho de Extranjería [dorénavant appelé droit des étrangers], il n’existe pas de règles claires qui établissent les conditions requises pour l’entrée des mineurs en Espagne. Cette entrée se fera –conformément à ce qui est prévu

dans la loi relative aux étrangers46 et dans le règlement de son application47- indépendamment du fait que la kalafa ait été accordée ou rédigée en faveur d’un citoyen d’un Etat membre de l’union européenne, d’un citoyen d’un Etat Partie de l’accord sur l‘Espace économique européen ou d‘un citoyen suisse en faveur d’un citoyen d’un Etat tiers48. De fait, l’absence de réglementation spécifique pour ces types de cas explique pourquoi la jurisprudence espagnole (tribunaux contentieux administratifs) n’a pas été unanime à l’heure de ratifier ou non les décisions adoptées par l’Administration ayant refusé la concession du visa de séjour nécessaire pour un regroupement familial ou son extension. Ces divergences justifient le fait que le Secrétariat général de l’Immigration et de l’Emigration du ministère de l‘Emploi et de la Sécurité sociale ait dicté le

27 septembre 2007 (DGI/SGRJ/07/2007) une Instruction sur la kafala49 – qui a remplacé celle datant du Ier décembre 2004– dans le dessein d’unifier les critères à l’heure de documenter légalement l’entrée sur le territoire espagnol du mineur venu en Espagne sous le régime de cette mesure de protection.

Selon cette Instruction, la documentation qui devra être délivrée au mineur dépendra du type de kafala qui aura été prononcée ou délivrée au Maroc. Ainsi, d’une part, cette Instruction distingue la kafala accordée par une autorité publique étrangère, soit parce que le mineur était orphelin, soit parce qu’il a été déclaré qu’il avait besoin de protection. Dans ces cas-là, la kafala n’établit aucun lien de filiation, mais elle génère par contre, selon cette Instruction, un régime juridique comparable à la tutelle dative. De ce fait, la personne ayant la constitution de la kafala (le kafil), sera considérée comme son représentant légal et, par conséquent, l’accueil du mineur sur le territoire espagnol aura un caractère permanent. Le mineur obtiendra le visa de séjour opportun pour regroupement familial, d’après ce qui est disposé dans l’art. 17.1º c) loi relative aux étrangers qui établit le droit au regroupement des mineurs ou des incapables, lorsque le résident étranger est son représentant légal. Par contre, s’il s’agit d’une kafala délivrée par les parents biologiques du mineur,- situation fréquente à Melilla et Ceuta-, indépendemment du fait qu’une autorité publique soit intervenue dans le processus de constitution, que cette autorité soit judiciaire ou administrative, selon l’Instruction DGI/ SGRJ/01/2008 du 17 janvier 2008 concernant le regroupement familial de mineurs ou d’incapables sur lesquels le regroupant exerce la représentation légale, le fait que les parents biologiques cèdent ou délèguent l’autorité parentale à une tierce personne n’a aucune validité en Espagne. Cela ne concède pas la représentation légale du mineur et, par conséquent, cela ne donne pas lieu à la concession dudit visa de résidence pour regroupement familial (Jugement du Tribunal contentieux-administratif nº17 de Barcelone, du 5 juillet 201350). Voilà pourquoi, dans ces cas-là, les mineurs pourront uniquement obtenir, conformément aux arts. 187-188 du Règlement relatif aux étrangers 557/2011, du 20 avril (ex art. 93 du Règlement d’Exécution de la loi relative aux Etrangers, approuvé par le Décret royal 2393/2004, du 30

décembre51) le visa de séjour dans un but de scolarisation, traitement médical ou pour jouir de vacances, si les conditions légales exigées sont réunies52.

De notre point de vue, l’application, pour ces mineurs, du régime d’entrée en Espagne prévu dans ces articles n’est pas judicieuse, car leur présence sur le territoire espagnol peut ne pas avoir le caractère temporaire que cette autorisation dispense. Preuve en est que parfois la constitution d’une adoption pour un mineur marocain pour lequel avait été accordée ou rédigée une kafala intrafamiliale a éte sollicitée aux autorités espagnoles. Mentionnons en ce sens l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Barcelone (18e section) du 3 noviembre 201153] ou d’une tutelle (décision de l’Audiencia Provincial de Barcelone du 17 mai 201154). De même, la documentation d’entrée sur le territoire espagnol qui est délivrée à ces mineurs n’aide en rien à ce que le mineur puisse régulariser son «statut» en Espagne55 et empêche même que ce derner puisse obtenir la nationalité espagnole en raison de sa résidence (art. 22 Code civil espagnol). Il est évident que la documentation délivrée au mineur marocain pour lequel a été constituée une kafala intrafamiliale influe sur les relations internationales de famille et également aussi sur le droit de la nationalité. À ce sujet, Il est indispendsable que le bon sens s’impose. Il faut en effet prendre en compte toutes les données du cas d’espèce, et tout spécialement «l’intérêt suprême du mineur». De sorte que, même si la kafala a été constituée pour un mineur qui n’a pas été déclaré abandonné au préalable, on devrait lui délivrer le visa de séjour pour regroupement familial dans les cas où cette mesure de protection impliquerait, selon la législation ou pratique marocaine, la concession au/

aux kafil/s de la «représentation légale du mineur»56. Néanmoins, il est actuellement impossible de maintenir cette position, et ceci suite à l‘arrêt de la Cour suprême espagnole du 9 décembre 201157. Dans cette décision, la

C.S. soutient que si le mineur n’a pas été préalablement abandonné, le kafil ne peut être considéré comme «représentant légal du mineur». Du point de vue juridique, ce raisonnement est discutable, et donne lieu à un résultat non-désiré pour les mineurs à qui l’on refuse la possibilité d’avoir un futur et une vie meilleure en Espagne. Cette décision constitue sans aucun doute une véritable mesure de contrôle des flux migratoires, ce qui est tout à fait compréhensible, plus encore si l’on tient compte du fait que ces dernières années la constitution de kafalas frauduleuses, également appelées «kafalas blanches», est en train de proliférer58”. Ce type de kafala a effectivement pour but principal de contourner la réglementation sur les étrangers en matière de regroupement familial évitant ainsi les voies normales d’entrée et de travail des étrangers59.

Indépendamment du fait que cette pratique administrative –confirmée par la décision de la C.S.– puisse être ou non critiquée, ce qui est certain c’est que les autorités espagnoles qui reconnaissent la validité d’une kafala constituée au Maroc passent outre tout raisonnement provenant du DIPr. Nous pouvons affirmer que le contrôle que ces autorités réalisent est minime; de

fait elles contrôlent uniquement la régularité formelle du document présenté (traduction + légalisation). Cette pratique administrative est critiquable car, dans ce cas, il ne s’agit pas d’utiliser la décision judiciaire ou le document public étranger où la kafala est constituée comme moyen de preuve (effet probatoire), il est plutôt prétendu que ces documents aient un effet constitutif en Espagne. Et dans la mesure où la validité préalable de la kafala est exigée pour l’obtention de cet effet, le contrôle que ces autorités doivent effectuer devrait être plus rigoureux. Toutefois, il est également vrai que le but que les particuliers prétendent rechercher par la reconnaissance de la kafala dans le domaine du droit des étrangers (entrée et séjour du mineur), justifie –bien que cela ne soit pas correct en termes juridiques– la flexibilité avec laquelle ces autorités agissent à l’heure de reconnaître des kafalas constituées au Maroc, se limitant à un contrôle «sui generis», éloigné des conditions requises et des exigences imposées par la règlementation du DIPr.

Il est évident que, par ce procédé, les autorités manifestent un certain respect du droit des étrangers en reconnaissant les effets que cette institution déploie dans l’ordre juridique espagnol. Pour le Secrétariat général de l’Immigration et de l‘Emigration, il n’y a pas de doute que la kafala judiciaire confère la tutelle dative au kafil, d’après ce que prévoit l’art. 17 de la loi nº 15/01, celui-ci peut donc être considéré comme représentant légal du mineur et, par conséquent, il lui permet d’obtenir le visa correspondant pour le regroupement familial. Néamnoins, ce n’est pas un principe absolu puisque, comme nous l’avons vu, une kafala intrafamiliale peut avoir des effets identiques à ceux d’une kafala extra-familiale mais, dans le domaine du droit des étrangers, le traitement légal n’est pas le même, bien que, comme il a été expliqué auparavant, il y ait des kafalas intrafamiliales où le kafil exerce la représentation légale du mineur. Par ailleurs, il peut également arriver que le mineur marocain pour lequel est accordé une kafala se trouve déjà sur le territoire espagnol. Dans ce cas, et selon les termes de l’Instruction de la DGI/SGRJ/06/2007, une autorisation de séjour temporaire pourrait être sollicitée pour le mineur lorsque les conditions de l’art. 186 du Règlement concernant les étrangers sont réunies60. Et ce, indépendamment des éventuels cas où les conditions

légales et réglementaires ont été réunies pour pouvoir obtenir une autorisation de séjour temporaire en raison de circonstances exceptionnelles humanitaires (art. 126 Règlement des étrangers).

2. TRANSCRIPTION DE LA KAFALA MAROCAINE DANS LE REGISTRE DE L‘ÉTAT CIVIL ESPAGNOL: LA DOCTRINE DE LA DGRN ET L’INCIDENCE DE CELLE-CI SUR L’ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ ESPAGNOLE

Le traitement juridique que reçoit cette mesure de protection dans le domaine des registres est, de par sa similitude fonctionnelle, celui de l’accueil familial. Son accès au registre civil espagnol se produit par une annotation d’accueil puisqu’il s’agit de faits qui affectent à l’état civil des espagnols, à la demande du procureur ou de tout intéressé61. Il faur néanmoins respecter conditions établies par la résolution-circulaire de la DGRN de 2006: qu‘elle ait été validement accordée par une autorité étrangère, qu’elle ne porte pas atteinte à l’ordre public international espagnol et que les documents où cet accueil est délivré soit dûment légalisés et traduits en espagnol (arts 144 et 323 LPCE 2000). Dans cette résolution, la DGRN ne tient pas compte du fait que les conditions que doit réunir une kafala marocaine en Espagne puissent être reconnues avec les effets qui lui sont propres au droit marocain (théorie de l’extension des effets). Cela arrive si la règle applicable à la reconnaissance de cette mesure de protection est, comme nous avons eu l’occasion de l’analyser, la Convention de la Haye de 1996 ou la Convention bilatérale hispano-marocaine. De notre point de vue, assimiler la kafala à une institution espagnole de protection du mineur, comme l’accueil familial, lorsque la règle applicable à sa reconnaissance est conventionnelle (Convention de La Haye ou Convention bilatérale) ne constitue pas seulement une pratique administrative erronée mais elle suppose aussi le non-respect des engagements internationaux de l’Espagne dans ce domaine. Néanmoins, le traitement que les autorités du registre espagnol donnent à la kafala trouve sa raison d’être dans la difficulté que suppose pour ces dernières le fait d’avoir à faire

face à une institution inconnue. Voilà pourquoi elle est assimilée à l’une des institutions contenues dans le droit espagnol. Le problème réside dans le fait que cette limitation de transcription sur le registre a contaminé, s’est étendue et même, comme nous l’avons vu, s’est vue reflétée dans le domaine législatif (ex art. 34 L.A.) avec des effets préjuidiciables évidents, comme c’est le cas dans le domaine du droit de la nationalité. En fait cette mesure de protection n’est pas indifférente à la règlementation de la nationalité espagnole. Pour la DGRN, les mineurs marocains pour qui une kafala a été constituée ne peuvent opter pour la nationalité espagnole au regard de ce qui est disposé à l’art. 20.1º a) du Code civil. Selon nous, cette position est erronée. Du fait que le fondement de la concession du droit à opter pour la nationalité espagnole prévu dans cette réglementation se trouve lié à l’autorité parentale exercée par un espagnol, on ne peut conclure, comme le souligne à juste titre A. Lara Aguado, que les relations d’autorité parentale dérivent uniquement d’une relation préalable de filiation naturelle ou adoptive, tel qu’il est prévu dans le droit matériel espagnol62, mais qu’en revanche,il convient de déterminer jusqu’à quel point la kafala régulée en droit marocain est directement liée à l’exercice de l’autorité parentale du mineur par le kafil.

En Espagne, l’autorité parentale comprend une série d’obligations et de

droits pour son/ses titulaires(s) (art. 154 CC) qui coïncide, non de manière absolue, mais par contre de façon substantielle avec les obligations que doit assumer le kafil lorsqu’une kafala est prononcée au Maroc. Dans ce cas, il n’y aurait pas de problème pour que le mineur puisse acquérir la nationalité espagnole, si la kafala réunit les conditions de validité requises pour sa reconnaissance en Espagne. Nous partageons l’opinion de A. Lara Aguado lorsqu’elle affirme que ce type de kafala pourrait recevoir le même traitement que les adoptions simples constituées dans les pays tels que le Brésil, l’Equateur, le Guatémala, certains Etats du Mexique, L’argentine, La Bolivie, Costa Rica, Honduras, La République dominicaine, le Paraguay, l’Uruguay et le Vénézuela. Ces adoptions ne supposent pas la rupture totale des liens avec la famille biologique63. Si cela n’est pas possible, il reste uniquement au mineur venu en kafala la possibilité d’opter pour la nationalité espagnole lorsqu’il est légalement assujetti à la tutelle, à la garde et à l‘accueil d’un espagnol pendant

deux années consécutives pour une durée de séjour réduit à un an [art. 22.2º

c) Code civil], ce qui oblige à déposer un dossier devant le juge délégué au registre de l’état civil correspondant au domicile, lequel sera remis à la DGRN pour que celle-ci apprécie si les conditions pour la concession sont réunies ou qu’elle refuse cette dernière s’il existe des motifs raisonnés d’ordre public et d’intérêt national.

3. LE TRAITEMENT DE LA KAFALA MAROCAINE DANS LE DOMAINE DE L’ACCÈS AUX PRESTATIONS DE LA SÉCURITÉ SOCIALE [ESPAGNOLE]

Un mineur marocain sous le régime d’une kafala a le droit, en Espagne, a une prestation pour orphelin, d’après ce que l’on déduit de la pratique judiciaire récente. Mentionnons, en ce sens, la décision du Tribunal supérieur de Justice de Madrid, du 31 janvier 200864, confirmé par l’arrêt prononcé par la Cour suprême du 10 février 200965. Et cela, bien que l’art. 175 de la loi générale de la Sécurite sociale considère seulement comme bénéficiaire de ladite prestation “les enfants du titulaire quelle que soit la nature légale de la filiation”. Dans ce type de décisions, il est clair que même s’il est vrai que l’adoption et la kafala ne sont pas, d’un point de vue formel, des institutions identiques, d’un point de vue matériel et téléologique, elles remplissent une fonction assistentielle identique. Sur la base de cette argumentation, ces décisions considèrent qu’il s’avère opportun d’assimiler la kafala à la filiation adoptive,

régulée dans le droit espagnol, pour justifier la concession de ladite prestation. Cette position, selon nous, bien qu’elle soit évidemment motivée par l’intérêt du mineur, est criticable, du point de vue juridique, car la filiation (naturelle ou par adoption) et la kafala marocaine sont des institutions distinctes en nature, en constitution et quant à leurs effets. Il n’est pas logique qu’en Espagne une kafala marocaine soit reconnue avec des effets différents de ceux qui lui sont propres dans son Etat de constitution. Si dans le droit espagnol il est impossible de convertir légalement, par une procédure judiciaire, cette mesure de protection en adoption, comme c’est le cas pour les adoptions simples, il n’y a pas lieu d’accepter que celle-ci puisse avoir un effet automatique en reconnaissant à la Kafala les mêmes effets que la filiation adoptive, ni même pour une cause aussi louable que “l’intérêt du mineur”. Une autre thèse qui peut être défendue, c’est que la législation actuelle espagnole dans ce domaine est criticable puisqu’elle confère ce droit uniquement aux enfants (naturels ou adoptifs). Nous insistons sur le fait que, si juste soit-il, il ne convient pas de créer par voie judiciaire de prestations contributives que seul le législateur est en droit de déterminer, de façon unilatérale ou bilatérale.

En revanche, si kafil exige qu’on lui reconnaisse le droit aux allocations

pour maternité ou paternité, la situation change. D’après le Critère 77/2003- 04, la kafala accordée par une autorité marocaine compétente, pour une période supérieure à un an, prouvée par des documents dûment légalisés et traduits en espagnol, peut s’apparenter à l’accueil familial du droit espagnol et permet donc de pouvoir obtenir ladite allocation. Cependant, pour que cela soit possible, il faudra demander à l’organe compétent de l’administration de l’Etat qu’il confirme ou indique que la kafala peut être reconnue ne tant que telle.

Par ailleurs, le kafil peut également être intéressé par l’obtention de la subvention ou aide économique attribuée pour la naissance ou l‘adoption par les organes de l’Administration espagnole, comme ce fut le cas dans la décision du Tribunal supérieur de Justice de Castille-léon du 20 décembre 201366. Les juges ont refusé l’attribution de la subvention correspondante à une naissance ou une adoption, convoquée par la Délégation de la Famille de la région de Castille-Léon, sollicitée par un kafil sur la base d’une kafala accordée au Maroc pour un mineur abandonné. Le Tribunal a jugé que la

kafala marocaine ne peut être considérée comme adoption, ne produit pas non plus de liens de filiation, et n’est pas assimilée à une relation juridique paterno-filiale, mais qu’il s’agit plutôt d’une modalité d’acceuil d’un mineur remis aux soins d’une personne.

IV. RÉFLEXIONS FINALES

Cette étude a prétendu mettre l’accent sur le fait que l’efficacité en Espagne de la kafala marocaine, en tant qu’institution méconnue dans le droit espagnol, ne fait pas l’objet d’un traitement univoque de la part des différentes autorités espagnoles qui doivent attribuer des conséquences juridiques au fait qu’un mineur soit soumis à une kafala marocaine. En effet, d’une part, dans le domaine du droit des étrangers, cette mesure de protection est assimilée, dans certains cas, à la tutelle, et dans d’autres, elle est considérée comme l’équivalent d’une simple délégation de la responsabilité parentale, selon si l’on est en présence d’une kafala de type judiciaire ou notariale. De leur côté, les autorités d’enregistrement assimilent la kafala à un accueil familial, tel qu’il est réglementé en droit espagnol, alors qu’il est arrivé que dans certaines décisions judiciaires la kafala ait été assimilée à une tutelle ou même à une garde. Quant au domaine de la sécurité sociale, à l’effet de la concession de la pension d’orphelin, les autorités espagnoles considèrent que la kafala équivaut à la filiation adoptive. Cependant si l’on désire obtenir une reconnaissance des allocations pour maternité/paternité cette institution est assimilée à l’accueil familial. En définitive, il semble que la kafala marocaine soit reconnue en Espagne avec les effets que celle-ci déploie en droit marocain (droit des étrangers), ou avec les effets propres de l’institution espagnole dans laquelle ils sont nationalisés (domaine de l’enregistrement et droit de la nationalité ainsi que pour les congés maternité/paternité) ou encore, des effets qui sont inconnus et qui, de plus, sont interdits par le droit marocain (pension pour orphelin).

Cette assymétrie de traitement de la kafala marocaine de la part des autorités

espagnoles trouve sa raison d’être dans le fait que celles-ci n’appliquent pas correctement les règles en vigueur dans l’ordre juridique espagnol (DIPr.) et que ce sont elles qui, en définitive, déterminent, comme nous avons eu l’occasion de le voir, quelle(s) voie(s) d’attribution des effets peut/vent être utilisée(s) pour reconnaître une kafala marocaine en Espagne, quelles sont les

conditions qui doivent être contrôlées, ainsi que les effets qui doivent être reconnus en Espagne pour cette mesure de protection. Les règles du DIPr. dont la correcte délimitation – comme nous l’avons démontré– constitue une opération qui revêt une certaine difficulté dans la mesure où il existe divers facteurs dont il faut tenir compte (date, type de kafala, etc..) bien que, à notre avis, ce soit le príncipe du” favor minoris” qui doit primer. Les conséquencs négatives de cette assymétrie sont évidents: l’inaccomplissement des obligations conventionnelles assumées par l’Espagne, d’une part, et il semble également que les particuliers, les citoyens paient aussi leur “péage”, vu que la sécurité juridique diminue de façon drastique. Face à cette disparité d’interprétations, une solution transversale doit s’imposer, une solution unique et applicable par toutes les autorités espagnoles (enregistrement, judiciaire, et administrative).

La kafala marocaine doit être reconnue en Espagne avec les effets qui lui sont attribués par le droit marocain, tel que cela est prévu, dans la Convention de La Haye de 1996 de même que dans la Convention hispano-marocaine. Il est certain que cela impliquerait la réforme du droit international privé autonome (art. 34 L.A.) qui exige non seulement qu’il existe une équivalence de fonctions avec une mesure de protection espagnole pour que la kafala soit reconnue en Espagne, mais aussi que, lorsqu’il y a reconnaissance par l’autorité espagnole, celle- ci l’apparente, selon son critère, à l’accueil familial ou à la tutelle, tel qu’il est réglementé en droit espagnol. De notre point de vue, la kafala marocaine devrait être reconnue en Espagne comme une mesure de protection du mineur à caractère temporaire qui génère certaines obligations pour le kafil vis-à-vis du makful (protection, entretien et éducation): En effet celui-ci s’érige, en règle générale, comme son représentant légal, assumant la responsabilité civile des délits commis par le mineur accueilli en kafala, mais cela ne créé pas de lien de filiation et, par conséquent, ne génère non plus aucun droit de succession.Il est néanmoins également vrai que, en dernière instance, les effets qu’une kafala marocaine déploieront en Espagne dépend du type de kafala qui a été faite au Maroc (judiciaire/extrafamiliale ou notariale/intrafamiliale).

Après avoir étudié les effets qu‘une kafala constituée au Maroc devrait

déployer reconnue, la question se pose inmédiatement de savoir quels sont les droits ou les bénéfices que le kafil ou le makful pourra faire valoir comme

conséquence de la reconnaissance des effet de la kafala en Espagne. Nous parlerions des droits ou des bénéfices, et non pas des effets, que les particuliers, comme conséquence de la constitution de cette mesure de protection au Maroc pourraient avoir en Espagne. C’est à dire, jusqu’à quel point un mineur venu en Espagne sous le régime de la kafala pourrait-il obtenir la nationalité espagnole, bénéficier des effets qui dérivent de l’accès de celle-ci au registre de l’état civil espagnol ou encore obtenir une prestation sociale spécifique? Il est vrai que ces aspects relèvent sur certains points du droit public, mais il est également vrai que l‘existence de certains liens familiaux est la base et la condition pour l’obtention de ces bénéfices ou droits. En effet, la relation familiale apparaît comme la question préalable au droit de la nationalité pour ppu voir bénéficier de certaines prestations sociales ou pour accéder au registre de l’état civil espagnol. Et c’est justement là où les autorités espagnoles se retrouvent face au dilemme de concéder ou non le bénéfice, la prestation ou la demande déposée sur la base d’une kafala marocaine, une institution inconnue qui l’oblige à chercher dans le droit espagnol une institution équivalente. Cette recherche n’est pas aseptique, elle est plutôt prédéterminée par la relation familiale qui permet la concession dudit droit ou bénéfice, de ladite prestation ou demande. Il s’agit, évidemment, d’une institution régulée et admise dans le droit de la famille espagnol. Ainsi, si pour obtenir la prestation sociale pour maternité/paternité, selon l’art. 133 bis et coites de la loi générale espagnole de la sécurité sociale67, la maternité/ naissance d’un enfant, l’adoption et l’accueil familial sont considérés comme des situations protégées, il est évident que l’autorité espagnole devra assimiler cette mesure de protection à l’accueil familial ou à l’adoption espagnole, tandis que si l‘on souhaite transcrire la kafala au registre de l´état civil, les paramètres de recherche de cette équivalence diffèrent. La seule chose qui ne sera jamais possible, ce sera, comme nous l’avons vu, d’apparenter la kafala à l’adoption. Ceci dit, s’il est par contre possible d’apparenter la kafala à diverses institutions espagnoles comme le stipule l’art. 34 L.A (accueil familial ou tutelle) cela doit se faire avec l’institution qui est la plus avantageuse pour le mineur (favor minoris). Dans tous les cas, cette équivalence, selon ce que nous avons maintenu, doit se faire sur la base des effets que la kafala marocaine est

appelée à déployer en Espagne, une fois que celle-ci aura été reconnue et non de la fonction que celle-ci joue dans ledit Etat68.

Le principe d’équivalence des effets, que nous défendons ici, se fait en deux étapes. Dans un premier temps, il sera nécessaire de reconnaître la kafala avec les effets que cette institution déploie au Maroc, pays de sa constitution, et pour ce faire, il faudra tenir compte du type de kafala délivrée ou accordée (intrafamiliale, extrafamiliale). Une fois que ces effets ont été définis, il faudra trouver l’institution espagnole correspondante qui les règlemente. Cette phase de décision est réalisée conformément à des catégories de l’ordre espagnol. Ce principe est celui qui se compare le mieux avec la nature de l’institution étrangère, constitue un instrument adéquat pour l’élimination de l’assymétrie, signalée ci-dessus, et se montre respectueux des règles conventionnelles en vigeur dans l’ordre juridique espagnol. Nous optons donc pour une méthode spéciale pour résoudre les problèmes de coordination de systèmes de et pour le secteur de la reconnaissance, éloigné des constructions classiques propres du secteur du droit applicable. Nous parlons du besoin d’une “adaptation” qui doit se faire dans le domaine de la reconnaissance de manière différente que dans le domaine du secteur du droit applicable, et qui est consacrée légalement dans l’art. 54 du Règlement (UE) numéro 1215/2012, relatif à la compétence judiciaire et à l’exécution de décisions judicaires en matière civile et commerciale69. Concrètement, ledit précepte prévoit que si une décision contient une mesure ou un ordre qui est inconnu dans l’ordre juridique de l’Etat membre requis, cette mesure ou cet ordre, de même que tout droit indiqué dans celle-ci, devra s’adapter, dans la mesure du possible, à une mesure qui, dans l’ordre dudit Etat membre, aurait des effets équivalents et poursuivrait un but similaire. Cette adaptation n’aurait d’autres effets que ceux disposés par le droit de l’Etat membre d’origine. Ce principe est garanti car les parties peuvent contester, auprès d’un organe juridictionnel une adaptation défectueuse de la part des autorités de l’Etat requis chargé de ladite tâche (art. 54.2º).

Les références

Cependant, il existe entre elles des concomitances idéniables, car la kafala, de même que l`adoption, doit être le dernier mécanisme auquel on doit recourrir pour protéger le mineur (príncipe de subsidiarité). Il existe toutefois d’importantes différences, étant donné que la kafala, à la différence de l’adoption (plénière ou simple), n’entraîne pas de liens familiaux.

« La kafala islámica

Et ceci, bien que l’art. 24 de la loi marocaine nº 15-01, relative à la kafala des mineurs abandonnés (BORM du Maroc nº 5036, du 05.08. 2002) oblige les services consulaires marocains du lieu de résidence du kafil à veiller à l’accomplissement desdites conditions.

La jurisprudence espagnole est contradictoire sur cette possibilité. Il existe dans ce domaine une très grande discrétionnalité. [Cf. DE VERDA, Y BEAMONTE, J.R., « Efectos jurídicos en España del acogimiento de derecho islámico (“kafala”) », Diario La Ley, 2010, p. 1]. L’analyse de cette jurisprudence nous a permis de constater que le fait qu’une adoption puisse être accordée ou non en Espagne, dépend parfois de la Communauté autonome [région], voire, au sein d’une même communauté de la ville auprès de laquelle est sollicitée la constitution de l’adoption. Les tribunaux espagnols, favorables à cette constitution, ne doutent pas que la loi espagnole doit être appliquée en ce sens. Par conséquent, toute limitation ou interdiction établie par le droit du pays de provenance du mineur n’empêche pas sa constitution valide en Espagne. Et ce, bien que l’application de la loi espagnole exige, selon les cas, d’obtenir le consentement des parents ex. art. 177 CC). Les autorités espagnoles sauvegardent généralement cette nécessité en recourant à des arguments aussi imaginatifs que variés (ad ex. Circulaire 8/11 de la Fiscalía general del Estado (“Parquet général de l’Etat”)

Il s’agit d’une pratique ou d’une coutume qui n’a aucune base légale expresse. II existe uniquement une Circulaire du gouvernement marocain du 07.02.1996 visant à éviter que les mineurs pour lesquels aurait été rédigé ce type de kafala soient exposés à l’abandon.

Sur cette procédure de constitution, cf. OUALD & SAGHIR, “Acercamiento a la adopción en los países del Maghreb”

Sur cette pratique, cf. QUIÑONES ESCÁMEZ, A., “Protección del menor venido a España en Kafala: acogimiento con tutela dativa y, en su caso, adopción”, en Unidad de ejecución Proyecto ADL

Sur la procédure pour l’obtention de l’agrément, cf. CABALLERO RUIZ, V., «Régimen jurídico de la kafala marroquí en el Derecho español»

Il est certain qu’entre l’Espagne et le Maroc il existe également la Convention bilatérale relative à l’assistance judiciaire, la reconnaissance et exécution de décisions judiciaires en matière de droit de garde et droit de visite et de retour de l’enfant, faîte à Madrid le 30.06 1997 (BOE nº 150, du 24.06.1997). Néanmoins, ladite convention n’est pas applicable aux cas de reconnaissance d’une kafala marocaine, étant donné qu’il s’agit d’une matière exclue de son domaine d’application matérielle.

De fait, il y est reflété l’active participation, au cours de sa négociation, de la délégation marocaine qui a informé sur la procédure de constitution de la kafala marocaine, réglementée par la loi marocaine du 10.09.1993. Ladite loi s’occupait de réguler –avant la réforme de 2012 (loi nº 15-01) – la kafala d’enfants abandonnés (kafala judiciaire).

“Eficacia de la kafala ante el ordenamiento español“

Pour une partie de la jurisprudence espagnole, cette option est évidente, tel qu’on peut le déduire de la décision de l’Audiencia Provincial de Cadix (5e section) du 26.10.2010. À cette occasion l’exéquatur d’une kafala marocaine fut refusé parce qu’il ne réunissait pas les dispositions de la Convention (TOL. 3.639.046).

L’art. de la loi 20/2011, du 20.07 du registre civil s’est prononcée en ce sens. Cf. à ce sujet MARCHAL ESCALONA, N., «El futuro régimen autónomo de reconocimiento de decisiones judiciales extranjeras con acceso al registro civil español»,

De fait, ce manque de respect de la procédure recueilli à l’art. 33 de la convention est l’un des motifs de refus de reconnaissance. Ce précepte dispose que : « 1. Lorsque l’autorité compétente en vertu des articles 5 à 10 prévoit le placement de l’enfant dans une famille d’accueil ou dans un établissement ou sa protection légale suite à une kafala ou par une institution analogue, et que cet accueil ou placement doit avoir lieu dans un autre Etat, on consultera au préalable l’autorité centrale ou toute autre autorité compétente de ce dernier Etat. À cet effet, on transmettra un rapport sur l’enfant et les motifs de la proposition relative à l’accueil ou le placement. 2. L’Eat requérant peut seulement adopter la décision quant au placement ou l’accueil si l’autorité centrale ou toute autre autorité compétente de l’Etat requis a approuvé ce placement ou cet accueil, en tenant compte de l’intérêt de l’enfant ».

«Las decisiones de divorcio y separación matrimonial en el tráfico jurídico entre España y Marruecos»,

Los efectos de las resoluciones extranjeras

«En cas de changement de résidence habituelle de l’enfant vers un autre Etat contractant, la loi de cet autre Etat régit les conditions d’application des mesures adoptées dans l’Etat de l’antérieure résidence habituelle à partir du moment où la modification se produit».

Cependant, comme l’a signalé RUEDA VALDIVIA, R., «Las decisiones….cit.», p. 720, introduit une limitation que l’on peut extraire de la lecture de l’art. 27 de la Convention vu qu’il exige que les effets que le jugement produit dans l’Etat d’origine soient également connus dans l’Etat de réception.

Toutefois, en Espagne, il existe une tendance presque automatique à assimiler la kafala à l’accueil familial. Il est évident que la kafala présente des points de convergences avec l’accueil familial, tel qu’il est régulé dans l’ordre juridique espagnol, mais ils se différencient aussi en d’autres points. Ainsi, par exemple, une personne qui accueille n’aura jamais la tutelle du mineur, celle-ci correspond à l’entité publique correspondante. [Cf. à ce sujet, PABLO YQUIERDO, P., «Instituciones de guarda y protección de menores (guarda de hecho. Declaración de desamparo. Acogimiento familiar

Dans cet arrêt, le Luxembourg a été condamné au pour avoir violé plusieurs droits établis dans la Convention européenne des droits de l’homme, en refusant de reconnaître une adoption plénière prononcée au Pérou d’une mineure péruvienne en raison du simple fait que l’adoptante luxembourgeoise était célibataire, ce qui, entre autres motifs, implique une ingérence illégitime dans la vie familiale. L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 03.05.2011 (Negropontis-giannisis c.Grecia) applique une doctrine similaire quant aux restrictions de la législation grecque.

De fait, la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt du 04.10.2012 (affaire: Harroudj c. France) reconnaît qu’une loi qui interdit l’adoption ne porte pas atteinte aux articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les faits qui ont donné lieu au présent arrêt font suite à la demande d’adoption, par le Tribunal français, d’un mineur algérien pour qui une kafala avait été accordée en Algérie. Cf. Un commentaire de cet arrêt dans COURNELOUP, P., Revue critique de droit international privé, p. 161. Pour une étude sur la portée de la loi étrangère qui prohibe l’adoption, d’une perspective comparée, en particulier, dans les sytèmes italien, français, anglais, allemand, suisse et belge, cf. QUIÑONES ESCÁMEZ, A.,«Impedimentos matromoniales, leyes de policía e internacionalidad.

«Nota a las Resoluciones (34e) de 04.04.2012, (2e) de 11.07.2012 y (3e) de 11.07.2012 de la DGRN»,

L.O. 4/2000, du 11 janvier, sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale, réformée par la L.O. 8/2000, du 22 décembre, par la L.O. 11/2003, du 29 septembre, par la L.O. 145/2003, du 20 novembre, par la L.O. 2/2009, du 11 décembre et par la L.O. 10/2011 du 27 juillet (BOE nº. 10, du 12.01.2000; corr.err. BOE nº. 20, du 24 janvier. BOE nº 307 du 23.12.2000; corr. err. BOE nº. 47, du 23.02.2001. BOE nº 234, du 30.11.2003. BOE nº 279 du 21.11.2003. BOE nº 299 du 12.12.2009. BOE nº 180, du 28 juillet 2011).

Real Decreto [décret royal] 557/2011, du 20 avril, approuvant le Réglement de la L.O. 4/2000, quant aux droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale, après réforme par la L.O. 2/2009

A notre avis, le régime communautaire devrait être appliqué à un mineur étranger sous le régime de la kafala dont la charge a été confiée à un kafil -titulaire de la libre circulation – pourvu que la kafala accordée à l’étranger soit assimilable à la tutelle dative, pour maintenir ainsi l’unité de la famille, à laquelle fait référence la directive communautaire. Concrètement, le regroupant devra présenter la documentation indiquée à l’art. 56 du Règlement concernant les étrangers, en prenant compte que la copie des documents contenus au paragraphe a) du paragraphe 3º dudit précepte – applicables si le regroupant n’est pas résident non communautaire– serait remplacé, selon l’Instruction GDI/SGRJ/07/2007, par la copie de la carte d’identité espagnole si le regroupant est citoyen espagnol, par la copie du passeport ou de la carte d’identité ainsi que de la copie du certificat d`enregistrement si le regroupant est résident communautaire, ou par la copie du titre de séjour en tant que parent d’un citoyen de l’U.E. si le regroupant est parent d’un citoyen de l’U.E. De plus, les espagnols et les étrangers résidant en Espagne devront obtenir un rapport préalable de la sous-Délégation du gouvernement les formalités du visa de séjour temporaire pour regroupement familial, qui sera ensuite présenté au consulat espagnol correspondant en vue de la délivrance du visa du mineur. Une fois que le mineur sera sur le territoire espagnol, le kafil devra solliciter, dans un délai d’un mois, le titre de séjour pour le mineur. Sur la documentation nécessaire pour l’obtention dudit visa

C’est ce qui retient la décision du Tribunal Superior de Justicia [dorénavant Tribunal supérieur de Justice] de Madrid du 11.09.2013 dans laquelle a été refusée la concession du visa de séjour à une mineure pour laquelle une kafala avait éte accordée, vu que les autorités espagnoles soupçonnaient de se trouver en réalité face à un probable «faux regroupement». Les autorités espagnoles doutaient de l’intention de la mineure d’abandonner le territoire espagnol avant l’expiration du terme du visa (TOL 3.9.55.928).

Cet arrêt a confirmé le jugement prononcé en première instance qui refusait la constitution de l’adoption d’un mineur car les parents vivaient encore, n’avaient pas été privé de leur autorité parentale et il n’avait pas été déclaré pour le mineur de mesure de besoin de protection ou de situation d’abandon au Maroc.

Comme il apparaît, à juste titre, dans les Fondements de droit (premier) de la décision judiciaire du Tribunal contentieux-administratif nº 3 de Bilbao (TOL 3.125.511) lorsqu’est affirmé que : «Il s’agit d’un membre de la famille ‘regroupable’ puisque la relation juridique existant entre Amanda et les requérants comprend tout ce qui est nécessaire pour prendre en charge son éducation, sa garde et kafala, ses études, l’entretenir comme il se doit, voyager avec elle en dehors du territoire national. Les deux conjoints susmentionnés reconnaissent avoir reçu la fille en question de ses parents susmentionnés et déclarent qu’ils considèrent la fille…comme leur propre fille et lui reconnaissent le droit à l’héritage de même qu’une fille légitime».

Nous trouvons des décisions judiciaires où le visa est refusé en raison de l’existence de fraude évidente. C’est ce qui s’est passé dans l’arrêt du Tribunal supérieur de Justice de Madrid du 11.06.2008, qui confirme le refus du visa en faveur d’un mineur en âge de travailler (17 ans), dont la kafala avait été confiée judiciairement au père, résidant en Espagne, les cinq autres frères et soeurs, mineurs, étant restés au Maroc, à la charge de leur mère. Dans ce même sens, mentionnons également la décision du Tribunal supérieur de Justice de Madrid du 20.09.2012

«La adopción de menores extranjeros como vía de inmigración en Andalucía»

Les faits qui ont donné lieu à cette décision judiciaire proviennent de la demande formulée par la Sécurité sociale espagnole par un ressortissant marocain marié avec une citoyenne également marocaine qui était décédée. Dans ladite demande il sollicitait une pension d’orphelin en faveur de deux mineurs légalement de nationlité marocaine, pour lesquels avait été prononcée une kafala judiciaire au Maroc par le Tribunal des tutelles correspondant. La défunte était titulaire d’un permis de travail et de résidence et était affiliée au régime spécial de la Sécurité sociale pour les femmes de ménages et avait satisfait toutes ses cotisations. La pension lui a été refusée, en application des arts. 16 de l’Ordre du 13.02.1967 et 175 de la loi générale de la Sécurité sociale, en s’appuyant sur le fait que les mineurs ne pouvaient être bénéficiaires puisqu’ils n’étaient pas « enfants de la de cujus quelle que soit la nature légale de la filiation ». Le jugement a révoqué la décision et a reconnu la pension d’orphelin en application du principe d’égalité vu que, « dans le cas contraire, il se produirait une discrimination indirecte en raison de l’impossibilté de pouvoir acquérir le caractère d’enfants adoptifs, selon la nationalité des gardiens (kafils) » (premier Fondement de droit). 65 TOL 3.333.836.

«Coordinación de ordenamientos jurídicos estatales y problemas de adaptación»

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