Résumé: Le sursaut démocratique des pays du bassin sud méditerranéen, à partir de la fin 2010, a surpris la Communauté internationale, et en particulier l’Union Européenne (UE) qui pourtant, depuis de nombreuses années, multipliait les instruments de coopération avec cette région. Ce travail traite de la nouvelle approche que prétend mettre en place l’UE, pour surmonter les difficultés jusqu’alors rencontrées et faire cesser les critiques qu’elle recevait, à travers d’une Politique de voisinage modifiée et renforcée.
Mots clés: Politique euroméditerranéenne, Politique de voisinage, printemps arabe , pays sud méditerranéens, réforme démocratique, droits de l’Homme.
Resumen: El despertar democrático de los países de la ribera sur del Mediterráneo a partir de finales de 2010, sorprendió la comunidad internacional y en particular la Unión Europea (UE), a pesar de que ésta multiplicaba los instrumentos de cooperación con dicha región desde hacía décadas. Este trabajo trata del nuevo enfoque que pretende poner en marcha la UE con el fin de superar las dificultades hasta ahora encontradas y poner fin a las críticas recibidas gracias a una Política de Vecindad modificada y reforzada.
Palabras clave: Política euromediterránea, Política de vecindad, primavera árabe, países mediterráneos, reforma democrática, derechos humanos.
Abstract: The awakening of democracy in the South Mediterranean countries, since the end of 2010, caught by surprise the International Community, and particularly, the European Union (EU), even though it had been developing many cooperation instruments towards this area. This article deals with the new approach that the EU expects to apply in order to overcome the difficulties that 1 Antonio Blanc Altemir est Professeur agrégé (Catedrático) du Droit international public et directeur de la Chaire et du Centre d´excellence européenne Jean Monnet. Université de Lleida (Espagne); Bénédicte Real est Professeure de Droit au Centre Universitaire de la Défense à Saragosse (Espagne). Paix et Securité Internationales 33 Núm 1, enero-diciembre 2013 DOI: http://dx.doi.org/10.25267/Paix_secur_ int.2013.i1.03 it had been confronting, and also to stop the suffered criticisms through the strengthening of its Neighborhood Policy.
Keywords: Euro-Mediterranean Policy, European Neighborhood Policy, Arab Spring, South Mediterranean Countries, Democratic Reform, Human Rights.
Estudios
Un nouvel élan dans les relations euro-méditerranéennes
Le réveil démocratique du monde arabe a surpris l’Union européenne (UE), qui, pendant des années avait soutenu les autocraties des rives du sud et de l’est de la Méditerranée, avec la conviction que, non seulement, cela aiderait à la stabilité et contrôlerait les flux migratoires, mais également serait un rempart contre l’islamisme2. Les révoltes arabes ont démontré que cette politique était erronée. Qui plus est, elle ignorait systématiquement la dissidence démocratique, minoritaire mais combative dont les preuves d’existence étaient incontestables, non seulement en Tunisie, mais également dans d’autres pays comme l’Egypte, le Maroc ou l’Algérie.
La capacité de réaction des institutions européennes et des gouvernements des Etats membres fut rapidement dépassée par les évènements qui ont d’abord eu lieu en Tunisie, puis dans d’autres pays de la Méditerranée méridionale, comme au Maroc ou en Algérie. Face à ces révoltes arabes qui s’étendaient, tel de l’huile, à toute la région, la réaction de l’UE fut lente3, tardive, et dans certains cas sans coordination. Cela se devait principalement aux liens étroits qui existaient entre les régimes autoritaires et les gouvernements européens, liens sur lesquels se basait le discours de l’UE.
Même si ce manque de réaction de l’UE peut être critiquable, il ne faut néanmoins pas considérer cela comme un des facteurs à prendre en compte pour comprendre l’actuel enlisement des relations euro-méditerranéennes. En effet, lesdites relations ont été régies par un dirigiste européen, parfois paternaliste, qui a créé, non seulement de nombreux rejets des partenaires du Sud, mais aussi une certaine schizophrénie tactique de l’UE afin rendre compatible un discours officiel de soutien aux valeurs démocratiques et au respect des Droits de l’homme avec des alliances très fortes avec les autocraties du Sud.
Il est évident que le prétexte de créer un mur de contention contre l’islamisme radical
qui en même temps contrôlerait les flux migratoires vers le Nord, a été un échec du fait que, en réalité, l’UE a consolidé des régimes corrompus en alimentant indirectement leur autoritarisme. La complaisance de l’UE envers ces « super gendarmes », avec certains d’entres eux, face aux vagues révolutionnaires, qui ont démontré être des colosses aux pieds d’argile alors que d’autres ont lutté bec et ongles, a laissé place à un panorama incertain dans la région méditerranéenne face auquel une réaction coordonnée et définie de l’Union s’impose.
Les différentes initiatives et propositions de l’UE pour les Pays tiers méditerranéens (PTM), ont été principalement dirigées depuis le Nord, avec ce constant objectif de stabilité de la zone méditerranéenne. Elles se sont matérialisées par la promotion du développement et du transfert des ressources financières cependant insuffisante pour renverser la tendance systématique d’un plus grand écart des paramètres par rapport à la rive Nord méditerranéenne. Le modèle du libre commerce n’a donc pas démontré jusqu’à maintenant être la solution aux problèmes structurels qui freinent le développement de la région du Sud.
Nonobstant, si quelque chose ne peut pas être reproché à l’UE, c’est son manque d’imagination. La Méditerranée a été un banc d’essai où se sont succédées tous types d’initiatives et propositions, qui ont fonctionné comme des vases, communicants dans certains cas et non communicants dans d’autres, mais dont le résultat final actuel est loin d’être couronné de succès4. Le volontarisme du Processus de Barcelone lancé en 1995, l’incorporation des pays méditerranéens à la Politique Européenne de Voisinage (PEV) à partir de 2004, ou encore l’imaginative, mais limitée -au niveau des résultats- initiative de l’Union Pour la Méditérranée (UpM), mise en marche en 2008, sont autant de propositions qui ont coexisté avec d’autres comme le Dialogue euro-arabe ou l’initiative sous-régionale de la Méditerranée occidentales 5+5. Ces multiples propositions n’ont, malgré tout, pas déployé l’énergie suffisante pour générer un véritable changement capable non seulement de renverser la tendance d’asymétrie et de fracture entre les deux rives, ni même d’obtenir une amélioration notoire.
Il faut rajouter à la frustration créée par les successifs et constants blocages soufferts ces derniers mois par l’UpM, malgré les efforts des successives présidences et en particulier l’espagnole5 pour lutter contre ceux-ci, la sensation de paralysie que le début des révoltes arabes a produit au début de 2011. Cette situation emmena aussi inévitablement les institutions européennes à s’interroger sur les relations euro-méditerranéennes afin de surmonter l’enlisement qu’elles subissaient.
En effet, le Conseil Européen du 4 février 2011 adopta une « Déclaration sur l’Egypte et la région » dans laquelle il manifesta son soutien aux processus de transition démocratique, et dans ce sens, il déclara sa disponibilité pour établir «un nouveau partenariat» qui impliquerait plus de soutien pour les pays qui dans le futur souhaiteraient commencer des réformes politiques
et économiques, soutien qui pourrait se matérialiser en particulier avec la PEV et l’UpM6. Il faut remarquer que bien que le discours ne semblait pas nouveau, car, comme dans d’autres occasions, il mentionnait de nouveau le facteur de conditionnalité et l’approche différenciée, il faut cependant souligner qu’était précisée l’opportunité d’un « nouveau partenariat ».
Dans le même sens, la Haute Représentante Catherine Ashton7 présenta le 8 mars 2011 une Communication commune avec la Commission Européenne, où elle exposa les orientations générales qui devraient encadrer le processus de révision de la politique méditerranéenne de l’UE, qui commencerait avec la création d’un «Partenariat pour la démocratie et une prospérité partagé avec le sud de la Méditerranée8».
Le Conseil Européen extraordinaire du 11 mars, saluant la Communication conjointe de la Commission et de la Haute Représentante, souligna que ce partenariat pour la démocratie et la prospérité avec le Sud de la Méditerranée devrait se baser sur « une approche différenciée et fondée sur des incitations qui combine tous les instruments de l’UE ». De même, il impliquerait une intégration économique plus intense, un accès au marché plus large et une coopération politique. De plus, le Conseil Européen invita le Conseil à examiner dans les meilleurs délais les propositions contenues dans la Communication et notamment les conditions dans lesquelles le soutien de l’UE à ses partenaires pourrait être renforcé. Il manifesta également son intérêt pour la prochaine communication sur la Politique européenne de voisinage9, laquelle sera finalement présentée conjointement par la Commission Européenne et la Haute Représentante le 25 mai 2011 avec comme titre « Une stratégie nouvelle à l’égard d’un voisinage en mutation10 ».
Au début de l’année 2013, les institutions européennes publièrent un nouveau document. Ce texte «Politique européenne de voisinage : vers un renforcement du partenariat11» analyse l’application de la PEV révisée, en insistant sur les multiples changements que connaissent
actuellement les pays de la rive sud méditerranéenne.
Avec cette panoplie de documents, l’UE, convaincue que s’appuyer sur ses propres principes est une option stratégique, prétend répondre à l’important défi que constitue la nouvelle situation dans le sud de la Méditerranée. Cette nouvelle orientation implique un changement d’attitude de l’Union, dans la mesure où, au lieu de se convertir en spectateur passif, elle doit pleinement s’impliquer et soutenir sans hésiter les processus démocratiques en marche, lesquels revendiquent les droits et les libertés que le Nord considère comme indiscutables.
L’UE est persuadée qu’après les évènements survenus dans son voisinage du Sud, le moment est arrivé de faire un saut qualitatif dans ses relations avec les pays qui veulent partager les valeurs communes de démocratie, droits de l’homme, justice sociale et bonne gouvernance et qui sont prêts à réaliser les réformes politiques et économiques nécessaires12.
L’instrument pour approfondir ces relations sera «le partenariat pour la démocratie et une prospérité partagé avec le sud de la Méditerranée» qui se basera sur des avancées concrètes dans ces domaines ainsi que sur une approche différenciée qui reconnaitra les spécificités de chaque partenaire et qui devra se construire à partir de trois éléments : a) la transformation démocratique et un renforcement des institutions ; b) un meilleur soutien à la population civile et, c) une croissance et un développement économique durables, avec une attention particulière à l’amélioration des systèmes de santé et d’enseignement et au développement des régions les plus pauvres13.
Ces éléments impliquent une révision de la PEV qui avait déjà commencé en août 2010 et s´était intensifiée suite aux révoltes arabes ce qui donna lieu à la Communication conjointe, déjà mentionnée : «Une stratégie nouvelle à l’égard d’un voisinage en mutation14». De cette manière, la révision de la PEV inclura, en plus de la conditionnalité ou de l’approche différenciée, le renforcement des deux dimensions régionales de la Politique de Voisinage : un partenariat oriental, pour les pays d’Europe de l’Est et le partenariat pour la démocratie et la prospérité partagée avec les pays du Sud de la Méditerranée.
Les Etats qui, volontairement, désirent participer au Partenariat devront au préalable accepter le fait d’organiser des élections libres sous supervision internationale. Dans ce cas, l’incorporation au partenariat, impliquera une collaboration plus importante vis-à-vis de la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC), ainsi qu’un renfort de la coopération avec l’UE au sein des forums internationaux relatifs aux questions considérées d’intérêt commun. Il s’agira donc de consolider le dialogue politique avec les partenaires. De plus, l’Union offrira à ces pays son soutien pour les questions de solution pacifique des différends, qu’ils soient interétatiques ou à niveau interne.
La conditionnalité et l’approche différenciée constituent, comme nous l’avons précisé des éléments qui, sans être innovateurs car ils apparaissaient dans des initiatives antérieures, sont dorénavant le véritable épicentre du Partenariat, lequel pivotera autour d’une approche basée sur des incitations et avec l’attention fixée sur une plus grande différenciation entre les pays qui progressent plus rapidement dans leurs réformes, où, dans ce cas, ils pourront compter avec plus de soutien de l’UE et négocier un statut plus avancé. Par contre, pour les pays qui, au contraire, reculent ou s’éloignent du processus de réforme, l’Union pourra revoir son aide à la baisse ou même la réorienter.
L’UE doit apprendre de ses erreurs du passé et faire que les PTM retrouvent la confiance dans le projet européen, ce qui se présente comme des plus complexes du fait du déclin de l’UE et la crise économico-financière dans laquelle elle est installée. Pour cela, l’UE doit agir de manière plus stratégique dans ses relations avec ses partenaires méditerranéens, non seulement en soutenant sans condition les processus de transformation démocratique en cours dans la région, mais aussi, et principalement, en identifiant les priorités de son action et les formes selon lesquelles celles-ci pourront également lui bénéficier.
Comme l’affirme très justement Richard Youngs, l’UE doit changer de mentalité et
passer d’une attitude passive d’assistant à un rôle d’organisateur géostratégique, en soutenant les réformes démocratiques, sans s’en excuser.15
Par conséquent, le respect des valeurs démocratiques et des droits et libertés fondamentales doivent constituer les bases fondamentales de la nouvelle association entre l’UE et ses voisins du Sud. Bien que l’on puisse objecter que ce discours était déjà présent dans l’esprit de Barcelone de 1995, le changement doit être dans l’attitude de l’UE, dont l’implication avec les
transitions démocratiques dans le monde arabe doit être bien plus décidée et définie. Il faut abandonner les anciens dogmes selon lesquels les relations euro-méditerranéennes se basent sur la question de la sécurité et la conviction que la libéralisation commerciale est la clé pour résoudre tous les problèmes de la région, y compris celui de la carence de démocratie16.
Cependant, le compromis en faveur des valeurs démocratiques ne doit pas se limiter à une simple déclaration formelle des partenaires comme avec la Déclaration de Barcelone de 1995. Le pari en faveur d’une démocratie solide doit être crédible et doit être accompagné de mesures de suivi et de contrôle vérifiables pour permettre de moduler le niveau de soutien de l’UE. D’autre part, il faut développer la sensibilisation de tous les acteurs politiques et sociaux ainsi que de la société civile pour qu’il aient la conviction que les processus démocratiques n’impliquent pas seulement des degrés bien plus élevés de transparence et de lutte contre la corruption, mais aussi qu’ils encouragent le commerce et les investissements ce qui favorise la croissance économique.
Le compromis pour la démocratie de nos partenaires méditerranéens doit incorporer une série de facteurs comme le pluripartisme et l’organisation d’élections libres et vérifiables au niveau international ; l’établissement d’un Etat de Droit effectif et basé sur la séparation des pouvoirs et l’indépendance du pouvoir judiciaire17; la bonne gouvernance, la transparence et la lutte contre la corruption; le respect des libertés fondamentales, en particulier celle d’association, celle d’expression, de réunion et de la presse ; ainsi que l’établissement d’un contrôle démocratique sur les forces armées et de sécurité18.
L’UE doit soutenir activement ces processus et ne pas se limiter à une activité passive et contemplative comme cela a été le cas jusqu’à aujourd’hui. L’expérience de plusieurs pays actuellement membres de l’UE, du Sud ou de l’Est, par rapport à leur transition démocratique particulière vers la démocratie, doit être un exemple pour nos partenaires méditerranéens. En plus, les institutions européennes, de paire avec les Etats membres, mais aussi en collaboration avec les grandes fondations politiques européennes19, doivent soutenir politiquement et financièrement ces processus.
Le nouveau partenariat doit promouvoir la ratification de tous les traités internationaux et régionaux relatifs aux Droits de l’Homme et aux libertés fondamentales, ainsi que la sensibilisation à ceux-ci, afin que leur application soit effective. En plus de renforcer l’Instrument Européen pour la Démocratie et les Droits de l’Homme, d’autres instruments additionnels et spécifiques doivent être développés. L’égalité des genres20, la lutte contre toute sorte de discrimination, la liberté de religion, la protection des réfugiés ou des minorités doivent être fortement renforcés dans le nouveau cadre que le partenariat prétend établir.
Les indicateurs socioéconomiques des rives Sud et Est de la Méditerranée présentent des indices très éloignés de ceux de la rive Nord, qui au lieu de se réduire, se maintiennent, alimentant de cette manière la fracture entre les deux rives21. Pour cela, le premier objectif de la nouvelle association doit être la promotion d’une croissance économique soutenue et durable qui réduise significativement la pauvreté dans la région, qui crée les conditions nécessaires pour lutter contre le chômage élevé des jeunes, et qui améliore la protection sociale, revitalise les secteurs les plus affectés par la crise, comme, par exemple, le tourisme. Il est évident que si ces objectifs ne sont pas atteints, les réformes politiques actuellement en route seront moins viables car elles pourraient difficilement se consolider avec des hauts indices de pauvreté, chômage et sous développement.
Le renforcement du commerce et des investissements aideront sans aucun doute au développement économique et à la croissance durable, en même temps qu’ils faciliteront la stabilité politique. Cependant, pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire que les réformes soient approfondies afin d’obtenir une meilleure transparence, une lutte plus volontaire contre la corruption et une plus grande sécurité juridique qui encourage les investissements.
Bien que l’UE ait des accords de libre association avec tous les états de la région sauf la Syrie et la Lybie, permettant le libre accès aux marchés des produits industriels, il faut préciser que tous les accords n’ont pas eu les mêmes résultats22. En général, nous pouvons affirmer que ceux de la Tunisie, du Maroc, de l’Egypte et de la Jordanie ont évolué favorablement ce qui a eu des répercussions positives sur les relations commerciales et les investissements avec l’UE. Avec l’Algérie, malgré un accord d’association, les répercussions positives ont été moindres. En ce qui concerne la Syrie et la Lybie, avec lesquels il n’y a pas d’accord comme nous l’avons précédemment mentionné, les relations commerciales ne se sont pas développées. En relation avec les produits agricoles et issus de la pêche, l’UE a amélioré l’accès préférentiel avec l’Egypte et la Jordanie et elle travaille dans ce sens avec le Maroc23, pays avec lequel, de plus, des négociations ont débutées pour libéraliser les services.
Le principe de différenciation et l’approche bilatérale doivent constituer les bases du commerce entre l’UE et chacun de ses partenaires, ce qui devrait permettre d’avancer plus rapidement dans les pays qui ont réalisé les réformes nécessaires, en particulier celles essentielles à la mise en place d’un Etat de Droit, d’un pouvoir judiciaire indépendant et d’une administration publique efficace. De cette manière, l’UE pourra adapter son soutien au commerce et aux investissements en fonction de la rapidité et de l’amplitude des réformes en cours par chaque partenaire méditerranéen.
Du fait de la grande volatilité actuelle dans la région ainsi que des différences existant entre chacun des partenaires méditerranéens, un calendrier à moyen et à long terme s’impose24. De cette manière, à court et à moyen terme, la conclusion des accords de libéralisation du commerce des produits agricoles et de la pêche avec la Tunisie devrait s’accélérer; ceux avec
le Maroc ont été paraphé récemment; le processus de négociation avec la Tunisie et l’Egypte, relatifs aux accords de négociations des accords sur l’évaluation de la conformité et de l’acceptation des produits industriels devrait commencer; le rythme des négociations bilatérales sur la libéralisation des services devrait s’accélérer. En ce qui concerne la Convention régionale sur les règles d’origine préférentielle paneuro-méditerranéennes, il faut souligner qu’elle est entrée en vigueur au début de 201325.
En échange, à moyen et à long terme, l’objectif est clairement plus ambitieux et se centre sur la création de zones de libre commerce exhaustives basées sur les accords euro- méditerranéens d’association, ainsi que sur les Plan d’action de la PEV. Ces zones de libre commerce exhaustives n’impliquent non seulement le démantèlement progressif des barrières commerciales et des Droits d’importation, mais aussi la convergence réglementaire dans des secteurs comme les normes sanitaires et phytosanitaires, les procédures douanières, l’embauche publique, la compétence et la protection des investissements. La finalité est l’intégration progressive entre les économies des partenaires méditerranéens et le marché unique de l’UE, processus qui, sans aucun doute doit être accompagné de grandes réformes politiques et économiques, qui pour leur amplitude, auront besoin de la participation de tous les secteurs, politiques et économiques, ainsi que de la société civile.
Le faible investissement direct étranger dans les rives Sud et Est méditerranéennes constitue un problème endémique qui conditionne le développement de la région. Il est évident que l’instabilité, la volatilité et l’insécurité juridique sont des facteurs peu propices aux investissements et à la confiance des investisseurs. Pour cela, des mesures urgentes doivent être adoptées pour améliorer la confiance, à travers d’initiatives comme des conférences d’investisseurs et opérateurs, ainsi que l’adoption d’un système renforcé de protection des investissements qui améliore la sécurité juridique des investisseurs. Pour l’obtention de ces résultats, la Commission doit jouer un rôle important, que se soit pour collaborer dans l’adoption des mesures de confiance ou pour analyser le rôle du Fonds Européen d’Investissement dans le possible soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) et même pour promouvoir les microcrédits26.
La société civile exerce, sans aucun doute, un rôle très important dans la consolidation des valeurs démocratiques et dans le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Plus la présence de la société civile sera importante, plus les mécanismes de participation, de contrôle et de plainte seront efficaces et transversaux. Un réseau étendu d’organisations non gouvernementales et d’associations peuvent également être d’une aide précieuse dans la mise en route et le développement des réformes politiques et économiques, qui à de nombreuses occasions auront besoin de campagnes de sensibilisation dirigées à la population des différents pays méditerranéens.
D’autre part, il existe certains secteurs spécialement enclins à l’action de la société civile car il s’agit de questions considérées comme très proches des préoccupations des citoyens, comme les droits de l’homme, les droits de la femme, l’environnement ou la justice sociale. Les femmes, qui ont eu un rôle notoire dans les récentes révoltes arabes28, peuvent être un facteur très important pour rassembler la société civile, malgré les grandes différences qui existent entre les pays méditerranéens29, tout comme les jeunes qui peuvent également contribuer positivement à ce processus30.
La condition principale pour que ce scénario puisse se dérouler passe par la nécessaire reconnaissance explicite et effective des libertés d’expression, d’association et de réunion, qui permettront la création d’un vaste réseau de partis politiques et d’organisations non gouvernementales représentatifs du pluralisme et de la diversité des sociétés arabes. Du fait que, pour mener à bien ces actions, il est nécessaire un soutien financier, la Commission et la Haute Représentante, dans leur Communication conjointe sur la révision de la PEV, proposèrent la création non seulement d’un Fonds européen pour la démocratie31, mais aussi
d’une facilité dédiée au soutien à la société civile32. Dans sa Communication de 2013, l’UE, bien qu’elle souligne que la Tunisie, l’Egypte, la Lybie33, mais aussi la Jordanie, le Maroc et l’Algérie, ont connu des améliorations en relation à la mise en place d’une démocratie solide et durable, elle reconnait l’existence de préoccupations, en particulier en ce qui concerne la liberté de réunion d’association et d’expression34. Suite aux troubles en Egypte au mois d’août, la UE mentionna son intention de réajuster sa coopération en conséquence de l’évolution de la situation dans le pays35.
Deux autres éléments sont essentiels pour le renforcement de la société civile. D’une part, et avec comme objectif de promouvoir un dialogue social effectif, les nouvelles organisations de patronat et de syndicats sont appelées à développer un rôle chaque fois plus actif dans les sociétés nées des révoltes dans les pays arabes qui ont réclamé systématiquement plus de liberté et de justice sociale. D’autre part, nous ne devons pas ignorer que la liberté des moyens de communication est très importante pour articuler des sociétés civiles solides, plurielles et engagées dans les processus de réforme politique qui conduisent à une démocratie effective.
Les moyens de communication de masse -radio, télévision et internet- dans la mesure où ils peuvent franchir les frontières physiques, constituent des instruments d’échange interculturel, ainsi qu’une prise de conscience réciproque36. Sans aucun doute, le libre accès à ces médias génère des expectatives de plus grande liberté et de démocratie, comme nous avons pu le constater lors des récentes révoltes arabes.
Les signataires de la Déclaration de Barcelone décidèrent d’établir une association sur les questions sociales, culturelles et humaines –comme troisième pilier de ladite association-, avec comme finalité de rapprocher les peuples et les cultures, ainsi que d’améliorer la perception mutuelle, le plus souvent victime des tous les types de stéréotypes37, dont l’origine n’est
que l’ignorance et les préjugés38. Dans ce sens, il faut également souligner l’importance du dialogue interculturel et interreligieux, ainsi que le rôle des moyens de communications pour la connaissance et la compréhension mutuelle entre les cultures39.
Avec l’objectif de renforcer le dialogue interculturel entre les différents pays et les sociétés qui constituent l’espace euro-méditerranéen, l’UE a mené a terme une série d’initiatives40 entre lesquelles se distingue particulièrement la création de la Fondation Euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures. Après une première étape de consolidation, la Fondation devra non seulement financer de grands projets relatifs à l’éducation, la jeunesse ou les moyens de communication, mais aussi se centrer de manière plus importante sur l’élaboration de stratégies plus ouvertes et transversales qui incluent des questions comme la sensibilisation ou la prévention des conflits, avec une plus grande interaction avec les réseaux nationaux et avec les gouvernements et la société civile des pays méditerranéens.
Bien que la coopération puisse d’intensifier dans une multitude de secteurs, certains d’entre eux doivent être renforcés plus particulièrement avec le nouveau partenariat pour la démocratie et la prospérité partagée. Entre ceux-ci, nous pouvons mentionner ceux relatifs à la protection de l’environnement et du changement climatique ; le transport ; l’énergie, l’éducation et l’innovation, le tourisme et finalement le secteur agricole et le développement rural.
En relation avec la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique, l’UE doit encourager une meilleure concertation avec ses voisins méditerranéens pour augmenter l’efficacité des ressources, protéger la biodiversité et les écosystèmes, favoriser les investissements les plus opportuns en matière d’infrastructures, ainsi qu’adopter et appliquer des normes plus exigeantes en relation avec la qualité de l’air et de l’eau. En ce qui concerne la lutte contre le changement climatique, la coordination doit s’orienter vers l’accomplissement des compromis internationaux pour la réduction des émissions et l’amélioration de la résistance des impacts climatiques.
La coopération en matière de transport de l’UE avec les pays méditerranéens devrait centrer les efforts de la Commission sur deux matières principalement: la création d’un espace aérien euro-méditerranéen, avec l’amélioration du trafic aérien et la sécurité aérienne41 d’une part et l’adoption d’une stratégie maritime pour améliorer la sécurité, la surveillance et la protection en mer d’autre part. En 2013, des négociations dans le secteur de l’aviation doivent se développer avec la Tunisie et le Liban42.
Du fait de sa dépendance en hydrocarbures43, la coopération en matière énergétique a un caractère stratégique pour l’UE. La région méditerranéenne dans son ensemble concentre 9% de la demande mondiale en énergie et concentre 4.6 pour 100 des réserves mondiales de pétrole et de gaz, situées principalement dans le Sud, face à un Nord principalement consommateur44. Pour cela, la Méditerranée méridionale constitue pour l’UE un facteur qui augmente sensiblement sa sécurité énergétique45, non seulement pour la distribution directe depuis certains partenaires du Sud, mais aussi car il s’agit d’une zone de circulation d’une importance stratégique pour l’UE.
En ce qui se réfère aux énergies renouvelables, si leurs croissances dans la rive nord méditerranéenne est supérieures à la moyenne mondiale, la situation est très différente au Sud
car elle est bien plus inférieure et très au deçà de cette moyenne. Pour cela, l’investissement conjoint en énergie renouvelable dans la Méditerranée du Sud pourrait être très intéressante pour les deux rives, en intensifiant les lignes de coopération dans ce domaine comme le Plan solaire méditerranéen par exemple46.
Avec l’objectif d’intégrer progressivement les partenaires méditerranéens dans le marché intérieur de l’énergie de l’UE et de rapprocher les politique énergétiques, il devrait être établi à moyen terme une Communauté de l’Energie UE-Méditerranée méridionale, qui commencerait par le Maghreb et continuerait par le Machrek pouvant même s’intégrer à l’actuelle Communauté de l’Energie47 qui regroupe sept Etats et territoires des Balkans48.
De même, l’UE doit développer la coopération dans les domaines de la connaissance au sein de la région méditerranéenne, en encourageant également la coopération dans la recherche et l’innovation. Une attention spéciale devrait être portée au renforcement de la mobilité des étudiants, des professeurs et des chercheurs, à travers une meilleure utilisation des programmes Erasmus Mundus, Euromed et Tempus49, sans oublier l’importance de l’éducation et de la formation professionnelle50. La création d’un espace euro-méditerranéen d’enseignement
upérieur et de recherche, malgré les difficultés que cela implique, devrait être un objectif à atteindre à moyen ou long terme51. En avril 2012, une conférence euro-méditerranéenne sur la recherche et l’innovation eut lieu à Barcelone. Elle donna lieu à la création d’un groupe de recherche, une plate forme IV « Contacts Interpersonnels », dédié à la coopération en matière de recherche et d’innovation. De fait, selon la communication « Politique européenne de voisinage : vers un renforcement du partenariat », des progrès notables ont été accomplis dans ce secteur.
Finalement, et de manière particulière, la coopération dans le secteur du tourisme devrait se renforcer. En effet, il constitue un composant très important des économies de nombreux PTM et il favorise la diversité et l’échange interculturel. Le secteur agricole devrait aussi être objet d’une attention spéciale, du fait de sa place dans le PIB de plusieurs pays méditerranéens, et parce que de nouveaux facteurs comme l’augmentation des prix des aliments ainsi que l’instabilité créée par les récents évènements dans le monde arabe, déterminent la convenance, d’une part, de renforcer l’efficacité et la productivité de son secteur agricole, et, d’autre part, de garantir la sécurité de la distribution des aliments. La modernisation du secteur agricole et le progressif rapprochement des normes de qualité et de sécurité alimentaire de l’UE, ainsi que le renforcement du développement rural, devraient être des questions prioritaires de la coopération dans ce secteur.
L’Instrument Européen de voisinage et de partenariat (IEVP), établit une aide de 4000 millions d’euros, -principalement à travers des programmes d’assistance bilatérale- pour les pays méditerranéens du Sud jusqu’à la fin du cadre financier pluriannuel en vigueur jusqu’en 2013. Du fait des récents changements produits dans la région, une réorientation de l’aide de l’UE aux pays méditerranéens s’impose. De toute manière, celle-ci devrait se réaliser en étroite coopération avec ces pays54.
D’autre part, cette réorientation nécessaire devrait se consolider dans les propositions de la Commission pour le nouveau cadre financier pluriannuel 2014-202055, où l’IEPV, qui continuera d’être la principale source de financement a travers des programmes bilatéraux, régionaux et de coopération transfrontalière, devrait être plus attentif aux nécessités politiques des pays de la Méditerranée du Sud et refléter d’une manière bien plus définie les grands principes sur lesquels elle reposerait dans le futur. Dans ce sens, la conditionnalité devrait être plus rigoureuse, la différenciation scrupuleuse, la flexibilité plus grande et les incitations plus importantes pour les pays qui ont avancé le plus dans les réformes politiques et économiques. Avec l’objectif d’aider les partenaires du Sud à mener à bien les grands projets d’infrastructure destinés à obtenir une meilleure interconnexion, que se soit au niveau vertical (Nord-Sud) ou horizontal (Sud-Sud), ainsi que pouvoir aborder avec des plus grandes possibilités de succès les défis en attente dans les secteurs antérieurement décrits, en particulier l’environnement, l’énergie, les transports et l’éducation, il est absolument nécessaire de compter avec le soutien de la Banque européenne d’investissement56, et d’autres banques régionales comme la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, ou d’autres institutions financières internationales. Leurs actions coordonnées pourraient permettre le développement de projets de coopération et de financement communs. La Commission, ou plus précisément, le Service européen d’action extérieure, devrait participer d’ailleurs à la
conception desdits projets.
Les nouvelles nécessités dérivées de la nouvelle situation née dans la région, en particulier
dans les Etats où se sont produits des changements politiques suites aux révoltes, vont avoir besoin d’un soutien financier additionnel57 pour aider à consolider les réformes politiques en route ou les réformes économiques. De même, il est urgent que se développe l’investissement privé dans les pays méditerranéens car cette carence, comme nous l’avons mentionnée, crée une situation endémique qui handicape leur développement. Pour cela, la Commission devrait continuer à capter des prêts de la facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat (FEMIP), de la BEI et d’autres institutions internationales58. De plus, l’institution européenne devrait stimuler la participation des Etats membres et promouvoir un cadre de protection à l’investissement des entreprises européenne intéressées à travailler dans la région59. Selon la Communication de mars 2013, le total des crédits alloués au titre de ladite facilité a atteint 335.1 millions d’euros pour le voisinage méridional (sur un total de 594.9
millions d’euros).
L’UE a démontré, à plusieurs reprises, sa volonté et son imagination dans ses relations avec la Méditerranée méridionale, mais elle n’a toujours pas trouvé le modèle le mieux adapté. Les grandes expectatives générées par l’Association euro-méditerranéenne, la Politique européenne de voisinage ou l’Union pour la Méditerranée ont eu des résultants très modestes dans la pratique, bien que meilleurs dans les deux premières initiatives que dans la troisième, qui continue submergée dans une paralysie inquiétante. De toute manière, ces initiatives, qui ont été marquées par un certain dirigisme du Nord, n’ont pas déployé l’énergie suffisante pour générer un véritable changement capable, non seulement de renverser une situation endémique d’asymétrie et de fracture entre les deux rives, mais ni même pour permettre une amélioration appréciable. Le conflit arabo-israélien a pris en otage successivement et systématiquement toutes les initiatives. Il semble donc nécessaire et urgent de trouver une méthode efficace pour isoler ledit conflit afin d’éviter qu’il envenime l’ensemble des relations euro-méditerranéennes ou que son influence soit peu importante.
Les récents évènements dans le monde arabe, qui ont provoqué un réveil démocratique sans précédent dans la région, ont mis en évidence l’UE, qui durant des années a soutenu les autocraties de la rive Sud et Est de la Méditerranée avec la conviction qu’elle travaillait pour la stabilité, qu’elle canalisait les flux migratoires et que se construisait de cette manière un rempart contre l’intégrisme islamiste. Les révoltes arabes ont démontré que cette politique était erronée et qu’en réalité l’UE n’avait fait que consolider des régimes corrompus et alimenter leur autoritarisme. La realpolitik de l’UE et de ses Etats membres dans la région méditerranéenne à travers de leurs étroites alliances avec les régimes dominants de leur voisinage du Sud, a été mise en évidence, mais celle-ci explique également la réaction lente, tardive et parfois non coordonnée des institutions et de ses états membres.
Les relations de l’UE envers ses partenaires du Sud ont été dominées par une certaine schizophrénie tactique qui lui a permis de rendre compatible un discours officiel de soutien aux valeurs démocratiques et le respect des droits de l’homme, avec des alliances très étroites avec les autocraties du Sud. Les clauses formelles de conditionnalités démocratiques liant les accords et les aides relatives au respect des droits de l’homme n’ont jamais été appliquées. Elles se sont limitées à un formalisme stérile, malgré les contradictions scandaleuses que cette attitude générait vis-à-vis des valeurs et principes de la propre Union.
Il est évident que cette hypocrisie a créé un déficit de légitimité démocratique européen dans la région méditerranéenne que le printemps arabe a mis en évidence sans égards. Il est fort possible que les erreurs commises par l’UE et ses Etats membres en soutenant des autocraties installées dans leur voisinage du Sud depuis des décennies, finissent par passer facture, non seulement par rapport à sa crédibilité, mais aussi par rapport à son influence dans la région. Le déclin qui semble s’installer dans l’UE à cause de la crise économico-financière qui menace la monnaie unique et réduit considérablement la capacité extérieure, ne constitue pas non plus un facteur favorable pour les relations euro-méditerranéennes.
Le printemps arabe a créé un panorama incertain dans la région avec des conséquences encore imprévisibles. Cependant, et face à ceux qui considèrent que la nouvelle situation, et sa possible évolution, constituent une menace pour l’UE, à cause de la capacité de déstabilisation que pourrait provoquer l’augmentation de l’islamisme et de l’immigration illégale, nous croyons que celui-ci est une opportunité pour l’UE afin de s’amender de ses erreurs antérieures. Pour cela, et plus que jamais, une réaction coordonnée et définie, mais surtout stratégique, s’impose, bien au-delà de simples retouches esthétiques en ce qui concerne les initiatives de l’UE, qui ont démontré jusqu’à présent le manque de résultats positifs. Il est nécessaire que l’Union identifie les priorités et favorise des interventions qui renforceront ses intérêts dans la région méditerranéenne.
Cependant, cela n’implique pas le retour à des positions égocentriques car l’adoption d’une attitude géostratégique en accord avec ses propres intérêts est complètement compatible avec
un compromis européen avec les processus démocratiques et d’ouverture des PTM. Au lieu de se renfermer et d’adopter une position égoïste, l’UE devra s’impliquer bien dans les processus de démocratisation et dans le développement des droits de l’ homme, en adaptant son discours aux actions sur le terrain, et en appliquant, sans égards, les principes de conditionnalité et la différenciation qu’elle a si souvent proclamés sans jamais appliquer.
Cette nouvelle étape caractérisée par la nécessité de doter d’une nouvelle approche les relations euro-méditerranéennes suite au printemps arabe, devra être accompagnée d’une profonde réflexion au sein de l’UE en relation à trois questions qui nous semblent d’une importance fondamentale. D’une part, il faudra trouver une formule appropriée pour que les initiatives en vigueur, AEM, PEV et UpM, au lieu de constituer des plateformes qui doublent ou triplent les efforts et les énergies, provoquant alors souvent des résultats moindres, génèrent un effet multiplicateur. Ceci devra être accompagné de mécanismes qui, sans ignorer la pertinence d’augmenter le commerce, les aides financières et d’améliorer la mobilité, iront surtout plus loin, en créant un climat de confiance et une plus grande implication des partenaires méditerranéens dans les initiatives afin d’éviter la sensation du traditionnel dirigisme du Nord. D’autre part, l’inévitable croissance de la présence d’autres acteurs dans la zone de la Méditerranée, devra faire réfléchir l’UE pour que soit compatible sa présence et influence traditionnelle dans la région avec celle d’autres acteurs. De fait, le printemps arabe a mis en avant la Turquie, laquelle s’érige comme un modèle à suivre par les nouveaux régimes islamistes
modérés qui semblent s’installer massivement dans le Sud.
Finalement, la portée panarabe des révolutions, qui ont dépassé le cadre exclusivement méditerranéen pour s’étendre jusqu’à la péninsule arabique et le Golfe Persique, ont déterminé la nécessité de l’UE à redessiner sa politique extérieure vis-à-vis de la région. Elle devrait concevoir une Méditerranée élargie qui inclurait le nord de l’Afrique, le Moyen Orient et la péninsule arabique, au lieu de la traditionnelle séparation qui jusqu’alors était d’application entre la Méditerranée stricto sensu et le Moyen Orient -incluant le Golfe-, qui est en opposition avec la logique politique et économique de la région et des propres intérêts de l’UE. Cette approche, sans aucun doute plus ambitieuse, nécessite une action extérieure de l’UE bien plus définie, qui pour le moment, ne semble pas visible.
Sans pour autant en oublier ses voisins de l’Est, il est évident que l’UE doit rééquilibrer su attention en faveur du Sud. Pour cela, elle doit réorienter sa politique extérieure en donnant plus d’importance à la Méditerranée. Au-delà de l’adoption de nouveaux documents par la Commission qui, avant d’être appliqués, seront réajustés par les états, il est nécessaire qu’une fois pour toutes, l’UE décider d’agir de manière plus cohérente et exerce un leadership qui corresponde à son potentiel, tant au niveau global que particulier envers son voisinage proche qu’est la Méditerranée.