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Reçu: 20 Juillet 2021
Accepté: 02 Novembre 2021
Résumé: L'inégalité dans la répartition des tâches de soins basée sur la différence sexuelle est un problème qui s'est produit historiquement dans l'organisation de la plupart des sociétés. Sur la base de l'analyse présentée dans ce travail, il est confirmé que dans le contexte de la crise sanitaire dérivée du COVID-19 le problème a été exacerbé. Le présent travail vise à ladite analyse à un niveau structurel en Amérique latine, en prenant comme base la théorie relationnelle de l'inégalité d'Elizabeth Anderson. Pour cela les résultats de diverses études réalisées par des organisations publiques et privées sur la division sexuelle du travail seront contrastés avec les catégories apportées par Anderson en corrélation avec certains concepts de Carole Pateman et Silvia Federici.
Mots clés: inégalité, soins, différence sexuelle, crise sanitaire, Théorie relationnelle de l’inégalité.
Resumen: La inequidad en la distribución de las tareas de cuidados a partir de la diferencia sexual es un problema que se ha presentado históricamente en la organización de la mayoría de las sociedades, con base en el análisis presentado en este trabajo se confirma que en el contexto de la crisis sanitaria derivada del COVID-19 el problema se ha visto agudizado. El presente trabajo tiene como objetivo dicho análisis a nivel estructural en América Latina, tomando como base la Teoría Relacional de la Desigualdad de Elizabeth Anderson, para ello se contrastará los resultados de diversos estudios hechos por organismos públicos y privados sobre la división sexual del trabajo con las categorías aportadas por Anderson en correlación con algunos conceptos de Carole Pateman y Silvia Federici.
Palabras clave: inequidad, cuidados, diferencia sexual, crisis sanitaria, teoría relacional de la desigualdad.
INTRODUCTION
Le présent travail a comme principale préoccupation une question historique qui est devenu beaucoup plus visible avec la crise sanitaire du COVID-19 : le problème de l’iniquité dans la réalisation de tâches de soins à partir de la différence de genre. Selon la Commission Économique pour l'Amérique Latine et les Caraïbes de l’Organisation des Nations Unies (CEPAL), avant la crise sanitaire du COVID-19, dans les pays de la région pour lesquels des données sont disponibles, les femmes consacraient entre 22 et 42 heures par semaine au travail domestique non rémunéré et aux activités de soins (CEPAL, 2020a, p.1), ce qui signifie trois fois plus que les heures consacrées par les hommes à ces tâches. À partir de mars 2020, où la crise sanitaire a obligé à prendre une série de mesures pour contenir la propagation du virus, parmi laquelle le confinement a été la principale, cette condition a entraîné une augmentation significative du temps que les femmes consacrent aux tâches de soins rémunérés et non rémunérés. Cela montre le problème d’une distribution inégale entre hommes et femmes, qui devienne en la ségrégation des femmes quant à l'accès aux biens, et en l’exclusion des opportunités en conditionnes paritaires dans l’organisation sociale. En observant ce phénomène, l’objectif du présent travail est de répondre à la question : Quelle est la relation entre la différence sexuelle et la distribution des tâches de soins dans le contexte de la crise sanitaire du COVID-19 à partir de la théorie relationnelle de l’inégalité proposée par Elizabeth Anderson ?
Nous considérons que la théorie relationnelle d'Anderson, contraire aux théories idéales de la justice, nous permet de manière beaucoup plus précise d'établir des inégalités d'un point de vue structurel car elle se concentre sur les injustices et les inégalités dans les conditions actuelles de la société, Anderson considère qu'il s'agit d'une erreur méthodologique ˝Déduire comment traiter une réclamation juste sur notre conduite maintenant ne nécessite pas de savoir quel système de principes de conduite réglerait toutes les réclamations possibles sur notre conduite dans tous les mondes possibles, ou dans le meilleur de tous mondes possibles.˝[2] Tout comme les théories idéales, y compris la théorie bien connue de son professeur John Rawls.
Pour elle, avant d'établir les principes d'égalité auxquels une société doit aspirer, il est nécessaire de faire un diagnostic et une évaluation basés sur les conditions empiriques qui sont vécues dans le monde réel, surtout si l'on veut résoudre des problèmes comme les grands désavantages sociaux dont souffrent certains modèles de groupe si l'on veut consolider des sociétés pleinement démocratiques composées de citoyens jouissant d'une égalité réelle. Sans une vue globale claire et un bon diagnostic de la situation réelle vécue par les différents groupes, il n'est pas possible de penser a priori le modèle de société auquel nous aspirons, donc nous serons seulement en mesure de savoir quel est une meilleure société si nous partons de ceux qui nous vivons au quotidien. Plus précisément l'auteur soutient qu'il y a trois raisons principales pour que la philosophie politique contemporaine développe des théories non idéales :
La première raison est que nous devons adapter nos principes aux capacités motivationnelles et cognitives des êtres humains. Au-delà de faire des théories basées sur des idées de personnes, d'institutions sans limites ni faiblesses mais parfaitement justes et rationnelles, qui peuvent nous éloigner de la réalité.
En second lieu, nous risquons de sauter à la conclusion que tout écart que nous voyons entre notre idéal et la réalité doit être la cause des problèmes dans notre monde actuel, et que la solution doit donc être d'adopter des politiques visant à combler directement les écarts, à partir d'une vision préétablie, qui pourrait avoir des biais idéologiques plutôt que des conditions de vraie justice.
Et une troisième raison qui considère que partir de la théorie idéale peut nous empêcher de reconnaître les injustices dans notre monde non idéal. (Anderson 2010, pp. 3-4) Où sont présentés des phénomènes tels que les inégalités qui sont la conséquence de préjugés, de stéréotypes, d'asymétries de pouvoir et qui peuvent être observés à partir de conditions réelles au-delà des sociétés idéales qui ne considèrent pas ces phénomènes.
D'où une théorie comme celle d'Anderson peut aider à établir s'il existe des relations qui impliquent des aspects économiques, politiques et culturels afin de comprendre ce problème comme une série d'injustices et d'inégalités du groupe au niveau structurel, c'est-à-dire en considérant tous les facteurs qui affectent un groupe particulier qui ne peut pas être considéré comme un phénomène isolé.
En ce sens, afin d'appréhender la problématique des soins de manière multidimensionnelle, le regard pertinent sur cette inégalité semble passer par les catégories proposées par Anderson, ce qui nous permet de l'étudier comme un problème lié à la différence sexuelle en montrant clairement aux femmes en tant que groupe historiquement séparé de la vie publique et traditionnellement confiné dans la vie privée à des tâches de soins soit payé ou non payé, et avec cela, ils ont été séparés de nombreux domaines de la vie sociale ou du moins leur participation à ces aspects a été sérieusement diminuée. Contrairement à ce que l'on pense, c'est le résultat des capacités de la nature féminine, question qu'il faut sans doute rendre visible sous un regard non idéal. L'un des éléments importants de cette analyse est de rendre visible pourquoi la ségrégation des femmes est un point à équilibrer a à voir avec le fait que selon Anderson :
La ségrégation des groupes sociaux est l'une des principales causes des inégalités entre les groupes. Il isole les groupes défavorisés de l'accès aux ressources publiques et privées, des sources de capital humain et culturel et des réseaux sociaux qui régissent l'accès à l'emploi, les relations d'affaires et l'influence politique. Cela réduit leur capacité à accumuler des richesses et à accéder au crédit. Il renforce les stéréotypes stigmatisants sur les défavorisés et provoque ainsi discrimination.[3]
Cette situation, ajoutée à la crise sanitaire du COVID-19, accentue l'urgence d'étudier la répartition des tâches de soins entre hommes et femmes comme un problème structurel qui aggrave les inégalités sociales et de genre, alors pour répondre à la question posée, le travail va partir des résultats présentés par des études empiriques menées en Amérique latine par différentes organisations publiques et privées en relation avec la proposition d'Anderson sur l'interrelation des inégalités qui les font avoir un fondement structurel et dont l'attention ne peut être donnée de manière isolée mais en corrélation avec ses différents aspects. Pour répondre à la question posée, le travail comportera deux parties. La première partie, commence par comprendre la situation actuelle de la distribution des soins par rapport à des donnes obtenue à partir de diverses études menées par des organismes publics et privés principalement au niveau régional dans une perspective de division sexuelle.
La deuxième partie du travail analysera la répartition des tâches de soins à partir de la théorie relationnelle de l'inégalité qui a été décrit dans les paragraphes précédents, pour atteindre cet objectif, certains concepts seront interreliés.
D'une part, le concept de division sexuelle du travail à travers lequel Silvia Federici dans son livre Caliban and the Witch: Women, the body and primitive accumulation, aborde la question l'expropriation du corps, du savoir et du travail des femmes comme l'une des conditions de possibilité de l'origine du capitalisme et Et donc les conséquences que tout cela a eu dans les sociétés capitalistes. D’autre part, sur le plan politique, la réinterprétation que Carole Pateman fait de la théorie classique du Contrat Social, dans l’ouvrage The Sexual Contract, où elle soutient que le contrat social qui a donné origine à l'État moderne présuppose un contrat antérieur basé sur la différence sexuelle notamment en ce qui concerne les droits et libertés dont les femmes ont été ségrégées.
Finalement, quelques considérations seront faites sur l'effet que la répartition inégale des tâches de soins a sur l’approfondissement de l'inégalité de genre, en particulier dans le cas d'une nouvelle réalité qui considère le télétravail comme une option qui, loin de disparaître, sera de plus en plus une option importante dans le monde du travail et où l’importance de penser la distribution de responsabilités est un impératif pour lutter contre d’inégalités sociales.
I. LES TACHES DE SOINS ET SA REPARTITION ENTRE LES SEXES AVANT ET PENDANT LA CRISE SANITAIRE COVID-19
Les tâches de soins sont des activités de base qui nous permettent de conserver la vie, ce sont des activités que passent généralement inaperçues. Malgré leur importance, ils ne sont pas reconnus, socialement et économiquement, ni considérés comme des activités nécessaires dans l'organisation sociale, donc ils sont aussi appelés emplois invisibles. Les tâches de soins ont été défini comme :
Les activités qui régénèrent au quotidien et au niveau des générations le bien-être physique et émotionnel des personnes. Il comprend les tâches quotidiennes de gestion et de maintien de la vie, telles que l'entretien des espaces et des biens domestiques, le soin des corps, l'éducation et la formation des personnes, le maintien des relations sociales ou le soutien psychologique des membres de la famille. Par conséquent, il fait référence à un large éventail d'aspects qui comprennent les soins de santé, les soins à domicile, les soins aux personnes à charge et aux aidants naturels ou les soins personnels.[4]
Le problème des tâches de soins par leur caractère élémentaire et nécessaire dans la vie des êtres humains, n'a pas un caractère domestique, les fournir et les recevoir devient alors une question d'intérêt général. Donc en raison de leur importance ils peuvent être fournis dans la sphère publique par des institutions à travers des programmes et des avantages sociaux et dans la sphère privée, se déroulent essentiellement dans la sphère domestique et peuvent être rémunérées ou non.
Cependant, si l'on considère ce que la théorie de la justice de Nancy Fraser est comprise comme parité participative qui est l’interprétation radicale de l'égalité, dans laquelle tous les membres de la société ont le même niveau d'accès à toutes les prestations sociales. Le fait de prodiguer et de recevoir des soins devrait impliquer que non seulement un groupe social se consacre à ces tâches, car cela impliquerait une altération de l'accès à d'autres prestations sociales auxquelles il devrait avoir le même accès que d'autres groupes sociaux qui n'ai pas cette charge. Par conséquent nous nous retrouverions donc face à une injustice sociale substantielle dans les trois dimensions que propose Fraser : la sociale, l'économique et la politique.
En suivant la proposition de Fraser sur l'égalité nécessaire à la justice sociale, en l'occurrence sur la répartition sociale de la charge de travail des soins, nous pouvons sauver deux sphères dans lesquelles la juste distribution des soins doit être considérée et qui d'une certaine manière a été approchée par diverses organisations internationales comme une réponse à ce problème.
L’sphère conceptuelle et l’sphère substantielle, cette dernière étant celle que nous aborderons plus en détail lors de l'analyse de la situation de la répartition de ces tâches et des raisons pour les considérons comme un problème au niveau structurel.
D'une part, dans le champ conceptuel, « l'idée de base selon laquelle l'égalité, bien comprise, porte ou inclut la liberté réelle de participer au même titre que les autres à la vie sociale, rien de moins que cela ne parvient à saisir le plein sens de cet idéal. » (Fraser, 2014) Ce qui se traduit par l'idée qu'aucun groupe par le fait d'en être un n'est pensé comme celui en charge d'accomplir ces tâches au détriment de leurs chances de participer à d'autres prestations sociales. D'autre part, dans le champ substantiel, il s'agit de la manière dont l'égalité est incorporée dans les institutions et les pratiques sociales. C'est-à-dire établir formellement qu'aucune personne pour des raisons de sexe, d'âge ou de groupe social est naturellement destinée à assumer certaines tâches, ce qui a été formellement intégré dans la réglementation dans une certaine mesure.
Donc, si l'égalité n'est pas correctement incorporée dans des droits égaux formels qui manquent de ce que les règles appellent la juste valeur en raison de l'absence des conditions préalables nécessaires à leur exercice égal car ces droits restent purement conceptuels. Ce n'est que lorsque toutes les conditions sont réunies pour garantir que tout le monde peut vraiment interagir en tant que pairs, que la valeur morale égale de chaque individu est respectée… (Fraser, 2014).
D'où l'importance d'observer le caractère structurel de l'inégalité dans la répartition des soins lié à la question de justice sociale dans le cadre des politiques. Comme problème d'intérêt commun, récemment la distribution de soins entre les sexes a été reconnu comme un sujet qui a besoin des politiques publiques adéquates pour remédier des inégalités qui se produisent au niveau de l’État. En 2019 l’OXFAM a recommandé, dans le cas particulier du Mexique, à l'État la mise en œuvre de politiques publiques intersectorielles qui intègrent une vision globale des soins dans le cadre des principes de justice sociale et d'égalité réelle, et que ces politiques devraient promouvoir l'autonomie de tous et de toutes ainsi que prendre comme point de départ la reconnaissance des modèles de vie et des réalités socioculturelles diverses. (OXFAM, 2019, p.10)
Par conséquent, il est jugé nécessaire de mettre en œuvre au moins quatre actions visant à corriger substantiellement l'inégalité dans la répartition des soins dans la sphère publique qui sont connues comme les quatre R : Reconnaître, Réduire, Redistribuer et Représenter :
· Reconnaître le travail de soins non rémunéré et faiblement rémunéré, effectué principalement par les femmes et les filles, en tant que type de travail ou de production qui offre une valeur réelle.
· Réduire le nombre total d'heures consacrées au travail de soins non rémunéré, en améliorant l'accès à des équipements à la fois abordables et de qualité qui font gagner du temps et aux infrastructures d'aide aux soins.
· Redistribuer les soins non rémunérés en travaillant de manière plus équitable au sein des familles tout en transférant la responsabilité du travail de soins non rémunéré à l'État et au secteur privé.
· Représenter les aidants les plus exclus, en veillant à ce que leurs points de vue soient pris en compte dans la conception et la mise en œuvre des politiques, des systèmes et des services qui affectent leur vie. (OXFAM, 2020, p.18)
a. La distribution de tâches de soins dans la sphère privée
Diverses organisations ont analysé la question des tâches de soins comme un problème de dimensions structurelles aux niveaux étatique et social, mais pour suivre l'objectif de ce travail, nous nous concentrerons plus particulièrement sur la sphère privée[5], n'abordant depuis la sphère publique que les relations nécessairement liées. Les soins au niveau de la sphère privée sont donnés primordialement dans le domaine domestique et principalement par les femmes de façon non rémunéré. D'après l'Enquête Nationale sur l'Utilisation du Temps 2019 (ENUT) réalisée par l'Institut National de Statistique et de Géographie (INEGI) au Mexique, sur le temps total de travail de la population de plus de douze ans, mesuré par semaine, le 49,4% du temps est consacré au travail domestique non rémunéré, dont la principale composante est le travail de soins. Et sur ce temps, le nombre d'heures que les femmes consacrent aux travaux de soins non rémunérés est le double de celui des hommes : 52,5 contre 23,6 heures. (ENUT, 2019, p.18) Il convient de noter que ces chiffres sont antérieurs au début de la crise sanitaire.
Avec le début de la pandémie de COVID-19 et la mise en œuvre de mesures sanitaires, la charge de travail des soins a considérablement augmenté, non seulement en raison du nombre de patients qui ont eu besoin de soins, mais aussi à cause du confinement, dans lequel plus d'heures sont nécessaires pour répondre aux besoins de la famille restée à la maison,
Au 23 mars 2020, environ 154 millions d'enfants et d'adolescents (plus de 95% de ceux inscrits dans la région) étaient temporairement non scolarisés en raison du COVID-19. (UNICEF, 2020) Ces garçons et filles ont besoin de soins qui surchargent le temps des familles, en particulier les femmes qui consacrent quotidiennement trois fois plus de temps aux soins non rémunérés et aux travaux domestiques que les hommes aux mêmes tâches. (CEPAL, 2020c, p.13)
La crise sanitaire a gravement affecté la disproportion dans la répartition des tâches de soins entre hommes et femmes, augmentant la charge de travail d'un tiers par rapport à la situation antérieure à la pandémie. Selon le rapport d'août 2020 de l’ONU Femmes cela se traduit par
Une surcharge de travail de soins non rémunéré et la pauvreté du temps des femmes, qui empêchent l'égalité des chances, des droits et des résultats par rapport aux hommes, en ce qui concerne la participation non seulement au marché du travail, mais aussi à la participation sociale et la politique et la jouissance du temps libre. En bref, la surcharge de ce type de travail sur les femmes limite leurs chances et constitue un obstacle à leur autonomisation économique et à la jouissance de leurs droits sur un pied d'égalité avec les hommes. (ONU, 2020, p.13)
our une meilleure précision statistique et afin de ne pas épuiser le lecteur avec une section descriptive trop longue, les données disponibles jusqu’à juillet 2020 seront incorporées dans ce travail sous forme d'annexes. En somme, les statistiques montrent que la disproportion des tâches de soins a pour conséquence de profondes inégalités entre les sexes et l'arrivée de la crise sanitaire a aggravé la situation, ce qui oblige à considérer le sujet comme un problème structurel car les nouvelles pratiques sociales conséquence de la pandémie y compris le télétravail, deviendront de plus en plus normales.
Ainsi, suivre la théorie relationnelle des causes systématiques des inégalités de groupe proposée par Elizabeth Anderson peut nous aider à distinguer les relations qui permettent l'existence de ces disproportions dans la distribution des tâches de soins, afin de réfléchir au problème systématiquement pour trouver des solutions plausibles.
b. La division sexuelle du travail et l’inégalité en la distribution de tâches de soins
Comme cela a déjà été souligné, les tâches de soins rémunérées et non rémunérées sont exécutées en très grande majorité par des femmes et des filles. Selon l'Organisation Internationale du Travail « Dans le monde, les femmes et les filles accomplissent plus de trois les quarts de tous les travaux de soins non rémunérés et les deux tiers des soignants rémunérés sont des femmes » (ILO, 2018, p. V). Depuis 2014, divers organismes publics et organisations sociales ont manifesté un intérêt particulier pour la question de la division sexuelle du travail. Des études menées principalement par OXFAM et CEPAL montrent que non seulement le 74% du travail de soins non rémunéré sont exercées par des femmes, aussi montrent que les femmes occupent les deux tiers de leur temps dans ces activités de manière non rémunéré et seulement un tiers dans un autre type de travail rémunéré.
Les études ont montré également que l'écart des inégalités horizontales et verticales au travail est toujours très important. D'une part, les emplois des postes les plus élevés sont majoritairement occupés par des hommes, tandis que les plus bas et dans l'économie informelle sont occupés par des femmes. D’autre part, par rapport aux inégalités horizontales, l'écart salarial n'a pas pu disparaître.[6] L'organisation mondiale du travail considère,
Comme les femmes du monde entier effectuent une quantité inégale et souvent importante de travail de soins non rémunéré, leur disponibilité pour un emploi rémunéré est limitée, tout comme la qualité de l'emploi auquel elles peuvent accéder, renforçant ainsi les écarts entre les sexes dans le travail rémunéré. La sous-évaluation du travail de soins non rémunéré des femmes entraîne une sous-évaluation généralisée du travail de soins rémunéré, entraînant des salaires plus bas et de mauvaises conditions de travail dans les secteurs des soins, dans lesquels les femmes sont surreprésentées… Réussir l'équation travail de soins non rémunéré-rémunéré est donc une condition nécessaire à l'établissement d'un cercle vertueux de travail décent pour tous.[7]
La division sexuelle du travail se traduit par la surreprésentation des femmes dans les emplois informels, l'écart salarial estimé entre 25% et 30% selon les régions et le type de travail, et aussi par la charge de travail excessive par rapport aux tâches de soins non rémunéré qui il a également été augmenté environ une troisième partie en raison de la crise sanitaire. Cela représente des obstacles, des limites au développement professionnel et personnel des femmes ainsi que la ségrégation et la stigmatisation de groupe.
II. LA REPARTITION DES TACHES DE SOINS A PARTIR LA THEORIE RELATIONNELLE DES CAUSES DE L'INEGALITE SYSTEMATIQUE DES GROUPES
Comme le montre la section précédente, la question de la répartition des tâches de soins n'est pas un enjeu mineur, même si elle est restée longtemps invisible, l'importance par rapport au nombre d'heures qu'elle représente dans l'utilisation du temps, ainsi que les inégalités qu'elle génère et la nouvelle normalité consécutive à la crise sanitaire, rendent urgente l'étude de ce problème au niveau structurel. Nous considérons l'étude de cette distribution basée sur la théorie relationnelle de l'inégalité proposée par Anderson pertinente car l'auteur considère que,
La théorie relationnelle de l'inégalité situe les causes des inégalités de groupe économiques, politiques et symboliques dans les relations (processus d'interaction) entre les groupes, plutôt que dans les caractéristiques internes de leurs membres ou dans les différences culturelles qui existent indépendamment de l'interaction de groupe. Il fournit une perspective utile à des fins normatives parce que les relations inégales entre les personnes (c'est-à-dire les modes de hiérarchie sociale), telles qu'elles se manifestent dans leurs interactions, sont des objets appropriés d'évaluation normative directe dans une théorie de la justice… (Anderson, 2010, p.16).[8]
Par conséquent, une étude qui permet de penser les processus d'interaction entre hommes et femmes comme une question structurelle à travers des relations interprétées au différents niveaux, peut être utile pour identifier les dimensions dans lesquelles ce sujet affecte la vie des femmes et qu'il ne s'agit pas simplement d'un problème isolé.
Tenant compte du fait que, selon Anderson « La théorie relationnelle de l'inégalité de groupe peut être utilisée pour expliquer les inégalités entre tous les groupes sociaux. Il n'offre qu'un schéma explicatif. Dans tout cas particulier, la théorie doit être complétée par une spécification des multiples mécanismes par lesquels la fermeture de groupe génère et reproduit l'inégalité… ».[9] Donc c’est pertinent pour établir les relations génératrices et reproductrices d'inégalités, l'analyse dans une perspective politique chez Carole Pateman à partir de laquelle il est possible d'expliquer les asymétries pouvoir sous la forme d'un pacte patriarcal qui précède le contrat social dans l'État moderne. Il faudra aussi considérer l'analyse dans une perspective économique chez Silvia Federici qui place la division sexuelle du travail au centre du débat sur les conditions de possibilité du système capitaliste.
Donc sur la base de la méthodologie utilisée par Anderson, à partir d'une théorie non idéale et d'un cadre théorique contractuel, le problème de la répartition des tâches de soins doit être vu dans leurs relations politiques, économiques et culturelles, pour être compris comme un problème systémique basé sur la différence sexuelle. Ce qui nous permettra de penser à une explication structurelle des désavantages systématiques imposés aux personnes en raison du sexe.
a) Inégalité de groupe
Selon Anderson, l'inégalité de groupe est comprise comme ces "Modes d'organisation sociale selon lesquels des groupes sociaux délimités sont soumis à des désavantages systématiques par rapport aux groupes dominants. Des inégalités sociales importantes, stables et systématiques à travers le monde sont liées à de nombreux types d'identités de groupe, telles que la race, le sexe, l'origine ethnique, la religion, la caste, la tribu, le clan, la lignée familiale et la citoyenneté nationale…".[10]
Donc comme nous l'avons vérifié avec les statistiques, les inégalités générées par la répartition disproportionnée des tâches de soins peuvent être considérées comme une inégalité de groupe, car il est possible d'identifier une série de relations qui empêchent les femmes de participer de manière égale aux différents aspects de la vie sociale sur la base d'une répartition inégale du travail de soins. Et cela se manifeste dans une série de relations qui les placent en tant que groupe dans conditions défavorables. En ce sens, Anderson définit,
Une relation entre deux personnes en tant que mode de conduite - une pratique ou une habitude conforme à un principe, une règle, un processus ou une norme par laquelle une partie interagit avec (ou évite) l'autre partie, ou agit d'une manière qui affecte l'autre partie intérêts ou autonomie. La relation peut être face à face ou médiatisée par des institutions telles que l'État…[11]
La vie des femmes est altérée à plusieurs égards, dont au moins trois d’entre eux peuvent être distingués : politique, économique et culturel. Dans la sphère politique, les inégalités entre les groupes sont clairement visibles avec les chiffres présentés sur le leadership et la participation politique des femmes jusqu'à 2020, où seuls 14 pays sur plus de 200 ont 50% de femmes en charge d'un ministère gouvernemental, 9 pays ont 0% et en moyenne la représentation féminine à ces postes dans le monde est de 20,7%. Concernant la représentation parlementaire des femmes, la situation est très similaire, avec 24,7%, qui varie selon les régions.[12] (UN WOMEN, 2020, p.1).
Dans le domaine économique, comme cela a été montré, il existe de graves inégalités horizontales et verticales, qui les placent également dans une situation de désavantage et de vulnérabilité en tant que groupe. Cette situation a été encore aggravée par les effets de la quarantaine, car on considère que dans la plupart des pays d'Amérique latine, les femmes ont augmenté de plus de 30 pour cent du temps consacré aux tâches de soins et nombre d'entre elles doivent combiner ce temps avec le télétravail, ce qui implique une double journée de travail. (Bango, 2020, p.15).
Finalement, dans le domaine social, il existe encore de nombreuses pratiques fondées sur des préjugés qui, comme l'explique Anderson, sont rationalisés pour expliquer des désavantages dans la relation à cause du manque de compétences que le sexe féminin possède par nature ou à cause de ses caractéristiques essentielles et donc il y a une série de relations fondées sur tels préjugés qui sont injustes en eux-mêmes. Une forme sérieuse d'interrelation sociale fondée sur les préjugés et la stigmatisation consiste à traiter les femmes comme inférieures et subordonnées à leur mari dans la sphère domestique, par exemple.
Comme nous pouvons le voir, il existe une série de relations dans lesquelles les femmes sont ségrégées des emplois mieux rémunérés, de la représentation politique. Aussi dans nombreux pays elles sont reléguées de l'éducation, sinon de jure, elles sont marginalisées de facto, il est donc possible de trouver quels sont les forms of group inequality, pour qui produisent et reproduisent des inégalités de groupe, suivant la pensée d'Anderson, en considérant, "Les inégalités de groupe surviennent lorsqu'un groupe a acquis une position dominante par rapport à un bien essentiel comme la terre ou l'éducation et pratique la fermeture sociale pour empêcher d'autres groupes d'accéder à ces biens, sauf à des conditions de subordination…".[13]
b) Formes d'inégalité de groupe
Afin de pouvoir effectuer une analyse qui contient les différents aspects de la vie sociale dont un groupe subit l'inégalité et avec elle la ségrégation, par le fait même d'être déterminé en tant que groupe social, il est nécessaire de trouver les catégories de ladite analyse. En d'autres termes, ces catégories nous aideront à faire ce qu'Anderson a appelé une analyse à un niveau structurel et à partir de là, pouvoir appliquer sa théorie à un groupe pour distinguer s'il s'agit d'une inégalité de groupe au niveau structurel au sein d'une société.
En ce sens, chez Anderson les catégories proposées par Charles Tilly dans sa théorie des causes des inégalités de groupe dans l'accès aux biens matériels ont été critiquées, en disant qu'elles se limitent à l'aspect purement matériel. Il s’agit de quatre mécanismes qui sont : la thésaurisation des opportunités, l'exploitation, l'adaptation et l'émulation, tous ancrés par la fermeture sociale (Tilly,1999, 10) et qui expliquent pratiquement toutes les inégalités de groupe.
Selon la philosophe, la théorie de Tilly se concentre sur les mécanismes d'inégalité économiques (thésaurisation, exploitation), culturels (adaptation) et compétitifs (émulation), à l'exclusion d'autres causes. Ce qui laisse de côté d'autres aspects non moins importants de la vie en société comme la violence ou le pouvoir politique visant à minimiser certains groupes entre autres aspects. D’où que la théorie relationnelle d'Anderson considère la typologie des modes d'oppression intergroupe d'Iris Young plus pertinent pour comprendre les formes injustes de relations intergroupes, "Son récit nous aide à voir que ces relations sociales ne sont pas seulement des causes de distributions injustes de biens matériels, mais injustes en elles-mêmes…"[14]
Les cinq types de relations intergroupes oppressives sont proposés à partir de l'interprétation du concept de domination, qui "doit être comprise comme structurelle précisément parce que les contraintes que subissent les gens sont généralement le produit intentionnel ou non des actions de nombreuses personnes, comme des actions qui permettent le pouvoir de juges... Dans un système de domination, certaines personnes peuvent être identifiées comme plus puissantes et d'autres comme relativement impuissantes…"[15] Ces cinq types sont : exploitation, marginalisation, violence, impérialisme culturel et impuissance. Anderson récupère cette typologie et élargit sa portée, concluant que la ségrégation d'un certain groupe ne se limite pas au lieu de travail comme Young le supposait, mais que cette ségrégation peut être étendue à des domaines tels que l'éducation, l'espace public, entre autres. Donc suivant ce type d'analyse aux différents niveaux et basée sur les données empiriques montrées, nous aborderons chacun de ces éléments.
Exploitation
L'exploitation selon Tilly, basée sur la pensée de Max Weber, est la relation commune entre les groupes dominants et dominés dans laquelle le groupe dominant contrôle des actifs importants tels que la terre, l'éducation, la technologie militaire et permet l'accès aux groupes dominés à ces actifs, mais les prive d’une partie de leur contribution productive. (Anderson, 2010, p.8)
En termes marxistes, l'exploitation peut être définie comme "l'extrapolation du surplus de travail à tous les producteurs directs."[16] Cette définition de l'exploitation est utile pour comprendre pourquoi la répartition disproportionnée des tâches de soins non rémunérées peut être considérée comme exploitation, même si selon les critiques de Silvia Federici sur l'aveuglement avec lequel Marx a cessé d'appliquer la notion de travail aux tâches de soins car il considérait ce type d'activité appartient au milieu familial et ainsi comme la croissance démographique, qu’il s’agit d’un fait totalement naturel sans aucune relation économique, ni encore moins protagoniste d'une certaine asymétrie pouvoir.
Federici a retracé les causes socio-économiques aux XVIe et XVIIe siècles qui ont conduit au changement de la division sexuelle du travail et qui ont nié toute valeur économique de ce qu'on a appelé le travail domestique. Et il a été un élément fondamental dans sa forme d'accumulation originale pour le développement du capitalisme.[17] Pour Federici :
La différence de pouvoir entre les femmes et les hommes et la dissimulation du travail non rémunéré des femmes derrière l'écran de l'infériorité naturelle, a permis au capitalisme d'élargir considérablement la partie non rémunérée de la journée de travail et d'utiliser les salaires (masculins) pour accumuler le travail féminin. Dans de nombreux cas, ils ont également servi à détourner l'antagonisme de classe vers un antagonisme entre hommes et femmes. Ainsi, l'accumulation originelle a été avant tout une accumulation de différences, d'inégalités, de hiérarchies et divisions qui ont séparé les travailleurs les uns des autres et même d'eux-mêmes. (2010, p.197)
Ce changement dans la façon de concevoir le travail domestique, qui est principalement composé de tâches de soins, a conduit à son invisibilité, non seulement en termes économiques de sorte qu'il ne reçoit aucun type de rétribution monétaire aussi dans l’aspect sociaux, il n'est pas considéré comme digne en termes d'estime et reconnaissance de ceux qui l'exécutent et n’est plus valorisé socialement comme un travail nécessaire. Jusqu'à très récemment, le travail de soins était comptabilisé en termes économiques, qui en 2019 représentaient environ 9% du PIB mondial. (OIL, 2020b, p.4) Ce chiffre ne se traduit en aucun avantage économique pour ceux qui effectuent ces tâches et dont le travail est extrapolé, nous pouvons donc considérer en ces termes qu'il existe une relation d'exploitation, injuste en soi même.
Marginalisation
a marginalisation est considérée comme la relation "par lequel un groupe de chômeurs chroniques est exclu des opportunités de participer à la vie productive."[18] Cependant, comme il a été expliqué dans The imperative of integration, la marginalisation ne se limite pas au lieu de travail, elle s'entend comme une forme d'oppression systémique à d'autres domaines tels que l'éducation, les espaces publics, le logement ou tout avantage social de telle sorte que le groupe dominé est illégitimement séparé de l'accès à ceux-ci, ce qui implique que les membres d'un groupe subordonné sont systématiquement exclus de l'accès aux mêmes opportunités et donc de la pleine participation à la vie sociale. (Anderson, 2010, p.14)
Dans le cas des femmes, on estime que l’une des conséquences les plus graves de la répartition inéquitable du travail de soins est la marginalisation des femmes dans le domaine économique, politique et éducatif, en raison de l'appauvrissement du temps des femmes, ainsi que du manque de ressources dû à l'exploitation.
La quantité inégale, de travail de soins non rémunéré effectué principalement par les femmes et par les filles des groupes socialement défavorisés limite à la fois leur disponibilité pour entreprendre un emploi rémunéré et le type et la qualité des emplois auxquels elles peuvent accéder… le fardeau disproportionné du travail de soins non rémunéré également impacte le nombre d'heures consacrées à un travail rémunéré, entraînant une "pénalité d'emploi de la maternité", qui affecte également le salaire et le revenu des aidants non rémunérés. Cet ensemble de conditions défavorables a d'autres conséquences : créer des écarts entre les sexes dans l'épargne et les actifs, restreindre davantage le pouvoir de décision des femmes au sein des ménages, restreindre leur accès à la protection sociale et, en fin de compte, limiter leur jouissance globale des droits humains…[19]
L'interprétation que fait Carole Pateman du contrat social établit les relations surtout politiques qui ne sont pas sans rapport avec les relations économiques et bien sûr les relations sociales issues de la théorie du contrat social étudiée à partir de la différence sexuelle. Pour Pateman, le contrat social n'était pas fondé sur la neutralité vis-à-vis de la différence sexuelle ; au contraire, le pacte initial ne considérait pas la participation des femmes à égalité, puisqu'elles étaient incluses d'une manière particulière dans un contrat qui a été subsumé par un pacte originel. Ce n'était qu'un contrat sexuel, qui est passé inaperçu des contractualistes parce que, selon Pateman, la théorie contractuelle a été construite dans la division sexuelle des sphères publique et privée, de sorte que les relations avec les femmes ont rendues invisibles dedans la sphère privée ou domestique.
Le contrat sexuel explique à travers d’une relecture des contractualistes, comment le pacte basé sur la différence sexuelle et qui plaçait les femmes dans de relations d'oppression et de domination s'est formalisé dans le passage de l'état naturel à l'état civil à travers le contrat de mariage. Le contrat d’une partie garantissait l'accès au corps des femmes, à la procréation, à leur travail sans rémunération et d'autre part, il séparait les femmes de la vie civile, c'est-à-dire de la politique, de presque tous les droits civils, de l'éducation. En les confinant dans l’espace domestique, ce qui impliquait le renforcement des relations de domination entre hommes et femmes, qui pouvaient sembler des traits caractéristiques des relations privées, mais dont les conséquences dépassent ce domaine, comme l'a évoqué Pateman : "Les relations conjugales font partie d'une division sexuelle du travail et d'une structure de subordination qui s'étend de la maison privée à l'arène publique du marché capitaliste…"[20]
Violence
Le problème de la violence contre les femmes est une question très délicate en raison de ses graves conséquences, qui ont également été aggravées par la pandémie, surtout au Mexique et en Amérique latine[21]. Les violences sexuelles au foyer, les disparitions, les féminicides sont une réalité qui doit être prise en compte et repenser, au-delà d'un exercice théorique comme un moyen de prendre des mesures précises qui changent cette réalité. D'après les données apportés par la Commission of Gender Equality Observatory for Latin America and the Caribbean dans le cadre d'un document publié par The Economic Commission for Latin America and the Caribbean (ECLAC) en 2019, 4 640 cas de fémicide ont été enregistrés dans 24 pays (18 en Amérique latine et 6 dans les Caraïbes).[22] (ECLAC, 2020 d, p.3) Le phénomène de la violence vers les femmes, comme a été mentionné, s'est accru en raison de la crise sanitaire, en particulier les violences exercées au sein du foyer, les féminicides ont également connu une augmentation malgré les mesures de distanciation sociale que la plupart des pays d'Amérique latine ont mises en œuvre pendant cette période.
C'est précisément parce qu'il ne faut pas le voir comme un problème isolé, encore moins comme un problème à caractère domestique, mais comme Elizabeth Anderson le propose dans ce que nous avons suivi jusqu'à ce point, comme une théorie relationnelle qui trouve toutes les dimensions qui sont affectées par la violence contre les femmes, en particulier des dimensions politiques et symboliques, qui ont été largement étudiées surtout en Amérique latine, entre autres par Rita Segato et Marcela Lagarde.
Comme a été mentionné dans The Imperative of Integration « La violence a souvent été utilisée comme un outil pour renforcer la ségrégation… ».[23] Il convient de mentionner que la violence n’est pas exclusivement de nature physique, bien qu’elle soit la plus notoire et la plus facile à identifier. Comme nous le savons, il existe différents types de violence, mais ce qui leur est commun c'est le pouvoir coercitif qui s'exerce sur le sujet passive en ce cas, sur le group dominé qui non seulement génère des inégalités, mais (pire encore) génère des dommages concrets à l'intégrité des personnes et aussi la peur, qui en combination avec les autres formes d’inégalité contribuent à reproduire toutes les autres formes d'oppression et est finalement la forme la plus grave en raison de ses conséquences. En ce sens, Rita Segato a longuement étudié le problème de la violence comme une question d'ampleur structurelle, et a identifié la violence contre les femmes comme un moyen de reproduire les relations de domination, considérant que la violence :
Ne s'agit pas simplement d'une conséquence de pathologies individuelles ni, à l'autre extrême, d'un résultat automatique de la domination masculine exercée par les hommes, mais d'un mandat. L'idée de mandat renvoie ici à l'impératif et à la condition nécessaire de la reproduction du genre comme une structure de relations entre positions marquées par un différentiel hiérarchique et une instance paradigmatique de tous les autres ordres de statut - racial, de classe, entre nations ou régions… (Segato, 2003, p.13).
La question de la violence en relation avec le problème de la répartition des tâches de soins a à voir avec la complexité des relations considérées comme domestiques et dans lesquelles, comme Pateman l'a interprété, l'obligation contractuelle des femmes est de fournir des soins comme une manière naturelle basée sur la différence sexuelle. Officiellement, le droit des femmes à une vie sans violence a été reconnu, dans les sphères publique, privée et sociale, mais dans la pratique la violence contre les femmes n'a pas été éradiquée et à de nombreuses occasions, elle continue d'être une forme d'interaction normalisée au sein des familles où les rôles des femmes continuent d'être subordonnés et en tant que soignantes, tandis que les hommes ont des rôles productifs et dominants. Il convient de mentionner que la violence dite "domestique",[24] est la forme la plus courante de violence contre les femmes. (Segato, 2003, p.22).
Cultural Imperialism
Impérialisme culturel est définit comme "L'imposition de la culture et des interprétations du monde d'un groupe dominant à des groupes subordonnés. Elle inclut la répression des pratiques culturelles légitimes d'un groupe…"[25] Anderson considère que la catégorie Impérialisme Culturel de Young fusionne deux phénomènes : l'imposition culturelle et la stigmatisation. Dans le cas de la répartition des tâches de soins, les deux phénomènes se produisent. D'une part, il est possible de trouver des éléments pour établir une relation entre cette forme d'inégalité de groupe qui, combinée avec d'autres formes, consolide l'inégalité de genre, en particulier dans certaines régions du monde.
Depuis très tôt dans l'histoire des idées, il a été argumenté soit du naturalisme, de l'essentialisme ou d'un autre courant de pensée, non seulement la différence basée sur le sexe mais même l'infériorité des femmes, pour n'en citer que quelques-uns, Aristote ou Rousseau.
D’autre part, l’stigmatisation est le mécanisme qui reproduit le stéréotype de genre où les femmes sont le groupe avec des capacités naturelles à prendre soin des gens, cette stigmatisation est basée d'un côté à cause la surreprésentation des femmes dans le domaine des soins, elles soient rémunérées ou non.
D’autre côté avec l’intériorisation dans les pratiques sociales dans lesquelles les femmes elles-mêmes assument la responsabilité d'accomplir naturellement ces tâches. Il est donc nécessaire de rendre visibles ces inégalités ainsi que les formes d'inégalités de groupe et les mécanismes à partir desquels l'oppression se reproduit, car cela pourrait être une manière de questionner les pratiques sociales qui produisent et reproduisent les stéréotypes de genre.
CONCLUSION
Les inégalités dans la répartition du travail de soins se sont aggravées notamment dans le contexte de la crise sanitaire provoquée par le COVID 19, en particulier pour les femmes en régions comme l'Amérique latine et particulièrement au Mexique. Cette situation rend visible la nécessité de mener des analyses complexes qui nous aident à trouver des solutions à différents niveaux de la vie sociale. C'est pourquoi la proposition d'Anderson semble tout à fait appropriée pour mettre en relation les données fournies par diverses études réalisées par des institutions publiques et privées qui, dans une perspective non idéale telle que la théorie relationnelle de l'inégalité nous permet de comprendre le problème qui se pose comme un sujet d'inégalité de groupe au niveau structurel, c'est-à-dire en interreliant les différents aspects tels qu'économique, politique, culturel et social, etc. La clarification et la distinction conceptuelle des différentes formes d'inégalités de groupe liées aux données empiriques sont un outil qui permet, au-delà de l'exercice théorique, un véritable moyen de localiser "Déficiences injustes dans l'ordre social plutôt que dans les injustices innées des gens…", [26] et cela donne la possibilité de rechercher des solutions appropriées pour une société plus juste et démocratique. À travers l'interprétation des données empiriques, tirées des études mentionnées de la proposition d'Elizabeth Anderson, il est vérifié que l'inégalité notoire dans le travail de soins, en particulier dans le contexte de la crise sanitaire, n'est pas un phénomène à sens unique, elle a plutôt une base profonde d'inégalités qui se constitue en différentes dimensions. Cette conclusion nous amène à "voir comment les injustices peuvent être mieux réparées en changeant les normes sociales et la structure des biens publics qu'en redistribuant les ressources…", [27]pour apporter des solutions concrètes mais interdépendantes dans ces différentes sphères, ce qui signifie que les réponses ne sont pas des mesures palliatives mais des solutions à un niveau structurel qui aide à résoudre le problème des inégalités, dans un sens plus juste et démocratique.
Bibliographie
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ANNEXES
Temps de travail total en Amérique latine par sexe
Le temps de travail total est la somme du temps de travail rémunéré et du temps de travail non rémunéré. Il est mesuré en quantifiant le temps qu'une personne consacre au travail d'autoconsommation, au travail domestique non rémunéré et aux soins non rémunérés pour sa propre maison ou pour soutenir d'autres travaux ménagers. [28]
Amérique latine: temps consacré aux travaux domestiques et de soins non rémunérés, par sexe et type de travail, dernière année disponible (2019)
Annexe 3
Annexe 3
Pourcentage de participation à l'emploi rémunéré par sexe
Annexe 4
Amérique latine (moyenne pondérée 16 pays): répartition de la population occupée par secteurs d'activité économique, 2016
Annexe 5
Amérique latine (moyenne pondérée de 9 pays): répartition de la population occupée et écart de salaire entre les femmes et les hommes, par type de profession, par sexe et quintiles de revenu (2016)
Annexe 6
Répartition des personnes occupées selon le type de profession, le sexe et le quintile de revenu (2016)
Annexe 7 Les femmes en politique
Notes
https://www.unwomen.org//media/headquarters/attachments/sections/library/publications/2020/women in-politics-map-2020-es.pdf ?la=es&vs=828 Consulté le 29 décembre 2020
https://drive.google.com/file/d/1err78aRUv63aU1_HipYKE_VgAcEdC2tN/view