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L’Amérique latine, l’ALBA-TCP et l’arbitrage transnational en matière d’investissement : la fondation d’une mosaïque de résistance
Latin America, ALBA and transnational investment arbitration: the foundation of a mosaic of resistance
Revista Electrónica de Derecho Internacional Contemporáneo
Universidad Nacional de La Plata, Argentina
ISSN-e: 2618-303X
Périodicité: Frecuencia continua
vol. 5, n° 5, e032, 2022
Reçu: 21 May 2022
Accepté: 25 Juillet 2022
Cómo citar este artículo: Dorce, M. J. (2022). L’Amérique latine, l’ALBA-TCP et l’arbitrage transnational en matière d’investissement : la fondation d’une mosaïque de résistance. Revista Electrónica de Derecho Internacional Contemporáneo, 5(5), 032. https://doi.org/10.24215/2618303Xe032
Résumé: L'Amérique latine représente un véritable laboratoire pour l'arbitrage international d'investissement. Elle est à la fois à l'origine de la discipline et au cœur des critiques et des changements qui l'affectent. Si les contestations des effets de l'arbitrage sont venues du monde entier, elles ont eu une résonance particulière dans la région, en raison de l'attitude traditionnellement hostile des pays de la région à l'arbitrage d'investissement. Cet article propose de revisiter la mosaïque de la résistance, qui a donné naissance à un projet contre-hégémonique alternatif dans la région. Il conclut que les mouvements de résistance en Amérique latine contre l'arbitrage d'investissement n'ont finalement pas bénéficié d'un soutien majoritaire clair et que plusieurs pays ont adopté une position ambiguë vis-à-vis de ces mouvements. En l'absence d'une solution globale cohérente, les propositions alternatives soutenues par les États sont plurielles et dispersées et sont pour la plupart éloignées de l'approche radicale mise en avant par l'ALBA-TCP.
Mots clés: Amérique latine, ALBA-TCP, arbitrage investisseur-État, investissement, CIRDI.
Abstract: Latin America is a veritable laboratory for international investment arbitration. It is both at the origin of the discipline and at the heart of the criticisms and changes that affect it. While challenges to the effects of arbitration have come from all over the world, they have had a particular resonance in the region, due to the traditionally hostile attitude of the countries in the region to investment arbitration. This article proposes to revisit this mosaic of resistance, which has given rise to an alternative counter-hegemonic project. It concludes that the resistance movements in Latin America against investment arbitration did not ultimately have clear majority support and that several countries took an ambiguous stance against them. In the absence of a coherent global solution, the alternative proposals supported by the states are plural and dispersed and are mostly far from the radical approach put forward by the ALBA-TCP.
Keywords: Latin America, ALBA-TCP, Investor-State arbitration, investment, ICSID.
I. Introduction
Les investissements étrangers ont connu un essor impressionnant dans la région latino-américaine durant les trente dernières années (CEPAL, 2020). À partir des années 1990, « c’est-à-dire lorsque la région est devenue progressivement moins dépendante des prêts bancaires étrangers » (Elizondo, 2022, p. 3), les investissements directs étrangers ont commencé à augmenter (CEPAL, 2020) pour ainsi devenir « un élément important du produit intérieur brut de la région » (Elizondo, 2022, pp. 3-4). Cette dynamique a été accompagnée par les accords internationaux d’investissement qui n’ont eu de cesse de proliférer (UNCTAD). Si la grande majorité de ces accords offrent des avantages aux États en développement (Salacuse & Nicholas, 2005), ils renferment néanmoins une clause d’arbitrage investisseur-État qui permet aux investisseurs étrangers de porter plainte pour violation, entre autres, du traitement juste et équitable ou de la clause d’expropriation contre les États hôtes de l’investissement devant des tribunaux arbitraux privés ad hoc, plutôt que d’être contraints de s’en remettre aux tribunaux nationaux de ces États comme le voulait la doctrine Calvo (Calvo, 1896). La présence de la clause d’arbitrage investisseur-État dans la plupart des accords a entraîné une augmentation importante des litiges relatifs aux investissements (UNCTAD). Il a été observé que « l’Amérique latine devient un client régulier des forums de règlement des différends en matière d’investissement » (Bellei Tagle, 2016, p. 99) (Elizondo, 2022). Les procédures d’arbitrage ne cessent d’augmenter de manière exponentielle. Au moment de la rédaction de cet article, les États latino-américains les plus touchés par l’arbitrage sont l’Argentine (62), le Venezuela (55), le Mexique (38), le Pérou (31), l’Équateur (25), la Bolivie (19) et la Colombie (19) (UNCTAD).
La doctrine critique a remarqué que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) peut être l’objet de risques importants pour les États, notamment ceux en développement (Franck, 2004). Il a été mis en évidence un certain nombre de problématiques comme le coût exorbitant des procédures de règlement, l’imprévisibilité et parfois l’incohérence des décisions arbitrales, la question des sentences financières potentiellement paralysantes et le manque de considération à l’égard des questions environnementales, sociales et sanitaires (Leonharsdsen, 2012).
En outre, ce système d’arbitrage exerce des contraintes importantes sur la souveraineté nationale, en permettant aux investisseurs de recourir aux tribunaux ad hoc pour contester les mesures gouvernementales parfois motivées par la volonté de préserver l’environnement ou de protéger les intérêts des populations locales. Le mécanisme d’arbitrage investisseur-État offre ainsi aux investisseurs qui cherchent à protéger leurs bénéfices escomptés le pouvoir d’agir contre des politiques d’intérêt public ou de décourager les États d’adopter de telles politiques (Todd, 2010). Peuvent en témoigner les nombreuses plaintes déposées contre l’Argentine devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) à la suite de la crise économique de 2002 (Reynolds, 2011). Il faut rappeler que le CIRDI qui est censé créer un forum impartial et stable pour régler les différends en matière d’investissement, « fut apparu pour répondre au besoin de protéger les investissements étrangers en provenance des pays développés dans les pays en développement, avec la promesse que la protection des investissements attirerait les investissements étrangers » (Hippolyte, 2017, p. 405). À noter que le CIRDI met en place un système d’arbitrage investisseur-État structurellement déséquilibré au profit de l’investisseur étranger, en faisant de l’État hôte de l’investissement la partie faible et en accordant uniquement à l’investisseur le droit d’initier des procédures d’arbitrage (Ben Hamida, 2003). Selon la doctrine critique, le CIRDI a été utilisé par les États occidentaux comme un outil permettant de déterritorialiser ou mieux de transnationaliser les différends en matière d’investissement (Waibel, 2010). Ce faisant, ces États « se sont assurés que leurs intérêts économiques restaient au sein de structures qui leur étaient accessibles » (Odumosu, 2007, p. 254).
Durant ces quinze dernières années, l’Amérique latine a été un bassin de résistance vis-à-vis de l’arbitrage transnational, et du CIRDI en particulier (Calvert, 2018). Plusieurs États ont dénoncé le CIRDI et se sont retirés du système d’arbitrage transnational (Gaillard, 2007). Au sein de l’Alternative bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA-TCP), ils ont sévèrement critiqué le programme néolibéral du CIRDI qui, en raison de son attachement indélébile à la Banque mondiale, promeut la libéralisation économique, le libre-échange, la privatisation et la déréglementation (Fiezzoni, 2011, p. 134).
Si l’Amérique latine est aujourd’hui perçue comme une mosaïque de résistance, c’est en grande partie parce qu’elle hérite d’une tradition d’hostilité chère à la doctrine Calvo. Dans le prolongement des travaux de A. Bello, la doctrine Calvo représentait une première tentative critique de limiter la domination occidentale dans cette région aux « veines ouvertes » (Galeano, 1981) et « au cœur blessé et torturé » (Manigat, 1969, p. 648).
Cet article propose une analyse de la réaction latino-américaine contre le mécanisme d’arbitrage investisseur-État, qui semble être enraciné dans un traitement asymétrique des États en développement et des investisseurs étrangers. L’approche historique comparative est privilégiée pour comprendre les racines des confrontations de paradigme et leurs répercussions sur les tensions contemporaines. Donc, pour mieux appréhender la résistance latino-américaine telle qu’elle se manifeste à l’ère contemporaine, il faut replonger dans les racines de l’hostilité (II). Ce voyage dans les profondeurs peut aider à comprendre que les querelles théoriques et politiques d’aujourd’hui ne sont pas si nouvelles. L’approche historique offre une piste de compréhension éclairante de la dynamique des États latino-américains. Ces derniers ont longtemps résisté face à la logique d’internationalisation de la protection de l’investisseur étranger, puis se sont adaptés aux exigences de la mondialisation libérale pour enfin contester le régime international de protection des investisseurs pour manque de légitimité. Par ailleurs, ce que l’on qualifie ici de tradition d’hostilité n’est pas une simple réaction coutumière face à l’approche dominante de la protection des investissements, mais aussi une logique de reconstruction dans la différence (III), les États latino-américains ayant essayé d’envisager des alternatives au CIRDI. À travers un sursaut dialectique, ces États ont tenté de contribuer à redessiner les contours du droit international des investissements.
II. Les origines profondes de l’hostilité latino-américaine
Pour comprendre la mosaïque de résistance latino-américaine vis-à-vis de l’arbitrage transnational des investissements, il faut revenir aux racines de l’hostilité latino-américaine. Longtemps méfiante à l’égard de l’approche occidentale de la protection des investissements étrangers (A), les États de la région vont peu à peu changer d’attitude pour intégrer le régime des investissements étrangers (B), ce qui n’a pas été sans conséquence.
A. La ‘clause Calvo’ : plus qu’une clause, une tradition juridique de résistance
1. Le rejet de la protection diplomatique
Pour comprendre la tension traditionnelle entre l’Amérique latine et l’arbitrage des différends relatifs aux investissements, il faut remonter à la période où les États de la région commençaient à émerger en tant qu’États-nations indépendantes (Bellei Tagle, 2016, p. 100). Après leur indépendance vis-à-vis des pays puissants de l’Europe, dont principalement l’Espagne, la France et le Portugal, les pays latino-américains ont connu de graves difficultés à mettre en œuvre des mesures politiques et économiques, en raison de leur structuration socio-politique faible et fragile. Des facteurs tels que l’instabilité politique, les tensions civiles et les défauts de paiement de la dette étaient récurrents et représentaient une entrave importante à la rentabilité du capital investi (Drago, 1907, p. 86). Les mesures gouvernementales adoptées affectaient souvent les intérêts économiques des opérateurs commerciaux étrangers.
Lorsqu’un opérateur économique étranger n’était pas satisfait du niveau de protection que lui offrait les tribunaux nationaux de l’État de la région, il sollicitait la protection diplomatique de son État d’origine. Il était courant que les puissances européennes aient recours à la protection diplomatique pour défendre les intérêts commerciaux de leurs ressortissants à l’étranger. S’opposant à l’idée d’une protection nationale lacunaire, les États exportateurs de capitaux ont soutenu l’approche d’un standard minimum international de traitement pour les étrangers, qui comportait un degré de protection internationale plus élevé (Dorce, 2020). Ainsi, sur le fondement de ce standard, les commissions mixtes condamnaient les États d’Amérique latine à verser des sommes pécuniaires exorbitantes à titre de compensation (Bácares, 2010, p. 685).
Il faut souligner qu’à cette époque, la protection diplomatique ne comprenait pas seulement les moyens diplomatiques pacifiques, mais aussi, dans la plupart des cas, la gunboat diplomacy (Miles, 2013, p. 27). Dans un certain nombre de cas où les mesures prises par les nouveaux États indépendants portaient atteinte aux intérêts des ressortissants étrangers ou lorsque l’exécution des condamnations pécuniaires demeurait insatisfaisante, les puissances occidentales ont orchestré des interventions armées en vue d’exiger réparation pour leurs ressortissants (Robertson, 1922). Par exemple, en 1838, l’intervention de la France en Argentine a entraîné le blocus des ports par la puissante flotte française. Entre 1831 et 1861, la France est intervenue à plusieurs reprises au Mexique, en soutien aux revendications de citoyens français contre le gouvernement mexicain. La France, l’Allemagne, l’Italie et l’Angleterre ont imposé un blocus économique au Venezuela afin de contraindre le gouvernement à annuler les dettes dues aux ressortissants de ces États à la suite d’expropriations. Le nombre d’interventions armées menées par le Royaume-Uni en Amérique latine peut être estimé à plus d’une quarantaine (Zamora, 1997, p. 59). C. Calvo raconte qu’« en 1868, au milieu des luttes intestines qui divisaient l’Île d’Haïti, les insurgés cantonnés dans la ville du Cap commirent une série d’actes de déprédation et de vol, desquels eurent à souffrir plusieurs négociants étrangers » (Calvo, 1896, p. 401), dont en majorité des anglais.
Alors que les investisseurs réclamaient réparation pour les préjudices dont ils étaient victimes, il se posait la question de savoir si la responsabilité internationale des États pouvait être engagée pour les préjudices subis par des étrangers en temps de troubles intérieurs. Pour obtenir réparation, les ressortissants anglais avaient sollicité l’appel de Londres, au lieu de s’adresser à la juridiction de l’État hôte, et c’est un bâtiment de guerre anglais qui se rendit sur les lieux pour exiger satisfaction (Calvo, 1896, p. 401). La suite appartient à une triste histoire, toute la ville du Cap a été bombardée.
Pour certains juristes de l’époque, les longues et épuisantes années d’offensives diplomatiques et d’occupations militaires rappelaient parfois la violence de la rencontre coloniale (Dawson, 1986, pp. 285-287). Il y a une forme d’intrusion coloniale, qui réside dans le fait d’obliger l’État non occidental accueillant l’étranger occidental à lui fournir le même traitement qu’il s’attendrait à recevoir en Occident. (Dorce, 2020)(Anghie, 1999, p. 46). Les multiples interventions forcées et les occupations militaires ont créé un traumatisme historique (Leben, 2015, p. 9). Dans son opinion individuelle émise dans l’affaire Barcelona Traction, le juge L.P. Nervo a évoqué de façon détaillée les causes de ce traumatisme : « l’histoire de la responsabilité des États en matière de traitement des étrangers est une suite d’abus, d’ingérences illégales dans l’ordre interne des États faibles, de réclamations injustifiées, de menaces et même d’agressions militaires sous le couvert de l’exercice de droit des protections, et de sanctions imposées en vue d’obliger un gouvernement à faire les réparations demandées » (CIJ, 1970, p. 246).
Les différents exemples d’abus de la protection diplomatique ont révélé un profond déséquilibre dans la pratique du droit international. Le sous-continent commençait à devenir plus méfiant et à adopter la position selon laquelle les étrangers n’ont pas plus de droits que ceux accordés à leurs citoyens (Lowenfield, 2003, p. 395).
2. La réponse de la doctrine et de la clause Calvo
Les États d’Amérique latine rejetaient la protection diplomatique, sauf en cas de déni de justice ou de violation flagrante du droit international (Montt, 2009, p. 33). S’inspirant de la doctrine Calvo, qui est elle-même un prolongement des idées avancées par Andrés Bello plus tôt dans le siècle (Dawson, 1986, p. 42), la grande majorité de ces États confiaient le règlement des différends en matière d’investissement aux tribunaux locaux. Le postulat fondamental de cette doctrine est l’égalité juridique des étrangers par rapport aux nationaux, ce qui excluait la possibilité de tout traitement avantageux. Conformément à ce postulat, les opérateurs commerciaux étrangers devaient se soumettre aux règles de droit du pays dans lequel ils faisaient des affaires. Lorsqu’ainsi surviennent des litiges en matière d’expropriations d’investissements étrangers, c’est le droit national de l’État hôte qui doit s’appliquer et ce sont les juridictions nationales qui sont compétentes. Pendant de nombreuses années, les postulats de la doctrine Calvo vont servir de fondements épistémologiques à la manière dont les pays latino-américains comprennent la pratique de l’arbitrage international.
La doctrine Calvo trouvera sa consécration juridique dans la clause du même nom, une disposition insérée dans les contrats entre les opérateurs commerciaux étrangers et les États hôtes dès la fin du XIXème siècle et plus tard dans les constitutions des pays latino-américains. On peut citer, par exemple, les Constitutions bolivarienne, guatémaltèque, péruvienne et équatorienne. En son article 24, la Constitution bolivienne de 1967 établissait : « Les entreprises et les sujets étrangers sont soumis aux lois boliviennes sans pouvoir en aucun cas invoquer une situation exceptionnelle ou faire appel aux revendications diplomatiques ». De même, l’article 366 de l’actuelle Constitution bolivienne (2009) stipule que « toutes les entreprises étrangères qui exercent des activités dans la chaîne de production d’hydrocarbures au nom et pour le compte de l’État sont soumises à la souveraineté de l’État, à la dépendance des lois et des autorités de l’État. En aucun cas, les tribunaux ou les juridictions étrangères ne seront reconnus et ils ne pourront pas invoquer une situation exceptionnelle d’arbitrage international ni recourir aux demandes diplomatiques ».
La Constitution du Guatemala (1985) prévoit en son article 29 : « Les étrangers ne peuvent recourir à la voie diplomatique qu’en cas de déni de justice ». L’article 63 de la Constitution péruvienne dispose que « dans tous les contrats de l’État et des personnes de droit public avec des étrangers domiciliés, ces derniers se soumettent aux lois ou aux organes juridictionnels de la République et renoncent à toute revendication diplomatique ».
En vertu de la ‘clause Calvo’, les opérateurs économiques étrangers acceptaient d’abord de renoncer à leur droit de recourir à la protection diplomatique de leur État d’origine en cas de litige découlant du contrat ou à défaut jusqu’à ce que les voies de recours aient été suffisamment épuisées (Grigera Naón, 2005, pp. 127-137). En outre, la ‘clause Calvo’ stipulait que tout litige découlant de l’interprétation ou de l’application de tout type de contrats impliquant des étrangers doit être soumis aux tribunaux nationaux. Cette disposition excluait donc la possibilité de recourir aux mécanismes internationaux de règlement des litiges.
Tandis qu’en Amérique latine la clause Calvo était bien ancrée dans la pratique juridique, ce ne fut pas vraiment le cas en Occident. Les pays occidentaux-exportateurs de capitaux s’opposaient à l’inclusion de la clause dans les contrats entre leurs ressortissants et les États latino-américains. Ils soutenaient que leurs ressortissants n’avaient pas le droit de renoncer volontairement au droit d’exercer la protection diplomatique, car ce droit relevait directement du pouvoir discrétionnaire de l’État d’origine lui-même (Shea, 1955, pp. 34-39).
Au milieu du XXème siècle, les États latino-américains continuaient à renforcer leur opposition à l’usage de la protection diplomatique. À l’occasion de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, ils soutenaient ouvertement la Charte des droits et devoirs économiques des États, qui visait à créer un ‘nouvel ordre économique international’ et qui reproduisait quelques postulats prescrits par la doctrine Calvo (Montt, 2009, p. 56).
L’hégémonie de la doctrine Calvo dans la région ne fera pas long feu. L’adoption des principaux instruments internationaux et régionaux sur l’arbitrage international par les pays d’Amérique latine va traduire un changement notable de paradigme.
B. L’après – Calvo
1. L’hégémonie du néolibéralisme et la consécration d’un réseau conventionnel de protection des investissements
Les États latino-américains allaient peu à peu abandonner leur attitude hostile à l’égard de l’arbitrage international. Un premier pas vers ce changement de perspective fut la première conférence spécialisée interaméricaine sur le droit international privé (Panama, 1975). À cette occasion, la Convention interaméricaine sur l’arbitrage commercial international fut signée. Elle sera entrée en vigueur le 16 juin 1976. Cette Convention reconnaissait, entre autres, la validité de la soumission d’un litige commercial à l’arbitrage (en son article premier) et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (en son article 4). En outre, les pays de l’Amérique latine adoptaient progressivement la Convention de New York (1958) et la Convention de Washington, qui a donné naissance au Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) (1965). Cette Convention sera entrée en vigueur le 14 octobre 1966.
Si le processus d’adoption de la Convention CIRDI était extrêmement lent et difficile, sûrement en raison de la méfiance générée par la participation directe de l’État hôte à la procédure, il faut retenir pour l’essentiel que les premières barrières posées par la doctrine Calvo furent levées.
À partir des années 1980 et 1990, les États latino-américains allaient opérer des réformes libérales dans leurs économiques en vue d’établir des conditions et des mécanismes fiables pour attirer les investissements directs étrangers :
Dans un contexte mondial de libéralisation des marchés, les pays d’Amérique latine ont dû suivre la tendance et accorder aux investisseurs étrangers les garanties nécessaires pour qu’ils puissent développer leur activité économique en toute sécurité, en garantissant le traitement national et en mettant l’accent sur la mise en place de garde-fous contre une éventuelle ingérence de l’État en dehors de ce qui a été convenu dans les entreprises respectives. (Bellei Tagle, 2016, p. 110)
La plupart des pays latino-américains commençaient à conclure des traités bilatéraux d’investissement (TBI) et des accords de libre-échange (ALE) et contribuaient ainsi à construire un réseau de traités d’investissement, dans lesquels des protections substantielles et procédurales ont été accordées aux investisseurs étrangers. Ces traités auraient probablement été créés dans l’objectif de contrer l’attitude latino-américaine, qui était loin d’être favorable à l’approche des pays exportateurs de capitaux (Kurtz, 2010, pp. 200-202). Les deux groupes d’États ne partageaient pas le même raisonnement sur la question de savoir si la nationalisation était une nouvelle catégorie distincte de l’expropriation (Kurtz, 2010, p. 203). Tandis que pour les pays exportateurs de capitaux les deux exigeaient une pleine indemnisation de la part de l’État hôte, il n’en était pas question pour les pays importateurs de capitaux. Ces derniers refusaient donc de signer des TBI, qui défendaient le principe des pays exportateurs de capitaux et continuaient à défendre la primauté du traitement national à l’égard des investisseurs étrangers.
Dans le contexte d’explosion des TBI vers le début des années 1990, les pays de la région cherchaient à stimuler leur croissance économique par le biais de l’investissement direct étranger (Gomez, 2011, pp. 195-196), ce qui leur obligeait de mettre un terme à leur adhésion à la doctrine Calvo. La multiplication des TBI devenait alors un atout essentiel puisqu’ils permettraient à ces États de se positionner comme un lieu attrayant pour les potentiels investisseurs étrangers (Guzmann, 1997, pp. 639,643-644). Outre les TBI, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) (1994) et plus tard l’Accord de libre-échange entre l’Amérique centrale, la République Dominicaine et les États-Unis (ALEAC-RD) (2004) ont joué un rôle central dans la régionalisation de la protection internationale des investissements étrangers.
Bref, presque tous les pays anciennement hostiles à l’égard de l’arbitrage international en matière d’investissement, qui s’étaient initialement opposés à la création du CIRDI, sont aujourd’hui membres du CIRDI (Hamilton, 2008). Les rares pays de la région qui ne sont pas signataires de la Convention CIRDI, ont néanmoins conclu des TBI ou ALE contenant des dispositions relatives au mécanisme de règlement des différends investisseur-État (UNCTAD). La plupart des accords internationaux d’investissement offrent aux investisseurs étrangers la possibilité de recourir directement à l’instance d’arbitrage international de leur choix. Si les règles de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) ont été appliquées dans plusieurs procédures, c’est le CIRDI qui a atteint le plus haut degré de notoriété. Ainsi, le CIRDI est devenu la principale institution chargée de résoudre les différends en matière d’investissements étrangers.
En signant les accords internationaux d’investissement, les États d’Amérique latine semblent avoir définitivement abandonné la pratique traditionnelle consistant à conférer aux tribunaux nationaux une compétence exclusive pour régler les différends relatifs aux investissements ou à imposer l’épuisement des recours nationaux avant de recourir à l’arbitrage. La suppression de l’exigence de l’épuisement des recours internes est une preuve de rupture avec « le paradigme classique qui investit les affaires de l’État de la notion traditionnelle de souveraineté » (Bellei Tagle, 2016, p. 112). Les États acceptent ainsi de remettre « à un organe tiers les pouvoirs nécessaires pour résoudre de manière contraignante le différend, qui porte souvent sur des activités sensibles pour le développement économique d’un pays (pensons, par exemple, aux investissements impliquant l’exploitation de ressources naturelles) » (Bellei Tagle, 2016, p. 112).
Il a été remarqué que l’arbitrage est moins sensible à l’égard des préoccupations sociales et environnementales et que cette forme de justice transnationale privée serait surtout favorable aux intérêts commerciaux (Remmer, 2019). C’est probablement l’une des raisons majeures qui ont poussé les États de la région à redevenir méfiants à l’égard de ce mécanisme de règlement des différends.
2. La crise du droit international des investissements et de l’arbitrage transnational
Aujourd’hui, le régime d’arbitrage en matière d’investissement est passé à plus de 1000 procédures d’arbitrage (UNCTAD). Plusieurs de ces affaires ont concerné les États d’Amérique latine. Pour la seule année 2020, le Mexique a été confronté à une douzaine d’affaires ; une quinzaine d’affaires sont en cours contre la Colombie et il y a eu treize procédures d’arbitrage engagées contre le Pérou sur le fondement des accords internationaux d’investissement (UNCTAD). Plusieurs de ces affaires concernent le secteur d’exploitation des mines. Étant donné que ces procédures ont été réglées dans le cadre d’un « système décentralisé de règlement ponctuel des différends par des arbitres nommés par les parties, qui sont généralement chargés de trouver un équilibre entre les intérêts privés d’un investisseur étranger du Nord et les intérêts publics d’un État du Sud » (Behn, 2022, p. 4), il n’est pas étonnant qu’elles aient été l’objet de controverses. Depuis près de vingt ans, le mécanisme de règlement des différends investisseur-État souffre d’une crise de légitimité (Brower & Sharpe, 2003, p. 415) (Franck, 2004, p. 1521) (Sornarajah, 2008) (Waibel, 2010), et pratiquement tous les aspects du système ont été remis en question et critiqués (Behn, 2022).
La doctrine critique met en évidence les lacunes structurelles du mécanisme de règlement des différends investisseur-État. Par exemple, elle accuse le système de parti pris en faveur des investisseurs étrangers (Van Harten, 2012) (Brekoulakis, 2013) (Schultz & Dupont, 2015), précisément au détriment des intérêts des pays en développement.
Toujours selon cette doctrine, ce type d’arbitrage serait long et excessivement coûteux (Van Den Berg, 2013, p. 218) (Puig, 2019, p. 261), assailli par une jurisprudence contradictoire et incohérente (Kaufmann-Kohler, 2007, p. 357) (Diel-Gligor, 2017) (Feldman, 2017) et affecté par un manque de transparence et de diversité dans la prise de décision (Levine, 2011). Enfin, le système d’arbitrage transnational serait structurellement favorable aux intérêts privés au détriment des préoccupations d’intérêt public, comme la santé publique, l’environnement et les droits humains (Alvarez, 2011) (Tienhaara, 2011). La doctrine critique en conclut que « le jeu est truqué contre les États plus pauvres, qu’il étouffe le développement économique au lieu de le promouvoir » (Behn, 2022, p. 6).
Donc, l’ensemble de ces études critiques sur la crise de légitimité de l’arbitrage en matière d’investissement a été classée en deux grandes catégories : d’une part, les critiques d’ordre procédural touchant aux questions liées au processus de résolution des différends en matière d’investissement, c’est-à-dire la logique de sélection des arbitres, le manque de transparence et de démocratisation, les coûts des procédures, etc. ; et d’autre part, les critiques de fond des traités d’investissement qui concernent surtout le caractère indéterminé et flou de quelques standards de protection et l’interprétation large qui en a été faite par les arbitres (Behn, 2022, p. 39).
Ces critiques ont eu un écho particulier dans la région latino-américaine, non seulement en raison de la tradition historique de résistance des pays de la région vis-à-vis de l’arbitrage en matière d’investissement (Elizondo, 2022) mais aussi de l’affaiblissement par ce type de contentieux du pouvoir des États de réglementer en vue de protéger les secteurs miniers, l’environnement ou les droits des populations locales (Hippolyte, 2017).
III. Une réaction critique à la crise de légitimité de l’arbitrage transnational des investissements
Les pays latino-américains ne vont pas se contenter de subir les effets de l’arbitrage transnational des investissements. Ils vont dénoncer le système d’arbitrage investisseur-État (A) et proposer un centre régional alternatif de règlement des différends en matière d’investissement (B). Mais, le mouvement critique contre l’arbitrage en matière d’investissement n’a pas obtenu un grand soutien, puisque la plupart des États ont finalement opté pour des options plurielles et variées (C).
A. L’ALBA : le foyer de la résistance caribéenne contemporaine
C’est au sein de l’Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique – Traité de commerce des peuples (ALBA-TCP) qu’une véritable résistance a été engagée contre l’arbitrage international, en particulier contre la Convention CIRDI. On rappelle que l’ALBA (Alliance Bolivarienne) a été initiée en 2004 dans la région latino-caribéenne dans le but de créer le développement social à travers des programmes de coopération. L’idée de créer la structure dénommée ALBA est apparue lors du troisième sommet de l’Association des États des Caraïbes (AEC), qui s’est tenu à l’Île de Margarita, au Venezuela, du 11 au 12 décembre 2001 (Moreno, 2007). L’idée prônée par l’ALBA est non seulement l’intégration régionale à partir de la protection et de la libéralisation du commerce, mais notamment la promotion et la protection des droits sociaux (Tzanakopoulos, 2011). À la suite de l’intégration de la Bolivie dans l’Association en 2006, ce forum politique a inclus un Traité Commercial des Peuples (TCP) (Polanco, 2014, p. 10). Après l’intégration du Nicaragua (en janvier 2007), du Honduras (en août 2008), de l’Équateur (en juin 2009), de Saint Vincent et les Grenadines (en juin 2009) et Antigua-et-Barbuda (en juin 2009), la structure régionale a modifié son nom en ALBA-TCP (Alliance Bolivarienne pour les Peuples de notre Amérique – Traité Commercial des Peuples). En 2013, l’ALBA-TCP s’est agrandie avec l’intégration de Sainte de Lucie en tant que membre à part entière.
Lors du Cinquième sommet de l’ALBA, le 29 avril 2007, tous les États membres ont déclaré leur intention de quitter la Convention CIRDI (Diaz, 2009). Il faut rappeler que sur les neuf membres de l’ALBA la grande majorité sont des pays caribéens, à savoir Venezuela, Antigua-et-Barbuda, Cuba, Dominique, Nicaragua, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Sainte-Lucie. Cuba est l’unique membre de l’ALBA, qui n’était pas un État membre de la Convention CIRDI. Les deux autres États membres de l’ALBA sont la Bolivie et l’Équateur. Seuls ces derniers et le Venezuela ont dénoncé la Convention CIRDI. Un mois après la tenue du Cinquième sommet de l’ALBA, la Bolivie est devenue le premier État à dénoncer ouvertement la Convention CIRDI et cette dénonciation a pris effet six mois plus tard, en novembre 2007, conformément à l’article 71 de la Convention CIRDI. L’Équateur a suivi la Bolivie, en notifiant au CIRDI, conformément à l’article 25(4) de la Convention CIRDI, qu’il retirait son consentement à l’arbitrage pour les différends concernant le traitement des investissements découlant d’activités économiques liées à l’exploitation des ressources naturelles, comme le pétrole, le gaz et les minéraux. En juillet 2009, la République d’Équateur est devenue le deuxième pays à dénoncer la Convention CIRDI, suivie par le Venezuela en janvier 2012 (Gaillard, 2007). Le retrait de la Convention CIRDI est intervenu à un moment où des mesures protectionnistes ont été prises en vue de contrôler les ressources naturelles, notamment les réserves de pétrole brut. Il s’avère que le contrôle croissant sur les compagnies pétrolières étrangères est entré en conflit avec la protection des investissements (Giupponi, 2019, p. 96). Le Venezuela, la Bolivie et l’Équateur ont entrepris une vague de nationalisations des secteurs stratégiques, dont le gaz naturel et le pétrole, ayant par la suite conduit à diverses procédures d’arbitrage (Global Arbitration Review, 2015).
Pour justifier la décision de dénoncer la Convention CIRDI, le Président E. Morales déclarait que l’objectif central de l’ALBA est de « garantir le droit souverain des pays de réglementer les investissements étrangers sur leur territoire national » (Gomez, 2011, p. 209). Dans une note officielle adressée à la Banque mondiale, le gouvernement bolivien a critiqué plusieurs aspects de l’arbitrage international comme sa complexité, son opacité, son manque de neutralité, son coût élevé ou encore l’absence d’appel des sentences rendues par les tribunaux arbitraux (Gomez, 2011). Le retrait de la Convention CIRDI traduit largement le scepticisme latino-américain à l’égard du mécanisme de règlement des différends investisseur-État (mécanisme RDIE) (Mezgravis & González, 2012). Ce retrait a été interprété « comme une déclaration de censure à l’égard du système international de protection des investissements » (Titi, 2014, p. 364) ou comme le rejet d’une institution particulière appartenant à la Banque mondiale (Titi, 2014, p. 365).
Au sein de l’ALBA, les États ont compris que l’arbitrage des traités d’investissement peut déboucher sur une perte de contrôle des secteurs stratégiques :
Ils ont ainsi rejeté vigoureusement les pressions juridiques, médiatiques et diplomatiques de la part de certaines multinationales qui, ayant violé les règles constitutionnelles, la législation nationale, les accords contractuels et les dispositions réglementaires, environnementales et du travail, résistent à l’application des décisions souveraines des pays en menaçant d’arbitrage et en engageant des procédures d’arbitrage international contre les États devant des institutions comme le CIRDI (Gomez, 2011, p. 209).
Les autres dénonciations discutées au sein de l’ALBA n’ont pas eu lieu. Malgré l’annonce faite le 14 avril 2008 par le Procureur général du Nicaragua selon laquelle le pays envisageait de se retirer du CIRDI, l’État reste partie à la Convention (Mourre, 2006, p. 608). De façon similaire, l’Argentine aurait été sur le point de se retirer de la Convention CIRDI, mais aucune mesure de ce genre n’avait été adoptée (Lim, Ho, & Paparinskis, 2021, p. 75). Tandis que le législateur argentin avait envisagé de retourner à l’ancienne Doctrine Calvo afin d’exiger un jugement devant les tribunaux locaux pour les différends impliquant l’État argentin, « il a décidé de dénoncer ou de renégocier tous les accords internationaux qui en disposaient autrement (y compris la Convention CIRDI et les TBI). Mais il ne s’est pas retiré du système d’arbitrage investisseur-État » (Hodgson, 2020, p. 147).
Lors du sommet organisé par l’ALBA-TCP, le 30 juillet 2013, à Guayaquil, en Équateur, les États membres de l’ALBA ont de nouveau accusé, en des termes fâcheux, les TBI et les instances d’arbitrage international d’être à l’origine de nouvelles formes de domination et de favoriser les intérêts du capital au détriment de ceux de la société. En citant les affaires Occidental et Chevron, ils dénoncent les abus et les collusions d’intérêts menaçant la stabilité des pays en développement, et les discriminations en faveur des investisseurs étrangers pouvant compromettre le développement de ces États :
[…] The vast majority of opinions issued by arbitral bodies have systematically favoured transnational interests against the states to the point of ignoring their national law and, therefore, undermining its sovereignty. That the payments required by these arbitration bodies to the States entail amounts of money, due to the high value, compromise the development and welfare programs for the population. That the actions undertaken by the transnational companies Oxy and Chevron against Ecuador have been unfairly favoured by the opinions of the international arbitration system ». (ALBA, 2013)
L’affaire Chevron demeure l’un des exemples les plus emblématiques du régime d’arbitrage investisseur-État. Elle traduit le choc de paradigmes entre protection des investissements et droit de l’État de réglementer en vue de protéger l’environnement. Cette affaire est une illustration parfaite des impacts des investissements sur l’environnement (pollution des rivières et des sols) et les populations locales (en particulier les populations autochtones affectées en termes sociaux et culturels, voire impactées dans leurs héritage culturel et activités productives).
Par ailleurs, l’Équateur a entrepris de dénoncer ses TBI pour s’affranchir des obligations procédurales et substantielles jugées trop favorables aux investisseurs étrangers. Ainsi, elle a dénoncé en 2008 ses traités bilatéraux avec le Paraguay, l’Uruguay, la Roumanie et plusieurs pays caribéens dont le Cuba, la République dominicaine, le Salvador, le Guatemala, le Honduras et le Nicaragua (Fiezzoni, 2011).
Par ailleurs, la position anti-CIRDI fermement défendue par l’Équateur, le Venezuela et la Bolivie n’a pas été suivie par les pays caribéens. S’ils reconnaissant le manque de légitimité de l’arbitrage, la position des États caribéens parait ambiguë en ce qu’ils continuent d’accepter la compétence des forums d’arbitrage transnational pour régler leurs différends en matière d’investissement. Le fait de voir l’arbitrage international d’un œil critique n’empêche pas de discuter à propos de perspectives non radicales.
B. Le projet de création d’un centre régional au sein de l’ALBA : une approche alternative au CIRDI
L’ALBA – TCP est souvent présentée dans sa portée déconstructrice et contre-hégémonique, c’est-à-dire comme une initiative qui dénonce le néolibéralisme et les effets pervers des entreprises multinationales. Mais, on néglige parfois qu’elle est aussi une institution profondément créatrice qui a proposé des pistes de réforme en vue de contribuer à repenser la crise de légitimité du droit et de l’arbitrage en matière d’investissement. L’ALBA – TCP a essayé de restreindre le recours à l’arbitrage international en matière d’investissement, à travers le projet de création d’un centre d’arbitrage régional bien que ce projet ne soit pas parvenu à atteindre un état de maturation qui lui permettrait de se consolider en tant que structure d’intégration capable de concurrencer le CIRDI.
Il faut rappeler que l’ALBA – TCP a été constituée, entre autres, pour soutenir « l’établissement et la mise en œuvre d’organismes régionaux pour la résolution des différends en matière d’investissement » (De Alba Uribe, 2013). Lors de la déclaration conjointe du sixième sommet extraordinaire tenu à Maracay, au Venezuela, le 24 juin 2009, les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’ALBA – TCP ont salué la décision de la Bolivie et de l’Équateur de dénoncer le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements et ont, du même coup, proposé la création d’un centre régional pour remplacer l’arbitrage du CIRDI (ALBA-TCP, 2010, p. 100) (Diaz, 2009). Ils ont particulièrement chargé le Conseil des ministres de l’ALBA – TCP de créer un groupe de travail pour discuter à propos de la mise en place de cette instance régionale de règlement des différends (Diaz, 2009).
Lors du sommet du 17 octobre 2009, à Cochabamba, en Bolivie, les États ont établi que l’investissement étranger doit être soumis aux lois nationales et que tout conflit entre un investisseur étranger et l’État doit être résolu comme s’il s’agissait d’un conflit avec un investisseur national : « the foreign investors will not be able to demand to the National States not the Governments for develop policies of public interest » (ALBA, 2009). Ce principe qui traduit bien ce qu’on appellerait aujourd’hui un retour de Calvo, a été essentiellement repris dans l’article 2 no 16 de l’Accord pour la création de l’espace économique de l’ALBA – TCP, soulignant, néanmoins, la différence avec les accords de libre-échange qui imposent un ensemble d’avantages et de sécurités en faveur des entreprises multinationales (Sarmiento, 2015).
Le 30 novembre 2009, le groupe de travail formé par les membres de l’ALBA – TCP a rédigé et approuvé un projet d’accord-cadre, qui a été signé à la Havane le 15 décembre 2009. Il a été soutenu que l’instance régionale de règlement des différends de l’ALBA – TCP sera créée par un traité constitutif et disposera pleinement d’une personnalité juridique internationale et les privilèges et immunités nécessaires à l’accomplissement de ses fonctions. Le siège de l’instance sera convenu par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’ALBA – TCP par consensus.
L’ALBA – TCP a établi un certain nombre de principes qui doivent guider l’instance régionale pour le règlement des différends comme :
« [Le] respect et [la] pleine application de la législation nationale des Parties, des principes et normes du droit international dans la résolution de leurs différends ; [la] reconnaissance de l’absence de cas en instance devant un tribunal ou un siège administratif des parties comme condition sine qua non pour l’administration et l’enregistrement des litiges ; [la] primauté des moyens non contentieux dans le règlement des différends ; [les] qualités propres des officiants, conciliateurs, médiateurs et arbitres, ainsi que transparence dans le système de leur sélection ; [la] justification et [le] contrôle des dépenses ; [l’]impartialité ; [la] large vocation multilatérale et [la] [l’]ouverture à tous les États de la région ; [le] respect des prérogatives de l’État dans le règlement privé des différends ; [la] confidentialité ». (Daválos Fernández, 2011, p. 151)
Il a été établi que cet organe régional de règlement des différends « pourra utiliser tous les moyens alternatifs de résolution des conflits, tels que : négociation, bons offices, médiation, conciliation et arbitrage […] et se composera d’un Conseil exécutif, d’un Secrétariat permanent, d’un Centre de conseil et de défense juridique, et tout autre organisme nécessaire à son fonctionnement » (ALBA, 2013).
À l’occasion du sommet organisé par l’ALBA – TCP, le 30 juillet 2013, à Guayaquil, en Équateur, les États membres ont pris une résolution spéciale concernant l’arbitrage et les sociétés transnationales. Dans cette résolution spéciale, ils ont énoncé quatre mesures essentielles : Il s’agit, d’abord, de « coordonner des actions efficaces pour consolider les nouvelles instances d’arbitrage qui contribuent au renforcement d’un cadre juridique approprié pour garantir un processus juste et équilibré dans l’intérêt des investisseurs et des États » (ALBA, 2013). Ensuite, ils entendent « soutenir les pays affectés par des intérêts transnationaux en termes d’auto-défense contre les sentences émises par les instances arbitrales » (ALBA, 2013). Et enfin, ils ont insisté pour que « les jugements des systèmes judiciaires nationaux prévalent sur les décisions des organes arbitraux » (ALBA, 2013).
Cependant, cette conférence n’a pas vraiment abouti à un véritable projet commun. Tandis que les pays organisateurs comme la Bolivie, Cuba, l’Équateur, le Nicaragua, la République dominicaine, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et le Venezuela ont approuvé la déclaration finale, les représentants d’autres États invités, comme l’Argentine, le Guatemala, le Salvador, le Honduras et le Mexique ont simplement pris des notes des conclusions et des déclarations pour les porter à l’attention de leurs gouvernements respectifs. D’où la diversité des positions stratégiques des États.
En résumé, la perspective de l’ALBA – TCP traduit en principe une contestation radicale de l’arbitrage international et rappelle l’attachement traditionnel des pays de la région à la juridiction nationale pour juger les différends relatifs aux investissements étrangers. C’est peut-être en raison de la radicalité de cette voie que certains États ont hésité à la suivre. Des spécialistes de la doctrine caribéenne continuent de voir pourtant dans la proposition de l’ALBA – TCP un mécanisme qui peut assurer une meilleure articulation entre les intérêts des États et ceux des investisseurs étrangers et une meilleure prise en considération de la législation nationale des parties dans le contentieux de l’investissement. Un auteur a tenu à souligner qu’à travers ce genre d’initiative la Caraïbe « dispose d’une autre alternative […] pour régler ‘à la maison’ les éventuels différends qui peuvent surgir dans les relations mutuelles de commerce et d’échange » (Daválos Fernández, 2011). La proposition de l’ALBA – TCP met en évidence la nécessité d’un mécanisme de règlement des différends qui soit juste, équitable, impartial et capable de prendre en considération les problématiques sociales, économiques et politiques des pays de la région. Ce mécanisme alternatif permettrait à ces pays de mieux faire face aux entités internationales, comme le CIRDI, qui ne se montrent pas vraiment sensibles à l’égard de l’intérêt public.
Néanmoins, il faut rappeler que pour l’heure le « Traité constitutif de l’instance régionale de résolution des différends ALBA – TCP » n’a pas été rédigé. La proposition d’un mécanisme régional de règlement des différends relatifs aux investissements étrangers est, pour l’instant, inachevée. Il a été souligné qu’« avec l’affaiblissement du Venezuela comme source de financement, l’ALBA n’a pas réussi à tenir ses promesses, mais ses préceptes clés sont l’expression de la frustration tangible des États qui ont eu le plus d’expérience avec le système de règlement des différends investisseur-État » (Hodgson, 2020, p. 159).
Enfin, il semble que l’approche radicale de l’ALBA – TCP n’a exercé aucune influence sur les nouveaux accords d’investissement conclus par les pays de région latino-américaine. La plupart des pays de cette région ont refusé de prendre la voie de la dénonciation du CIRDI ou des TBI. Acceptant de rester dans le système d’arbitrage international, ils n’ont pas entamé une révision ou un réexamen de leurs accords existants.
C. Des approches alternatives pluralistes et fragmentées
À défaut d’un consensus pragmatique au sein de l’ALBA-TCP, les États vont chercher à adopter des stratégies plurielles et diversifiées pour lutter contre les effets du mécanisme de règlement des différends entre investisseur et État. En conséquence, les États se positionnent différemment vis-à-vis de l’arbitrage international en matière d’investissement (Roberts, 2018). Il est possible de regrouper ces différentes positions en trois grandes catégories : l’abandon radical de l’arbitrage investisseur-État (les États sortants) (1) ; l’arbitrage interétatique comme alternative (le modèle d’accord brésilien) (2) et les États fidèles au système et/ou réformateurs (3).
1. La voie radicale : les États hostiles au système
En ce qui concerne l’approche consistant à abandonner radicalement l’arbitrage investisseur-État, il faut citer les États qui ont décidé de dénoncer le système d’arbitrage investisseur-État. En réalité, il ne s’agit pas seulement d’États latino-américains comme l’Équateur, le Venezuela et la Bolivie, mais aussi de pays comme l’Afrique du Sud, l’inde et l’Indonésie qui ont dénoncé une partie ou l’ensemble de leurs traités (Titi, 2016).
Cependant, le cas de l’Équateur est très intéressant pour plusieurs raisons. L’Équateur est le seul État latino-américain qui a consacré l’hostilité vis-à-vis de l’arbitrage en matière d’investissement dans sa réforme constitutionnelle de 2008. Cette révision constitutionnelle rappelle l’attachement de l’Équateur à une philosophie protectrice de l’environnement et de la nature et établit la compétence des organisations régionales sud-américaine pour la résolution des différends impliquant l’État. Conformément à la Constitution, l’Équateur a ensuite adopté des mesures internes pour consolider sa position. En ce sens, il faut souligner que la création de la Comisión para la Auditoría Integral Ciudadana de los Tratados de Protección Recíproca de Inversiones y del Sistema de Arbitraje Internacional en materia de Inversiones (CAITISA) le 6 mai 2013 a été une avancée considérable. Dans son rapport final, la CAITISA a mis en évidence l’incompatibilité des TBI conclus par l’Équateur avec la Constitution actuelle. Le rapport a révélé que ces traités renfermaient des dispositions à caractère déséquilibré, établissant un traitement différencié entre les investisseurs étrangers et nationaux : tandis que les investisseurs nationaux doivent recourir à aux tribunaux internes, les investisseurs étrangers bénéficient de l’accès à l’arbitrage international. En outre, la CAITISA a souligné que ces traités contiennent des clauses matérielles de protection dont les termes sont vagues et largement définis (comme l’expropriation indirecte et le traitement juste et équitable) et vont à l’encontre du droit d’expropriation et de nationalisation. Conformément à ces considérations, la CAITISA a recommandé le retrait des TBI en vigueur (Prieto Muñoz, 2017). Le 3 mai 2017, quelques jours avant la fin du mandat du président Rafael Corea, l’Assemblée nationale en séance plénière a approuvé la dénonciation des TBI conclus avec l’Argentine, la Bolivie, le Chili, le Pérou, le Venezuela, le Canada, les États-Unis d’Amérique, les Pays-Bas, la Suisse, l’Italie, l’Espagne et la Chine.
Si jusque-là l’Équateur semblait emprunter une voie radicale, il a fallu attendre le départ du président Rafael Corea pour que l’État rebrousse chemin. Le changement de direction politique va influer sur le positionnement de l’Équateur vis-à-vis de l’arbitrage international en matière d’investissement et du CIRDI, en particulier. Le 7 août 2018, sous l’administration du président Guillermo Lasso Mendoza, l’approbation par l’Assemblée nationale des nouvelles lois organiques relatives au développement productif, l’attraction des investissements, la création d’emplois et la stabilité et l’équilibre budgétaires a représenté un tournant majeur. Le Code organique de la Production, du Commerce et des Investissements a été modifié pour y insérer l’obligation de convenir d’un arbitrage national ou international pour les contrats dépassant 10 000 millions de dollars US. Ainsi, il est prévu que le différend doit être résolu, entre autres, devant la Cour Permanente d’Arbitrage (CPA), la Chambre de commerce internationale (CCI) ou la Commission interaméricaine d’arbitrage commercial (CIAC). Plus récemment, le virage de l’Équateur deviendra encore plus évident lorsque le 21 juin 2021 elle a signé la Convention du CIRDI et déposé son instrument de ratification le 4 août 2021. Le 3 septembre 2021, la Convention est entrée en vigueur pour l’Équateur, ce qui signifie que ce pays n’est plus la voix de la résistance latino-américaine puisqu’il redevient membre du système. En revanche, le Venezuela et la Bolivie restent les deux véritables figures de la résistance. Depuis le scénario de l’ALBA, ces États n’ont pas négocié de nouveaux TBI.
2. La voie novatrice : l’exemple du Brésil
La deuxième approche alternative à considérer c’est le modèle d’accord brésilien de coopération et de facilitation des investissements (ACFI). Cet instrument-type prévoit l’arbitrage interétatique comme une alternative à l’arbitrage investisseur-État. Le modèle d’accord brésilien a été présenté comme un modèle pour l’Amérique latine (Lubambo, 2016) (Monebhurrun, 2017). Il s’agit d’une stratégie particulière qui s’étend peu à peu dans et en dehors dans la région. Le Brésil est un cas spécial, car bien qu’il ait signé certains TBI de première génération il fait partie des rares pays au monde à n’avoir jamais ratifié un TBI (Maggetti & Moraes, 2018). En signant son nouvel accord bilatéral en 2015 avec, respectivement, le Mozambique, l’Angola, le Malawi, le Chili, le Mexique et la Colombie, le Brésil s’est inscrit en rupture par rapport au modèle de TBI traditionnel. Il faut souligner que les nouveaux traités brésiliens ne renferment pas de clause de règlement des différends investisseur-État. Néanmoins, ils prévoient une clause d’arbitrage interétatique pour le règlement des différends en matière d’investissement. Le modèle d’accord brésilien a été reproduit dans les relations conventionnelles entre le Brésil et l’ensemble de l’Amérique latine, à l’exception du Venezuela et de la Bolivie. Plus récemment, le Brésil a conclu des accords de coopération et de facilitation des investissements avec d’autres États latino-américains comme le Suriname (2018), le Guyana (en 2018) et l’Équateur (2019). L’État brésilien a également étendu son modèle dans les accords conclus avec des pays en dehors de la région latino-américaine comme l’Éthiopie (2018), les Émirats arabes unis (2019), le Maroc (2019) et l’Inde (2020). Le Brésil se distingue donc des pays de la région du fait qu’il est le seul État latino-américain à avoir élaboré sa propre approche innovante et à la diffuser non seulement dans ses relations avec d’autres États latino-américains mais aussi avec des États africains et asiatiques. Cette approche est innovante en ce qu’elle exclut les mécanismes d’arbitrage investisseur-État et prévoit des mécanismes institutionnels de prévention des différends entre États et, le cas échéant, de résolution facilitée des différends à un stade précoce. Ainsi, les récents accords de coopération et de facilitation du Brésil ont établi des mécanismes institutionnels, tels que des points de contact, des médiateurs (ombudsmen) et des comités conjoints de représentants des États parties dont le rôle est d’évaluer le différend en facilitant des consultations et des négociations entre les parties – condition préalable à la mise en place de l’arbitrage interétatique.
Grâce à l’institution des médiateurs, les accords brésiliens atténuent les risques et les éventuels conflits, alors que les TBI traditionnels n’offraient pas une telle possibilité. En outre, les accords brésiliens éliminent l’approche draconienne des TBI classiques qui consistait à octroyer des avantages exorbitants aux investisseurs étrangers en leur garantissant le droit de présenter des demandes devant les tribunaux arbitraux internationaux (Actis, 2015). Les mécanismes contenus dans les accords brésiliens sont préférables aux recours post facto comme le règlement des différends investisseur-État qui entraine des procédures longues et coûteuses. En outre, ils améliorent les relations entre investisseurs étrangers et État hôte, contrairement au système d’arbitrage investisseur-État qui privilégie un état d’esprit antagoniste capable de rompre les relations entre ces acteurs. En outre, ces mécanismes permettent aux personnes ou entités ayant un intérêt dans les mesures contestées de participer dans le règlement des différends. Bref, la nouvelle stratégie brésilienne représente une forme innovante de réaffirmation de l’État dans le droit international des investissements.
Bien que le Brésil soit l’État qui internationalise le plus cette approche, ce serait une erreur de croire qu’elle est absolument une particularité brésilienne. En effet, l’Accord de partenariat économique conclu entre le Japon et Philippines en 2006 et plus tard l’accord conclu en 2012 entre l’Australie et la Malaisie contenaient la même disposition que les accords brésiliens. De même, la loi sud-africaine de 2015 sur la protection des investissements prévoyait également l’arbitrage interétatique, avec le consentement des États et après épuisement des voies de recours internes. Plus récemment, le nouvel accord conclu le 30 novembre 2018 entre les États-Unis d’Amérique, le Canada et le Mexique (ACEUM) ne prévoit pas l’arbitrage investisseur-État s’agissant des différends entre le Canada et le Mexique ou entre le Canada et les États-Unis. Les différends surgissant dans les rapports du Canada avec les États-Unis d’Amérique et le Mexique seront résolus par des groupes spéciaux interétatiques.
Si l’arbitrage interétatique est une stratégie alternative qui a été mise en place dans d’autres régions du monde, il prend une signification toute particulière dans une Amérique latine saccagée par des procédures d’arbitrage investisseur-État. C’est, en ce sens, qu’après la signature du protocole de coopération et de facilitation des investissements intra-MERCOSUR (Marché commun de l’Amérique du Sud) en 2017, des États comme l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay ont accepté de soumettre leurs éventuels différends en matière d’investissement à l’arbitrage d’investissement interétatique. Peut-être, il y a là une volonté de régionaliser une approche perçue comme alternative et novatrice (Pérez-Aznar & Moraes, 2017).
3. Maintenir le système et/ou le réformer
La troisième et dernière approche qui a été adoptée dans la région latino-américaine regroupe les États qui sont fidèles au système d’arbitrage investisseur-État. Ces États restent engagés dans le système, en le maintenant tel quel ou en essayant de le réformer. La plupart des pays de la région latino-américaine maintiennent l’existence de l’arbitrage investisseur-État et leurs TBI continuent de faire référence à l’arbitrage international, et au CIRDI en particulier comme une option possible pour les investisseurs étrangers désireux de soumettre leurs différends à l’arbitrage. Ces États témoignent d’une confiance persistante dans l’arbitrage international en matière d’investissement, malgré la crise de légitimité dont il a été l’objet. Par exemple, bien qu’il ait pris part aux discussions critiques au sein de l’ALBA, le Nicaragua reste fidèle au système d’arbitrage d’investissement. Dans les TBI qu’il a récemment conclus avec la Russie (2012) et l’Iran (2019), l’arbitrage international en matière d’investissement a été prévu dans le cadre de la CNUDCI.
De même, l’Argentine qui a connu une grande crise économique entre les années 2000 et 2002, a récemment montré qu’elle n’a pas renoncé à l’idée de signer des TBI dans lesquels la compétence du CIRDI est prévue. Tandis que cet État a été impliqué comme défendeur dans plus d’une soixantaine de procédures, il ne se montre toujours pas réticent à l’égard du système. Par exemple, le TBI entre l’Argentine et le Japon (2018) contient une disposition qui s’appuie sur le CIRDI. Il en est de même pour le TBI conclu avec les Émirats Arabes Unis (2018).
Par ailleurs, l’Argentine ne se contente pas de signer de nouveaux accords internationaux d’investissement. Elle apporte également sa contribution en innovant par rapport à ses précédents accords. Par exemple, elle a introduit des dispositions matérielles relatives à la responsabilité sociale des entreprises obligeant les investisseurs étrangers à se conformer à la législation de l’État hôte, entre autres. S’agissant précisément de la clause de règlement des différends entre investisseurs et État, l’accord de libre-échange conclu entre l’Argentine et le Chili en 2017 renferme des dispositions innovantes renvoyant à : « la possibilité de recourir à la médiation, l’obligation de révéler l’existence de tiers financeurs, l’obligation pour le tribunal de statuer sur les objections liées à sa compétence ou à sa juridiction à titre préliminaire et la récusation des arbitres lorsqu’il existe des doutes justifiés quant à leur impartialité ou leur indépendance » (Moraes & Pérez, 2022, p. 94). Ces dispositions réformistes résultent des leçons tirées par l’Argentine de son expérience en matière d’arbitrage international relatif aux investissements.
Parallèlement, d’autres mécanismes réformistes ont été mis en place à travers des initiatives locales. Par le biais de ces initiatives, les États ont cherché à mobiliser des mécanismes de conciliation, de prévention ou de protection comme solutions alternatives à l’arbitrage international ou à introduire des mécanismes nationaux pour renforcer leur capacité à répondre aux procédures d’arbitrage. Ainsi, l’Argentine a été le premier pays de la région à avoir créé en octobre 2003 l’Unité argentine d’assistance à la défense arbitrale, spécialisée dans le traitement des procédures initiées par les investisseurs étrangers devant les forums d’arbitrage internationaux (Crivelli, 2015). Le rôle de cette agence consiste à élaborer et à établir des stratégies tant au stade de la négociation à l’amiable des différends surgissant dans les relations entre État et investisseurs étrangers que dans le cadre des procédures d’arbitrage découlant des TBI. Étant chargé de coordonner le processus de médiation et, si nécessaire, la préparation de l’État à l’arbitrage, cet organisme est susceptible de limiter les procédures de règlement des différends investisseur-État ou d’accompagner les gouvernements, surtout ceux des pays les moins développés, à être mieux préparés à gérer les procédures d’arbitrage lorsqu’elles vont survenir. La création de l’Unité d’argentine a inspiré plusieurs pays caribéens.
Dans la même perspective que l’État d’Argentine, le gouvernement nicaraguayen a créé, le 10 avril 2007, la Commission interinstitutionnelle de défense de l’État du Nicaragua contre les différends relatifs aux investissements (Pérez Toruńo, 2016). Cette Commission permet de coordonner des actions conjointes entre les différentes entités de l’administration publique impliquées dans la défense de l’État dans les processus de résolution alternative des conflits dans les forums internationaux, survenant entre l’État du Nicaragua avec d’autres États ou entre l’État du Nicaragua avec des investisseurs nationaux d’autres États, concernant les investissements. La Commission entend mettre en place des stratégies de défense efficaces dans les procédures internationales d’arbitrage.
Au Guatemala, la stratégie réformiste est différente. Elle est plus centrée sur des actions de prévention et de résolution des conflits que sur la défense durant le processus d’arbitrage. L’idée d’adopter de telles stratégies est venue à la suite de « l’augmentation des conflits sociaux et l’instabilité politique provoquées par les projets miniers » (Gutiérrez Haces, 2016, p. 8). En mars 2013, le Groupe interinstitutionnel des problèmes miniers a été créé. Sa mission est de trouver des solutions aux conflits qui surgissent des projets d’extraction minière portant atteinte aux intérêts stratégiques ou à la sécurité de l’État. Donc, il s’agit pour l’État d’agir en aval, en intégrant les communautés, les secteurs de la société civile et le pouvoir local dans la définition et l’élaboration des stratégies qui sont susceptibles de réduire le nombre de conflits liés à l’exploitation des ressources minières.
En ce qui concerne la Colombie, à la suite de l’expérience de l’État colombien dans l’arbitrage d’investissement une option alternative a été envisagée en vue préparer le pays à prévenir et à résoudre les litiges découlant des dispositions contenues dans les traités ou dans les contrats d’investissements. En 2010, le gouvernement colombien a publié un document relatif au renforcement de la stratégie de l’État pour la prévention et l’examen des différends relatifs aux investissements internationaux. L’objectif de ce document-cadre a été de proposer des ajustements pour renforcer la capacité de défense de l’État pour la prévention et l’examen au moment opportun des différends entre les investisseurs étrangers et l’État colombien. Les rédacteurs dudit document ont observé que le manque de connaissances des fonctionnaires publics sur la portée des engagements pris dans les traités laisse ouverte la possibilité de violer les obligations de protection des investissements. D’où le risque de déclenchement d’une procédure d’arbitrage d’investissement au niveau international. Ainsi, le gouvernement a mis en place des séances de formation à l’égard des personnes qui exercent des fonctions publiques sur les obligations découlant des traités d’investissement. Le gouvernement a précisément donné des instructions importantes sur la manière dont les informations doivent être traitées en cas de différend relatif à un investissement international, l’idée étant de préparer les fonctionnaires à identifier les risques et à réduire le risque de poursuites pour toute action gouvernementale, ainsi qu’à prévenir les différends. Plus récemment, à travers le décret 1939 publié en 2013 le gouvernement a créé un forum de haut niveau pour orienter les réponses de la Colombie aux différends en matière d’investissement. Cette instance surnommée Alto Nivel de Gobierno para la atención de controversiais internacionales de inversión est dirigée par le conseil d’administration de l’Agence nationale de défense juridique de la nation, chargé d’orienter et de formuler des recommandations pour le traitement approprié des différends relatifs aux investissements privés internationaux (Castro Peña, 2017).
Enfin, il faut noter qu’à travers l’Accord de libre-échange entre l’Amérique centrale, les États-Unis d’Amérique et la République dominicaine (ALEAC-RD), les États de l’Amérique centrale ont envisagé la possibilité pour l’État de formuler une demande reconventionnelle contre l’investisseur étranger au cours d’une procédure d’arbitrage initiée par ce dernier. En général, une telle demande peut être présentée lorsque l’État demandeur reconventionnel estime que l’investisseur a violé des obligations internationales comme les droits de l’environnement ou le droit international des droits de l’homme (Choudhary, 2022). Cette solution contraste avec les TBI traditionnels qui ne prévoient pas de clause de demande reconventionnelle. Dans la récente Aven c. Costa Rica, le tribunal a reconnu que la demande reconventionnelle contre l’investisseur était recevable et relevait évidemment de sa compétence, conformément aux clauses d’arbitrage de l’ALEAC-RD (Tamayo-Álvarez, 2020).
Au regard de ces différentes observations, il faut constater que la plupart des États continuent à exprimer leur préférence pour les accords internationaux d’investissement et notamment pour le mécanisme d’arbitrage investisseur-État, mais en même temps ils essaient d’apporter des réformes souples à ce système, contrairement à la volonté radicale de l’ALBA-TCP qui consistait à abandonner le système. Les solutions éparses et variées des États de la région latino-américaine vis-à-vis de l’arbitrage international en matière d’investissement pourraient s’expliquer par la diversité idéologique et politique observée dans cette région. La plupart des États de la région ne s’opposent pas vraiment aux politiques néolibérales et croient encore aux bienfaits de l’attraction des investissements étrangers. En outre, dans un même pays le positionnement politique de l’État à l’égard de l’arbitrage international peut varier en un simple changement d’administration, comme cela a été le cas en Équateur. Il reste à explorer pourquoi il paraît très difficile pour les États de la région latino-américaine de s’aligner sur une volonté politique commune susceptible de soutenir des options alternatives cohérentes. Peut-être que la vocation de l’Amérique latine relève du pluralisme, en ce sens que la région constitue un laboratoire pluriel de propositions en matière d’arbitrage d’investissement. Mais au-delà du scénario latino-américain, l’approche plurielle pourrait être la voie de la réforme mondiale (en devenir) du droit international des investissements et de l’arbitrage transnational. Désireux de maintenir le paradigme de la croissance, les États chercheront probablement à prioriser une réforme souple en essayant d’équilibrer les intérêts des investisseurs et l’intérêt public interne ou international dans leurs accords internationaux d’investissement. En ce sens, plusieurs États africains semblent être sur une bonne dynamique et d’autres pays suivront probablement les pas africains (Mbengue & Schacherer, 2017).
IV. Conclusion
Ce n’est pas un hasard si les prémisses d’une critique contemporaine de l’arbitrage transnational en matière d’investissement ont été établies dans la région latinoaméricaine. La première raison est historique. La plupart des pays de la région sont des héritiers de la doctrine Calvo. Plusieurs d’entre eux avaient inscrit la clause Calvo dans leurs Constitutions, consacrant ainsi la juridiction territoriale étatique pour tout litige impliquant un opérateur économique étranger. S’il est vrai qu’à partir des années 1990 ces États vont commencer à changer d’attitude vis-à-vis de la protection internationale des étrangers, ils étaient pendant longtemps réticents. La deuxième raison est que les investisseurs étrangers, bien qu’ils puissent être gratifiants pour les pays latinoaméricains en quête de développement économique, s’accompagnent de sérieux inconvénients pour ces pays. En réglementant en vue de préserver la faune et la flore ou de protéger les droits des populations locales, les États peuvent porter atteinte aux intérêts des investisseurs étrangers, ce qui peut aboutir à une requête devant un tribunal arbitral pour cause d’expropriation indirecte ou pour violation du traitement juste et équitable. L’ALBA – TCP a été un espace pour soulever ces problèmes et envisager des solutions alternatives.
En revanche, si l’Amérique latine est perçue comme une mosaïque de résistance vis-à-vis de l’arbitrage en matière d’investissement, en réalité les États ne sont pas tous unanimes sur le fait d’abandonner ce mécanisme. À défaut d’un consensus durable, la position des États demeure variée et plurielle. Le ton critique adopté par les États latinoaméricains lors des rencontres de l’ALBA – TCP n’a pas abouti nécessairement à une dénonciation du CIRDI ou une rupture avec le réseau des TBI. Seuls le Venezuela et la Bolivie demeurent sur la voie radicale. Quant à l’Équateur qui a toujours joué le rôle de capitaine du bateau de la résistance, elle est redevenue membre du CIRDI. Les stratégies éparses mises en œuvre par les États ont révélé la difficulté d’établir un front commun en ce contexte de renouveau du droit et de l’arbitrage international des investissements. On n’est pas en mesure de clamer un retour définitif de Calvo, bien qu’il reste implicitement présent dans certains esprits. Les héritiers de Calvo ont considéré que le règlement des différends par arbitrage international représente une arme entre les mains des multinationales face à la souveraineté de l’État. Mais parallèlement, la majorité des membres de l’ALBA – TCP maintiennent le régime actuel d’arbitrage international à travers leurs TBI. Le Nicaragua qui a annoncé en 2008 qu’il allait se séparer de l’arbitrage international, a récemment conclu un TBI avec l’Iran (2019), prévoyant le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. Entre résistance et accommodation, la position des États latino-américains parait plutôt ambiguë. Ce jeu de contradictions n’est néanmoins pas en faveur d’un retour définitif de Calvo, car la tendance traduit plutôt une volonté de rester dans le mécanisme actuel de règlement des différends investisseur-État. Le projet radical de l’ALBA – TCP, était-ce donc un évangile prêché dans le désert ? En tout cas, la récente dynamique en matière de réforme du droit international des investissements et de l’arbitrage transnational révèlerait que les États sont prêts à maintenir le système, tout en essayant de limiter sa portée – jugée trop favorable aux investisseurs étrangers.
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artículo: Dorce, M. J.
(2022). L’Amérique latine, l’ALBA-TCP et l’arbitrage transnational en matière
d’investissement : la fondation d’une mosaïque de résistance. Revista Electrónica de Derecho Internacional Contemporáneo, 5(5), 032. https://doi.org/10.24215/2618303Xe032