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OTAN et contre-asymetrie: Ambiguïté et difficulté d’adaptation
ABDELHAMID BAKKALl
ABDELHAMID BAKKALl
OTAN et contre-asymetrie: Ambiguïté et difficulté d’adaptation
Paix et Sécurité Internationales – Journal of International Law and International Relations, n° 5, 2017
Universidad de Cádiz
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Résumé: .

Resumen: Este artículo se centra en el papel que desempeña la contra-asimetría en la postura estratégica de la OTAN. Se ha utilizado un enfoque histórico-analítico para comprobar cómo se ha desarrollado el interés de la OTAN en la lucha contra de las amenazas asimétricas, durante y después de la Guerra Fría. Como resultado, hemos comprobado que, a pesar de la omnipresencia de las amenazas asimétricas, de carácter terrorista o insurgente, la OTAN ha mantenido una postura ambivalente desde su creación en 1949 hasta los atentados del 11 de septiembre de 2001. Pero, desde entonces, se puede constatar un esfuerzo notable para adaptarse, con la adopción de una doctrina de contrainsurgencia que, en definitiva, ha resultado de la catarsis tras la experiencia afgana. En este sentido, una revolución paradigmática es imprescindible para liberarse del peso de la Guerra Fría e idear una estrategia multidimensional que combine soluciones de orden de seguridad, político, socioeconómico, cultural, etc.

Palabras clave: OTAN, contra-asimetría, contrainsurgencia (COIN), terrorismo, amenazas asimétricas.

Abstract: This article looks at the place of counter-asymmetry in NATO strategic posture. It is a question of reexamining, through a historic-analytic approach, the evolution of how NATO addresses the asymmetric threats, be it during or after the cold war era. This implies that no matter how pervasive the asymmetric threat is, terrorist or insurrectional, NATO adopted an ambiguous posture since it was created in 1949 until the attacks of September 11, 2001. Since then however, we 1 Expert des questions stratégiques et doctorant à l’Université Mohamed V - Rabat. Paix et Securité Internationales ISSN 2341-0868, Num. 5, janvier-décembre 2017, pp. 219-230 DOI: http://dx.doi.org/10.25267/Paix_secur_ int.2017.i5.09 219 noticed great adaptation efforts with the implementation of a counter-asymmetric doctrine, which is seen, at the end the day, more like a catharsis of the Afghanistan experience. In this respect, a paradigmatic revolution becomes necessary in order to break NATO free from the legacy of the cold war and build a multi-dimensional strategy that integrates solutions for security, political, socio-economical, cultural issues…etc.

Keywords: NATO, counter-asymmetry, counter-insurgency (COIN), terrorism, asymmetric threats.

Carátula del artículo

Notas

OTAN et contre-asymetrie: Ambiguïté et difficulté d’adaptation

ABDELHAMID BAKKALl
l’Université Mohamed V - Rabat., Marruecos
Paix et Sécurité Internationales – Journal of International Law and International Relations
Universidad de Cádiz, España
ISSN-e: 2341-0868
Périodicité: Anual
n° 5, 2017


I. INTRODUCTION

Depuis sa création en 1949, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a entretenu une attitude ambigüe à l’égard des menaces asymétri- ques. C’est ainsi que tout au long de la Guerre froide, il semble que l’OTAN n’avait prêté aucune attention particulière à ces menaces émergentes qui n’ont cessé de monter en puissance, et ce même, lorsqu’elles concernaient directe- ment sa zone de compétence ou impliquait ses États membres sous forme de foyers violents à caractère terroriste ou insurrectionnel. Ces derniers, liés principalement aux efforts d’émancipation nationale, culturelle, religieuse et anticolonialisme, sont apparus plus tard sous formes notamment prédatrice, scissionniste, séparatiste et subversive.

Ainsi, le nombre total de décès dans la zone du Traité de l’Atlantique Nord, provoqués par la violence asymétrique entre 1949 et 2001, s’est élevé à plusieurs centaines de milliers2. Ont contribué à cette hécatombe les violen- ces qu’ont connu la France, aussi bien dans la métropole que dans les départe- ments d’outremers algériens et corses, la Turquie en liaison avec les questions kurde et arménienne, le Royaume-Uni pour ce qu’est de la question irlandaise, l’Espagne en liaison au séparatisme basque. D’autres Etats doivent être cités. Il s’agit principalement de ceux touchés par un terrorisme révolutionnaire de gauche qui fut l’œuvre de groupes anarcho-communistes, en l’occurrence la Rote Armee Fraktion (Allemagne), l’Action Directe (France) et les Brigades Rouges (Italie)3.

Or, force est de constater que malgré la montée en puissance de ce phé- nomène, l’OTAN n’avait pas réagi militairement, et le plus souvent pas du tout, alors que les attaques terroristes sont assorties de bilans humains im-

portants. Paradoxalement, la première et la seule activation de l’article 5 du traité s’est faite dans le cadre d’une réponse à une attaque émanant du groupe non-étatique en l’occurrence Al-Qaida aboutissant au pat stratégique afghan où la méga-puissance capacitaire de l’alliance ne lui a pas permis d’avoir la décision dans ce conflit low intensity.

Ce pat stratégique qui fait écho au constat fait par Rupert SMITH, de re- mise en cause de l’utilité de la force face aux acteurs non-étatiques violents4, interpelle les observateurs sur l’ambiguïté de l’attitude otanienne à l’égard des menaces asymétriques pour lesquelles l’alliance n’a pas été conçue initiale- ment, et de la paralysie opérationnelle dont elle n’arrive pas à s’en défaire malgré l’effort doctrinal et capacitaire déployé.

II. L’ATTITUDE OTANIENNE A L’EGARD DES MENACES ASYMETRIQUES PENDANT ET APRES LA GUERRE FROIDE
1. L’OTAN FACE AUX MENACES ASYMETRIQUES PENDANT LA GUERRE FROIDE

Organisation politico-militaire constituée actuellement de 28 Etats occi- dentaux, l’OTAN avait pour vocation initiale d’assurer la stabilité et la sécu- rité du continent européen, après la Seconde Guerre mondiale, en prévenant tout renouveau de l’impérialisme allemand et en s’opposant à toute tentative expansionniste soviétique. Une citation attribuée au Lord Hastings Lionel Ismay, premier secrétaire général de l’alliance, fait à ce titre référence : « keep the Russians out, the Americans in, and the Germans down».

Conséquemment, la formulation des principaux articles 55 et 66 du Traité de l’Atlantique Nord fut largement influencée par ces considérations géopo- litiques et plus particulièrement d’une éventuelle menace massive d’origine soviétique. Cette hypothèse qui a hanté les esprits avait provoqué l’exclusion d’autres formes de menaces notamment les actes terroristes et les insurrec-

tions, qui se placent au-dessous du seuil d’une attaque armée d’autant plus que les auteurs sont des groupes non-étatiques. Néanmoins, forces est de souligner que ces deux modes d’action asymétriques étaient certainement connus7 ; mais probablement sous-estimés eu égard aux effets d’attaques ar- mées massives émanant de forces militaires régulières et plus particulièrement en cas d’usage d’armes de destruction massive.

Par ailleurs, pris individuellement, les Etats membres de l’OTAN ont gé- néralement adopté insidieusement des attitudes ambivalentes à l’égard des phénomènes asymétriques. Cette ambivalence oscillait entre le consentement, le soutien et dans certains cas, on pourrait soupçonner, une sorte d’incuba- tion comme solution opérationnelle.

Ainsi, des extrémistes nationaux anti-communistes, racistes et religieux ont régulièrement ou occasionnellement eu recours à la terreur dans l’impu- nité à l’instar des sectes fondamentalistes chrétiens dans certains Etats ; de même des régimes totalitaires avaient les coudées franches en Europe comme ce furent les cas du Portugal, de la Grèce et de la Turquie, ou en Amérique latine, en Afrique, au Proche-Orient et en Asie ; on note également des pra- tiques étatiques assimilables aux actes terroristes. A titre d’illustration, il y a lieu de citer le sabordage à quai d’un navire d’une organisation écologiste qui s’apprêtait à appareiller pour protester contre des essais nucléaires.

2. L’OTAN FACE AUX MENACES ASYMETRIQUES APRES LA GUERRE FROIDE

La rupture stratégique provoquée par la fin de la guerre froide a créé la nécessité de réformer et en partie de réorienter la vocation de l’OTAN. Sa posture stratégique a dû être ajustée à la volatilité accrue des nouvelles menaces à la sécurité internationale. La disparition de l’ancien rival de l’OTAN a été accompagnée par de nouveaux défis. La fin de la confrontation militaire Est- Ouest a même été responsable dans une grande mesure de la prolifération des guerres locales formant une kyrielle de foyers violents de faible intensité. En outre, la mondialisation, de par l’accroissement considérable de la libre circulation de personnes, de biens, de services et de flux d’informations ont ouvert de nouvelles possibilités aux terroristes transnationaux. Cependant, les menaces asymétriques, notamment le terrorisme, avait continué à être absentes des documents doctrinaux et décisionnels de l’OTAN alors qu’elles

s’affirment comme menaces graves devant faire l’objet d’une défense collective.

Cette attitude contraste avec l’attention portée à ce phénomène transnational de la part de plusieurs autres organisations internationales, dont notamment l’Organisation des Nations Unies. A cet égard, deux questions se posent avec acuité : Pourquoi l’OTAN avait été si lente à reconnaître une menace majeure comme mettant en péril aussi bien la sécurité internationale que la sécurité de ses membres ? Pourquoi a-t-elle réagi si tard pour entreprendre une action collective et chercher à endiguer une telle menace ?

La raison principale semble être dans l’interprétation selon laquelle l’ar- ticle 5 était applicable seulement si une attaque armée ait lieu en prove- nance d’un Etat situé hors de la zone du Traité de l’Atlantique Nord. Par conséquent, la violence asymétrique et les activités contre-asymétriques ont été considérées comme des questions internes et ne peuvent être invoquées au sein du Conseil de l’Atlantique Nord, et encore moins les questions liées aux ripostes punitives prises de manière collective.

En outre, certains Etats-membres influents de l’OTAN, à l’exception no- table de la Turquie, ne voulaient pas soulever, et avaient même activement ré- sisté à soulever ces questions dans les forums internationaux8. Plus encore, le terrorisme qui a causé le plus grand nombre de victimes dans les Etats mem- bres de l’OTAN depuis 1949 a souvent été étroitement associé aux mouve- ments qui luttent, ou du moins qui prétendent lutter, pour de nobles objectifs tels que la liberté, la justice, la libération nationale de la domination coloniale, l’émancipation sociale, la démocratie et les droits de l’homme. La suppres- sion de ces mouvements par la force a souvent suscité de vives critiques et protestations de gauche et la partie libérale, ainsi que l’opposition forte à la fois interne et externe. Enfin, les attitudes des opinions publiques à l’égard de ces mouvements ont beaucoup varié au sein même des États membres de l’OTAN, avec des normes de légitimation variables appliquées au cas par cas. Par ailleurs, ces différences d’appréciation des actes terroristes et insurrec- tionnels, considérés par-dessus tout comme une question ne relevant pas de la compétence de l’OTAN, avaient empêché la mise en place d’une politique et d’une coopération contre-asymétriques. C’est dans ce cadre qu’il convient de comprendre le comportement de certaines organisations politiques et des

groupes armés illégaux mettant à profit, pendant des décennies, soutien lo- gistique, abris et couvertures, et dans certaines mesures, pouvoir bénéficier de formation et de soutien sur le territoire d’un État membre de l’OTAN.

Conséquemment à ces attitudes et limites auto-imposées, les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont profondément surpris l’OTAN. Néanmoins, dès le lendemain des attaques et dans un élan très bref, le Conseil de l’Atlantique Nord, qui est la plus haute instance de l’Alliance, a invoqué le fameux article 5 du Traité de l’Atlantique Nord. Cette invocation est la première en genre durant toute l’histoire de l’OTAN. Paradoxalement, l’invocation a porté sur la défense de la zone continentale des États-Unis d’Amérique et non de leurs alliés européens, et ce, dix après la fin de la Guerre froide et non pas au cours de celle-ci. D’autant plus, l’invocation de l’article 5 a été motivée par des attaques terroristes perpétrées à l’intérieur du territoire d’un Etat membre et contre celui-ci par un petit groupe de civils et non par une attaque armée massive à partir de l’extérieur la zone du Traité de l’Atlantique Nord.

Dans le même registre, il s’agit de la première fois dans l’histoire de l’OTAN que la «guerre contre le terrorisme» a été proclamée comme une mission majeure pour l’alliance. On constate à partir de ce moment un revi- rement dans la posture stratégique de l’OTAN. Depuis, elle fait montre de vi- talité et de réactivité pour s’adapter et faire face aux menaces asymétriques de plus en plus pesantes sur la sécurité de ses membres. Ainsi, l’OTAN n’a cessé de développer des capacités supplémentaires, ajuster ses structures internes, développer sa propre doctrine contre-asymétrique9 et réviser ses relations avec d’autres acteurs pour faire face aux menaces asymétriques10.

Le brusque changement de posture stratégique de l’OTAN, intervenu dès le 12 septembre 2001, a été en grande partie en raison de l’impact psycholo- gique et politique exceptionnellement fort des trois attaques simultanées, au demeurant, brutales et visiblement spectaculaires causant la mort de plusieurs milliers de victimes civiles. En second lieu, les attaques ont porté un coup très dur à la fierté et au mythe de l’inviolabilité de la citadelle américaine, qui est

au demeurant la seule dont le territoire est resté épargné ces deux derniers siècles.

En somme, la volteface de l’OTAN, quant à la prise en charge des mena- ces asymétriques, pourrait donc être exclusivement expliquée par le caractère unique et hautement symbolique des attaques du 11 septembre 2001. Néan- moins, force est de reconnaitre que la prise de conscience de la nécessité d’une telle réforme, en d’autres termes de changement de concept stratégi- que, remontait à trois plus tôt lors du Sommet de Washington en 1999 où il a été procédé à une définition plus large de la sécurité de la zone euro-atlan- tique et la prise en compte des nouveaux risques apparus depuis la fin de la Guerre froide.

III. LES CAUSES D’INADAPTATION DE L’OTAN FACE AUX MENACES ASYMETRIQUES
1. IMPOSTURE D’UNE « GUERRE » CONTRE LE TERRORISME : UN CONSTAT IRREFUTABLE

Malgré l’engagement et la combinaison des efforts de nombreux acteurs, États, groupe d’Etats et organisations internationales, le bilan de la «guerre contre le terrorisme » semble loin d’être probant. Certes, plusieurs milliers de combattants présumés et d’autres partisans d’Al-Qaïda, y compris leur leader emblématique Ben Laden, ont été tués, détenus ou emprisonnés ; mais, le groupe Al-Qaïda et ses franchises tentaculaires semblent résister au déracinement. On pourrait même penser que cette pseudo-guerre a eu l’effet pervers de provoquer le pullulement de groupes jihadistes comme le montre notamment la montée en puissance de l’organisation Etat Islamique avec l’afflux tous azimuts et incommensurable de combattants terroristes étrangers. Le nombre de nouveaux militants jihadistes, formés et équipés, venus gonfler les rangs des groupes terroristes serait augmenté de façon vertigineuse, comme le montre la profusion des foyers insurrectionnels en Afrique du Nord, Proche-Orient, Moyen-Orient, Asie Centrale, Asie du Sud et du Sud-est.

De l’échec de l’OTAN à éradiquer Al-Qaïda malgré l’effort colossal con- senti depuis 2001, force est d’en déduire qu’une forte inadéquation persiste

encore entre les exigences relatives à une lutte efficace contre cette mouvance nébuleuse, d’une part, et plusieurs caractéristiques fondamentales de l’Allian- ce, d’autre part. Quelles en seraient donc les causes sous-jacentes ?

2. LES INADEQUATIONS : ORGANISATIONNELLE, JURIDIQUE ET CAPACITAIRE

La première cause est d’ordre organisationnel. Etant une grande et une ouverte organisation internationale, contenant près de 300 comités et astrein- te à des procédures complexes de prise de décision, l’OTAN est bureaucra- tiquement trop encombrant et lent à cet égard. A côté de cela, il convient de tenir compte de l’entrave que pose la discorde politique découlant de la différence dans la perception du terrorisme et dans le degré de vulnérabilité et d’exposition à cette menace.

En fait, l’anti-terrorisme ne représente pas encore une grande priorité dans les agendas d’un certain nombre d’Etats membres de l’OTAN. Selon une étude de la RAND Corp.11, l’OTAN n’est pas encore en mesure de se libérer de la pesanteur créée par l’expérience de la Guerre froide afin de pou- voir relever le défi asymétrique. A ce titre, la coopération permanente et de haut niveau entre les services de sécurité correspondants et les forces armées des états membres de l’OTAN achoppent sur des distorsions multiples lors- qu’il s’agit de la lutte contre le terrorisme. Les tentions ayant suivi l’appui aux assassinats ciblés de deux dirigeants palestiniens du Hamas intervenues en 2004 sont la meilleure illustration de la divergence des vues concernant l’ac- ceptabilité politique du terrorisme sous toutes ses formes, y compris ce qu’est appelé le terrorisme d’État.

La deuxième cause est d’ordre juridique. Elle est liée aux dispositions lé- gales du Traité de l’Atlantique Nord. La portée de ces dispositions contraste fortement avec la portée mondiale du terrorisme transnational contempora- in qui opère aux échelles nationales, régionales et internationales. Ainsi, on constate également la récurrence de grandes divergences d’ordres politique et doctrinal quant aux opérations menées par l’OTAN hors sa zone définie par l’article 6 à l’instar de celles menées dans des Etats d’Asie ou d’Afrique ne menaçant pas militairement et de façon directe l’un des membres de l’alliance présentées comme une ingérence dans les affaires internes des Etats tiers. Les détracteurs de ce genre d’opérations invoquent les articles 5 et 6 et l’ab-

sence de dispositions claires autorisant les opérations militaires préventives. A ce titre, l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord s’appuie sur l’article 51 de la charte des Nations Unies qui stipule que la légitime défense ne peut intervenir qu’en cas d’attaque armée. Les interprétations de ces dispositions privilégiant des ripostes préventives et préemptives ne font pas l’objet d’un large consensus.

La troisième cause est d’ordre capacitaire. En fait, le handicap majeur découle de l’utilité limitée de la puissance militaire dans la lutte contre-asymé- trique. Si les conflits asymétriques constituent, au même titre que les conflits classique opposant les Etats, une «simple continuation de la politique par d’autres moyens »12 ; il n’en demeure pas moins paralysant qu’ils ne peuvent être traités de la même manière.

Le retour d’expérience de plusieurs conflits asymétriques démontre l’in- anité et l’imposture de mener une contre-asymétrie selon le modèle des gue- rres classiques13. Une contre-asymétrie réussie exige une approche holiste où l’emploi de la force doit être contenu dans un niveau limité de sorte à créer les

« conditions de succès » au profit d’autres mesures d’ordres politique, social, économique, etc. Il en découle que les systèmes d’armes de l’OTAN, au de- meurant les plus puissants, les plus meurtriers, les plus coûteux et lourdement entretenus par les Etats membres de l’OTAN ont perdu la majeure partie de leur pertinence vis-à-vis d’un ennemi le plus souvent invisible et largement dispersé parmi la population. Les armes nucléaires constituent l’archétype de ces systèmes d’armes du fait qu’ils ont cessé de dissuader des adversaires apa- trides. Paradoxalement, les armes nucléaires et leurs vecteurs se transforment d’un atout formidable de sécurité en une arme inopérante, pis encore, une ci- ble très visée par les terroristes compliquant davantage les risques sécuritaires.

3. LA NECESSITE D’UNE REVOLUTION PARADIGMATIQUE EN MATIERE DE CONTRE-ASYMETRIE

La contre-asymétrie appelle une révolution paradigmatique dans la ma- nière de concevoir et de faire la guerre. Le paradigme est entendu ici dans le sens qui lui a été initialement donné par Thomas KUHN, en tant qu’en- semble de postulats, de représentations, de notions ou d’idées admises par

un groupe, une société ou une communauté, et qui orientent aussi bien la pensée que l’action14. Il arrive qu’intrinsèquement le paradigme atteigne un stade terminal de « crise paradigmatique » ; où il ne peut plus fournir d’expli- cations soutenables ou orienter pertinemment l’action. C’est le moment de développer un nouveau paradigme plus approprié.

Ainsi, les masses blindées manœuvrant avec le soutien de feux nourris par des systèmes d’armes sophistiqués de l’artillerie et de l’aviation doivent laisser la place à des forces militaires beaucoup plus petites, modulables, mo- biles et expéditionnaires capables d’opérer rapidement à de grandes distan- ces. Les forces armées doivent être renforcées de plus en plus par des unités contre-asymétriques spécialisées (cellules réduites de commandos spéciaux équipés de moyens de combat et de déplacement adaptés, entités de soutien médical, moyens de génie et d’organisation du terrain, etc.).

A l’égard de ce changement de paradigme qui s’impose avec acuité, il serait irréaliste de penser que les Etats membres de l’OTAN vont dans un avenir prévisible modifier radicalement la conception et entièrement adapter le fonctionnement de leurs systèmes de sécurité à ce nouveau paradigme, et pour cause l’inertie institutionnelle et les conflits d’intérêts bureaucratiques.

La plupart des variétés du terrorisme ont des racines sociales et psycho- logiques profondes. Leur prévention dans leur foyer natal, au sein de la zone d’intérêt stratégique de l’OTAN, nécessite d’importants efforts, soutenus sur le long terme, dans les domaines socio-économiques, législatif, judiciaire, cul- turel, et autres. Pour atteindre l’effet escompté, ces efforts ne devraient pas être assimilés à une sorte de politique d’ingérence sous peine de se transfor- mer en politique contreproductive.

Cependant, il convient d’introduire à ce niveau un bémol opérationnel évident. Le terrorisme sous toutes ses formes ne sera jamais déraciné partout et détruit définitivement. Une «guerre» avec un tel objectif total que celui d’éliminer complètement le terrorisme est donc une entreprise chimérique coupée de la réalité. La prévention systématique, la perturbation et autant que possible, la suppression des groupes et organisations terroristes détectés sont certainement envisageables ; néanmoins, elles nécessitent une lutte efficace, une mutualisation des efforts à l’échelle mondiale en incluant en tant que participants actifs l’OTAN, l’Union Européenne, l’Union Africaine ainsi que

plusieurs autres pays, entre autres, la Russie, la Chine, le Japon, l’Inde, le Pa- kistan, l’Indonésie, l’Arabie Saoudite, l’Egypte et le Maroc.

Aussi, une organisation internationale relativement petite, spécialisée, à profil bas similaire à l’Interpol, mais avec une large adhésion transcontinen- tale pourrait, plus efficacement que les mastodontes organismes actuels, prévoir une coopération régulière plus étroite, confidentielle et plus rapide entre les services de sécurité nationale dans leurs activités anti-terroristes. Le cadre gé- néral de l’ONU reliant les institutions spécialisées et les organisations régio- nales de sécurité porte la meilleure promesse à cet égard, avec l’OTAN jouant un rôle constructif et actif dans cette entreprise mondiale.

IV.CONCLUSION

Hantés par la prévention de toute tentative expansionniste soviétique en Europe de l’Ouest et malgré que quasiment tous les Etats membres sont concernés par la menace asymétrique, les dirigeants de l’OTAN excluaient de leurs calculs stratégiques toute forme de menaces à caractère terroriste ou insurrectionnel. En revanche, pris individuellement, les Etats membres affi- chent des attitudes ambivalentes oscillant entre le consentement, le soutien et l’incubation comme solution opérationnelle dans le jeu conflictuelle de l’encerclement été de contre-encerclement de la Guerre froide.

Cette posture, qui demeura en vigueur jusqu’au lendemain de la Guerre froide, se justifie par les dispositions de l’article 5 qui stipule que la riposte de l’OTAN ne s’active qu’en cas d’attaque armée en provenance d’un Etat situé hors de la zone du Traité de l’Atlantique Nord. Or, le seuil de la vio- lence asymétrique est intrinsèquement en deçà de celui d’une attaque armée, d’autant plus l’adversaire asymétrique n’est considéré que comme une entité non étatique.

Paradoxalement, les attentats du 11 septembre 2001 ont affligé une bles- sure narcissique à l’OTAN le plongeant dans un désarroi difficile à s’y extir- per. Ainsi, fut invoqué le fameux article 5 pour la première fois durant toute l’histoire de l’OTAN concernant la défense des Etats-Unis et non des alliés européens en réponse à une attaque terroriste et non une attaque armé menée par un groupe irrégulier de la valeur de moins d’une section d’infanterie au lieu d’attaque armée massive lancée par un Etat.

Ce n’est que dès lors que l’OTAN qu’elle a opèré un revirement straté- gique pour prendre en charge ce genre de menaces. A ce titre, des capacités supplémentaires ont été développées, des restructurations internes ont été adoptées, une doctrine contre-insurrection propre à l’OTAN a été dévelo- ppées et continuellement mise à jour, ainsi qu’une profonde refonte des rela- tions avec différents acteurs a été opérée pour mutualiser les efforts dans la lutte contre-asymétrique. Cependant et en dépit des efforts consentis et des mesures prises, force est de constater que l’OTAN ne s’est pas encore libérée de la pesanteur créées par l’expérience de la Guerre froide de sorte à pouvoir faire efficacement face à la menace asymétrique.

Matériel supplémentaire
Les références
The NATO and Counter-Insurgency: Capability, Credibility, and Political Will”,
Dictionnaire de l’extrême gauche
Relevant du principe de la défense collective, l’Article 5 stipule que si un Allié est victime d’une attaque armée, chacun des autres membres de l’Alliance considérera cet acte de vio- lence comme une attaque armée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il juge nécessaires pour apporter une assistance à l’Allié attaqué.
L’article 6 définit la zone territoriale à laquelle s’applique l’article 5. Elle a été modifiée par l’article 2 du Protocole d’accession au Traité de l’Atlantique Nord de la Grèce et de la Tur- quie, signé le 22 octobre 1951.
Les Etats-Unis disposent d’un manuel de contre-insurrection datant des années 1930.
“NATO’s Counterterrorism & Counterinsurgency Experience in Af- ghanistan: Lessons Learned”
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