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RELATIONS HISPANO-MAROCAINES EN MATIÈRE DE SUCCESSIONS
Ángeles LARA AGUADO
Ángeles LARA AGUADO
RELATIONS HISPANO-MAROCAINES EN MATIÈRE DE SUCCESSIONS
Paix et Sécurité Internationales – Journal of International Law and International Relations, n° 4, 2016
Universidad de Cádiz
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Résumé: L’entrée en vigueur du règlement (UE) 650/2012 sur les successions a conduit à des changements significatifs dans la succession des relations hispano-marocaines, qui jusqu’à présent étaient régies par l’application du droit national du défunt. Les de cuius devront désormais prendre ne compte cette nouvelle règlementation pour organiser leur succession. MOT CLÉS: Succession, Relations hispano-marocaines, Règlement (UE) 650/2012. RELACIONES SUCESORIAS HISPANO-MARROQUÍES

Resumen: La entrada en vigor del Reglamento (UE) 650/2012 sobre sucesiones ha provocado cambios importantes en las relaciones sucesorias hispano-marroquíes, que hasta ahora se regían por la aplicación de la ley nacional del de cuius. Los causantes deberán tener esta nueva reglamentación en cuenta a la hora de organizar su sucesión.

Palabras clave: Sucesión, relaciones hispano-marroquíes, Reglamento (UE) 650, 2012.

Abstract: The entry into force of Regulation (EU ) 650/2012 about inheritance has led to sig- nificant changes in Spanish-Moroccan relationship on succession, which until now were governed by the application of national law of the deceased. The deceased must take the new regulation into account in order to organize their succession.

Keywords: succession, Spanish-Moroccan relationships, Regulation (EU) 650, 2012.

Carátula del artículo

Dossier: Droit International Privé: Droit de Famille au Maroc

RELATIONS HISPANO-MAROCAINES EN MATIÈRE DE SUCCESSIONS

Ángeles LARA AGUADO
universidad de Granada, España
Paix et Sécurité Internationales – Journal of International Law and International Relations
Universidad de Cádiz, España
ISSN-e: 2341-0868
Périodicité: Anual
n° 4, 2016


I. INTRODUCTION

Le nombre de citoyens marocains titulaires, en Espagne, titulaires d’un titre de séjour valable, étaient au nombre de 849.946 en juin 20132. L’intégration au sein de la société espagnole étant l’une des volontés premières de cette population, il y a de grandes chances pour que cette migration ait pour conséquence le développement d’un grand nombre de relations hispano- marocaines sur le plan successoral. Pourtant, les décisions judiciaires espagnoles en matière de succession dans les relations internationales privées hispano-marocaines, sont très rares. Aujourd’hui encore, la mentalité conformiste de la société marocaine laisse effectivement peu de place aux conflits successoraux, les héritiers marocains acceptant généralement les règles de partage établies par le testateur, ou celles directement déterminées par la loi3.

L’ordre juridique espagnol et marocain reconnaissent tout deux le principe d’unité de la succession, c’est-à-dire le principe que tout l’héritage soit réglé par une seule et unique loi se basant sur la personnalité du de cujus et sa nationalité4. En ce qui concerne l’Espagne, ce principe a été applicable jusqu’au 17 août 2015, date à partir de laquelle le Règlement 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions mortis causa

et à la création d’un certificat successoral européen5 (dorénavant nommé Règlement sur les Successions) est devenu applicable. En ce qui concerne le Maroc, l’art. 18 du Dahir du 12 août 1913 sur la condition civile des Français et des étrangers dans le protectorat français au Maroc6 (dorénavant, DCC) renvoie à la loi nationale de l’étranger pour régir sa succession. L’Espagne, pays qui a traditionnellement été et est de nouveau pays d’émigration, connait bien cette norme à travers l’art. 9.8º CC qui renvoie à la loi nationale du de cujus. Que ce soient les autorités marocaines ou espagnoles qui connaissent de la succession, la solution devrait passer, conformément à ces règles de conflit, par l’application de la loi nationale du de cujus7. Partir de ces principes communs justifierait que le de cujus et les héritiers comptent sur le fait que les autorités de chaque pays vont arriver à une harmonie internationale de décisions et que la solution dans ces deux systèmes variera seulement si le droit étranger réclamé par la règle de conflit n’est pas appliqué correctement. Mais la réalité est bien différente, en effet les autorités espagnoles n’appliqueront pas systématiquement le droit marocain pour régler la succession d’un citoyen marocain et autorités marocaines n’appliqueront pas non plus systématiquement le droit espagnol pour régler la succession d’un espagnol. La règle complexe de délimitation du domaine d’application du CFM altère, dans de nombreux cas, le schéma d’application de la loi nationale de l’étranger à sa succession et mène à l‘application du droit marocain même si le de cujus a la nationalité espagnole (art.2). À cela il faut ajouter la naturalisation espagnole des marocains et les effets de la renonciation à la nationalité marocaine sur les deux ordres juridiques. De plus, malgré l’apparence de points communs sur le plan de la résolution des conflits en matière successorale, certaines différences inconciliables entre les deux systèmes juridiques entraînent des inconvénients pour les particuliers, que ce soient pour les testateurs –qui ne peuvent configurer leur statut successoral comme ils le désirent, car leur

volonté ne serait pas respectée-, ou les héritiers qui, bien des fois, ne peuvent faire valoir leurs droits héréditaires dans le pays où se trouvent les biens du de cujus. L’absence de conventions internationales entre l’Espagne et le Maroc réglant la question de la compétence judiciaire internationale, ou de la loi applicable en matière e successions, favorise la multiplicité de solutions pour un même problème dans les deux systèmes juridiques, puisque chaque pays règle la succession mortis causa ce qui donne fréquemment lieu à des résultats différents de ceux souhaités par le de cujus, ou encore contraires aux intérêts de ses héritiers.

En dépit de la proximité géographique des deux pays, la méconnaissance des deux systèmes juridiques est abyssale, en partie à cause de la barrière de la langue, et de l’inaccessibilité des sources du droit marocain. L’inconnue que suppose le manque de pratique judiciaire espagnole sur l’application du droit successoral marocain justifierait, à elle seule, l’étude détaillée du régime juridique des relations hispano-marocaines en la matière, Mais, de surcroît, à partir du 17 août 2015, se sont produit d’importants changements qui ont affecté les relations hispano-marocaines en matière de successions. Ceci en raison de l’application obligatoire, en Espagne et dans le reste des Etats membres de l’UE (sauf le Danemark, l’Irlande et le Royaume Uni), du Règlement sur les successions. La nouvelle réglementation contient des nouveautés qui touchent les domaines de la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution, et le caractère probatoire des décisions dans le domaine successoral. Toutes ces nouveautés peuvent avoir une incidence sur les relations hispano-marocaines en matière de successions. D’où l’intérêt de savoir si les changements introduits par le Règlement dans le domaine du droit applicable à la succession affecteront les relations hispano-marocaines en matière de successions et si, la continuité de ces relations sera possible, autrement dit si le Règlement favorisera ou facilitera la possibilité d’arriver à des solutions harmonieuses entre les deux pays.

II. LE DROIT SUCCESSORAL MAROCAIN
1. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES SUCCESSIONS AU MAROC

Le droit international privé marocain est peu développé, et sa source se trouve essentiellement dans la jurisprudence. Malgré cela, les autorités

espagnoles doivent tenir compte de ces règles afin d’éviter un usage incorrect du renvoi, pour les cas non-prévus par le droit marocain.

L’art.18 du Dahir du 12 août 1913 (DCC) traite des conflits en matière successorale. Il y est effectivement prévu que la transmission successorale des biens meubles et immeubles situés dans le protectorat français du Maroc, est soumise à la loi nationale du défunt en ce qui concerne la désignation de ses héritiers, l’ordre successoral des bénéficiaires, les parts qui leur sont attribuées, la quotité disponible, les rapports et la réserve héréditaire. La même règle est appliquée à la validité intrinsèque et aux effets des dispositions testamentaires. Ceci dit, il s’agit d’une règle prévue pour être appliquée aux étrangers et qui détermine uniquement l’application de la loi nationale de ces derniers pour réglementer leurs successions8. Cet article du Dahir susmentionné constitue donc une règle de conflit unilatéral à l’inverse, puisqu’il stipule uniquement lorsqu’on doit appliquer le droit étranger, et non pas le droit marocain. Par ailleurs, cette règle de conflit ne peut être considérée de manière isolée, car elle doit tenir compte des modulations que l’art.2 CFM introduit.

En fait, l’application du droit marocain dans les relations successorales s’avère complexe. Conformément à l’art.2 CFM, la Moudawana est appliquée à tous les citoyens marocains -même s’ils ont une autre nationalité- et également aux relations entre deux marocains lorsque l’un d’eux est musulman ou encore entre deux personnes lorsque l’une d’elle est marocaine. La Moudawana est également appliquée aux réfugiés. En ce qui concerne les ressortissants marocains de confession juive, ils sont soumis aux règles du statut personnel hébraïque9.

Par conséquent, on peut déduire des règles de l‘art. 2 CFM, que la Moudawana étend son domaine d’application bien au-delà des relations purement internes : le CFM est appliqué quand un marocain est impliqué dans une relation successorale de même que lorsque la relation concerne

deux marocains et que l’un d’eux est musulman. Ceci dit, si la relation successorale a lieu entre marocains et que l’un d’eux est musulman et l’autre juif, ce sont les règles de la Moudawana qui prévaudront. Ceci mène donc à une discrimination en raison de la religion, car, si le marocain musulman peut réclamer l’application du droit marocain musulman (Moudawana), le marocain de confession juive, lui, ne peut le faire si l’autre partie de la relation successorale est un marocain musulman, étant donné que la Moudawana lui sera imposée.

Cela implique-t-il que l’art.2 de la Moudawana remplace ou corrige ce qui est disposé à l’art. 18 du Dahir de 1913 ? Peut-on interpréter que la succession d’un étranger ne soit pas toujours réglementée par sa loi nationale, tel que semble le laisser entendre l’art. 18 du Dahir, mais qu’il faille d’abord savoir si un Marocain est impliqué dans la relation successorale, en quel cas, la loi applicable ne sera pas celle de la loi nationale du défunt mais bien la Moudawana, même si le de cujus n’est pas Marocain ? En effet, si la relation successorale concerne exclusivement des étrangers, la Moudawana n’est pas appliquée. Dans ce cas, c’est la loi nationale du de cujus qui prévaut, conformément à l’art.18 du Dahir qui mène à l’application d’un droit étranger. En revanche, lorsqu’un marocain est impliqué dans la relation successorale, le CFM contient une exception à la règle de conflit de l’article 18 Dahir, empêchant l’application du droit étranger exigé par ladite règle de conflit, pour appliquer le droit marocain, plus concrètement la Moudawana. Par conséquent, la règle de conflit est applicable si les parties à la relation successorale sont des étrangers et qu’aucun d’entre eux n’est musulman. Au cas où l’un d’entre eux serait marocain ou, même si les parties sont marocaines et que l’une d’elles est de confession musulmane, la règle de conflit n’entrera pas en jeu et est alors substituée par l’application du droit matériel marocain.

La délimitation du champ d’application personnel du CFM ne se base pas uniquement sur la religion que les personnes professent. Il existe à ce sujet, un amalgame entre la condition de national et de religion musulmane des personnes, sans cohérence aucune. Il est exigé dans certaines occasions la qualité de national et, dans d’autres, la qualité de pratiquant de la religion musulmane. De plus, ce précepte entraîne des discriminations entre les marocains eux-mêmes, puisque seuls les marocains musulmans et les marocains non-musulmans qui ne sont pas de confession juive peuvent

bénéficier du privilège de nationalité. Par contre, un marocain de religion juive ne peut invoquer le privilège de nationalité pour que lui soient appliquées les dispositions correspondantes à son statut personnel hébraïque marocain au détriment de la loi personnelle étrangère de l’autre sujet intervenant dans la relation successorale, étant donné que la Moudawana, et par conséquent la règle qui consacre le privilège de nationalité, n’est pas appliquée aux marocains juifs10. De fait, la Cour suprême marocaine, dans un litige successoral, a refusé l’application des règles successorales hébraïques marocaines à un demandeur marocain qui professait la religion juive, face à des défendeurs de nationalité tunisienne -également juifs- puisque, selon la règle de conflit, le droit tunisien est applicable à la succession d’un étranger11.

Le privilège de religion a été introduit par la jurisprudence en 1974, lorsque la Cour suprême marocaine a appliqué le CFM à une demande d’ouverture au Maroc d’une succession d’un testateur musulman de nationalité française, décédé, ayant laissé des biens au Maroc12. Au lieu d’appliquer la loi nationale du testateur, (droit français) à laquelle renvoyait l’art. 18 du DCC, la Cour suprême a appliqué le droit marocain, et a désigné l’Etat marocain comme unique héritier, en considérant comme nul le testament en faveur d’un héritier non-musulman puisque les héritiers non musulmans n’ont pas droit à l’héritage selon le droit musulman marocain applicable à la succession. La Cour suprême a étoffé ses arguments en précisant que la conversion à l’islam impliquait l’acceptation des règles de droit musulman en ce qui concerne le statut personnel et les relations successorales d’une personne. Pour cela, ladite conversion doit s’être produite de bonne foi et dans le respect des dispositions légales. Le fait de pouvoir invoquer la religion comme critère d’application de la loi, est un avantage réservé aux musulmans et aux étrangers convertis à l’islam. Cette particularité implique donc un champ d’application plus restreint de la règle de conflit. Ce privilège est fréquemment appliqué par la jurisprudence marocaine, qui ne permet pas l’application du droit étranger prévue par la règle de conflit lorsqu’une partie dans la relation est musulmane,

et que le droit étranger ne désigne pas la loi musulmane comme étant celle applicable (pour le cas d’espèce)13.

Les privilèges de nationalité et de religion permettent de conclure qu’il existe deux régimes distincts en matière de succession au Maroc, contraires au principe d’égalité : le régime de la Moudawana applicable aux ressortissants marocains et aux étrangers de confession musulmane ayant des relations avec des étrangers, et le régime du Dahir applicable aux relations entre étrangers non-musulmans. Les autorités espagnoles devront donc être prudentes dans l’application du droit : lorsqu’il s’agit d’utiliser le mécanisme du renvoi, elles devront justifier pourquoi elles écartent l’application de l’art. 2 CFM, que module l’application de l’art. 18 du DCC.

2. RÈGLES MATÉRIELLES EN MATIÈRE DE SUCCESSIONS AU MAROC

A. FONDEMENTS DU DROIT SUCCESSORAL MAROCAIN

Les questions relatives aux testaments et aux successions trouvent leur source, au Maroc, dans les Livres V et VI de la Moudawana ou Code de la Famille marocain (CFM)14, dont la dernière modification est entrée en vigueur le 5 février 2004. Ces livres s’inspirent en grande partie de la Charia ou Loi islamique, dont les dispositions d’ordre public précisent, de façon très détaillée, les parts d’héritage qui reviennent à chaque membre de la famille. C’est pourquoi, bien que les Codes de la famille des divers pays du Maghreb aient des règles différentes selon l’école islamique à laquelle ils sont rattachés15, leurs lignes générales sont similaires et les réformes élaborées ces

dernières années ont entraîné fort peu de modifications. Le droit marocain suit de manière prédominante la tradition Malikite, bien qu’il y ait des zones où l’on suit d’autres écoles et qui ont reçu l’influence de l’école Abadis16.

Une grande partie des règles du droit des successions marocain, bien qu’elles diffèrent sur certains points du droit espagnol, ne posent pas de difficultés quant à leur application en Espagne. Le droit marocain, de même que le doit espagnol (droit commun) ne reconnaît pas une liberté absolue de tester, étant donné que le de cujus peut seulement laisser 1/3 de ses biens en faveur de personnes déterminées (art. 227 CFM). Ainsi, les 2/3 de l’héritage sont destinés à la famille au sens large du testateur, et aux personnes qu’il a instituées comme héritières par assimilation (tanzil). Plus encore, on pourrait affirmer que, dans la pratique, le recours au testament n’est pas fréquent. On

y a recours uniquement pour déterminer les legs (art. 315 CFM et ss.), pour nommer un tuteur testamentaire (arts. 69 et ss. CFM), ainsi que pour désigner l’exécuteur testamentaire (art. 98 CFM)17. Un testament ne peut être établi en faveur d’un héritier, sans la permission des autres héritiers (art. 280 CFM).

Une différence importante entre le droit successoral marocain et espagnol se situe dans le fait que le droit espagnol exige l’acceptation de l’héritage pour pouvoir attribuer la condition d’hériter la personne désignée comme telle, ce qui donne lieu par la suite à une confusion de patrimoines, sauf s’il y a acceptation sous bénéfice d’inventaire. Au contraire, le droit marocain ne prévoit ni acceptation, ni renonciation à l’héritage. L’héritage s’acquiert de façon automatique18, sans que cela produise de subrogation de l’héritier au lieu et place du de cujus. L’héritier acquiert alors les biens mais ne devient pas débiteur du défunt. Les dettes sont en effet strictement personnelles, raison pour laquelle il ne peut exister d’acceptation sous bénéfice d’inventaire. L’héritier devient le liquidateur forcé de l’héritage (musafi a-tarika) et doit procéder à déterminer les biens et les créances de l’héritage, ainsi que payer les dettes et frais funéraires en rapport avec les biens successoraux, dans l’ordre de priorité établi par la loi (art. 22 CFM). Les héritiers n’acquièrent la condition d’héritier, qu’une fois que les droits des créanciers et les frais funéraires ont été liquidés. Par conséquent, l’intervention d’une autorité pour transmettre le patrimoine du de cujus n’est pas une nécessité pour l’ouverture de la succession.

Par ailleurs, de même que pour le droit des successions espagnol, le doit marocain dispose d’un ordre de succession et de pourcentages de l’héritage qui correspondent aux héritiers, bien que les règles de partage soient très différentes au Maroc. En droit marocain, il doit y avoir un lien de parenté ou de mariage qui confère la qualité d’héritier. Il existe par ailleurs plusieurs types de liens de parenté. Les fils et les filles de la même mère, mais de pères différents, sont des frères et sœurs utérins. Les enfants du même père mais nés de différentes mères sont des frères et sœurs consanguins. Les enfants de même père et de même mère sont appelés frères et sœurs germains. De plus, il existe différents types d’héritiers : les héritiers Fardh, qui ont droit à

une part fixe de l’héritage (art. 337 CFM), comme s’ils avaient le droit à une espèce d’aliments. Leur part dépend de leur concours avec d’autres membres de la famille. Les héritiers concernés par cette part sont : la mère, la grand- mère, l’époux, l’épouse, le frère utérin et la sœur utérine. Les héritiers ‘asaba représentent le noyau dur de la famille du de cujus, à savoir les membres de la famille par consanguinité masculine. Ceux-ci ont le droit à une part variable de l’héritage et ne perçoivent rien si l’héritage est réparti entièrement entre les membres de la famille Fardh, sauf s’il s’agit d’un des membres qui ne pourront jamais être évincés de l’héritage, à savoir la fille, le fils, l’époux, l’épouse, le père et la mère du de cujus (art. 357 CFM). L’aïeul et le père peuvent être des héritiers Fardh et ‘asaba à la fois (art. 339 CFM), et peuvent choisir selon quel titre ils souhaitent hériter. De même que le Code du statut personnel tunisien ou algérien, le CFM admet la représentation dans la succession héréditaire, c’est-à-dire, la substitution des enfants d’un héritier décédé auparavant, pour la même part successoral qu’aurait touché le père ou la mère prédécédé (e).

Le partage de l’héritage doit se faire selon les règles établies aux arts 350, 360 et ss. du CFM. Conformément à ces règles, un seul groupe d’héritiers ne pourrait jamais être totalement évincé de la succession, il s’agit du fils, de la fille, du père et de la mère du de cujus. Deuxièmement, d’autres membres de la famille priment dans la succession : la mère et l’aïeule, l’époux, l’épouse et le frère et la sœur utérins. En troisième lieu, on retrouve les héritiers à la fois Fardh et ‘asaba, c’est-à-dire le père et l’aïeul et ; en dernier, les héritiers ‘asib qui héritent uniquement dans le cas où l’entier de l’héritage n’a pas été partagé19. De plus, il faut tenir compte de la méthode de partage ou ‘awl, règlementée aux arts 317 et 361 CFM, qui permet d’augmenter ou de diminuer la quote-part héréditaire s’il existe d’autres ayant-droits dans la famille (½, 1/3, ¼,1/6,1/8, etc.).

B. MULTICULTURALITÉ OU CHOC DES CULTURES?

a. La règle du tafadol

Le droit des successions marocain contient certaines dispositions qui n’ont pas été modifiées par la nouvelle Moudawana, malgré les efforts de

modernisation du droit privé réalisés par la dernière réforme20. Les effets de ces règles, fortement enracinées dans la culture marocaine, ne sont pas admissibles en Espagne, car ils s’opposent directement aux valeurs constitutionnelles espagnoles. Toutefois, dans un effort de respecter les dispositions de cet ordre juridique étranger -afin de faciliter l’harmonie internationale des décisions présumées favorables aux intérêts des parties de la relation successorale- une estimation de la succession au cas par cas sera effectuée, pour tenir compte de toutes les circonstances particulières. Ceci impliquerait que seuls seraient laissés de côté les préceptes du droit marocain que le système espagnol ne pourrait en aucun cas accepter parce qu’ils iraient à l’encontre de ses valeurs supérieures. Cependant, il faudra appliquer de manière cohérente le reste des dispositions du droit marocain21. L’art. 35 du Règlement des successions suppose un changement radical dans les relations successorales hispano-marocaines. Cet article stipule en effet que seule l’application d’une disposition de la loi désignée par le présent Règlement de tout Etat pourra être exclue si son application est manifestement incompatible avec l’ordre public de l’Etat membre du for. Par conséquent, la règlementation prévoit expressément l’interdiction de rejeter, dans sa totalité, l’application du droit successoral marocain s’il y a un précepte incompatible avec les valeurs constitutionnelles espagnoles. A partir de l’art. 35 du règlement, il ne faudra donc pas appliquer le précepte qui pose controverse mais appliquer, par contre, le reste des dispositions du droit de succession marocain qui ne va pas à l’encontre des valeurs supérieures espagnoles.

L’une de ces règles inadmissibles en Espagne, est la règle de tafadol, dérivant directement du Coran. Conformément à cette règle, bien que des droits successoraux soient reconnus à la femme, celle-ci hérite la moitié de ce qui correspond à l’homme, pour un même degré de parenté (art. 316

CFM)22.Ainsi, la femme veuve hérite d’ ¼ de l’héritage de son mari lorsqu’il n y a pas de descendants, et d’ 1/8 s’il y a des enfants (art. 342 CFM). Par contre, le mari perçoit ½ de l’héritage de l’épouse dans le premier cas, et ¼ dans le second (arts 239 à 241 CFM).23 Quant aux filles héritières asab qui ont des frères, elles reçoivent seulement la moitié de ce que reçoivent leurs frères. D’autre part, la fille ne peut pas être héritière forcée et agnatique à la fois (art. 340 CFM), contrairement au fils.

Il s’agit d’une discrimination en raison du sexe que le qu’on essaie d’expliquer dans le contexte des relations familiales en droit musulman tente de justifier notamment par le fait que culturellement, c’est à l’homme d’entretenir les femmes de sa famille, obligation que n’ont pas les femmes puisqu’en général elles continuent à être femmes au foyer. Cela pouvait avoir un sens dans le passé mais plus actuellement, vu que les femmes ont accédé au marché de l’emploi et peuvent donc subvenir, seules, à leurs besoins. Voilà pourquoi cette norme est obsolète et aurait pu être modifiée lors de la dernière réforme de la Moudawana. En tout cas, cela porte atteinte aux valeurs constitutionnelles espagnoles. C’est également ce que pense la doctrine majoritaire24, à l’exception de certains auteurs qui maintiennent que l’homme et la femme ne sont pas sur un même pied d’égalité. Leur argument repose sur le fait que, lorsque l’un hérite, l’autre est décédé, et que, par conséquent, il n’y a pas de discrimination entre héritiers de même rang, mais une attribution de parts différentes entre l’un et l’autre selon les circonstances25. Néanmoins,

il existe une certaine jurisprudence comparée qui s’oppose à l’exception d’ordre public pour empêcher l’application de la règle du tafadol prévue dans le droit chiite ou algérien. L’ordre juridique pénal iranien prévoit par exemple d’autres règles plus favorables envers les femmes. Lesdites règles essaient de compenser l’inégalité existante, en exemptant par exemple les femmes des charges familiales ou du paiement des frais funéraires, ou encore en leur concédant le droit à des aliments26.

Que la règle du tafadol porte atteinte à l’ordre public international ou non, est une question qui devra être appréciée dans chaque cas d’espèce, en tenant compte de toutes les circonstances et en évaluant les conséquences de l’application du droit marocain, dans le for, pour chaque situation27. D’un côté, s’il n’y a pas d’héritier masculin dans la succession, cela n’enfreindra aucune valeur constitutionnelle espagnole, puisqu’il n’y aura pas, en ce cas, de discrimination en raison du sexe28. Même dans le cas où il y aurait des héritiers masculins, il faudrait faire une analyse au cas par cas, vu que la pratique notariale espagnole admet que, si la femme renonce elle-même à un traitement égalitaire, il n’y a pas de raison pour qu’une règle de droit de succession marocain ne s’applique pas29.

L’analyse au cas par cas de l’ordre public ne doit pas conduire à admettre l’application de la règle du tafadol lorsque le droit marocain doit être appliqué par les autorités espagnoles, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit de la création dans le for de la relation juridique. À la différence des cas où l’on prétend la reconnaissance dans le for d’une situation constituée à l’étranger -cas où l’on a

recours à l’ordre public de proximité pour permettre à l’institution de produire ses effets, même lorsqu’il n’y a pas de liens significatifs avec le for30-. En effet, dans les cas où l’autorité espagnole est appelée à appliquer le droit marocain, rien ne justifie l’application de la règle du tafadol. Les autorités espagnoles ne devraient pas appliquer ladite règle, même si la relation successorale présente très peu de liens avec l’ordre juridique espagnol31. Si elles le faisaient, elles continueraient alors à perpétuer une situation de discrimination injustifiée envers la femme, et cela favoriserait l’extension d’un ordre juridique discriminatoire que l’on essaie de combattre dans l’Etat d’origine32. Même au risque de créer une situation juridique « boiteuse », les autorités espagnoles ne devraient pas se montrer souples en matière de respect des valeurs constitutionnelles (quant à la relation successorale hispano-marocaine) en droit des successions. Toutefois, tel que l’exige l’art. 35 du Règlement sur les successions, l’application du droit marocain ne pourra être rejetée en bloc, il suffira de remplacer la norme contraire à l’ordre public international, afin d’attribuer à la femme les mêmes droits successoraux qu’à un homme placé

dans la même situation33. Une fois la règle incompatible remplacée, le reste des dispositions de droit successoral marocain non incompatibles avec l’ordre public international devront être appliquées. De cette manière, d’autres personnes qui, d’après le droit marocain, auraient également droit à l’héritage ne seraient pas privées de leurs droits, même si, selon le droit espagnol, elles n’y auraient pas droit.

b. La mort civile de l’apostat

Quoique cela ne soit pas expressément mentionné dans le CFM, la mort civile de l’apostat est un autre principe du droit islamique dérivant de la Charia, qui entre en contradiction avec l’ordre public international espagnol. L’apostasie est considérée comme la conversion d’un musulman à une autre religion (ou l’abandon pur et simple de la religion musulmane) et suppose la non-acceptation des deux postulats fondamentaux de l’islam, à savoir qu’il n’existe qu’un seul Dieu et que Mahomet est son prophète.

Abandonner la foi musulmane présente de graves conséquences au Maroc. L’une des conséquences les plus notables est que l’apostasie équivaut, d’une part à la mort physique de la personne. C’est pourquoi, bien que l‘abandon de foi ne soit pas considéré comme l’une des causes légales permettant l’ouverture de la succession, la conséquence logique de cette apostasie est la perte des droits civils et politiques34. Cela s’oppose totalement au droit des successions espagnol, étant donné qu’en Espagne, l’ouverture de la succession n’est pas permise si le décès du de cujus n’est pas constaté médicalement, ou si la déclaration judiciaire du décès n’a pas été faite. Voilà pourquoi, il n’est pas possible de prétendre ouvrir une succession en Espagne, d’une personne de nationalité marocaine, par le seul fait qu’elle ait abandonné la religion musulmane. D’autre part, puisque l’apostat est considéré comme mort civilement, il ne peut ni hériter d’un musulman, ni d’un non-musulman, l’une des conditions essentielles pour pouvoir hériter étant avant tout d’être vivant35. Cette exclusion de la vocation successorale des apostats est prévue

de manière implicite à l’art. 332 CFM. Cet article interdit à l’infidèle d’hériter ab intestat; prohibition d’hériter pour diversité de religion, qui sera analysée ci-après. Cette impossibilité d’hériter du droit marocain porte atteinte au principe de liberté religieuse reconnu à l’art. 16 de la Constitution espagnole, par conséquent, cette règle ne pourra être appliquée en Espagne puisqu’elle va à l’encontre de l’ordre public international36.

c. Impossibilité de successibilité pour le Kafir

L’art. 332 du CFM est clairement incompatible avec l’ordre public international espagnol. Ledit article interdit à l’infidèle, ou Kafir, de pouvoir succéder ab intestat. Ainsi, un non-musulman ne peut hériter d’un musulman, et à l’inverse, un musulman ne peut pas non plus hériter d’un non musulman37. Ceci impliquerait que si le de cujus musulman décède en laissant un enfant non-musulman, qui, à son tour a un descendant musulman, le père non- musulman sera totalement privé de son droit de succession : l’héritage passera intégralement à son enfant qui, lui, croit dans les postulats de l’islam. En revanche, lors d’une succession réglée par testament, l’interdiction d’hériter en raison de différence de culte n’existe pas. Par conséquent un non musulman peut parfaitement recevoir des legs d’un musulman, et un non musulman peut également rédiger un testament. C’est ce qui ressort de l’art. 279 CFM qui, en se référant aux conditions que doit réunir le testateur pour qu’un testament soit valable, exige que celui-ci soit majeur et qu’il ait sa pleine lucidité. Le manque de référence à la profession de la religion islamique laisse supposer que le legs réalisé par un musulman en faveur d’un non musulman, et vice versa, sera valable38.

L’impossibilité d’hériter en raison d’une disparité de culte, dérive directement des paroles du prophète39, d’où le caractère impératif de la règle selon laquelle héritier et de cujus doivent professer la religion islamique. Cette

condition est enracinée dans les pays islamiques. Il existe une justification historique à cela, qui remonte aux origines de l’islam, lorsque Mahomet essaya de l’implanter au milieu d’une grande hostilité de la part des non musulmans de la Mecque et des autres régions de l’Arabie. Les musulmans durent se défendre de l’empire perse et romain puis, ultérieurement, des chrétiens durant les croisades. C’est pourquoi, cette règle s’est imposée dans l’intérêt de l’expansion de la foi musulmane, afin de priver les non-musulmans d’un éventuel droit de succession des croyants. Cependant, cette règle n’a plus aucune raison d’être aujourd’hui, notamment parce qu’il est courant qu’au sein d’une même famille, il y ait des personnes de croyances différentes. Il faut tout de même préciser qu’il ne sera pas toujours facile de prouver qu’un héritier n’est pas musulman, sauf si celui-ci a fait une déclaration expresse, confirmant qu’il ne professe pas la religion musulmane.

Face à ce non-respect des valeurs supérieures de l’ordre juridique du for, certains auteurs estiment qu’il est important de prendre en considération le lien plus ou moins fort du cas avec l’ordre juridique du for. De cette façon, si les héritiers sont domiciliés dans le for, ou ont la nationalité du for, on ne peut en ce cas accepter la discrimination qui leur est faite40. Par contre, si la succession a lieu à l’étranger et concerne une famille musulmane totalement intégrée dans son pays, lesdits auteurs considèrent qu’il n’y aurait pas d’empêchement à s’opposer à l’application du droit successoral étranger41. Même si nous ne sommes pas de cet avis, nous considérons que l’ordre public international ne doit pas être apprécié de façon abstraite, mais qu’il faille prendre en compte toutes les circonstances du cas traité. Et c’est effectivement ce qu’établit l’article 35 du Règlement. Par conséquent, si un de cujus marocain décède ab intestat en Espagne, laissant épouse et fille, toutes deux de nationalité espagnole, et -si le mariage n’est pas valable au regard du droit marocain, et que la mère marocaine du de cujus a droit à l’héritage,- on ne devrait pas écarter l’application du droit marocain., puisque l’épouse n’a pas droit à l’héritage du fait qu’elle ne professe pas la religion musulmane. Appliquer le droit espagnol subsidiairement conduirait à priver la mère du défunt de ses droits héréditaires, alors que celle-ci y aurait droit en suivant le droit marocain. L’exigence pour l’héritier et le de cujus de devoir professer

la même religion musulmane porte effectivement atteinte à l’art. 16 Cst.ES. Cependant, on ne peut pas laisser intégralement de côté l’application du droit marocain. Il nous faut seulement cesser d’appliquer cette règle marocaine discriminatoire, en attribuant une part de succession à l’épouse et à la fille, sans pour autant priver la mère du de cujus de ses droits42.

Il a été suggéré que, si le testament a été rédigé par devant notaire, ce dernier devrait essayer de convaincre les héritiers musulmans d’accepter la participation du non-musulman dans la succession. Si cet accord n’est pas possible, certains auteurs considèrent que le notaire devrait diriger les héritiers vers l’autorité judiciaire concernée43.

d. Distinction entre enfants légitimes et illégitimes en vue d’un héritage

Une autre règle du droit successoral marocain portant atteinte à l’ordre public espagnol, est la distinction, en vue d’un héritage, entre enfants légitimes et illégitimes, nés ou non de parents ayant contracté un mariage musulman. La filiation légitime entraîne la transmission de la religion du père à l’enfant, la naissance d’une série de droits et de devoirs pour le père et l’enfant, et le droit d’hériter mutuellement (art. 145 CFM). La filiation non-légitime ne pose pas de problème de discrimination en ce qui concerne la mère, car cela génère effectivement des liens avec elle, étant donné qu’il n’y a pas de différence entre la filiation maternelle légitime et illégitime; ces deux filiations produisant les mêmes effets en ce qui concerne la mère (art. 146 CFM). Par conséquent, leurs enfants nés hors mariage ont des droits héréditaires, et font partie de l’héritage de la mère au même titre que les autres enfants légitimes, au cas où il y en aurait (art. 83.2.2º CFM). Par contre, la filiation illégitime ne crée pas de lien avec le père (art.148 CFM). Ce traitement différent accordé aux enfants illégitimes entraîne un conflit avec le système espagnol44. Ceci dit,

il est important de savoir si l’application de ces règles de droit de succession marocain respecte ou pas in casu l’ordre public international espagnol.

Avec les changements qui se sont produits suite à la modification de la Moudawana, la filiation paternelle est considérée comme légitime par diverses voies : a) par la voie privilégiée des rapports conjugaux (al firach), l’enfant étant considéré comme issu du lit conjugal s’il nait dans les six mois suivant la célébration du mariage ou dans un délai d’un an après la dissolution de celui- ci (art.154 CFM) ; b) par déclaration du juge de l’existence du mariage, même si aucun mariage n’a été formellement contracté. Il suffit alors de prouver que les parents vivent comme des conjoints, bien qu’ils ne soient pas mariés ;

c) lorsqu’il y a eu rapports sexuels par erreur (choubha), conformément à l’art. 155 CFM, la bonne foi étant un fondement pour l’établissement de la filiation (art. 16, 155 et 156 CFM). De cette façon, il est possible de légitimer l’enfant conçu lors d’une relation entre deux personnes fiancées officiellement (al- khutba). De la sorte, on protège l’enfant si le mariage des parents n’a pas pu être célébré pour des raisons impérieuses45. Si le père ne reconnaît pas la paternité, il est possible de recourir à tous les moyens de preuve légaux pour établir la filiation46, mais ce sont les juges qui détermineront de manière discrétionnaire si les conditions pour ce recours sont réunies. C’est également une voie pour légitimer les enfants nés de parents qui ont contracté un mariage à l’étranger, conformément à la lex loci, mais qui ne peuvent le faire reconnaitre au Maroc, ce qui est à présent possible avec la nouvelle Moudawana, puisque les mariages de Marocains célébrés conformément à la lex loci sont valables lorsqu’ils réunissent certaines conditions substantives et formelles comme, principalement, la non élimination de la dot et la présence de deux témoins musulmans ; d) par reconnaissance par le père (iqrar ou istilhak) conformément aux arts 160-162 CFM, par déclaration en présence de témoins, ou par déclaration manuscrite. Il est également permis de faire cette reconnaissance au cours de la dernière maladie du père ou sur son lit de mort. Cependant, cette reconnaissance peut uniquement être faite par le père, cela ne peut provenir du tuteur testamentaire, ni d’aucun autre parent47.

Les conditions requises pour admettre la reconnaissance de la filiation paternelle sont les suivantes : pleine capacité de discernement du père qui procède à la reconnaissance ; que l’enfant n’ait pas d’autre lien de filiation précédemment établi, que les déclarations de l’auteur de la reconnaissance ne soient pas démenties ni invraisemblables ; que l’enfant majeur consente à la reconnaissance.

Par conséquent, le CFM permet donc une reconnaissance de paternité (art. 145 : la filiation parentale d’un enfant de filiation inconnue est établie par reconnaissance de paternité ; la reconnaissance des enfants conçus pendant les fiançailles est également permise, si cela a eu lieu juste avant la célébration du mariage (art.157 CFM). Nous pouvons déduire de ce qui précède que, conformément à la Moudawana, seule sera considérée comme illégitime la filiation qu’une décision judicaire ne reconnaît pas, c’est-à-dire qu’il faudrait plutôt parler de filiation inexistante que de filiation illégitime48. Par contre, dans les autres cas, la reconnaissance de paternité est possible au Maroc, ce qui permettrait à l’enfant d’accéder au droit successoral. Néanmoins, en droit de la filiation marocain, l’intérêt du père prime, vient ensuite celui de l’enfant, et en dernier, celui de la mère, vu les facultés accordées à l’homme pour pouvoir contester sa paternité. Il faut ajouter également, que la loi n’a pas prévu expressément la recherche de paternité (par preuves biologiques), ce qui réduit les cas prévus par la Moudawana pour lesquels il est possible de faire une recherche en paternité de ce type49. Il faut aussi prendre en compte l’application du CFM par les tribunaux marocains, pour vérifier s’ils restent fidèles à la tradition50, ou si, au contraire, ils interprètent les préceptes de la Moudawana de manière progressiste. S’il est vrai que le CFM ouvre la porte à une large interprétation de la reconnaissance de paternité, les autorités judiciaires peuvent, elles, effectuer une interprétation restrictive. Il est donc fort probable que celles-ci considèrent qu’une reconnaissance en

paternité effectuée hors mariage est invraisemblable, vu que cela n’est pas concevable dans l’islam51. A fortiori, une interprétation en ce sens conduirait à l’impossibilité d’effectuer une reconnaissance de paternité d’un enfant né hors mariage, sauf dans des cas vraiment exceptionnels. Pour franchir certains de ces obstacles, une partie des consulats marocains établis en Espagne admettent désormais l’inscription des enfants nés d’une relation entre deux personnes fiancées de manière formelle, sans célébration de mariage entre les parents, à condition que ceux-ci s’engagent à se marier le plus tôt possible. Ceci dit, bien que cela soit une grande avancée de la part des autorités consulaires, cette progression est insuffisante. Voilà pourquoi, tant que les autorités marocaines continueront à interpréter le CFM d’une manière qui rende la reconnaissance volontaire de paternité pratiquement impossible, des problèmes d’incompatibilité de fait avec l’ordre public international espagnol subsisteront. Par conséquent, il faut non seulement apprécier si la règle en soi contredit les valeurs supérieures espagnoles, mais encore contrôler l’application qu’en font les autorités concernées. Il faut donc insister sur le fait qu’il existe bel et bien une autre interprétation possible de la Moudawana, et que celle-ci permet qu’une paternité soit reconnue.

e. Répudiation, polygamie et droits héréditaires de la femme

Le droit marocain prévoit diverses modalités de dissolution du lien conjugal. L’une d’entre elles, la répudiation, entraîne l’extinction des droits successoraux pour la femme répudiée lorsque son époux décède avant elle. Toutefois, pour déterminer qui est la veuve du de cujus marocain, il faut tout d’abord connaître la valeur que ladite répudiation prononcée au Maroc va avoir en Espagne. En effet, si la répudiation n’est pas reconnue par les autorités espagnoles comme une forme valable de dissolution du lien conjugal, (ce qui serait plausible puisqu’elle ne respecte pas les valeurs constitutionnelles espagnoles), l’épouse répudiée serait toujours l’épouse légale du de cujus, et tous ses droits successoraux seraient maintenus. En revanche, si les conditions pour admettre la validité de la répudiation sont réunies, c’est-à-dire si les droits de la femme ont été respectés, il n’y a aucun inconvénient à admettre

que celle-ci ne soit plus une épouse légitime du de cujus, et donc qu’elle ne soit pas sa veuve. Ceci oblige à définir au préalable quel type de forme de dissolution du mariage a été choisie pour y mettre fin.

Lorsque les conjoints ont eu recours au tamlik, julc et au tatliq (dissolution pour d’autres causes, pour dissentiment ou par accord mutuel), il ne doit pas y avoir, en Espagne, d’obstacle à la reconnaissance, car ce sont des modalités de dissolution du mariage compatibles avec les valeurs constitutionnelles espagnoles, même si les effets économiques pour la femme peuvent être différents. Le terme « répudiation » est réservé pour le talaq, autrement dit la répudiation que l’homme peut prononcer de façon unilatérale par déclaration de sa simple volonté, sans devoir se justifier. Néanmoins une intervention judiciaire pour l’autorisation préalable, la tentative de réconciliation entre les époux et la garantie du paiement des droits économiques, sont nécessaires (art. 78 CFM). Bien que le rôle du juge soit très limité, sa fonction est par contre très importante en tant que garant de l’accomplissement des obligations économiques du mari52, vu que celui-ci doit verser un montant plus élevé si la répudiation est prononcée sans aucun motif, et un montant moins élevé si la répudiation est basée sur une cause imputable à l’épouse. Le tamlik est une autre modalité de répudiation: la femme peut l’exercer unilatéralement, mais seulement si le mari lui a accordé cette possibilité dans leur acte de mariage. Il existe également le khol, où le mari accepte la répudiation, après le paiement, par la femme, d’une compensation économique. Cela peut se traduire par la renonciation à la dot, la restitution de la dot, ou la renonciation aux montants qui pourraient lui revenir pour ladite répudiation53. Dans ce type de répudiation comprenant une compensation, l’autorité judiciaire intervient

également pour s’assurer que chacune des parties accomplit ses obligations économiques54.

Il faudra analyser au cas par cas, étant donné que la réglementation marocaine a déjà établi des limites indirectes à la répudiation indiscriminée, en y liant des obligations économiques. La dissolution du lien est conditionnée à l’accomplissement préalable de ces obligations économiques, lesquelles sont garanties par l’intervention judiciaire. Certains auteurs considèrent que, mis à part le type de répudiation et de son éventuelle révocabilité, il faut étudier le lien que présente la relation successorale avec l’ordre juridique du for. Ainsi, si celle-ci ne présente pas de liens significatifs avec le pays où l’on prétend la faire valoir, les effets de la répudiation pourraient y être reconnus55. D’autres considèrent que la reconnaissance des effets de la répudiation dans le for devrait dépendre du délai entre ladite répudiation et le décès du de cujus56.En tout cas, dans toutes les situations susmentionnées, il s’agit de définir dans le for les effets d’une situation préexistante qui étend ses effets à l’étranger57.

Si l’on maintient une position cohérente avec la défense des valeurs supérieures de l’ordre juridique du for, ce qui doit primer, ce n’est pas le lien plus ou moins fort de la relation juridique avec le for, mais l’atteinte plus ou moins importante portée aux droits de l’homme. C’est pourquoi, indépendamment du lien ou du temps qui s’est écoulé, ce qu’il faudra évaluer, c’est si les droits de la femme ont été respectés, et si elle a sollicité la répudiation ou y a consenti. Si ces conditions n’existent pas, la répudiation ne devrait pas déployer d’effet en Espagne, et les droits successoraux de l’épouse devraient être maintenus, indépendamment de la situation juridique boiteuse présente au Maroc.

Si le de cujus, après avoir répudié sa femme, s’était marié en secondes noces avec une autre femme, que se passerait-il quant aux droits de la seconde épouse? Si l’on admettait la reconnaissance de la répudiation, la seconde épouse serait alors la veuve légale et, par conséquent, l’héritière. Ceci impliquerait que la première épouse serait privée de l’héritage; elle n’hériterait donc pas. Par contre, si la validité de la répudiation n’était pas admise, la première épouse demeurerait la conjointe officielle du de cujus, et le second mariage ne serait pas reconnu en Espagne. Dans ce cas, la seconde épouse devrait-elle être privée de ses droits successoraux ?

L’admission de la polygamie en droit marocain (arts. 39 et 40 CFM)58 et l’attribution de droits pour les femmes veuves qui en découlent, s’opposent également à l’ordre public constitutionnel espagnol. Cependant, l’appréciation de l’exception d’ordre public international doit se faire avec prudence, car, dans le cas contraire, la femme subirait un double préjudice. S’il n’est pas admis que la deuxième ou troisième épouse simultanée puisse hériter parce que la validité de leur mariage est incompatible avec les valeurs constitutionnelles de l’Espagne, les droits de ces épouses seront encore plus limités. Premièrement, la femme subit une discrimination en raison de son sexe, puisqu’elle ne peut, elle, contracter d’autres mariages tant que son mariage existe. Deuxièmement, elle souffre d‘un autre préjudice, puisqu’elle ne peut pas non plus percevoir d’héritage. Il faudrait étudier l’utilisation éventuelle de l’ordre public atténué, qui lui permettrait de pouvoir hériter en partageant l’héritage avec les autres épouses du de cujus. Mais l’ordre public pourrait intervenir à ce moment-là pour protéger les droits de la première épouse lorsque le mariage monogame est de règle59. Cet effet atténué de l’ordre public international peut également être utilisé par les autorités extra-judiciaires, lorsque des notaires interviennent, par exemple, dans la succession60.

Cependant, les cas de polygamie qui existent au Maroc peuvent être dus à l’admission du mariage alors que d’autres liens antérieurs n’ont pas été dissous mais aussi aux cas de célébration d’un mariage, valable dans un pays mais non-reconnu dans un autre. Cela peut donner lieu à un certain nombre de situations boiteuses qui génèrent donc des cas de polygamie de fait. Dans cet exemple-ci, la reconnaissance de la condition de conjoint survivant - veuf ou veuve- dépendra de la valeur qui sera donnée, dans le for, à la question préalable de la validité du mariage. En ce sens, la célébration d’un mariage en Espagne, contracté conformément à la lex loci, mais non-reconnu au Maroc, parce que l’une des conditions requises fait défaut, permettrait au contractant marocain de célébrer un autre mariage de manière valide au Maroc qui ne serait pas reconnu en Espagne. Si cela arrivait, si le mari devenait veuf de sa deuxième épouse -simultanée de fait- ses droits successoraux en Espagne seraient difficilement reconnus, car sa bonne foi (en ayant contracté mariage en deuxièmes noces, sans avoir dissous au préalable le premier) pourrait être remise en cause. Si le mari décède, on pourrait par contre envisager la possibilité que la “deuxième veuve” ait droit à une part de la succession du mari, cette situation équivalant à celle de la polygamie de droit.

f. Non-reconnaissance de l’adoption ou du mariage entre personnes de même sexe au Maroc

Jusqu’à présent, il était très fréquent que des mineurs marocains entrent sur le territoire espagnol sous le régime de la Kafala. Ensuite, le kafil demandait la conversion de la kafala en adoption, bien que la kafala marocaine ait une nature distincte de l’adoption et qu’au Maroc -sur la base des versets 33:4 et 33:5 du Coran61- l’adoption est considérée comme nulle (art. 149 CFM). L’obligation pour le kafil espagnol de se convertir à la religion musulmane avant la constitution de la kafala au Maroc, de même que la présomption que, par ladite conversion, les préceptes du Coran seront respectés, n’a pas empêché que des adoptions de ces mineurs soient sollicitées en Espagne. Les tribunaux espagnols ne peuvent pas contrôler le respect des préceptes musulmans en

61 En revanche, dans d’autres pays de religion musulmane, comme l’Indonésie, la Tunisie ou la Turquie l’adoption est admise. Cf. QUIÑONES ESCÁMEZ, A., «Impedimentos matrimoniales, leyes de policía e internacionalidad. Alcance de las prohibiciones propias (bigamia) y las ajenas (adopción del menor venido en kafala)», in ÁLVAREZ GONZÁLEZ, S., (ed.): Estudios de Derecho de familia y de sucesiones (Dimensiones interna e internacional), Grupo de investigación De Conflito Legum, Santiago de Compostela, 2009, p. 260.

raison du principe de liberté religieuse. Ce manque de respect des règles de droit marocain a conduit à la publication d’une Circulaire du ministère de la Justice marocain du 6 mai 2013 pour bloquer les processus de kafala déjà initiés. Tout cela a donné lieu à une réforme de la règlementation en cours qui pourrait en arriver à interdire les kafalas en faveur des étrangers. Dans le souci de favoriser à nouveau l’ouverture d’accueils de mineurs marocains sous le régime de la kafala, est toujours en vigueur la réforme de la loi 54/2007 du 28 décembre 2007 relative à l’adoption internationale, afin d’empêcher que l’Espagne autorise l’adoption d’un makful, dans les cas où l’adoption serait interdite dans le pays de provenance du mineur. Nous attendons de voir comment cette règle sera finalement rédigée et interprétée. De fait, la Belgique a également prévu d’appliquer la loi nationale des adoptants, de sorte que si ceux-ci sont marocains, il n’y aura pas d’adoption possible. Cependant, par la voie de l’exception, la Belgique en arrive à passer outre la prohibition de l’adoption du droit marocain. En effet, si l’application du droit étranger porte manifestement atteinte à l’intérêt supérieur du mineur, et si l’adoptant ou les adoptants ont des liens manifestement étroits avec la Belgique, ceci constitue un motif d’application du droit belge pour les conditions d’établissement de l’adoption. Quelle que soit la solution qui sera finalement choisie, il faudra toujours faire en sorte que l’intérêt du mineur soit suffisamment protégé.

En ce qui concerne les mineurs marocains arrivés en Espagne sous le régime de la kafala et pour lesquels un jugement d’adoption a déjà été rendu, des difficultés peuvent se présenter. En effet, si l’un des kafils décède et que la loi marocaine est applicable à la succession, ce sont les enfants du de cujus qui auront droit à l’héritage. Or, les makfuls ne sont pas des héritiers légaux, à moins que le testateur leur ait laissé un legs. Mais en Espagne, ces mineurs sont considérés comme des enfants adoptés : les exclure de l’héritage porterait par conséquent atteinte à l’ordre public international espagnol. C’est un exemple typique qui illustre bien le manque de reconnaissance entre les institutions des deux ordres juridiques, qui conduit à des effets pervers dans le domaine successoral. Si l’on considère le mineur comme un enfant du de cujus, le droit marocain ne sera pas appliqué, pour des motifs d’ordre public international. Mais, selon l’article 35 du Règlement des successions, les préceptes du droit marocain qui excluent l’enfant de l’héritage seront les seuls à ne pas être appliqués, il faudra se plier à la définition de « l’enfant » tel que le prévoit le

droit espagnol, et non d’après le droit marocain. Tous les autres préceptes du droit marocain devront, cependant, être appliqués.

De la même manière, le droit espagnol reconnaît facilement la qualité de conjoint à toute personne de nationalité marocaine qui aurait contracté mariage avec une autre personne de même sexe, que ce soit en Espagne, dans un autre pays membre de l’UE, ou dans un Etat tiers. Il est alors attribué des droits successoraux au conjoint veuf, lequel est désigné en tant qu’héritier légal et réservataire. En revanche, il sera impossible, au Maroc, que soient attribués à cette personne des droits successoraux en qualité de conjoint survivant. Par conséquent, l’ouverture d’une succession par les autorités espagnoles n’aurait aucun effet au Maroc vu que cela irait à l’encontre des prescriptions de la Moudawana. De même, si la déclaration d’héritiers provient du Maroc, cela n’aurait pas non plus d’effets en Espagne, puisque cela contreviendrait à l’ordre public international espagnol, ne respectant pas le principe de non- discrimination en raison du sexe. Dans ce cas, il faudra également utiliser l’ordre public international, conformément à l’article 35 du Règlement de successions, pour écarter uniquement l’application du précepte marocain incompatible avec l’ordre international espagnol. Le reste des préceptes de droit marocain relatif aux successions devra être appliqué.

III. DEPUIS QUAND LE RÈGLEMENT (UE) 650/2012 AFFECTE LES RELATIONS HISPANO-MAROCAINES EN MATIÈRE DE SUCCESSIONS
1. LE RÈGLEMENT (UE) 650/2012 ET SES CONSÉQUENCES VISIBLES SUR LES RELATIONS HISPANO-MAROCAINES EN MATIÈRE DE SUCCESSIONS

En Espagne, c’est en principe la loi établie en vertu de l’art. 9.8º CC qui sera appliquée pour les successions, si le décès est survenu avant le 17 août 2015. À partir de cette date, la loi applicable aux successions pour cause de mort sera déterminée par l’Espagne, de même que par les autres pays de l’UE (sauf le Danemark, le Royaume Uni et l’Irlande), conformément au Règlement 650/2012. Vu le caractère universel de ses normes, ce Règlement remplacera complètement le régime prévu à l’art. 9.8º CC, sauf pour les conflits de lois internes. Plus concrètement, toutes les successions pour lesquelles le décès en cause est survenu à partir de cette date, devront s’en tenir aux dispositions du Règlement (art. 83). Par contre, les successions qui ont lieu depuis le 17 août

2015, mais pour lesquelles le décès est survenu avant cette date, continueront à être régies par l’art. 9.8 CC.

Ceci dit, le Règlement est entré en vigueur 20 jours après sa publication dans le JOUE, le 27 juillet 2012 (art. 84). Cela signifie que, depuis le 16 août 2012, les testateurs ont la possibilité d’organiser leur succession en tenant compte des diverses voies qu’offre le Règlement, puisque l’art. 83.2º le prévoit ainsi. Ce précepte comprend une règle de droit transitoire qui permet aux testateurs de choisir la loi applicable à leur succession avant le 17 août 2015. Ce choix sera valable si les conditions prévues au chapitre III (relatif à la loi applicable) ou si les conditions de validité en application des règles du DIPr. en vigueur au moment du choix, dans l’Etat où le testateur avait sa résidence habituelle ou dans tout autre Etat de sa nationalité, sont réunies. Certains notaires considèrent cependant qu’une anticipation du choix de loi applicable ne prendra effet que dans la mesure où le décès se sera produit après le 17 août 201562. En effet, si le testateur est mort avant cette date, le choix ne sera pas suivi d’effet s’il n’est pas valide selon le DIPr. en vigueur dans le pays de sa résidence habituelle au moment où il a fait son choix. Il s’agit d’interpréter quel est le DIPr. en vigueur au moment du choix: si c’est l’art. 9.8º CC, en ce qui concerne l’Espagne, ou si c’est le Règlement (UE). De notre point de vue, nous pensons que le Règlement représente le DIPR en vigueur, car il est d’ores et déjà applicable même si toutes ses dispositions ne sont pas encore appliquées. Une interprétation différente empêcherait que l’art.83.2º du Règlement produise un effet utile, autrement dit, ledit précepte ne servirait à rien, puisque seuls pourraient choisir la loi applicable à leur succession les ressortissants de pays dont l’ordre juridique admet déjà la professio iuris. Quant aux relations hispano-marocaines en matière de successions auxquelles on se réfère ici, cette prévision ne suppose pas un énorme changement puisqu’actuellement, la seule possibilité pour un marocain serait de choisir l’application de sa loi nationale relative à la succession (loi nationale qui lui sera également appliquée en vertu de l’art. 9.8º CC). Les espagnols n’ont pas non plus d’autre possibilité étant donné que la loi espagnole sera l’unique loi applicable à leurs successions, qu’ils choisissent leur loi nationale conformément à ce que leur permet l’art. 83.2º du

Règlement, ou que leur soit appliqué l’art. 9.8º CC. Néanmoins, une fois que le Règlement sera applicable dans son intégralité, d’importants changements se produiront en matière de loi applicable.

Le Règlement est d’application universelle (art. 20), ce qui signifie que les autorités espagnoles pourraient devoir appliquer le droit d’un Etat non- membre de l’UE à une succession, comme le droit marocain, par exemple. Ceci concerne donc les successions hispano-marocaines. Par conséquent, les règles successorales établies dans le Règlement seront appliquées à la succession d’un testateur marocain qui aurait sa dernière résidence en Espagne. Si ce testateur marocain opte pour l’application de sa loi nationale, il faudra appliquer le droit marocain à ladite succession, tel que le stipule l’art. 22. En revanche, s’il ne choisit pas sa loi nationale, il faudra appliquer à sa succession la loi espagnole dépendant de sa résidence habituelle au moment du décès. Ceci suppose un changement substantiel, puisque l’on passe de l’application de la loi nationale (unique possibilité en vigueur actuellement), à l’application de la loi de sa résidence habituelle (non seulement par la voie de l’exception d’ordre public international, mais aussi par manque de reconnaissance du droit marocain comme cela était le cas jusqu’à présent). Par conséquent, les marocains qui désirent que le droit marocain régisse leur succession devront opter pour ce choix.

En outre, les autorités espagnoles pourraient s’occuper de la succession d’un marocain résidant au Maroc qui aurait des biens en Espagne. Les autorités en question devront appliquer le droit marocain à ladite succession puisqu’il existe un lien avec le lieu de sa dernière résidence habituelle. Seront également appliquées les normes du Règlement qui conduiront à l’application du droit d’un pays non-membre de l’UE, -en l’espèce, le droit marocain-, à un espagnol qui réside au Maroc et qui n’aurait pas opté pour l’application de sa loi nationale, mais qui a des biens en Espagne [art.10.1º a)] ou sa dernière résidence habituelle en Espagne, et que cinq ans ne se soient pas écoulés depuis le changement de résidence [art. 10.1ºb)] pourvu que ce soit un tribunal espagnol qui connaisse en la matière. Ceci implique un important changement en ce qui concerne les règles de droit en matière de successions en vigueur en Espagne jusqu’à aujourd’hui, vu que l’on passe du critère de rattachement à la nationalité, à celui de la résidence habituelle, soumettant

par conséquent la succession d’un espagnol à un droit étranger et non plus au droit espagnol, comme cela se faisait habituellement.

2. LA PROFESSIO IURIS EN MATIÈRE SUCCESSORALE

A. PROFESSIO IURIS ET MAINTIEN DU CRITÈRE DE RATTACHEMENT À LA NATIONALITÉ

Une importante nouveauté en droit international privé espagnol, et ayant une incidence sur les relations successorales hispano-marocaines, est le retrait, en second plan,du rattachement à la nationalité qui n’est plus considéré comme un critère adéquat à une époque de grandes migrations63 et qui a encore moins sa place dans un texte communautaire64. La loi nationale sera donc uniquement utilisée si elle est choisie par le testateur en tant que loi régulatrice de sa succession. Il s’agit de la conséquence de l’introduction de la professio iuris en matière de successions, ce qui représente un changement radical dans le système successoral espagnol65.

L’attribution de cette faculté de pouvoir choisir la loi applicable à sa succession a l’avantage d’introduire une plus grande sécurité juridique, en permettant à l’intéressé d’organiser sa succession à l’avance, conformément aux prescriptions de l’ordre juridique correspondant à sa nationalité. Cette sécurité juridique est plus forte dans la mesure où, une fois exercé le choix de sa loi applicable, le renvoi est exclu, et ce sont alors les règles matérielles correspondantes à l’ordre juridique national qui s’avèrent applicables. Cela permet également d’unifier les lois applicables à la succession, en évitant le fractionnement légal de la succession, ce qui peut être intéressant dans les

cas où le testateur appartient à un système légal scissionniste, bien que ce ne soit le cas ni du Maroc ni de l’Espagne. En outre, le critère de l’autonomie de la volonté place les différents systèmes juridiques et modèles culturels sur un plan d’égalité, laissant ainsi toute la liberté aux personnes de choisir leur propre mode de vie et de développement personnel66. Et, puisque les motivations qui conduisent une personne à choisir une loi applicable à sa succession peuvent être très diverses et sont toujours subjectives, il est préférable de ne pas imposer de loi, et de laisser l’intéressé faire son propre choix et décider s’il désire que sa succession soit régie par sa loi nationale.

Ceci dit, ce n’est pas une liberté absolue qui est reconnue au testateur, on lui offre seulement l’opportunité de choisir sa loi nationale pour régir sa succession (art. 22), que ce soit unilatéralement sous la forme d’un testament ou sous une forme plurilatérale, moyennant un pacte de succession. Il est également possible que le choix de la loi applicable à la succession soit le contenu unique en soi du testament ou du pacte successoral. Par conséquent, vu le caractère universel du Règlement 650/2012, si un marocain résidant en Espagne choisissait sa loi nationale pour régir sa succession, seule ladite loi s’avèrerait applicable.

On peut critiquer le fait que le législateur communautaire ait restreint autant les possibilités de choisir la loi applicable à la succession et qu’il permette uniquement au testateur d’envisager son héritage conformément au droit de sa nationalité. Ce qui nous interpelle plus encore, si l’on tient compte du fait que le critère de rattachement à la nationalité est en recul dans le domaine des relations personnelles et familiales et qu’il conduit très souvent à l’application du droit du for, en raison des problèmes d’application qu’il pose (difficultés de preuve, ordre public international)67, l’un des arguments le plus utilisé en faveur de cette restriction est justement le besoin de protéger

les héritiers de manœuvres du testateur68. Mais ceci n’a pas de sens dans le cas des relations hispano-marocaines puisque, comme nous l’avons vu auparavant, c’est justement la loi nationale du testateur marocain qui peut nuire aux droits de certains héritiers. Ce problème aurait pu être résolu, le cas échéant, en établissant une règle en vertu de laquelle on ne pourrait priver les héritiers de leur part réservataire, comme cela se passe dans certains ordres juridiques, comme dans le droit belge, italien, ou roumain69, quoique de cette manière, l’autonomie de la volonté soit trop restreinte, au point que cela lui fait perdre toute son utilité. Bien évidemment, permettre au testateur de choisir l’application de la loi de sa résidence habituelle au moment du décès ne lui offre pas plus d’options, étant donné que celle-ci est objectivement applicable à la succession, même si cela aurait permis au testateur d’organiser sa succession avec une totale sécurité au départ70, et aurait ainsi résolu le problème de détermination de la résidence habituelle, lorsque celle-ci est douteuse. Par contre, il aurait été judicieux de permettre le choix de la loi de la résidence habituelle (que le testateur a au moment de faire son choix) même dans le cas où il aurait sciemment cherché à mentir sur sa résidence habituelle dans l’unique dessein de ne pas devoir appliquer d’éviter d’appliquer d’autres règles de successions qui ne lui conviendraient pas71. Même dans ce cas, le fait de pouvoir choisir sa loi nationale est considéré comme positif, en raison du lien, formel au moins, entre le testateur et sa loi nationale. Etant donné qu’il s’agit d’un lien stable, vu le cheminement long et complexe du changement de nationalité, cela lui permet de résider dans plusieurs pays, d’éviter les fraudes, d’augmenter la sécurité juridique et la vie à l’international de la personne72 puisque cela lui permet de résider dans divers pays sans que cela ne change la loi réglementant sa succession. De plus, certains auteurs

affirment que l’on peut éviter qu’une loi soit choisie uniquement dans le but de frustrer les attentes légitimes des futurs héritiers73. Toutefois, en n’exigeant aucun élément de lien avec son droit national, le testateur peut opter pour l’application de son droit national, sans prendre en compte l’intérêt de ses héritiers, même s’il se trouve très éloigné de cet ordre juridique et que la recherche de cette loi nationale suppose des coûts très élevés. Malgré cela, les attentes des héritiers ne peuvent primer sur la liberté du testateur de pouvoir organiser sa succession comme bon lui semble. C’est pourquoi la possibilité de choisir sa loi nationale est tout à fait justifiée, même si elle ne présente pas de lien fort avec le testateur.

Le Règlement n’a pas fixé de règle concrète pour choisir la loi applicable. Il est donc possible de recourir à tout moyen d’expression, pourvu que ce choix soit clairement établi. Par exemple, le testateur pourra disposer qu’il désire que sa succession soit régie par le droit de la nationalité qu’il possède au moment de faire la disposition mortis causa, ou par le droit marocain. Etant donné que le Règlement ne stipule rien qui l’interdise, il serait aussi possible pour le testateur de spécifier son choix, dans les cas où son droit national serait un système pluri législatif. Ainsi, rien ne s’oppose à ce que le testateur choisisse que sa succession soit régie par le droit correspondant à sa « vecindad civil » (citoyenneté régionale)[Ndt], par exemple par le droit catalan74. Ceci serait possible dans la mesure où la nationalité a à voir avec la « citoyenneté régionale », cette dernière agissant comme loi personnelle applicable dans la dimension interne du Droit international privé. Ceci dit, un espagnol étant

« citoyen » d’une Communauté Autonome, ayant un droit de succession qui lui est propre, pourrait-il opter, en choisissant sa loi nationale, pour le droit autonome correspondant à sa « citoyenneté régionale » [Ndt]75 ou pour le

droit civil national? Ou au contraire devrait-il obligatoirement choisir le droit du for correspondant au lieu de sa « citoyenneté régionale »? Cette dernière option est cohérente avec l’identification de la nationalité de la « citoyenneté régionale » dans la dimension interne du droit international privé, c’est pourquoi il ne serait pas logique qu’un espagnol, ayant une « citoyenneté régionale », choisisse comme loi applicable celle d’une autre « citoyenneté régionale »76.

Quant à l’espagnol résidant au Maroc et qui n’aurait jamais vécu en Espagne, il semble que la seule loi nationale qu’il pourrait choisir serait celle correspondant à la loi de sa « citoyenneté civile » commune qui s’ajoute à la règle du for du domicile.

Le Règlement 650/2012 suit les règles de la Convention de la Haye du 1er août 1989 concernant la loi applicable aux successions pour cause de décès, qui permet le choix exprès ou tacite de la loi (art. 5.2.1). C’est dans cette même ligne que se situe le Règlement. Le choix tacite de la loi nationale, se produit, par exemple, en faisant référence à des dispositions concrètes de cet ordre juridique. Ainsi, le Règlement concorde avec de nombreux autres ordres juridiques étrangers qui admettent le choix de la loi en matière de successions, comme c’est le cas des Pays Bas - unique pays ayant ratifié la Convention de la Haye du 1eraoût 1989 sur la loi applicable aux successions pour cause de décès-77, la Belgique, le Bénin, la Bulgarie, le Burkina Faso, la Corée du Sud ou la Finlande. De plus, elle suit également la ligne adoptée par les pays qui, soit par voie législative, soit par voie jurisprudentielle, reconnaissent la liberté de choix de la loi applicable comme l’Allemagne, le Liechtenstein, la Roumanie ou le Québec. L’Italie et la Suisse sont néanmoins plus restrictives dans ce domaine.

B. LA PROFESSIO IURIS

EN CAS DE CHANGEMENT DE NATIONALITÉ OU DE DOUBLE NATIONALITÉ

L’admission de la professio iuris prétend apporter une sécurité juridique au testateur, de sorte qu’il puisse organiser sa succession en connaissant, à l’avance, les règles qui lui seront applicables. Pour apporter un plus grand éventail d’options, le Règlement permet d’opter pour la loi nationale au moment de faire son choix ou pour la loi nationale au moment du décès (art. 22.1). Cette double possibilité est en vérité très curieuse car, sauf si le testateur est en cours d’acquisition d’une autre nationalité, il est fort peu probable qu’il sache à l’avance quelle autre nationalité il aura au moment de son décès, nationalité différente de celle qu’il possède au moment de faire son choix. Même dans ce cas, si un testateur de nationalité marocaine a entamé une procédure de naturalisation espagnole du fait de sa résidence (art. 2 2C.c) et qu’il a décidé de choisir la loi espagnole en tant que loi de sa future nationalité (celle du moment de son décès) comme loi applicable à sa succession, il y a toujours le risque que le décès survienne avant d’avoir acquis effectivement la nationalité espagnole. Rien ne permet de s’assurer, non plus, que ladite nationalité lui sera accordée. Il est par conséquent difficile de dire si cette possibilité de choisir la loi nationale actuelle ou la loi nationale du moment du décès, contribue à renforcer la sécurité juridique. Il s’agit plutôt d’un cas de professio iuris fictive.

Que se passerait-il si le testateur, ayant choisi la loi espagnole en raison de sa nationalité au moment de son décès, faisait des dispositions testamentaires conformément à la loi espagnole et que, finalement, il n’arrivait pas à acquérir ladite nationalité ? Lui appliquerait-on le droit espagnol à titre de loi de sa dernière résidence habituelle, bien qu’il ait choisi l’application de la loi de sa nationalité au moment du décès, et qu’il s’agisse en fin de compte de la nationalité marocaine, étant donné qu’il n’a pas pu être naturalisé avant son décès ? Dans ce cas, même si le de cujus a fait des références concrètes au droit espagnol et que cela puisse s’interpréter comme un choix tacite, l’application du droit espagnol ne pourrait être admise en tant que loi choisie, puisque la possibilité d’opter entre la loi de sa nationalité ou la loi nationale de sa résidence habituelle -comme il aurait été plus raisonnable et cohérent-, ne lui a pas été donnée. Si la loi espagnole est finalement appliquée à la succession, ce ne sera pas parce qu’il l’a choisie, mais parce que c’est la loi objectivement

applicable dans ce cas, à défaut de choix et, en tout cas, chaque fois qu’il n’existera pas de rattachement plus étroit du testateur avec le droit marocain. Voilà pourquoi l’effort du testateur marocain pour organiser sa succession conformément au droit espagnol, en tant que future loi nationale prévisible, ne sert à rien. La formule utilisée, selon laquelle « toute personne pourra désigner la loi de l’Etat dont il possède la nationalité au moment de réaliser son choix ou au moment du décès » n’est donc pas tout à fait judicieuse. À partir du moment où le testateur change de nationalité, s’il décide de choisir cette nouvelle loi nationale, il n’a plus d’option entre les différentes lois nationales car la loi sera la même, à savoir celle du moment du choix et celle du décès. Il y aura une coïncidence de lois et la dualité n’est alors qu’apparente.

Ce qui est clairement précisé par ailleurs, c’est que le disposant ne peut choisir comme loi applicable à sa succession une loi nationale qui ne correspond plus à sa nationalité, même s’il s’agit d’une nationalité qu’il possédait antérieurement. La règle permet uniquement de choisir la loi de la nationalité que l’on possède au moment du choix. Par contre, si le de cujus possédait la nationalité marocaine au moment de faire son choix, qu’il ait choisi cette loi pour régir sa succession ; même si ultérieurement il perdait cette nationalité, l’option effectuée resterait valide dans la mesure où il s’agit de la loi nationale qu’il avait au moment de faire son choix.78

Le législateur communautaire, au moment de la rédaction de cette règle, avait peut être en tête cette possibilité que le testateur fasse des dispositions testamentaires conformément à sa loi nationale au moment de la disposition de celles-ci, avant qu’il ne change postérieurement de nationalité. Dans cette hypothèse, une solution comme celle prévue par le législateur espagnol à l’art. 9.8º CC a un sens. En effet, cette disposition légale permet de reconnaitre la validité des dispositions testamentaires lorsque celles-ci ont été faites conformément à sa loi nationale au moment de choisir, ou celle de la nationalité possédée par le de cujus au moment du décès. Néanmoins cela n’est pas la teneur du précepte. La norme dans ce cas permet simplement au testateur de résoudre le problème du conflit pouvant survenir dans le cas

d’un changement de nationalité, et ceci directement au moment où il fait la disposition indiquant la loi applicable à sa succession. Ainsi, s’il change de nationalité après avoir fait ladite disposition, il n’aura pas à se préoccuper de prévoir une autre disposition pour indiquer quelle est la loi nationale applicable à sa succession. Ou encore pour les cas où, possédant une nationalité, il acquiert ensuite une autre nationalité, sans perdre toutefois celle qu’il avait auparavant. Dans ce cas, bien qu’il ait une autre nationalité au moment du décès, le choix réalisé en faveur de la première loi nationale reste valide.

Cette règle peut être plus utile encore, dans des cas de changement de résidence habituelle du testateur, sans toutefois acquérir « la citoyenneté régionale » dans la nouvelle communauté autonome79. Dans ce cas de figure, celui-ci pourra opter pour l’application du droit correspondant au lieu de la « citoyenneté régionale » de l’ancienne communauté autonome où il résidait, ou alors faire en sorte que lui soit appliqué le droit correspondant à sa nouvelle résidence habituelle à titre de loi découlant de la résidence habituelle. En revanche, s’il choisit sa loi nationale une fois qu’il a acquis « la citoyenneté régionale » dans la nouvelle communauté autonome où il réside, il y aura à nouveau superposition entre loi nationale et loi de la résidence habituelle, alors qu’il n’existe qu’une seule et unique loi successorale : celle de sa résidence habituelle, coïncidant avec celle de sa « citoyenneté régionale ».

L’unique flexibilité que concède l’art. 22.1 in fine lorsque le testateur possède deux ou plus de deux nationalités, c’est de lui permettre d’opter pour l’une d’elles, sans que ne soit exigée aucune condition d’effectivité de la nationalité, en accord avec la jurisprudence de la CJUE, entre autres, dans les cas Micheletti ou Garcia Avello. De cette manière, on prétend éviter le risque qu’une personne fasse prévaloir la nationalité du for, entraînant ainsi des difficultés d’identification de la nationalité effective80. Autrement dit, même dans des cas de ce genre, cette option est problématique pour les de cujus hispano-marocains. Le Règlement ne règle pas le problème de la définition d’une personne citoyenne d’un Etat, comme le signale le considérant 41. Ce problème doit-être résolu en conformité avec la législation nationale de cet Etat, y compris de ses conventions internationales, tout en respectant les

principes généraux de l’UE. Si l’application des règles de l’art. 9.9º CC reste possible, il paraîtra douteux qu’une autorité espagnole admette la possibilité que le testateur originairement marocain -et qui aurait acquis la nationalité espagnole par la suite- puisse opter pour la loi de son autre nationalité, autrement dit la loi marocaine. L’Espagne n’acceptant pas le maintien d’une double nationalité espagnole-marocaine en cas de naturalisation, le de cujus doit renoncer à la nationalité marocaine pour acquérir la nationalité espagnole. Les autorités espagnoles vont le considérer exclusivement espagnol vu qu’il s’agit d’un cas de double nationalité que les lois espagnoles ne prévoient pas. Pour le droit marocain, le fait de renoncer à la nationalité marocaine par acquisition d’une autre nationalité ne suppose pas la perte de la nationalité marocaine. En droit espagnol, il ne sera considéré qu’espagnol (art. 9.9 CC). Ceci explique le fait qu’il n’y ait pas de possibilité d’opter pour la loi nationale marocaine dans ce cas-là. Le de cujus pourra uniquement soumettre sa succession au droit espagnol qui, de plus, peut coïncider avec celui de sa résidence habituelle au moment du décès. Dans ces hypothèses, donc, nous ne pouvons pas vraiment parler de « choix » en matière de loi applicable à la succession. Espagne, ce qui impliquerait que, dans ces hypothèses, il n’aurait pas vraiment de possibilité de choisir la loi applicable à sa succession. Il s’agit donc bien, dans la pratique, d’un autre cas fictif de professio iuris.

Dans de telles situations, et pour savoir quelle réponse apporter à la problématique, il faut se demander quelle solution adopteraient les autorités des autres Etats membres de l’UE qui pourraient s’avérer compétentes dans ce genre de cas. Ce serait notamment le cas si le testateur hispano-marocain a sa dernière résidence habituelle dans l’un des autres Etats membres de l’UE, ou qu’il y possède des biens. Les autorités concernées respecteraient-elles la volonté du testateur de soumettre sa succession au droit marocain en raison de sa nationalité, même si aux yeux des autorités espagnoles, celui-ci possèderait uniquement la nationalité espagnole ? D’après le contenu du considérant 41 du Règlement, aucune distinction n’est faite entre la nationalité d’un Etat membre et celle d’un Etats tiers. Les Etats membres de l’UE devraient par conséquent admettre les règles sur l’acquisition et la perte de la nationalité de tout autre Etat, qu’ils appartiennent ou non à l’UE. Le problème successoral serait donc résolu différemment dans les pays membres de l’UE et en Espagne.

Une application fonctionnelle du Règlement obligerait à ne pas laisser l’art. 22.1, in fine sans effet. Pour obtenir un résultat harmonieux, les autorités espagnoles devraient donc écarter dans ce cas l’application de l’art. 9.9º CC. Autrement dit, dans les cas de double nationalité de fait non-prévue par les lois espagnoles et ayant pour conséquence l’acquisition de la nationalité espagnole après renonciation à la nationalité marocaine, sans que cela n’entraîne la perte de la nationalité marocaine. La justification du fait d’écarter l’application de l’art. 9.9º trouverait son origine dans le fait qu’il ne s’agit pas d’une règle de conflit d’origine autonome, suscitant le problème d’application de la loi nationale, mais d’une règle d’origine institutionnelle. Les autorités espagnoles devront, dans ces cas, se passer de l’application de l’art. 9.9º CC, et s’en tenir à la fonction du Règlement 650/2012 qui permet au testateur de choisir entre l’une ou l’autre ses lois nationales, indépendamment du fait que, pour le droit espagnol, le testateur marocain ait dû renoncer à la nationalité marocaine pour acquérir la nationalité espagnole. Dans le cas contraire, dans ces cas de double nationalité de fait, il n’existe pas de possibilité réelle de choisir entre les deux lois nationales correspondant aux deux nationalités que possède de facto le testateur.

3. LE LIEU DE LA DERNIÈRE RÉSIDENCE HABITUELLE DU DE CUJUS COMME NOUVEAU CRITÈRE DE RATTACHEMENT OBJECTIVEMENT APPLICABLE À LA SUCCESSION

Ce qui est prévu par l’art. 21 du Règlement 650/2012 est très important pour les relations hispano-marocaines en matière de successions. D’après cet article, si le testateur n’exerce pas son droit de pouvoir choisir sa loi nationale comme droit applicable, la règlementation applicable à l’entier de la succession sera celle de l’Etat où le testateur a sa résidence habituelle au moment du décès. Cela implique un changement significatif dans les relations hispano-marocaines en matière de successions qui, traditionnellement, étaient régies par la loi nationale du testateur au moment du décès. Cela entraîne l’application du droit espagnol pour régir la succession des marocains résidents en Espagne, par application directe de la règle de conflit, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours au mécanisme d’ordre public international, ni à justifier un manque de preuve en droit étranger.

Suivant les normes établies dans la Convention de la Haye de 1989, le Règlement a préféré utiliser le critère de rattachement relatif à la résidence

habituelle, plutôt que celui de la nationalité, qui fut néanmoins privilégié pendant longtemps. Ce changement a été motivé par les arguments suivants : son caractère non-discriminatoire dans le cadre des relations transfrontalières, vu que les résidents d’un Etat seront tous soumis au même système juridique; que de la sorte l’intégration sociale des immigrants est favorisée81 . Cette loi correspond mieux au centre de la vie réelle du de cujus et protège les créanciers qui ne subissent plus l’incertitude de voir d’autres critères de rattachement s’appliquer, ou toutes autres opérations de transfert et de liquidation d’héritage82ordinairement réalisées dans ce pays. La résidence habituelle coïncide avec le domicile fiscal, et fait correspondre la loi régulatrice de la succession avec celle du régime matrimonial83. De plus, ce critère de rattachement empêche le recours à l’exception d’ordre public international et les difficultés d’application d’un droit étranger, ce qui réduit les coûts d’un éventuel conflit, bien que, en ce sens, l’identité culturelle des étrangers soit moins respectée84. Par ailleurs, la résidence habituelle est le critère de rattachement utilisé dans tous les instruments communautaires qui sont en train d’être adoptés en matière de droit de la famille, dans un objectif politique, visant au développement de l’UE85. Tel est le cas du Règlement (CE) 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence de la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations d’aliments (Bruxelles III), ou dans le Règlement (UE) 1259/2010, Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps (Rome III).

Ces arguments ont eu plus de poids dans les critiques que ce que le critère de rattachement avait suscité, dans la mesure où l’on craignait un éventuel

aurait choisi sa résidence habituelle dans un pays plus tolérant en matière de réserves héréditaires, permettant de les supprimer à la différence de ce que la loi nationale l’y autoriserait. Enfin, il a dû être considéré qu’il est peu probable qu’une personne fixe sa résidence dans un pays en pensant qu’il va y mourir, et non en se basant sur d’autres critères, la date du décès étant inconnue au moment de l’établissement du choix de la résidence86.

La résidence habituelle a donc une grande importance, tant pour déterminer la compétence des autorités, que la loi applicable à la succession. Cependant, les différents pays peuvent arriver à des solutions très différentes, même en partant d’un point de départ objectif similaire. La notion de résidence peut également varier au sein d’un pays où il peut exister divers concepts de résidence. Pour éviter cela, le Règlement devrait prévoir une interprétation autonome de ce concept mais il est clair qu’il ne figure pas de définition précise dans la loi, ni de durée déterminée pour pouvoir parler de résidence habituelle.87 Sur ce point, le Règlement s’écarte de la Convention de la Haye de 1989 qui exige, elle, une durée minimum de cinq ans de résidence avant la survenance du décès du de cujus, pour pouvoir considérer ce pays comme celui de la résidence habituelle du défunt (art. 3.2º). L’appréciation est laissée aux autorités nationales compétentes pour décider au cas par cas, en tenant compte de toutes les circonstances particulières. Elles devront de plus prendre en compte la jurisprudence abondante de la CJUE traitant du concept de résidence habituelle88. Il ressort de ces réflexions que le centre de vie de la personne est plus important que la durée de résidence effective dans un endroit pour déterminer le lieu de la résidence habituelle d’une

personne89.. À cela il faut ajouter que la CJUE s’est parfois écartée de sa ligne jurisprudentielle en matière de résidence habituelle.90.

Le considérant 23 du Règlement traite néanmoins de la résidence habituelle, en précisant que l’autorité qui s’occupe de la succession doit analyser les circonstances de la vie du testateur pendant les années précédant le décès et au moment de celui-ci, en prenant en considération tous les faits pertinents, en particulier, la durée et la régularité de sa présence dans l’Etat en question, ainsi que les conditions et les motifs de sa présence. Ceci pour prouver que la résidence révèle un lien étroit et stable avec l’Etat en question, prenant en compte les objectifs du Règlement. Cependant, malgré toutes ces précautions, des difficultés subsistent dans de nombreux cas lorsqu’il s’agit de déterminer quelle est la résidence habituelle du de cujus. C’est notamment le cas lorsqu’un de cujus -espagnol ou marocain-, ayant un lien étroit avec son Etat d’origine, réside de manière prolongée dans un autre pays pour des raisons professionnelles, des études ou pour des raisons de santé, ou encore s’il voyage fréquemment entre le Maroc et l’Espagne et qu’il possède un logement

dans les deux pays, gardant ainsi des liens étroits avec les deux territoires. La situation est similaire lorsqu’un citoyen marocain réside alternativement au Maroc et en Espagne, sans avoir de résidence principale dans l’un ou l’autre Etat, et que sa famille est de ce fait divisée entre l’Espagne et le Maroc. La résidence « habituelle » peut également être difficile à déterminer lorsque le testateur s’est déplacé dans l’intention de s’établir à un endroit, mais qu’il décède peu de temps après91. Dans ces cas, pour déterminer quelle est la résidence habituelle, la décision devra s’appuyer sur l’évaluation de tous les éléments factuels existants. Malgré tout ce qui vient d’être exposé, le lien le plus étroit n’est pas le critère déterminant de la résidence habituelle, Il s’agit plutôt d’un autre critère de rattachement qui, à mode de clause d’exception, permet d’exclure l’application de la loi de la résidence habituelle.

Ce qui ne fait aucun doute, c’est que le concept de résidence habituelle doit être séparé de toute connotation de légalité dérivant de la possession de l’autorisation administrative correspondante. Par conséquent, indépendamment du fait qu’un de cujus marocain réside ou non légalement en Espagne, ou qu’il possède ou non un titre de séjour, ce qu’il faudra déterminer c’est le concept factuel de résidence habituelle. Pour prouver la résidence habituelle on pourra utiliser, en principe, le certificado de empadronamiento (attestation de résidence)92, ce document indiquant bien la volonté de résider de manière stable dans la commune, même s’il n’en est pas ainsi dans la réalité. Pour connaître de manière certaine quelle est la résidence habituelle d’un de cujus, on peut prendre en compte des déclarations de témoins, ainsi que celles de personnes appelées à hériter93.

Néanmoins, l’option de l’article 21 du Règlement successoral pour l’application de la loi de la résidence habituelle en tant que rattachement objectif n’implique pas que cet ordre juridique soit finalement appliqué dans toutes les relations successorales hispano-marocaines. Pour les de cujus espagnols résidant au Maroc, le changement introduit par le Règlement 650/2012 n’est pas significatif, au moins quant au résultat, car il n’est pas sûr que le droit marocain, en tant que loi de la résidence habituelle du de cujus, sera appliquée. D’un côté, l’application de la loi marocaine devra être justifiée, et le droit devra respecter l’ordre public international espagnol. D’un autre côté, on peut être tenté de ne pas utiliser correctement le mécanisme de renvoi, ce qui mènerait à l’application du droit espagnol, si les règles de conflit du droit marocain sont appliquées à la légère, et si l’on admet que le législateur marocain a opté pour le rattachement à la nationalité, sans tenir compte des règles de délimitation du domaine de l’application personnelle de la Moudawana. Par conséquent, les probabilités pour que les de cujus testateurs espagnols voient leur succession régie par le droit espagnol (que ceux-ci résident ou non au Maroc), sont très élevées. Et cela, indépendamment de la règle de conflit contenue à l’art. 21 du Règlement 650/2012.

4. L’INTRODUCTION DU PRINCIPE DE LA LOI DU LIEN LE PLUS ÉTROIT EN TANT QUE « CLAUSE D’EXCEPTION »

L’objectif de sécurité juridique apparemment poursuivi par le Règlement UE en matière de successions, en concédant une priorité à l’application de la loi de la résidence habituelle, n’est pas non plus atteint. Même s’il est déterminé que le testateur a sa résidence habituelle dans un Etat en question, que ce soit dans l’UE ou non, nous avons vu que l’on peut en arriver à appliquer un autre droit, s’il s’avère, au vu de circonstances, que le testateur maintient un lien plus étroit avec un autre Etat distinct. Dans ce cas, ce sera la loi de ce dernier Etat qui sera appliquée (art. 21.2º). L’utilisation de cette clause d’exception requiert comme condition que le lien plus étroit soit perceptible par toute personne raisonnable, et pas uniquement par les autorités judiciaires. Ainsi, le fait d’appliquer cette loi plutôt que celle de la résidence habituelle du de cujus au moment du décès, ne sera une surprise pour aucun des futurs héritiers de la succession94.

Par conséquent, la succession d’un testateur marocain résidant en Espagne, ayant des biens en Espagne et au Maroc, et gardant de nombreux liens et contacts avec son pays d’origine, même s’il n’a pas opté pour l’application de la loi de sa nationalité, pourra voir sa succession régie conformément au droit marocain découlant de sa nationalité, si les autorités compétentes considèrent que le testateur possède avec le Maroc des liens plus étroits qu’avec l’Espagne. Mais l’utilisation de la clause d’exception de l’art. 21.2 du Règlement est, dans ce cas d’espèce, inadaptée. En effet, le fait que le de cujus n’ait pas choisi de régler sa succession en appliquant sa loi nationale, peut être perçu, au contraire, comme la volonté de se soustraire aux règles de son ordre juridique national, aussi forts que soient les liens du de cujus avec son pays d’origine. Ce choix ne se fera pas toujours dans le but d’éviter l’application des règles impératives de la loi nationale, mais plutôt dans le souhait que soit appliqué à l’ensemble de sa succession le droit du pays où il réside, en l’occurrence l’Espagne. Où se trouve alors la prévisibilité du droit applicable à la succession ? Pour éviter ces résultats non-désirés, les autorités judiciaires ou notariales responsables de la succession devront soutenir une bonne argumentation justifiant que le fait d’appliquer la loi de la résidence habituelle peut conduire à des résultats non-attendus et non-désirés alors qu’au contraire, l’activation de la clause d’exception engendrerait plus de sécurité juridique, dans la mesure où le de cujus, -et non pas la relation successorale en elle-même, - a des liens plus étroits avec l’autre pays.

Il est évident que la clause d’exception ne peut être utilisée comme voie pour introduire l’application de la loi des liens plus étroits dans les cas où il est difficile de déterminer quelle est la résidence habituelle du de cujus au moment du décès. On ne peut pas non plus recourir à ce critère lorsque le testateur a fait usage de la professio iuris, car dans ce cas, le manque de prévisibilité quant au droit applicable serait total, supprimant tout effet au choix effectué par le testateur. L’absence de prévision d’un mandat express d’application d’office de la part des autorités notariales ou judiciaires ou sur la demande de l’application de la clause de la part des parties a été interprétée favorablement à la mise en fonctionnement d’office de la clause, sans que les parties intéressées l’invoquent95.

5. NOUVELLES RÈGLES DE RENVOI INTRODUITES PAR LE RÈGLEMENT (UE) 650/2012

Les relations hispano-marocaines en matière de successions subissent une certaine discrimination de par les changements dans le traitement du renvoi introduits par le Règlement 650/2012. Jusqu’alors, le renvoi en matière successorale était régi par ce que stipulait l’article 12.2 CC., selon lequel, seul le renvoi au premier degré ou renvoi de réexpédition était possible. De plus, ledit renvoi a un caractère fonctionnel, de sorte qu’il ne pouvait être admis s’il entraînait un fractionnement de la succession, étant donné que le législateur espagnol opte en général pour le principe d’unité de la succession.

Importar tabla Il est affirmé que la nouvelle réglementation communautaire, désireuse d’éviter la scission de la succession, exclut le renvoi, afin que la distinction entre biens mobiliers et immobiliers ne soit pas introduite dans le domaine communautaire par le biais du renvoi96. Or, il n’est pas vrai que le Règlement 650/2012 exclut totalement le renvoi, car l’article 34 du Règlement fait la distinction entre deux situations : A) la première est prévue à l’alinéa 2 de l’art. 34, qui indique clairement qu’il ne peut y avoir renvoi si la loi applicable est celle choisie par le testateur (art. 22). Ceci s’avère raisonnable car si le testateur a décidé que sa succession sera régie par un ordre juridique déterminé, ce sont les règles matérielles de celui-ci qui devront être prises en considération par les autorités. Analyser ces règles de conflits supposerait le non-respect de la dernière volonté du de cujus, ce qui ne se justifie aucunement. De plus, l’application de la règlementation applicable moyennant le jeu du renvoi pose certaines difficultés, puisqu’il faut pour cela coordonner des systèmes juridiques très différents entre eux97. Le renvoi n’est pas non plus admissible lorsque il a été fait usage d’une clause d’exception pour appliquer la loi plus étroite du lieu de la résidence habituelle du de cujus au moment de son décès (art. 21.2º). Il en va de même pour les questions de validité formelle des dispositions mortis causa réalisées par écrit (art. 27), pour la validité formelle

des déclarations relatives à l’acceptation ou renonciation (art. 28), ainsi que pour les dispositions spéciales qui imposent des restrictions relatives à la succession de biens immeubles, entreprises ou autres catégories spéciales de biens conformément à la loi du lieu où ces biens sont situés (art. 30).

La deuxième situation est détaillée au premier alinéa de l’article 34, laquelle admet par contre le renvoi lorsque la loi d’un Etat tiers s’avère applicable, et que ses règles s’en remettent à la loi d’un Etat membre, ou bien à la loi d’un autre Etat tiers qui appliquerait sa propre loi (article 34.1). D’après le considérant 57, cette solution est adoptée dans le but de garantir la cohérence internationale. De plus, dans le cas où le renvoi conduirait à l’application du droit du for, cela évite les problèmes d’application d’un droit étranger ou des problèmes d’ordre public. Cependant, le renvoi ne peut exister que lorsque la loi applicable est celle d’un Etat tiers et que nous ne nous trouvons dans aucun des cas prévus par l’art. 34 alinéa 2. Par contre, si la loi désignée applicable est celle d’un Etat membre, son droit matériel est directement appliqué, car, implicitement, le renvoi n’est pas admis.

La différenciation entre les règles du droit international privé des Etats membres et celles des Etats tiers ne semble pas très judicieuse, surtout si le Règlement a pour objectif principal de renforcer la sécurité juridique, la prévisibilité du droit applicable et la cohérence internationale. Nous ne pouvons partager l’idée que l’exclusion du renvoi, dans les cas où la loi applicable serait celle d’un Etat membre, soit justifiée par le désir d’éviter la scission de la succession. Cet argument n’est pas recevable car, l’unité de la succession est précisément un principe ancré dans le domaine communautaire étant donné que doit être appliquée une unique loi pour tout type de biens meubles et immeubles. Par conséquent si la loi désignée est celle d’un Etat membre, on ne pourra recourir aux règles de conflit d’origine nationale desdits Etats membres. Le renvoi n’a tout simplement pas lieu d’être, puisque la règle de conflit du droit de l’Etat membre qui serait désignée comme applicable est la même que celle appliquée par les autorités de l’État du for. Par conséquent, dans ces hypothèses, le renvoi est exclu car il est impossible à appliquer.

En revanche, lorsque la loi désignée par la règle de conflit du for est celle d’un Etat tiers, il existe un risque que se produise un fractionnement de la loi applicable, si l’ordre juridique désigné contient des règles de conflit

différentes pour la succession des biens meubles et immeubles98. A partir de là, il n’est pas certain que le caractère fonctionnel du renvoi sera toujours en vigueur et qu’un renvoi comprenant un fractionnement dans la loi applicable puisse être admis. Néanmoins, le Règlement s’inspirant également du principe d’unité et d’universalité de la succession –sauf exceptions ponctuelles-, cette voie d’admission du renvoi en cas de réexpédition vers le droit d’Etats tiers laisse la porte ouverte audit fractionnement.

Ce qui est évident, c’est que cette admission « discriminatoire » du renvoi mène dans la pratique, dans les relations successorales hispano-marocaines, à un traitement discriminatoire selon la nationalité marocaine ou espagnole du de cujus. En effet, si ce dernier est Marocain, réside en Espagne et n’a pas choisi de loi applicable pour sa succession, le droit espagnol sera appliqué. Il n’y a pas lieu au renvoi, étant donné que l’art. 21 du Règlement remplace l’art. 9.8 CC. et la loi applicable est celle d’un Etat membre. Si le de cujus est marocain et réside dans un autre Etat membre, le renvoi n’est pas non plus admis car il faudra appliquer la loi de l’État Membre de la résidence habituelle. Le renvoi ne peut pas non plus être admis si le testateur avait opté pour sa loi nationale. Si un de cujus marocain réside au Maroc et qu’il ne désigne pas de loi applicable, la référence aux règles de conflit du droit marocain serait inutile puisque son propre ordre juridique serait désigné d’office. On consultera ces règles de conflit uniquement si le de cujus marocain réside dans un Etat tiers. Si, conformément à ces règles de conflit, le droit de la nationalité du de cujus était applicable, le droit marocain serait appliqué, vu que le droit marocain accepte le renvoi puisqu’il applique la loi marocaine.

En revanche, pour le de cujus espagnol résidant au Maroc, sa situation est différente, car la loi applicable correspond à celle de sa résidence habituelle au Maroc. Dans ce cas, il s’avère nécessaire de consulter la règle de conflit de droit marocain puisqu’il s’agit de la loi d’un Etat tiers. Si aucun marocain n’est impliqué dans la relation successorale, en vertu du jeu du renvoi, le droit espagnol sera applicable, car l’art.18 du DCC renvoie à la loi nationale du défunt. Néanmoins, si une partie dans la relation successorale est de nationalité marocaine ou de religion musulmane, cela pourrait induire en erreur, en pensant que la règle de conflit marocaine renvoie à la loi nationale

du de cujus, c’est-à-dire à la loi espagnole. C’est donc bien la loi applicable si l’on ne tient pas compte du domaine d’application de la Moudawana qui impose l’application du droit marocain, si un marocain est impliqué dans la relation successorale, même s’il ne s’agit pas du de cujus. Au contraire, si le de cujus était de nationalité espagnole mais domicilié au Maroc, et qu’il avait choisi sa loi nationale, on appliquerait le droit espagnol sans que dans ce cas il soit nécessaire de consulter la règle de conflit espagnole. Lorsque le de cujus espagnol réside dans un Etat membre, il a la possibilité de choisir sa loi nationale, et dans ce cas le droit espagnol est appliqué, sans possibilité de renvoi. Par contre, uniquement s’il réside dans un Etat membre et qu’il n’ait pas opté pour sa loi nationale, il lui sera appliqué la loi de l’Etat membre de sa résidence habituelle.

En conséquence, le nouveau régime successoral établi par le Règlement élargit les cas où l’on ne va pas appliquer, à un de cujus marocain, sa loi nationale par le jeu du renvoi. Par contre, concernant le de cujus espagnol, il y a de grandes chances pour que le droit espagnol soit appliqué à une succession qui concerne des relations de droit international privé ayant un lien avec le Maroc. Et ce, qu’il choisisse la loi de sa nationalité ou non, malgré la préférence pour la loi de la résidence habituelle en tant que critère de rattachement objectivement applicable à défaut de choix. Cela signifie que les risques que la succession ne soit pas réglée de la même manière en Espagne et au Maroc se sont accrus, bien que cela ne soit pas exclusivement dû au jeu du renvoi introduit par le Règlement, mais également à cause de certains changements opérés dans le critère de rattachement, qui nous éloigne du système successoral marocain. Ceci dit, pour que le renvoi puisse être utilisé, la règle de conflit de la lex causae devra être prouvée, ce qui peut accroître le risque de réponses différentes dans les Etats membres, en raison du traitement procédural différent du droit étranger dans chaque Etat membre –même en Espagne, pour ce qui relève de son application par les autorités judiciaires et extrajudiciaires– ,et parce que le Règlement n’a rien prévu pour apporter une solution à ce problème.

IV. CONCLUSIONS

Le Règlement sur les successions introduit d’importants changements dans le système espagnol de droit international privé successoral. En particulier, quant à la loi applicable, puisque le critère de rattachement à la nationalité a été

modifié et, concernant l’Espagne, trois critères nouveaux ont été introduits : celui de la résidence habituelle du de cujus au moment du décès, celui des liens les plus étroits, celui de la professio iuris en faveur de la loi nationale du de cujus. Néanmoins, lesdites nouveautés n’altèrent pas substantiellement la situation pour les relations successorales hispano-marocaines. Le changement est effectivement un simple changement de système plutôt qu’un changement de fond. Cela est dû au fait que, une fois que le Règlement sera totalement applicable, si un de cujus marocain opte pour l’application de sa loi nationale, il aura exactement les mêmes possibilités qu’aujourd’hui, c’est-à-dire, l’application de sa loi nationale, s’il ne fait pas usage de la professio iuris et qu’il réside en Espagne, le droit espagnol lui sera appliqué (ce qui était le cas jusqu’à présent pour des raisons d’ordre public international ou de manque de preuve en droit marocain. Ceci dit, les testateurs marocains devront être particulièrement être attentifs, depuis le 17 août 2015. En effet, s’ils désirent que le droit marocain soit appliqué à leur succession, il leur faudra le choisir expressément, faute de quoi le critère de la résidence habituelle finirait pas s’appliquer à moins de démontrer que le de cujus a des liens plus étroits avec un autre ordre juridique.

Dans tous les cas, il n’y a pas de garantie que la succession d’un marocain ou celle d’un espagnol seront régies de la même manière en Espagne et au Maroc. Au Maroc, la loi espagnole ne sera pas appliquée à un ressortissant espagnol dans les cas suivants: S’il s’agit d’un marocain qui a acquis la nationalité espagnole, ou si l’une des parties de la relation successorale est un marocain (art. 2 CFM). L’application des préceptes de droit successoral marocain ne va pas toujours être respectée en Espagne. Dans certains cas, pour des raisons indépendantes du Règlement (ordre public ou manque de preuve du droit marocain), et dans d’autres cas, pour des raisons découlant du Règlement lui-même (renvoi, lien le plus étroit ou double nationalité).

Par ailleurs, le Règlement permet une utilisation sélective du renvoi comme mécanisme pour écarter l’application du droit marocain dans les relations hispano-marocaines. Le Règlement restreint les possibilités que soit appliquée à un marocain sa loi nationale en faisant jouer le renvoi. Tandis que, parallèlement, cela augmente les chances que soit appliqué le droit espagnol à un ressortissant espagnol, bien que le Règlement fasse primer le rattachement à la résidence habituelle, et ceci également d’après le mécanisme du renvoi.

L’admission du renvoi peut mener à des effets pervers dans les relations hispano-marocaines en matière de successions, vu la manière dont cela a été prévu dans le Règlement. Il est fondamental que les autorités espagnoles maîtrisent parfaitement l’article 2 de la Moudawana en relation avec l’art. 18 du Dahir, pour ne pas faire un usage inadéquat du renvoi en faveur des espagnols, lorsque cela n’est pas prévu par le droit marocain.

Par conséquent, le Règlement amplifie les possibilités que la réglementation des successions en Espagne et au Maroc soit différente. D’une part, par l’introduction de lois distinctes de la loi nationale, et d’autre part, en raison de la différence du jeu du renvoi pour les espagnols et les marocains.

Matériel supplémentaire
Les références
es données publiées par le Secrétariat général de l’Immigration et de l’Emigration du Ministère de L’emploi et de la Sécurité sociale [espagnol] le 21 octobre 2013
C’est aussi ce que souligne KHAN, H.,The Islamic Law of Inheritance. A Comparative Study of Recent Reforms in Muslim Countries, Oxford University Press, Oxford, 2007, p.173, qui affirme que les litiges en matière successorale sont moins fréquents que dans d’autres branches du droit dans le monde islamique, ce qui démontre que les règles successorales islamiques ne génèrent aucun problème dans les pays musulmans et que, jusqu’à présent, il n’y ait eu aucun mouvement significatif dans les pays musulmans pour que le schéma successoral de la loi islamique soit abandonné.
«Droit international privé et conflits de civilisations. Aspects méthodologique. Les relations entre systèmes d’Europe occidentale et systèmes islamiques en matière de statut personnel
Sur la préférence pour la loi nationale: PÉREZ MILLA, J.,Conflictos internos de leyes españolas, en la frontera, Fundación Manuel Giménez Abad de Estudios Parlamentarios y del Estado Autonómico, Zaragoza, 2010, p. 173; REVILLARD, M., Droit international privé et communautaire. Pratique notariale
Nous avons suivi la traduction du CFM réalisée par ESTEBAN DE LA ROSA, G.,Código marroquí de la familia, Blanca Impresores S.L., Jaén, 2009. Cf.DECROUX,P., «Le droit international privé marocain et son évolution de 1956-1981»
Filiación hispano-marroquí. La situación del nacido en España de progenitor marroquí,
L´ordre public en droit international privé marocain de la famille»
À la Mort du prophète Mahomet, ses fidèles se sont divisés en fonction du soutien qu’ils apportaient à tel ou tel de ses successeurs. Cela a donné lieu à la naissance de plusieurs courants qui différaient dans leur interprétation des sources du droit islamique, à savoir : a) le Coran ou livre sacré, contenant ce qu’Allah avait révélé ; b) la Sunna ou tradition, constituée par les recommandations ou actes du prophète Mahomet ; C) L’Ijmâ’, qui représente le consensus initial des compagnons du prophète, puis des deux générations suivantes ou, plus largement le consensus de tous les théologiens et juristes musulmans ayant vécu à une certaine période depuis l’ère de la révélation du prophète
La celebración del matrimonio en una sociedad multicultural: formas e ius connubi (especial referencia a la poligamia)»
armi les trois principaux courants islamiques, le courant sunnite (traditionnalistes ou musulmans orthodoxes) est le plus important. C’est à ce courant qu’appartiennent les écoles hanafite (la plus ancienne et libérale), prédominante en Afghanistan, Albanie, Bangladesh, Egypte, Inde, Pakistan, Syrie, Turquie), malikite (amplement suivie dans la partie centrale et est de l’Arabie saoudite, l’Egypte, le Soudan et nord et ouest de l’Afrique), chaféite (étendue dans l’est de l’Afrique, l’Egypte, les Philippines, l’Indonésie, la Jordanie, le Liban, la Malaisie, la Palestine, Singapour, la Syrie, la Thaïlande, le Yémen) et hanbalite (plus rigide et intolérante, doctrine officielle de l’Arabie saoudite). Du courant Chiite (qui défend la position que l’Islam est autant une discipline religieuse qu’un système politique, prédominante en Iran) ont surgi les écoles Zaïdite (qui interdit à un musulman et à une femme juive ou chrétienne de se marier, se concentre au Yémen), Ithna-Ashariste (qui permet à un musulman d’hériter d’un non musulman mais pas à l’inverse, suivie en Afghanistan, Irak, Iran, Liban, Pakistan, Syrie) et Ismaélite (qui croit en la réincarnation successive de Dieu et la transmigration des âmes; elle est en vigueur au Pakistan et dans l’est et le sud de l’Afrique). Un autre courant est le Kharidjisme et l’Asbasi, variante de ce premier (plus modéré et proche du courant Sunnite ; il est suivi en Algérie, Tunisie et sur la côte est de l’Afrique et a inspiré les reformes des lois d’Alger, Egypte, Irak, Jordanie, Koweït, Maroc, Syrie et Tunisie). Cf. KHAN, H., The Islamic Law of Inheritance… cit., p. 10 s.; MONTILLA , A., & LORENZO, P., Derecho de familia islámico.
«El Derecho sucesorio islámico: principios informadores y excepción de orden público internacional»,
El derecho de sucesiones en las relaciones hispano-marroquíes»,
«Les principes généraux du droit successoral comparé»
«Islamisches Ehegattenerbrecht und deutscher Ordre public: Ergleichsmassstab für die Ergebniskontrolle»,
«Orden público internacional y prohibiciones para suceder de la mudawana: fundamento y alcance de la excepción de orden público aplicada a la sucesión de un causante marroquí [A propósito de la SAP de Barcelona (Sección 4ième) de 28.10.2008]»
Orden público y sucesiones»
«Sucesión mortis causa y modelos de familia en el tráfico jurídico externo»
«Zur Beerbung eines in der Bundesrepublik verstorbenen Iraners»
«Le droit occidental face au droit islamique. Propriété et succession en droit musulman »
Le droit européen des successions. Commentaire du Règlement nº 650/2012 du 04,07. 2012, Bruylant, Bruselas, 2013, pp. 527 et 533-537, qui considèrent que, selon si la discrimination qui se produit est concrète ou abstraite, il faudra exiger un lien plus ou moins important avec le for pour évincer l’application de la loi étrangère.
Le droit européen des successions….op.cit., p. 535, car ils croient que la violation du principe constitutionnel est présent dans la règle étrangère, quoiqu’ils considèrent que, dans ces cas de non-discrimination directe, il ne faudrait écarter que la règle étrangère incompatible avec l’ordre public si elle maintient des contacts étroits dans le for (p. 536).
dans ce cas, la renonciation de l’héritière marocaine devrait être considérée comme un cas de renonciation à des droits héréditaires qui lui reviennent en égalité de conditions avec l’héritier masculin, ce qui ne pose pas de problème dans notre ordre juridique.
«L’ordre public et le but social des lois en droit international privé»
«L´ordre public de proximité»
«Internationales Erbrecht, Art. 25, 26 EGBGB»
«L`ordre public international à l´épreuve du relativisme des valeurs»
«La théorie de l’ordre public international face à la polygamie et à la répudiation. L’expérience française»
«Zur Beerbung eines in der Bundesrepublik verstorbenen Iraners»
«Questions de droit international des successions»
Cette privation n’existe plus en Inde depuis la Caste Disabilities Act (XXI de 1850), qui a aboli tout usage ou loi qui pouvait affecter les droits successoraux d’une personne du fait de sa religion.
C’est ainsi que le comprend également la Cour européenne des droits de l’homme, pour qui une discrimination successorale entre enfants légitimes et illégitimes constitue une violation des arts 8 et 9 de la Convention de Rome relative à la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Voir entre autres les affaires Marck c.la Belgique du 13. 06. 1979, de Vermeire c. la Belgique du 29.11.1991 et «El Derecho sucesorio islámico…»
«Le droit de la famille au Maroc»
El Derecho de familia marroquí. La Mudawana 2004 desde el Derecho español
Ceci nous mène à affirmer qu’on ne peut admettre aucune preuve scientifique contre la présomption de paternité fondée sur le concept musulman al-firach, parce que l’enfant est toujours unit au père s’il nait pendant les six premiers mois suivant le mariage ou pendant l’année qui suit la séparation des conjoints
L’éthique sexuelle en islam, Maisonneuve et Larose
, «La filiation de l’enfant en droit musulman»
El Derecho de familia marroquí…
Forme de dissolution à laquelle auront accès les femmes d’une bonne condition sociale et aisées. Elles pourront imposer leur volonté de mettre fin à l’union conjugale en payant, en échange, une somme importante à leur mari. «La disolución del matrimonio: especial referencia al repudio islámico», Consejo General del Poder Judicial: La multiculturalidad: especial referencia al Islam
Matrimonio y divorcio en las relaciones hispano-marroquíes y compilación de Derecho privado marroquí
«Différences culturelles et ordre public en droit international privé de la famille»
La jurisprudence française a même admis la création dans le for de relations juridiques se basant sur l’application d’un droit étranger portant atteinte aux valeurs françaises, quand ladite relation ne présente pas de lien significatif avec la France : Civ. 1er, 10. 05.2006, Dalloz, 2006, 2890. Cf. GANNAGÉ, L., «L´ordre public international…»
Il en ressort que le mariage n’est pas autorisé si le mari a plus d’épouses que ce qui est permis par le droit marocain, qui, d’après la Charia, est limité à quatre. La polygamie est interdite s’il y a un risque d’injustice entre les femmes, de même que s’il existe une condition de la part de la femme selon laquelle le mari s’engage à ne pas contracter d’autre mariage (clause de monogamie). En dépit de cela, il existe de nombreuses astuces de la part des maris pour éviter le mariage monogame, malgré l’existence de ladite clause. Cf. GARCÍA RODRÍGUEZ, I., «La celebración del matrimonio…»,
Le droit européen des successions…
« La préparation des notaires et du notariat concernant la mise en application du règlement du 4 juillet 2012»
«¿Hacia un nuevo derecho sucesorio europeo? Apuntes sobre la propuesta de un Reglamento de sucesiones»
«El nuevo reglamento europeo sobre sucesiones»
«La professio iuris y la sucesión internacional en una futura reglamentación comunitaria»
«Parteiautonomie als bestimmender Faktor im internationalen Familien und Erbrecht»
«L’autonomie de la volonté en droit international privé des successions dans la perspective d’une future réglementation européenne
«La autonomía de la voluntad como principio informador del Derecho internacional privado en la sociedad global»
«La ley nacional e intervención notarial en sucesiones»
«Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions»
«Le futur droit des successions internationales de l’Union européenne»
«Le choix de la loi applicable à la succession dans la proposition de règlement éuropéen»
«Prime considerazioni sulla proposta di regolamento sulle successioni»
«La autonomía de la voluntad en las relaciones plurilocalizadas. Autonomía de la voluntad. Elección de ley aplicable: consentimiento y forma de los actos»,
La forma de la designación de ley en la propuesta de Reglamento europeo en materia de sucesiones»
en ce sens également FUGARDO ESTIVILL, J. M., En torno a la propuesta de Reglamento sobre sucesiones y el certificado sucesorio europeo,
La convention a été signée par l’Argentine, le Luxembourg, Les Pays bas et la Suisse mais elle n’a été ratifié que par les Pays bas, c’est pourquoi il n’est pas en vigueur. Ceci dit, la loi hollandaise du 4 septembre 1996 a incorporé le contenu de la Convention à l’ordre juridique interne hollandais
Prime considerazioni sulla proposta…», cit., p. 895. En revanche, l’ordre suisse (art. 90.2º LDIP) et l’estonien (§ 25 de la loi estonienne de DIPr.) prévoient la caducité de l’élection de la loi nationale si, au moment du décès du de cujus, celui-ci ne possède pas ladite nationalité
La «vecindad civil» (citoyenneté régionale) est acquise au bout de deux ans moyennant manifestation de volonté par l’intéressé ou au bout de dix ans s’il n’y a pas eu de déclaration contraire pendant ce délai
A Further Step Towards a European Private International Law Code – The Commission Proposal for a Regulation on Succession»,
«El criterio de conexión para determinar la ley personal: un renovado debate en Derecho internacional privado»
«Il nuovo Diritto internazionale privato delle successioni nell’Unione Europea»,
Réclamant une définition du concept de residence habituelle, A. BONOMI: «Prime considerazioni sulla proposta …», cit., p. 887; MAX PLANCK-INSTITUT: «Comments on the European Commission’s Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on jurisdiction, applicable law, recognition and enforcement of decisions and authentic instruments in matters of succession and the creation of a European Certificate of Succession»
Contre l’utilisation de la définition de résidence habituelle apportée par la CJUE dans d’autres secteurs du Droit, BONOMI, A., «Prime considerazioni sulla proposta…»
la décision de la CJCE du 15.09.1994, Magdalena Fernández/Commission, affaire C-452/93, qui maintient que la résidence habituelle est le “lieu où l’intéressé a fixé, dans l’intention d’y donner un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts». Cette décision soutient de même qu’il faut tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et qu’une absence sporadique et de courte durée ne signifie pas que l’intéressé ait transféré son centre d’intérêt, ceci ne fait donc pas cesser sa résidence habituelle dans cet Etat. Dans la décision de la CJUE du 17.17.2008, Kozowski, affaire C-66/08, il est précisé qu’il doit y avoir une appréciation globale de tous les éléments objectifs qui caractérise la situation de cette personne, entre autres, la durée la nature et les conditions de permanence de la personne et ses liens familiaux et économiques. Cf. également la décision de la CJCE du 11.11.2004, affaire Adánez-Vega, C-372/02, d’où il ressort que le lieu de «résidence» d’une personne est déterminée par le lieu où se trouve le centre habituel de ses intérêt, en tenant compte de la situation familiale du travailleur ainsi que les motifs qui l’ont mené à se déplacer, et la nature du travail.
Décision de la CJCE du 02.04.2009, Korkeinhallinto-oikeus, affaire C-523/07, qui maintient que pour déterminer la résidence d’un mineur dans un état membre, la présence physique ne suffit pas. Il faut prendre en considération d’autre facteurs qui peuvent indiquer que ladite présence n’a pas un caractère temporaire ou occasionnel et que la résidence du mineur se traduit par une intégration déterminée dans un environnement social et familial. Devront être pris en compte, en particulier, la durée, la régularité, les conditions et raisons de la permanence sur le territoire d’un Etat membre et du déplacement de la famille vers ledit Etat, la nationalité du mineur, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques et les relations familiales et sociales du mineur dans cet Etat.
En ce sens, entre autres,DAVÍ, A.& ZANOBETTI, A., «Il nuovo Diritto internazionale privato…», cit., p. 32; HARRIS, J., «The Proposed EU Regulation on Succession and Wills: Prospects and Challenges», Trust Law International, 2008, p. 210; LAGARDE,P., «La nouvelle Convention de La Haye sur la loi applicable aux successions», Rev.crit.dr.int.privé, 1989, p. 254; LEIN, E., «A Further Step Towards a European Private International LawCode – The Commission Proposal for a Regulation on Succession»
La mairie de chaque ville a un service appelé « Padrón » qui recense tous les habitants de la ville. Chaque habitant peut donc s’y présenter et se faire recenser. C’est le certificat délivré par ce Bureau, appelé « certificado de empadronamiento » qui, en Espagne, fait foi d’attestation de résidence.
«Competencia del notario español en supuestos internacionales. Sucesión intestada. Sucesión testada»
«La détermination de la loi applicable à la succession», KHAIRALLAH, G. & REVILLARD, M.(dir.): Droit européen des successions internationales…op.cit., p. 59. Voir les critiques envers l’exclusion du renvoi dans la proposition du règlement de la Commission prévues à l’article 26 effectuées par MAX PLANCK-INSTITUT de Hamburg, in RabelsZ, vol. 74, 2010, p. 656 s.
La ley nacional e intervención notarial en sucesiones»,
artisan de l’acceptation du renvoi en cas de rémission de la lex causae a la loi d’un État tiers, mais conditionné au fait que la succession ne soit pas compromise, BONOMI, A., «Prime considerazioni sulla proposta…»
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