Notas
Résumé: : Les investissements directs étrangers (IDE) sont de nos jours implicitement ins- trumentalisés par les États, pays d’origine d’IDE, dans l’optique de provoquer une dépendan- ce économique extérieure des pays d’accueil et ce afin de disposer d’un soft power à conno- tation économique dans le but de défendre in fine leurs intérêts géopolitiques. De son côté, le Maroc a fait de ses IDE intracontinentaux un instrument considérable dans le cadre de sa po- litique africaine notamment en devenant l’un des premiers investisseurs intra-africainsen 2016, sachant que ce statut coïncide entre autres, d’une part avec sa réintégration de l’union africaine et d’autre part avec l’accord de principe qu’il a obtenu pour intégrer la CEDEAO. À ce sujet, ce travail apportera une interprétation analytique qui essayera de décortiquer la ventila- tion géopolitique des investissements publics et privés marocains en Afrique.
Mots clés: Investissements directs étrangers, Maroc, Afrique, Soft-Power, Géopolitique.
Resumen:
La inversión extranjera directa se convertido en un elemento de la política exterior que los Estados instrumentalizan implícitamente. El objetivo es provocar una dependencia económica externa de los países anfitriones. Se trata de una estrategia de un poder blando con connotación económica con el fin de defender en última instancia los intereses geopolíticos. Por su parte, Marruecos ha convertido su inversión intercontinental directa en el extranjero un instrumento clave de su política africana, al convertirse en uno de los primeros inversores intra-africanos en 2016. Esta política coincide, entre otros, con su retorno a la Unión Africana y, por otro lado, con el acuerdo en principio que obtuvo
1 Doctorant (PhD candidate) en relations économiques internationales à la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales de Tanger, Université Abdelmalek Essaâdi (Maroc).
L’investissement direct étranger en tant que facteur géopolitique du Soft Power marocain en Afrique :réflexion
interprétativenals
para integrar la CEDEAO. En este sentido, este trabajo proporcionará una interpretación analítica que tratará de diseccionar la ventilación geopolítica de la inversión pública y privada marroquí en África.
Palabras clave: Inversión extranjera directa, Marruecos, África, Soft-Power, Geopolítica.
Abstract: Foreign direct investment is today implicitly instrumentalised by the States, country of origin of FDI, with the aim of causing an external economic dependence of the host countries and this in order to have a soft power with economic connotation in order to ultimately defend their geopolitical interests. For its part, Morocco has made its intracontinental FDI a considerable instrument within the framework of its African policy, in particular by becoming one of the first intra-African investors in 2016, knowing that this status coincides, among others, with his return to the African Union and on the other hand with the agreement in principle he obtained to integrate ECOWAS.In this regard, this work will provide an analytical interpretation that will try to dissect the geopolitical ventilation of Moroccan public and private investments in Africa.
Keywords: Foreign direct investment, Morocco, Africa, Soft-Power, Geopolitics.
I. INTRODUCTION
La logistique de demain, l’essence de l’excellence de la chaîne logistique (Ouvrage collectif), p. 21-39.
La prise de conscience étendue et manifeste des pays africains quant à l’intérêt des politiques d’attraction des investissements étrangers et de leur impact sur l’économie nationale a mobilisé ardemment la prédation écono- mique des firmes multinationales (FMN) occidentales vis-à-vis du continent à fortiori quand celui-ci présente des opportunités d’affaires et d’investisse- ment inouïes eu égard aux déficiences structurelles et à l’arriération endémi- que qu’il présente.2
Dit autrement, le temps des hostilités mutuelles est réciproquement ré- volu, quand d’un côté l’Afrique, région particulièrement contrastée, craignait une ère néocoloniale avec la montée de mouvements de déprédation écono- mique et de l’autre côté, l’occident, confronté au spectre de la péremption des marchés intérieurs, en quête d’alternatives économiques, redoutait l’insécurité et l’instabilité. Subséquemment, le Maroc ne demeure pas des moindres en
devenant le premier investisseur intra-africain en 20163 ainsi que le 5ème in- vestisseur en Afrique dans le monde la même année4, en réintégrant l’union africaine en 2017 et en obtenant l’accord de principe pour adhérer à la CE- DEAO durant la même année5. Constat factuel, tous les indices indiquent in- déniablement que le royaume cherche à s’ériger en puissance régionale après avoir mis de son côté toutes les variables pour s’assurer de la réussite de sa stratégie africaine.
En effet, il est inéluctable que l’impact outre-économique des investis- sements marocains en Afrique a joué un rôle amplificateur dans l’offensive africaine de l’État chérifien à travers l’implication des plus grosses entrepri- ses nationales des principaux secteurs économiques à l’image d’Attijari Wafa Bank, de Maroc télécom, d’Addoha et de l’OCP.
Cette stratégie d’incorporation de l’investissement au service du politique a même vu l’implication effective et personnelle du souverain marocain qui y a interprété le rôle de disséminateur à travers ses multiples tournées afri- caines précédant la signature d’accords commerciaux et d’investissement et donnant par-là, naturellement, un caractère régalien à ces initiatives outre un discernement rédhibitoire aux opposants éventuels. Au-delà du poids du sou- verain, l’impact des mastodontes marocains est d’autant plus profond dans leur incarnation de l’image du royaume en tant que puissance émergente sur le continent, interprétant par-là, implicitement, non seulement le simple sta- tut d’opérateurs économiques étrangers mais la fonction d’ambassadeurs du Maroc, rôle qu’on va circonscrire à la lumière des développements suivants. Entretemps, avant de développer notre analyse, il s’avère judicieux de procé- der à une dichotomie de la notion de Soft-power qui a été pour la première fois pensée6 par Joseph Samuel NYE en la qualifiant d’alternative voire de substitut à la force militaire et coercitive classique dite Hard-power qui inter- vient après une prise de conscience élargie du fait que le pouvoir politique et
la force tous azimuts ne sont plus garants d’un positionnement robuste sur
l’échiquier mondial.
Ainsi, NYE définit cette force douce par la capacité d’un État à obtenir ce qu’il souhaite d’un autre État sans que celui-ci n’en soit même conscient à tra- vers l’influence, l’attraction et la séduction.7 Par ailleurs, l’auteur identifie trois grandes catégories construisant les sources du soft power, en l’occurrence, la culture, les valeurs politiques et les politiques publiques.8
Cette définition nous offre un point de départ pour analyser la relation du soft power avec l’implantation internationale des investissements en tant qu’instrument de puissance nationale notamment dans le cas du Maroc en Afrique. Tout aussi important, voire plus, notons que le soft power marocain repose essentiellement sur les dimensions culturelle9, religieuse et sécuritaire10 de sa diplomatie concomitamment à son aspect économique. Toutefois, il est important de retourner à la définition du Hard power qui conjugue la force militaire au pouvoir économique étant donné qu’on peut menacer et inciter d’autres États en leur imposant des sanctions économiques voire un isole- ment économique. L’angle de vue qu’on adopte dans ce sens n’est pas relatif aux menaces mais plutôt à la réputation liée à l’image des investissements et des FMN étrangères auprès des populations locales. À partir de cet ancrage théorique, nous pouvons souligner que, de prime à bord, il s’ensuit que cette relation IDE et Soft-power tient au fait qu’elle est un élément d’un ensem- ble plus vaste avec des composantes essentiellement hétérogènes. Celui-ci englobe non seulement la diplomatie économique mais aussi la diplomatie publique, et s’étend même bien au-delà. Les FMN marocaines investissant en Afrique constituent le cœur de la diplomatie économique mais agissent aussi en tant qu’acteurs de la diplomatie publique en mobilisant « différents
moyens pour communiquer l’image d’un Maroc prospère et conscient » des
enjeux de sa coopération sud-sud gagnant-gagnant.11
Cela dit que ces IDE tant publics que privés destinés à l’Afrique renfor- cent le soft power marocain au niveau régional au sens le plus large du terme en renforçant son écho à travers le continent mais aussi le monde, puisqu’ils véhiculent l’image d’un pays qui a tracé une stratégie africaine claire et pivotée par le souverain qui s’implique notoirement et activement de façon dynami- que à tous les niveaux.12
En Afrique, le royaume a fait usage d’une diplomatie économique li- bérale au service de sa politique africaine. Outre la multiplication de ses investissements directs étrangers et l’intégration des instances multila- térales panafricaines telles que l’union africaine et la CEDEAO dont l’im- pact sur le renforcement des IDE dans le bloc régional a été confirmé13, la politique étrangère marocaine a toujours misé sur la diffusion d’une iden- tité culturelle et religieuse singulière en élargissant son espace géoculturel et en jouant sur une identité marquée par l’ouverture et la tolérance pour tenter d’exercer un soft-power toujours impulsé par les initiatives royales.14On affir- me par-là que la réputation marocaine en Afrique demeure toujours définie par son identité religieuse15 plus que son dynamisme économique, du moins pour le moment.Cependant, s’agissant de l’impact réel de l’image des IDE sur son soft-power, bien qu’ils soient notablement difficiles à mesurer, ils ont inéluctablement un effet implicite et indirect sur le long terme.
II. IDE ET SOFT-POWER MAROCAIN EN AFRIQUE : AMBIVALENCE STRATÉGIQUE
D’après la cartographie globale de l’implantation sectorielle des investis- sements marocains en Afrique [Voir Figure 1], nous remarquons limpidement une nette densification des investissements marocains dans les pays de l’Afri- que de l’ouest. Or, en sollicitant la finalité du concept de soft-power et par- tant du fait qu’une telle approche est normalement opérée de façon indirecte pour convaincre et persuader les opposants et les détracteurs à adhérer aux idéologies et aux intérêts nationaux, la stratégie marocaine dans cette optique est relativement contrastée.
Ce qui laisse dire à priori que les IDE marocains obéissent à une logique
historique, étant donné que géographiquement parlant, la zone de confort
habituelle du Maroc en Afrique a toujours été l’Afrique de l’ouest16 et ce pour des raisons d’ordre religieux, culturel et commercial17.
De même qu’il est d’importance de considérer le soft-power comme une alternative résolument tournée face aux non partisans, à savoir que celui-ci doit être naturellement régi au service de l’action diplomatique contre anta- goniste.
En d’autres mots, à première vue, sans pour autant nuancer le scope de notre étude, les IDE marocains se manifestent en Afrique à l’opposé de ce qui devrait être selon l’approche du soft-power. En effet, dans le cas du Maroc, d’une part, les régions les plus partisanes à la pseudo RASD, en l’occurrence l‘Afrique australe, l’Afrique de l’est et l’Afrique du nord, sont celles qui accuei- llent le moins d’investissements, en particulier en termes de concentration et de diversification sectorielles. D’autre part, on remarque une politique de densification d’IDE dans les régions les plus coutumières aux investissements marocains, à savoir l’Afrique de l’ouest et l’Afrique centrale, d’ailleurs, cette dernière n’abrite aucun pays qui reconnait le pseudo RASD.18
Conséquemment, la ventilation des IDE marocains sur le continent est paradoxale puisqu’elle remet en cause son impact outre-économique à travers sa présence timide dans les régions où le Maroc est modestement connu voir détraqué par le régime au pouvoir. À notre avis, ce contraste apparent dans la manœuvre d’implantation des IDE marocains qu’on qualifie d’ambivalence stratégique, peut avoir deux explications ; la première se base sur une hypothè- se de réticence économique du Maroc vis-à-vis de ces pays qui reconnaissent la pseudo RASD et qui sont subdivisés en deux groupes, à savoir, d’un côté les grandes puissances économiques du continent qui concurrencent histori- quement le royaume comme le Nigéria, l’Algérie, l’Afrique du sud, l’Égypte et l’Angola et où le royaume se réserve et/ou n’est pas permis d’investir à cause de la concurrence directe, et de l’autre côté les pays africains à régimes
anocratiques19qui souffrent d’habitude du ralentissement de leur économie et où le taux de rendement de l’investissement étranger est relativement très faible ou comporte beaucoup trop de risques pour les investissements maro- cains publics et privés, notamment dans le cadre de due diligence relative à l’investissement.
La deuxième hypothèse suppose que le Maroc possède une stratégie de Soft-power dite de confortation à la base de la massification de ses IDE dans les régions où il est habituellement et historiquement omniprésent pour pé-
renniser davantage sa présence et son hégémonie économique. En somme, Si l’on s’intéresse de manière plus précise à ces deux hypothèses, on constatera que les problématiques qu’elles soulèvent se complètent et peuvent justifier mutuellement l’approche stratégique émancipatoire employée par le Maroc en Afrique. Néanmoins, nonobstant cela, le royaume est dans l’obligation d’élargir le champ d’action géographique de ses investissementsafricains que ce soit pour son intérêt économique à la lumière des opportunités d’affai- res qu’offre le continent ou pour l’incidence politique y afférentedans le but d’élargir la liste de ses alliés et imposer in fine son leadership continental
III. JUXTAPOSITION GÉOPOLITIQUE DES IDE MAROCAINS EN AFRIQUE
Pour mieux appréhender la distribution géopolitique des IDE marocains en Afrique, nous avons choisi de reposer notre juxtaposition, à travers une approche synchronique20, sur la base de deux variables, en l’occurrence les vi- sites officielles du souverain en Afrique en addition à la langue des pays ciblés. Nous justifions ce choix par la place pivot que joue le roi dans l’orchestration de la politique étrangère du Maroc et en particulier dans sa stratégie africaine. Loin d’être aberrant, le choix de la variable linguistique est quant à lui motivé par l’hypothèse qui marie naturellement la montée en puissance du royaume en Afrique avec la subtilité de ses liens vis-à-vis des pays africains majoritai- rement francophones. Cette dernière thèse trouve son fondement de base dans l’étroitesse des relations multiséculaires et multidimensionnelles liant le royaume à cette partie de l’Afrique.21
1. L’EFFET CATALYSEUR DES VISITES DU SOUVERAIN :
La mise en relief transposant le nombre de visites effectuées par le roi Mohamed VI en Afrique depuis son intronisation par rapport au nombre de pays africains [Voir Figure 2] ainsi qu’au nombre des secteurs d’activités [Voir
Figure 3] dans lesquels les entreprises marocaines investissent22 démontre une corrélation logique, faisant des déplacements du souverain le fil d’ariane de la stratégie africaine du Maroc. Dans le même ordre d’idées, en un peu plus de 15 ans, 53 visites royales ont été effectuées dans 29 pays africains2324 sous la houlette du roi Mohamed VI. D’ailleurs, comme un symbole, les visites africaines du souverain chérifien dépassent de très loin ses visites aux pays du Maghreb et des pays du Moyen orient, ce qui nourrit davantage la réflexion que nous voulons mettre en exergue dans ce sens eu égard au caractère os- tentatoire de ces visites.
Concrètement, selon la figure précédente, on constate que 25 des 29 pays africains visités par le souverain accueillent des IDE marocains soit l’équiva- lent de 47,17% du total des pays de l’Afrique, contre seulement 4 pays visités et qui n’accueillent aucun investissement chérifien soit 7,55% de l’ensemble des pays africains. De la même manière, on conclue que seulement 11 pays africains jamais visités par le roi du Maroc voient entrer des IDE marocains soit 20,76%. Cependant, dans toute l’Afrique, seuls 13 Pays n’ont jamais reçu d’IDE marocains et n’ont aussi jamais étés visités par le souverain, soit 24,53%.
Enfin, on remarque que le souverain a visité plus de 2 fois 8 pays africains, soit 15,1% des pays du continent. La somme de ces rencontres bilatérales vis-à- vis ces 8 pays est de 32 visites, équivalentes à 60,38% de l’intégralité des visites qu’a effectués le souverain marocain sur le continent depuis son accession au trône. Aussi, dans ces 8 économies, la moyenne des secteurs dans lesquels le royaume investit est de 6 secteurs, ce qui veut dire presque le double de sa mo- yenne sur le continent, à savoir 3,38 secteurs. Au regard de toutes ces considé- rations, nous estimons que le foisonnement tentaculaire du statut du souverain marocain, en qualité de commandant des croyants, de chef d’État et de roi en même temps, offre aux investissements marocains dont les accords sont signés sous sa présidence effective et celle des chefs d’État des pays hôtes, un caractère consigné et solennel, d’où la connotation géopolitique de ces IDE.
Pareillement, pour entériner l’effet accélérateur des visites royales en termes d’IDE, les données de la cartographie que nous avons conçu dans ce sens [voir Figure 3] démontrent une connexité ostensible entre la récurrence des visites du souverain26 et la diversification sectorielle des IDE marocains,27 à l’instar des cas du Sénégal, du Gabon, de la Côte d’ivoire, de la Guinée, du Cameroun et du Mali qui ont accueilli pas moins de 5 visites royales et qui ont reçu des IDE marocains touchant à, respectivement, 8, 7, 5, 3 et 2 secteurs d’activités.
Ipso facto, moins les visites royales étaient récurrentes dans un pays, moins les investissements marocains l’étaient en termes de ségrégation sectorielle. Ce- tte affirmation renvoie au double enjeu des visites royales dans la mesure où elles peuvent être alignées aussi bien sur une perspective de consolidation des acquis que sur une manœuvre d’initiation d’investissements. Enfin, loin d’être une variable de corrélation conditionnelle, les retombées outre-politiques des visites du roi sont pour autant omniprésentes et demeurent un facteur stimu- lant à considérer attentivement dans toute réflexion géopolitique touchant à la stratégie africaine du royaume.
2. LA DIMENSION LINGUISTIQUE EN TANT QUE DÉTERMINANT D’IMPLANTATION DES IDE MAROCAINS EN AFRIQUE :
Certes, la langue facilite les affaires et la négociation, à défaut, les di- fférences linguistiques peuvent hypothétiquement dans certains cas, entraver l’intention d’investissement même si cela reste, au jour d’aujourd’hui, un obs- tacle surmontable voire illégitime avec le consensus du monde des affaires sur l’anglais en tant que langue des affaires voire en tant que langue universelle.
La [Figure 4] met au diapason les investissements marocains en Afrique par rapport aux différentes zones linguistiques du continent. Partant d’un aperçu global de la carte, à première vue, on ne constate aucune observation parti- culière, cependant, en décortiquant les dessous de la carte, on s’aperçoit de l’existence d’une divergence de localisation en rapport avec la langue comme élucidé dans le tableau suivant.
Les résultats du Tableau montrent que le Maroc a fait de l’Afrique fran- cophone sa prédilection en tant qu’espace préféré en matière d’implantation d’IDE avec un taux de pénétration moyen de 88% et une moyenne d’inves- tissement sectoriel de 4,27. Dans cette même lignée arrive ensuite l’Afrique lusophone avec un taux de pénétration de 60% et une moyenne sectorielle de 2,33. Enfin, l’Afrique anglophone reste la région la moins pénétrée par les investissements marocains avec un taux de pénétration au-dessous de la moyenne, soit 44,45% et une moyenne sectorielle de 2,25. Derrière cette ten- dance accentuée, il n’est pas superfétatoire de souligner le rôle prépondérant du partage de la langue française et de la proximité géographique sachant que la majorité des pays francophones sont localisés en Afrique de l’ouest. L’explication que nous avançons dans ce cadre s’articule autour d’une con- jonction de facteurs interdépendants qui oscillent principalement autour des
déterminants géographiques et linguistiques, à l’instar des rapprochements
historiques, religieux et culturels entre la région et le royaume.
3. INVESTISSEMENTS MAROCAINS EN AFRIQUE : STRATÉGIE ABSOLUE OU CONDITIONNÉE ?
Si on reprend analytiquement la cartographie élucidant la répartition des IDE marocains en Afrique [Voir Figure 1], on constatera vite la nature hétéro- clite de la géo-économie des pays africains reconnaissant le pseudo RASD. En d’autres mots, ces derniers se caractérisent distinctivement comme étant des puissances continentales, des pays pauvres, des pays voisins, des pays éloignés, des pays de culture proche ou des pays de culture résolument différente, ob- servation qui entrave toute conclusion de caractéristique commune dans cette
optique. Par ailleurs, tout lecteur avisé fera face à deux hypothèses explicatives dans ce sens dans la mesure où d’une part, les investissements marocains sont implantés dans 11 des 15 pays reconnaissant l’État fictif, soit un taux de présen- ce de 73,34%, ce qui nous pousse à écarter toute hypothèse de démobilisation avérée à l’égard des détracteurs africains du royaume.
D’autre part, la présence sectorielle du Maroc cette fois-ci reste relative- ment timide et considérablement déséquilibrée comparativement aux alliés de la cause marocaine. [Voir figure 5] Constat qui déclenche des interrogations de stratégie préméditée.
Subséquemment, au-delà de ces considérations visiblement anodines, nous pourrons soulever trois caractéristiques partagées par la majorité des pays alliés de l’État fictif [voir Tableau 2]. Ce faisant, il ressort de ces données certaines justifications qui argumentent l’absence ou la faiblesse éventuelle de la péné- tration des IDE marocains dans quelques pays ennemis de l’intégrité territo- riale marocaine, à commencer par la distance géographique, caractéristique partagée par 66,67% des pays reconnaissant la pseudo RASD, en revanche, de nos jours, dans un monde notoirement globalisé, l’éloignement géographi- que n’est plus un motif justifiant le désintérêt économique. Ensuite, 73,34% de ces pays ne sont pas francophones, ce constat est le plus partagé parmi ces pays, ce qui laisse planer un doute derrière la considération importante de cette cons- tatation en tant que cause directe de réticence. Enfin, 53,34% des pays concer- nés sont des puissances économiques concurrençant le Maroc sur l’échiquier continental, cet argument est par conséquent tout à fait logique si on prend en considération la concurrence que mènent les FMN marocaines qui entrepren- nent sur le continent et en particulier celles qui performent dans les secteurs très concurrencés comme les banques, les télécoms, l’immobilier et autres.
Pour discerner tout cela, nous reprendrons le débat de la notion du relatif en affirmant que rien n’est absolu, tout est relatif. En effet, s’agissant de la stra- tégie d’investissements marocains en Afrique, son socle est largement dépen- dant de plusieurs facteurs à la fois endogènes, et notamment la compétitivité internationale des FMN et leur connaissance des marchés africains, et exogènes de par le risque pays, les barrières à l’entrée et le retour sur investissement.30
S’il faut trancher sur le cheminement stratégique emprunté par les IDE marocains en Afrique dans un cadre de ciblage, toutes les données montrent que le royaume a opté pour une stratégie absolue préconisant par-dessus-tout le motif économique et rejetant toute différenciation d’ordre politique et ce malgré l’instrumentalisation implicite du vecteur économique.
IV. MISE EN PERSPECTIVE ANALYTIQUE DE L’INFLEXION DE L’INVESTISSEMENT MAROCAIN EN AFRIQUE :
Dans une approche globale, il est certain que toute incidence économique induit des décisions politiques défendant l’intérêt légitime de l’État. Ainsi, compte tenu des secteurs ciblés par les investissements marocains en Afrique, il est clair que l’impact économique sur les pays d’accueil est avantageux sans pour autant commenter son déséquilibre relatif. Toutefois, nous attestons
qu’il est complexe de qualifier, d’évaluer et de généraliser l’incidence politique des IDE marocains en Afrique étant donné que chaque économie africaine est singulière de par ses faiblesses économiques et structurelles ainsi que par ses enjeux géopolitiques.
Suivant une réflexion analytique basée sur les éléments précités, les IDE marocains devraient alors naturellement se focaliser sur les pays africains pré- sentant un avis contrasté vis-à-vis l’intégrité territoriale du royaume, or, la réa- lité est tout autre, puisque la ventilation des IDE marocains n’est caractérisée par aucune différenciation notable hormis une concentration sectorielle dans les pays de l’Afrique de l’ouest et de l’Afrique centrale.
Pour mieux positionner notre réflexion, nous reprendrons le succès di- plomatique du Maroc lors de sa réintégration de l’union africaine en 2017 après avoir obtenu l’accord de 42 pays africains, dépassant ainsi largement le nombre de 28 accords favorables nécessaires à cet effet. Nous citons ce succès puisqu’il intervient après l’année 2016 qui a été marquée par l’explo- sion des IDE marocains en Afrique, plaçant par-là le royaume à la tête du classement des investisseurs intra-africains.31 Cette offensive a manifestement engendré une incidence politique puisqu’elle a influencé l’accord de certains pays africains qui reconnaissaient d’office le pseudo RASD mais qui ont tou- tefois exprimé leur accord pour l’adhésion du Maroc au sein de l’UA à la ma- nière du Nigéria, du Ghana, de l’Éthiopie, de la Tanzanie et de la Mauritanie. Dans un sens comme dans l’autre, certes, les IDE marocains ne représen- tent pas à eux seuls l’unique explication derrière ce revirement politique de certains États africains dans la mesure où, les instances diplomatiques maro- caines pivotées par le souverain en personne ont employé des efforts considé- rables à travers des tournées marathoniennes précédent l’assemblée générale de l’UA dans le but de défendre leur retour au sein de la famille panafricaine. Le plus frappant dans cet évènement n’est autre que les visites effectuées par le souverain et les membres de sa délégation officielle au Nigéria, en Éthiopie et en Tanzanie, trois pays reconnaissant la pseudo RASD, seulement trois mois avant la tenue de l’assemblée générale de l’UA pour signer des accords de coopération et notamment d’implantation d’investissements marocains. Évidemment, par la suite, les trois pays ont accueilli favorablement le retour
du royaume à l’UA. Aux vues de ces constats, il s’avère clairement que les IDE peuvent potentiellement jouer un rôle déterminant dans les considéra- tions politiques des enjeux économiques, par conséquent, les investissements marocains dans les pays reconnaissant le pseudo RASD auront une incidence politique certaine à long terme à condition d’être conjuguées à d’autres varia- bles interpellant des mécanismes diplomatiques complémentaires et adéquats aux spécificités singulières des pays concernés.
V. CONCLUSION
En définitive, dans son acception la plus ample, en tenant compte de ces enjeux, et partant du fait qu’il fait partie intégrante de l’histoire millénaire et de l’avenir prometteur du continent, le Maroc, dans sa localisation à l’inter- face entres les principaux dynamos du système économique mondial et des territoires africains, a manifestement amplifié son offensive économique sui generis aux répercussions profondément politiques en Afrique à travers une vision royale longue-termiste et intégrée, faisant de l’Afrique l’alpha et l’omé- ga de ses perspectives de coopération agissante et portant comme credo la coopération sud-sud, le partenariat gagnant-gagnant et le codéveloppement. Cette densification de liens avec l’Afrique, synonyme de diversification de ses débouchés économiques, lui sera amplement bénéfique et constituera pour son économie un réel levier de développement tout azimut, répercussion qui se reflétera sensiblement sur son taux de croissance sur le court et le moyen terme au-delà des retombées outre-économiques qui pourront être instru- mentalisées à bon escient dans l’instauration de son leadership régional.
Les références
«Étude descriptive de l’état des lieux et des perspectives de développement des infrastructures en Afrique subsaharienne : Entre attraction et répulsion des investissements étrangers»,
Banque africaine de développement, Organisation de coopération et développement éco- nomiques
ommunauté économique et des États de l’Afrique de l’ouest
«Étudedescomposantesélémentaires du Marketing pays du Maroc en Afrique», Procee- dings des actes du colloque international sur le management et la stratégie des organisations
L’articulation de la dimension sécuritaire et religieuse dans la politique étrangère du Maroc en Afrique subsaharienne : Branding religieux à double face
Maroc et l’Afrique, ébauche nostalgique d’une histoire multiséculaire et pluridimensionnelle
«Répartition cartographique des investissements directs étrangers marocains en Afrique : Lecture géostratégique», Public
En référence à l’anocratie qui se rapporte à un régime politique qui n’est ni amplement démocratique ni pleinement autocratique.
Calculée selon le classement (Top 10) des pays africains par produit intérieur brut (PIB). (Source : Banque mondiale
Banque africaine de développement, Organisation de coopération et développement éco- nomiques, Programme des nations unies pour le développement,
«Étude des composantes élémentaires du Marketing pays du Maroc en Afrique»,
«Étude descriptive de l’état des lieux et des perspectives de développement des infrastructures en Afrique subsaharienne : Entre attraction et répulsion des investissements étrangers»
Répartition cartographique des investissements directs étrangers marocains en Afrique : Lecture géostratégique»
«L’articulation de la dimension sécuritaire et religieuse dans la politique étrangère du Maroc en Afrique subsaharienne : Branding religieux à double face
La Maroc et l’Afrique, ébauche nostalgique d’une histoire multiséculaire et pluridimensionnelle,
La stratégie du Maroc en Afrique subsaharienne : Diplomatie polymorphe, soubassements, limites et enjeux
Diplomatie publique et soft power», Politique américaine
Bond to lead : The changing nature of American power